L’émergence des systèmes autonomes communicants sans fil

L’émergence des systèmes autonomes communicants sans fil 

More Moore : la réduction de la consommation électrique des composants

Depuis le début de l’industrie microélectronique, la miniaturisation des composants électroniques a permis une réduction continue de la consommation électrique des composants, à tel point que, alors que les processeurs devenaient de plus en plus complexes (loi de Moore ), leur consommation électrique est restée sensiblement égale. On peut facilement constater cette tendance en observant  l’évolution concourante du nombre de transistors, de la fréquence de fonctionnement et de la consommation électrique des processeurs Intel entre 1994 et 2008.

More than Moore : l’apport de nouvelles fonctions

Cette exceptionnelle amélioration des technologies microélectroniques (typiquement CMOS) a été complétée par l’apparition et le développement de procédés technologiques nouveaux permettant l’usinage en surface et en volume du silicium. A la fin des années 80, le micromoteur rotatif sur puce de Tai et Muller [1] constitue un fait marquant que beaucoup tenteront de reproduire comme un passeport pour entrer dans le domaine des MEMS. Ainsi est né dans les années 80 le concept de MEMS (micro electromechanical system) aux États-Unis ou Microsystème en Europe. Aujourd’hui, l’offre des MEMS englobe des domaines variés comme la défense (micro-amorces), le médical (micro-pompes, microvalves), l’électronique (micro-relais, buses imprimantes jet d’encre), les télécommunications (accéléromètres, magnétomètres, gyroscopes dans les téléphones et les consoles de jeu, micro-miroirs pour vidéoprojecteurs ou le transfert de données optique) ou l’automobile (capteurs pour correction de trajectoires, gestion de l’Airbag, capteurs de pression des pneus)

L’intelligence ambiante : une combinaison de 4 tendances

Les années 2000 marquent un tournant pour les MEMS avec l’émergence d’un concept nouveau, appelé intelligence ambiante qui se situe au carrefour de quatre axes de progrès :

(i) L’évolution de la technologie silicium avec une réduction de la taille et de la consommation électrique des composants électroniques (à performance équivalente), qui permet de faire des microsystèmes consommant moins d’un microwatt .

(ii) L’apport des fonctionnalités MEMS qui, avec le concours d’une résolution de photolithographie toujours plus fine, permet de concevoir et fabriquer des objets fonctionnels (capteurs/actionneurs) extrêmement compacts et donc peu invasifs. Aujourd’hui les niveaux d’intégration des MEMS sont de plus en plus poussés et les microsystèmes sont de plus en plus complexes et hétérogènes [2].

(iii) l’évolution de l’informatique et des réseaux qui depuis la naissance du concept de l’ordinateur en 1960 [3] ont fait des progrès spectaculaires : il est possible de concevoir des réseaux reconfigurables ad hoc, dont les nœuds sont mobiles, avec des liaisons tolérantes aux fautes.

(iv) L’évolution du stockage de l’énergie qui a été largement miniaturisé grâce à des densités d’énergie en très forte augmentation depuis l’apparition dans les années 1990 des accumulateurs Li-ion : les valeurs atteintes sont aujourd’hui autour de 550 Wh.l⁻¹ , 250 Wh.kg⁻¹ .

Née alors l’idée que l’on peut intégrer dans des volumes extrêmement réduits (<mm3) des fonctionnalités sensorielles, électroniques, des moyens de calculs et des moyens de communication afin de créer des ambiances intelligentes à partir de capteurs communiquant. La première preuve de concept de réseau de capteurs communiquant sans fil remonte au milieu des années 90 : le projet LWIM (Low- power Wireless Integrated Microsensor) a été développé par la DARPA et l’UCLA [5]. Il s’agissait d’un géophone équipé d’un capteur de transmission radiofréquence et d’un microcontrôleur.

Le concept qui a fait date et qui a inspiré nombreuses réflexions et travaux en intelligence ambiante est le Smart Dust [5]– littéralement poussière intelligente – lancé en 1997 par le professeur Pister au BSAC (Berkeley Sensor and Actuator Center) de l’Université de Berkeley qui avait pour objectif de concevoir et fabriquer des capteurs microscopiques pour la surveillance d’un champ d’opération militaire (champ de bataille ou plus tristement surveillance d’une population civile). L’idée initiale très ambitieuse était d’intégrer dans 1mm3 un capteur, son alimentation électrique, l’électronique et un moyen de communication optique (bidirectionnelle) et un microprocesseur.

Depuis le concept du Smart Dust en 1997, la technologie des capteurs sans fil a beaucoup évolué. Les modules (ou nœuds) deviennent de plus en plus petits et les durées de vie prévues augmentent. Aujourd’hui, le marché a été investi par l’industrie et des modules produits par Crossbow [6], DustNetwork [7], MeshNetics [8], Accsense [9], Millenia [10], Ember [11] ou Microstrain [12] exploitant des protocoles de transmission radio (bluetooth, bande ISM) sont disponibles.

Enjeux des réseaux de capteurs sans fil

A ce jour, l’une des applications les plus répandues de ces systèmes autonomes est le réseau de capteurs sans fil (ou WSN) : de nombreux capteurs autonomes sont répartis sur la zone à surveiller, où ils recueillent les données pertinentes de leur environnement (température, présence de gaz toxique, vibration…) et la transmettent enfin à l’utilisateur ou à un système dédié de diagnostic automatique [13].

Les enjeux sociétaux et économiques des réseaux de capteurs sans fil sont d’importance puisqu’ils portent sur l’intégration de « l’intelligence » autour de l’Homme et de son environnement dans de nombreux domaines d’application : la santé, l’environnement, la sécurité (civile ou militaire), l’alimentation, le transport (maritime et terrestre), l’aéronautique et l’espace ou l’habitat. Ainsi, des avancées importantes ont été faites ces dernières années sur les aspects réseaux (sécurisation des données échangées, tolérance aux fautes de transmission, tolérance à la mort d’un ou de plusieurs nœuds, configuration ad hoc) ainsi que sur les technologies d’intégration et d’assemblage du capteur (capteur luimême entouré de l’électronique, de l’énergie et du module de communication). Les applications typiques de réseau de capteurs sans fil requièrent que chaque nœud du réseau soit de petite taille, endurant vis-àvis de son environnement (température, vibrations, humidité, agressions chimiques) et d’une durée de vie importante (supérieure à 10 ans). Ainsi, l’alimentation énergétique et la gestion de l’énergie électrique est une question centrale dans la conception de réseaux de capteurs. La trop faible densité d’énergie des stockages électrochimiques limite la durée de vie des réseaux déployés ou impose une opération de maintenance parfois périlleuse (milieux difficilement accessibles, risque de perturber l’environnement de mesure). Des stratégies d’organisation du réseau pour minimiser les transmissions RF (voir par exemple [14]), d’optimisation des composants et de limitation de la fréquence et de la précision des mesures sont parfois mises en place mais elles n’apportent qu’une économie limitée des ressources énergétiques embarquées.

Applications des réseaux de capteurs communicants sans fil

A court terme, trois grands domaines applicatifs paraissent d’intérêt pour les réseaux de capteurs autonomes :

La surveillance de l’environnement pour son étude

L’illustration la plus récurrente est la surveillance des évolutions météorologiques et physiques, comme le suivi de l’évolution d’un glacier [15] ou du permafrost d’une montagne [16]. Ce sont des applications où les capteurs doivent être dans un emplacement fragile et inaccessible, et où des réseaux câblés – bien que techniquement possibles – auraient été particulièrement difficiles et économiquement absurdes. Un réseau de capteurs autonomes sans fil permet un déploiement techniquement plus abordable, donc économiquement pertinent.

La surveillance pour interagir avec l’environnement

Cette application découle du concept d’intelligence ambiante. Les réseaux de capteurs autonomes sont capables de deux configurations interdites aux réseaux de capteurs câblés : le réseau de capteurs en mouvement les uns par rapport aux autres et le réseau de capteurs déployés dans l’urgence ou disséminés. Ces situations ont été les premiers moteurs de l’émergence de la recherche sur les réseaux de capteurs autonomes, notamment le concept de Smart Dust [5]. Une application caractéristique d’un réseau de capteur dont les nœuds sont en mouvement les uns par rapport aux autres est issue des projets NEST [14] et PinPTR [17] : les chercheurs ont pu localiser avec précision la position d’un tireur isolé en utilisant le retournement temporel à partir des données acoustiques captées par les nœuds sur le terrain . Les capteurs, d’abord fixes dans le projet PinPTR, sont attachés aux casques des soldats déployés sur le champ d’opération dans le projet NEST. Le système est alimenté par un stockage électrochimique (batterie) qui occupe 90 % du volume du nœud, ce qui illustre la problématique de l’énergie dans l’autonomie des microsystèmes autonomes. Au-delà du bénéfice économique et industriel, l’abaissement des coûts et de la difficulté de déploiement que permettent les réseaux de capteurs autonomes de surveillance peuvent avoir un bénéfice humain marquant, comme le projet (financé par la DARPA) de remplacement de champs de mines anti-personnel par des capteurs disséminés .

La surveillance de structures mécaniques et d’appareils industriels

Dans la plupart des cas, la maintenance des appareils industriels (machines-outils, véhicules) et des structures mécaniques subissant des chocs ou des vibrations est effectuée de deux façons : les révisions sont programmées sur une estimation statistique de durée de fonctionnement sans panne (maintenance préventive systématique), et les réparations lorsque la panne est avérée (maintenance corrective). Ce mode opératoire a trois défauts majeurs :

– les maintenances correctives (palliatives et curatives) sont coûteuses puisqu’une partie au moins de l’élément en panne est endommagé,
– les révisions doivent être programmées fréquemment – et cela est particulièrement le cas sur les systèmes devant assurer un très haut niveau de sûreté de fonctionnement, comme les avions – pour éviter les défaillances coûteuses, parfois en vies humaines
– cette méthode procure un niveau de fiabilité insatisfaisant puisqu’elle se fonde sur une estimation de la survenue de la prochaine panne en se basant sur des considérations statistiques. Ainsi, la fatigue exceptionnellement précoce d’une structure (par exemple la combinaison de défauts de fabrication et d’une exposition à de très violentes turbulences) pourrait mener à la rupture d’un élément avant la date de la révision programmée, même si celles-ci sont très fréquentes, et entrainer des réparations coûteuses et – dans certaines applications – de possibles pertes de vies humaines.

Les réseaux de capteurs devraient permettre de détecter et prévoir automatiquement la panne, et donc de remplacer le couple maintenance systématique/maintenance corrective par une maintenance conditionnelle ou prévisionnelle . Le contexte de ce travail de thèse se situe dans cette catégorie d’application puisque il s’agit de détecter les endommagements et prévoir la maintenance de structures aéronautiques.

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Table des matières

Introduction générale
Introduction générale
Chapitre 1
1. Introduction
2. L’émergence des systèmes autonomes communicants sans fil
2.1.1. More Moore : la réduction de la consommation électrique des composants
2.1.2. More than Moore : l’apport de nouvelles fonctions
2.1.3. L’intelligence ambiante : une combinaison de 4 tendances
2.2. Enjeux des réseaux de capteurs sans fil
2.3. Applications des réseaux de capteurs communicants sans fil
2.3.1. La surveillance de l’environnement pour son étude
2.3.2. La surveillance pour interagir avec l’environnement
2.3.3. La surveillance de structures mécaniques et d’appareils industriels
3. L’intérêt des systèmes autonomes communiquant sans fil pour la surveillance de structures mécaniques
3.1. Systèmes de mesure de SHM: état des pratiques
3.1.1. Actionneurs/capteurs magnétostrictifs
3.1.2. Fibre optique
3.1.3. Actionneurs/capteurs piézoélectriques
3.2. Vers des réseaux de capteurs miniaturisés autonomes
3.2.1. Structures des réseaux de capteurs
3.2.2. Le problème des réseaux câblés
3.2.3. Faisabilité de microsystèmes autonomes
4. La problématique énergétique des microsystèmes autonomes pour SHM
4.1. Evaluation des besoins
4.2. Quelles sources d’énergie ?
4.2.1. Sources finies : stockage électrochimique
4.2.2. La récupération de l’énergie ambiante
4.2.3. Vibrations
4.2.4. Gradients de température
4.2.5. Rayonnement radiofréquence
4.2.6. Rayonnement solaire
4.3. Le stockage tampon de l’énergie récupérée
5. Quelles stratégies énergétiques pour l’autonomie énergétique d’un capteur destiné à la surveillance d’une structure aéronautique ?
5.1. Intérêts dans la problématique industrielle aéronautique
5.2. Cahier des charges du projet AUTOSENS
5.2.1. Contexte de ce travail
5.2.2. Contraintes d’encombrement et d’environnement
5.2.3. Contraintes générales sur la source d’énergie
5.2.4. Contraintes générales sur le stockage de l’énergie
5.3. Architecture de base d’un microsystème autonomes destiné à la surveillance d’une structure aéronautique
5.4. L’intérêt de la technologie MEMS pour intégrer l’énergie avec le capteur
5.5. L’énergie vibratoire disponible dans l’environnement capteur
5.6. Pré-dimensionnement du dispositif de stockage tampon
6. Conclusion et objectifs/défis de cette thèse
Chapitre 2
1. Introduction
2. Conversion des vibrations mécaniques en énergie électrique
2.1. Principe des générateurs inertiels
2.2. Energie disponible
2.3. Mécanismes de transduction
2.3.1. Electromagnétique
2.3.2. Electrostatique
2.3.3. Piézoélectrique
2.3.4. Autres méthodes
2.3.5. Résumé et choix de la transduction piézoélectrique
3. Générateurs piézoélectriques
3.1. Principe de fonctionnement
3.1.1. L’effet piézoélectrique
3.1.2. Equations constitutives
3.2. Matériaux piézoélectriques
3.3. Les générateurs piézoélectriques macroscopiques et miniatures
3.4. Les générateurs piézoélectriques intégrés en technologie silicium
4. Conception d’un générateur piézoélectrique pour récupérer les vibrations de structures aéronautiques
4.1. Contraintes initiales
4.2. Le choix d’un dispositif résonant
4.3. Choix du matériau piézoélectrique
4.4. Choix technologique pour l’intégration de la couche piézoélectrique
4.5. Modélisation du générateur pour la conception
4.5.1. Modèles de la littérature
4.5.2. Description du modèle développé
4.6. Design choisi
5. Fabrication du générateur piézoélectrique
5.1. Présentation globale du procédé
5.2. Discussion sur les étapes clés de fabrication
5.2.1. Gravure KOH
5.2.2. Collage
5.2.3. Gravure LASER
6. Caractérisation : performances et discussion
6.1. Protocole expérimental de caractérisation
6.2. Validation du modèle
6.2.1. Construction du modèle
6.2.2. Comparaison simulation/expérience
6.3. Performances du dispositif
6.3.1. Faibles accélérations (0,1g et 0,2g)
6.3.2. Fortes accélérations (0,3g à 0,5g)
6.3.3. Déphasage entre les poutres
7. Comparaison à la littérature et discussion
7.1.1. Figures de mérite
7.1.2. Réponse en fréquence
7.1.3. Comparaison et discussion
8. Synthèse et conclusion du chapitre
Chapitre 3
1. Introduction
1.1. Supercondensateurs
1.1.1. Condensateur à double couche électrochimique
1.1.2. Supercondensateurs pseudo-capacitifs et supercondensateurs hybrides
1.1.3. L’autodécharge
1.2. Etat de l’art de l’intégration de micro-supercondensateurs sur silicium
1.2.1. Dépôt / croissance du matériau d’électrode
1.2.2. Encapsulation de l’électrolyte : vers le composant complet
2. Etude technologique préliminaire
2.1. Structure générale des composants
2.2. Technologies explorées et résultats
2.2.1. Méthode de dépôt par jet d’encre
2.2.2. Méthode de dépôt par électrophorèse
2.3. Conception basée sur la méthode de dépôt par sérigraphie dans des cuves enterrées
3. Procédé de fabrication et développements technologiques
3.1. Dépôt du matériau d’électrode
3.1.1. Procédé complet
3.1.2. Photolithographie sur motifs 3D profonds
3.1.3. Dépôt du matériau d’électrode
3.2. Encapsulation de l’électrolyte liquide
3.2.1. Procédé d’encapsulation simple
3.2.2. Limitations du procédé en un temps
3.2.3. Description du procédé d’encapsulation en deux temps
4. Caractérisations électrochimiques des microsupercondensateurs
4.1. Etudes sur les électrodes
4.1.1. Capacité surfacique
4.1.2. Effet de la microstructure
4.1.3. Perspectives sur les micro-supercondensateurs
4.2. Caractérisation de l’encapsulation
4.2.1. Herméticité – encapsulation simple
4.2.2. Caractérisation d’un composant complet (encapsulation en deux temps)
5. Conclusion
Chapitre 4
1. Introduction
2. Rappel des éléments constitutifs du microsystème autonome AUTOSENS et de notre démonstrateur
3. Validations expérimentales par assemblage d’un démonstrateur simple et représentatif
3.1. Alimentation d’une diode par le microgénérateur au travers d’un étage AC/DC et DC/DC
3.2. Alimentation d’une diode par un micro-supercondensateur chargé
4. Modélisation système pour explorer son autonomie
4.1. Choix du support de modélisation
4.2. Modèle du générateur piézoélectrique
4.2.1. Modélisation VHDL-AMS du générateur piézoélectrique dans la littérature
4.2.2. Procédure et résultats
4.2.3. Limitations et alternatives
4.3. Modèle du micro-supercondensateur
4.3.1. Autodécharge
4.3.2. Modèles de supercondensateurs dans la littérature
4.3.3. Construction du modèle et validation sur composant commercial
4.4. Simulation VHDL-AMS générateur et supercondensateur
5. Conclusion
Conclusion générale

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