L’émergence de l’investissement socialement responsable
La COP 21 comme signal fort
L’accord de Paris signé en 2015 dans le cadre de la COP 21 a certainement été le signe fort attendu du monde politique en vue de la transformation d’une économie dominée par les énergies fossiles vers une économie durable. Plusieurs articles de cet accord encouragent le monde de la finance à participer à cette transition énergétique car le besoin en financement pour l’adaptation et la construction des infrastructures est énorme.
L’article 2 de l’accord de Paris fixe l’objectif suivant : « Maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels et poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, tout en reconnaissant que cela réduirait considérablement les risques et les impacts du changement climatique » (Nation Unies, 2015). Afin de pouvoir atteindre ces objectifs, l’accord stipule dans ce même article qu’il faut « rendre les flux financiers compatibles avec un développement à faibles émissions de gaz à effet de serre et résiliente au climat. » (Nations Unies, 2015) Un peu plus loin dans le texte, l’article 9 prévoit que « les pays développés doivent fournir des ressources financières pour aider les pays en voie de développement afin qu’ils atteignent les objectifs stipulés dans la Convention en les soutenant dans leur adaptation. »
(Nations Unies, 2015) Ces articles sont basés sur plusieurs rapports d’organisations mondiales sur le climat. Selon la commission mondiale sur l’économie et le climat, un investissement annuel de plus de USD 6 milliards est nécessaire pour de nouvelles infrastructures à faible émission de carbone, tandis que le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) estime qu’il faudra USD 150 milliards supplémentaires par an d’ici 2025 pour l’adaptation des infrastructures existantes pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris (Shankleman, 2015). Cet accord signé par 196 pays constitue un signal fort de la part de la classe politique internationale afin de sauver notre planète. Les objectifs fixés sont ambitieux et au vu de l’importance des fonds nécessaires pour les atteindre, le monde de la finance est lui aussi appelé à innover en matière d’investissement durables. C’est donc dans ce contexte favorable à la participation du monde de la finance à la transition énergétique que les Green Bonds ont fait leur apparition.
Les Green Bonds 2.1 Qu’est-ce qu’un Green Bond ?
Le Green Bond, terme anglais pour obligation environnementale ou obligation verte, est un instrument financier du marché de la dette, par laquelle un émetteur (état, organisation, entreprise) soulève des fonds en vue de financer un projet spécifique à caractère environnemental. Son fonctionnement est identique à une obligation traditionnelle « plain vanilla » mais elle se différencie principalement sur deux points : ? L’allocation totale des fonds à un projet environnemental ? La transparence via un reporting annuel En effet, l’émetteur assure à l’investisseur une allocation totale des fonds pour un ou plusieurs projets environnementaux précis. Un rapport détaillé sur le projet est fourni à l’investisseur avant l’émission des obligations, puis un rapport détaillant l’utilisation des fonds et l’impact environnemental atteint par l’investissement est publié chaque année.
La différenciation face à un investissement obligataire traditionnel se fait donc par l’allocation des fonds pour des projets spécifiques et non pas en termes de rendement car par définition, il ne devrait pas y avoir d’écart de rendement entre les obligations traditionnelles et les obligations vertes. En effet, dans les deux cas, le risque de crédit découle du même bilan et des mêmes ratios financiers. En effet, la note attribuée par les agences de notation à l’obligation verte est basée sur les mêmes critères qu’une obligation traditionnelle. La note attribuée à l’obligation verte sera donc celle de l’émetteur et non pas celle du projet environnemental auquel les fonds seront dédiés. Le « credit rating » d’une obligation verte sera par conséquent identique à celui d’une obligation traditionnelle émise par le même émetteur, ce qui permet aux investisseurs de ne pas devoir prendre de risque supplémentaire, comme par exemple à travers un fonds thématique, tout en étant exposé à l’investissement responsable. Des rendements similaires à ceux obtenus par l’investissement dans une obligation traditionnelle devraient donc être obtenus par les investisseurs. Les obligations vertes sont un véritable véhicule d’investissement par opposition à une forme de philanthropie (Swiss Sustainable Finance, 2017).
L’univers de l’investissement responsable a longtemps été dominé par les actions. A cause de cela, on a demandé aux investisseurs de prendre du risque supplémentaire en s’exposant via le marché des actions à des secteurs tels que celui de l’énergie solaire pour répondre aux défis environnementaux de notre planète. Les investisseurs institutionnels comme les caisses de pension ou les assurances se retrouvent limités dans leurs allocations en raison du risque supplémentaire associé à cette classe d’actifs. L’arrivée sur le marché de la dette de ce nouvel instrument financier permet aujourd’hui à des investisseurs institutionnels, soucieux de leurs images mais également responsabilisés par leur rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique, d’avoir accès à l’univers de l’investissement responsable.
L’idée était donc de pouvoir offrir un véhicule d’investissement adapté pour des investisseurs institutionnels en leur offrant un produit qui correspond à un risque similaire à une obligation traditionnelle. La classification des Green Bonds dans l’une des approches d’investissement durable exposées auparavant diverge en fonction des acteurs. En raison des débats qui entourent l’éligibilité des projets mais aussi des émetteurs, Novethic juge les Green Bonds comme des « investissements thématiques, catégorie qui cible des actifs liés au développement durable de manière plus souple que l’impact investing » (Novethic, 2017). De son côté, Eurosif inclut les Green Bonds dans la catégorie de l’investissement d’impact en se basant sur les critères d’éligibilité énoncés dans les Green Bond Principles. En effet, ces principes requièrent une transparence sur les projets ainsi qu’un rapport annuel sur les impacts réalisés, ce qui permet de classer les Green Bonds dans cette catégorie.
Développement et aperçu du marché
Le premier Green Bond a été émis par la Banque Européenne d’Investissement (EIB) en 2007 et coté à la Bourse de Luxembourg. Cette dernière a été la première organisation à émettre ce nouveau type d’obligation suivie ensuite par des banques de développement comme la Banque Mondiale, des organisations supranationales comme l’IFC (International Finance Corporation) ou encore des agences internationales. Jusqu’à fin 2011, le marché des obligations vertes était composé à 100% par les organisations supranationales sans la moindre trace de gouvernements ou d’entreprises. Ce n’est qu’à partir de 2014 que le marché des Green Bonds a connu un véritable essor et une diversification de ses émetteurs. Ce développement est notamment dû à des émissions conséquentes de la part d’entreprises comme GDF Suez (aujourd’hui Engie), qui a émis cette année-là deux tranches d’obligations vertes pour un montant nominal de EUR 2,5 milliards. Ces fonds sont destinés à « des projets d’énergies renouvelables tels que les champs éoliens ou les centrales hydroélectriques ». L’intérêt des investisseurs fut marqué puisque la demande était trois fois supérieure au montant de l’émission (Engie, 2014).
Sentant l’intérêt grandissant tant des investisseurs que des émetteurs pour ce type d’investissements, un consortium de 13 grandes banques décide en 2014 de lancer les Green Bond Principles (GBP), premières lignes directrices pour les investisseurs et émetteurs en matière de transparence pour l’émission de ce type d’obligation. Ces principes sont répertoriés et monitorés par l’ICMA (International Capital Markets Association) qui publie un récapitulatif annuel de l’année écoulée et la mise à jour des principes en matière d’investissement dans les obligations vertes. En 2014, l’IFC, une organisation rattachée à la Banque Mondiale a également émis une obligation verte pour un nominal de USD 1 milliard, ce qui représentait à ce moment-là plus grande émission jamais émise pour ce type d’obligation. Cette émission permit de fixer un premier benchmark sur ce nouveau marché et ainsi attirer un nombre croissant d’investisseurs (Lombard Odier Impact Office, 2017). Après une année 2014 record, les attentes pour l’année suivante étaient grandes, mais la progression n’a été que modérée en passant de USD 36,6 milliards à USD 41,8 milliards (Banque mondiale, 2016). Mais l’accord signé lors de la COP 21 en 2015 à Paris ainsi que les annonces du gouvernement chinois annonçant son engagement envers les causes environnementales et la nécessité d’investir massivement dans des projets d’énergie renouvelable, ont fait bondir le marché avec une croissance notable des émissions entre 2015 et 2016.
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
1. Introduction
1.1 L’émergence de l’investissement socialement responsable
1.2 Les différentes approches de sélection
1.3 La COP 21 comme signal fort
2. Les Green Bonds
2.1 Qu’est-ce qu’un Green Bond ?
2.2 Les différents types de Green Bonds
3. Développement et aperçu du marché
3.1 L’année 217, celle de tous les records
3.2 Le marché chinois en pleine croissance
3.3 Les Green Bonds labellisés
3.4 Les Indices
3.4.1 Bloomberg Barclays MSCI Global Green Bond Index
3.4.2 BAML Green Bond Index
3.4.3 S&P Green Bond Index
3.5 Critères et acteurs de la labellisation des Green Bonds
3.5.1 L’ICMA et les Green Bond Principles (GBP)
3.5.2 Le Climate Bond Initative
3.5.3 Le processus de certification d’un Green Bond
4. La controverse du greenwashing
4.1 La controverse de l’émission de Repsol
5. Comparaison entre les Green Bonds et l’investissement obligataire traditionnel
5.1 Méthodologie utilisée
5.2 Comparaison des indices obligataires verts et traditionnels
5.2.1 Composition des indices et YTM
5.2.2 Évolution des indices
5.2.3 Volatilité et ratio de Sharpe
5.3 Comparaison entre des obligations vertes et traditionnelles d’un même
émetteur
5.4 Discussions des résultats
5.5 Limitations
6. Perspectives d’évolution du marché des Green Bonds
6.1 Le manque d’uniformité des processus sur le plan international
6.2 Coût supplémentaire pour un taux de coupon identique
6.3 L’image positive dégagée et l’attraction de nouveaux investisseurs
6.4 Les Green Bonds comme base de discussions en matière d’impact environnemental
6.5 Initiatives de la place financière et développement du marché suisse
7. Avis personnel
8. Conclusion
Bibliographie
Annexe 1: Données de l’indice GBGLTREH USD H
Annexe 2: Données de l’indice SPUSGREN
Annexe 3: Données de l’indice LEGATRUH USD
Annexe 4: Composition de l’indice GBGL
Annexe 5: Composition de l’indice LEGATRUH
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