L’embolie pulmonaire : généralités
Définition de l’embolie pulmonaire
L’embolie pulmonaire (EP) est définie par une obstruction partielle ou totale de l’artère pulmonaire ou de ses branches, par la migration d’un embole, le plus souvent fibrino-cruorique. L’embolie pulmonaire fait partie des maladies thrombo-emboliques veineuses (MTEV), une entité clinique regroupant également la thrombose veineuse profonde (TVP). Rarement, le caillot peut être constitué de matériel non cruorique (matériel carcinomateux, graisseux, amniotique, gazeux, septique ou encore parasitaire), mais ce type d’embolie ne sera pas évoqué dans le présent travail.
Epidémiologie de l’embolie pulmonaire
C’est une affection fréquente, avec une incidence annuelle variable selon les études : de 23 à 69 cas annuels pour 100 000 personnes [1], à 2-3 cas /1000 habitants dans le monde occidental [2], et 1.5 /1000 aux Etats-Unis [3]. Son incidence augmente avec l’âge de la population. En France, on estime que l’incidence est actuellement d’environ 100 000/ an, soit 0.6 pour 1000 personnes par an [4] pour l’EP, et 1.2 pour 1000 personnes pour la TVP. Après l’âge de 75 ans, l’incidence annuelle atteindrait 1 pour 100. L’incidence annuelle de l’EP a augmenté durant les dix dernières années [5], probablement du fait de l’augmentation de l’espérance de vie, les personnes âgées étant plus touchées, mais également de l’amélioration des stratégies diagnostiques et des examens d’imagerie, plus sensibles .
Lien entre EP et TVP : les MTEV
L’EP et la TVP font partie de la même entité clinique, les MTEV. Parmi les patients atteints de TVP, on retrouve en effet 40% d’EP asymptomatiques [7], et inversement, en cas d’EP, il existe environ 30% de TVP asymptomatique chez les patients concernés [8]. La TVP concerne dans la grande majorité des cas les veines des membres inférieurs, parfois du petit bassin, et rarement la veine cave inférieure (VCI) ou les veines rénales. Exceptionnellement, les TVP sont situées dans les veines des membres supérieurs, ou au sein des cavités cardiaques droites (bien que leur fréquence soit très probablement sous-estimée).
Facteurs de risque de l’embolie pulmonaire
Ses facteurs de risque peuvent être réversibles, dans environ 40% des cas : il s’agit principalement des immobilisations prolongées, secondaires à une fracture ou une chirurgie. Parfois, les facteurs de risque sont permanents, dans environ 20% (les troubles de la coagulation héréditaires ou non). Dans 20% des cas environ, aucune cause n’est retrouvée .
Manifestations cliniques de l’embolie pulmonaire
L’embolie pulmonaire a de nombreuses présentations cliniques et ses symptômes ne sont pas corrélés à l’importance du caillot. De plus, ils sont peu spécifiques : dyspnée et douleur thoracique de type pleural, sont les plus fréquentes manifestations de l’EP. Mais on peut également retrouver une toux, une hémoptysie, ainsi que des douleurs et/ou œdèmes des membres inférieurs lorsque l’EP est associée à une TVP. Les signes physiques observés sont également peu spécifiques : tachycardie, râles, galop, éclat de B2, signes de thrombose veineuse profonde. On peut retrouver également des signes de défaillance cardiaque droite, comme la turgescence jugulaire, la tachycardie, le reflux hépato-jugulaire. Mais parfois, l’EP peut être asymptomatique. Pour toutes ces raisons, on retrouve de temps en temps des EP de diagnostic fortuit au scanner [12]. Afin de rechercher une EP massive, on évaluera la tension artérielle (systolique et diastolique), et on recherchera cliniquement des signes de choc périphérique : marbrures, froideur des extrémités, signes de bas débit cérébral (confusion, troubles de la vigilance…)…, etc. Malheureusement, les décès par EP surviennent souvent chez des patients qui ont une présentation clinique atypique .
Diagnostic de l’embolie pulmonaire
Diagnostic clinique
Du fait de la faible spécificité des symptômes présentés, les diagnostics différentiels sont nombreux initialement : crise d’asthme, pneumopathie, cancer bronchique, spasme œsophagien, crise d’angoisse, insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, dissection aortique, … etc. Cela rend le diagnostic clinique de l’embolie pulmonaire difficile. Ainsi, il existe des stratégies diagnostiques et des scores cliniques, qui se sont développés ces dernières années, et qui permettent d’établir une probabilité clinique afin de faciliter ce processus diagnostique. Les plus connus sont le score de Genève révisé et le score de Wells . Des études ont permis d’établir la prévalence de l’EP selon les résultats de ces scores .
En revanche, ces scores ont été établis à partir de population de patients non hospitalisés, leur utilisation n’est donc théoriquement pas adaptée au milieu hospitalier. L’électrocardiogramme (ECG), réalisé devant une dyspnée et une douleur thoracique aiguë aux urgences, est le plus souvent normal. Lorsqu’il est anormal, il montre des signes non spécifiques d’EP, comme une tachycardie, ou des troubles du rythme supra-ventriculaires, qui doivent attirer l’attention s’ils n’étaient pas connus antérieurement. Il existe parfois le signe « S1Q3 », également non spécifique et non systématique, qui qui se traduit par l’existence d’une grande onde S en DI, et une grande onde Q en DIII.
Diagnostic biologique
Les D-Dimères
La précision des scores diagnostiques cliniques et de l’ECG est aidée par le dosage des DDimères, en cas de probabilité faible ou intermédiaire, comme l’a montré la méta-analyse de Carrier portant sur 5000 patients [17]. Cette étude a retrouvé une prévalence de l’EP de 0.14% (intervalle de confiance (IC) 95 [0.05 – 0.41]) chez les patients à probabilité d’EP non forte avec D-Dimères non augmentés. Les D-Dimères sont donc intéressants pour leur valeur prédictive négative, qui est de l’ordre de 95%, mais uniquement lorsque la probabilité clinique est faible ou intermédiaire. En cas de négativité, ils permettent d’éliminer de manière presque formelle une MTEV. En revanche, leur spécificité est faible. En effet, leur valeur augmente en cas de syndrome inflammatoire et de cancer évolutif, et avec l’âge, si bien que leur intérêt est limité chez les patients porteurs de syndrome inflammatoire, les patients cancéreux et les patients âgés.
Autres marqueurs biologiques
La troponine est également parfois positive dans l’EP, du fait de l’ischémie du VD, ainsi que le Brain Natriurectic Peptide (BNP) du fait de la dilatation ventriculaire droite. L’analyse des gaz du sang artériels montre le plus souvent une hypoxie et une hypocapnie, mais peuvent également être normaux, en particulier chez les jeunes patients sans antécédents cardio-pulmonaires .
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Table des matières
Introduction
Généralités
1. L’embolie pulmonaire : généralités
1.1. Définition de l’embolie pulmonaire
1.2. Epidémiologie de l’embolie pulmonaire
1.3. Lien entre EP et TVP : les MTEV
1.4. Facteurs de risque de l’embolie pulmonaire
1.5. Physiopathologie de l’embolie pulmonaire
1.6. Manifestations cliniques de l’embolie pulmonaire
2. Diagnostic de l’embolie pulmonaire
2.1. Diagnostic clinique
2.2. Diagnostic biologique
2.2.1. Les D-Dimères
2.2.2. Autres marqueurs biologiques
2.3. Diagnostic scanographique
2.4. Place de la scintigraphie pulmonaire ventilation-perfusion
2.5. L’échocardiographie dans le diagnostic d’EP
2.6. L’écho doppler veineux des membres inférieurs
2.7. Un mot sur la radiographie pulmonaire
2.8. Synthèse
3. Traitement de l’embolie pulmonaire
3.1. Traitement spécifique
3.1.1. Traitement anticoagulant
3.1.1.1. Schéma thérapeutique habituel
3.1.1.2. Traitement hospitalier ou ambulatoire ?
3.1.2. La fibrinolyse
3.1.2.1. Effets physiologiques de la fibrinolyse médicamenteuse
3.1.2.2. Résultats sur la mortalité
3.1.2.3. Risque hémorragique de la fibrinolyse
3.1.3. Le traitement chirurgical
3.1.4. Le filtre cave
3.2. Le traitement symptomatique
3.2.1. Oxygénothérapie
3.2.2. Restauration de l’hémodynamique
3.2.3. Traitement de l’arrêt cardio-respiratoire
4. Pronostic de l’embolie pulmonaire
4.1. Potentiel évolutif de l’embolie pulmonaire
4.2. Pourquoi stratifier le risque pronostique de l’EP ?
4.3. Les critères pronostiques cliniques de l’EP
4.3.1. Le pronostic lié au statut hémodynamique
4.3.2. Le pronostic lié au terrain sous-jacent
4.3.3. Autres critères pronostiques cliniques
4.4. Critères pronostiques liés au retentissement sur les cavités cardiaques droites à l’échocardiographie
4.5. L’échodoppler veineux des membres inférieur comme critère pronostique
4.6. Les critères pronostiques biologiques
4.7. Les scores pronostiques cliniques ou combinés
4.7.1. Le Geneva Prognostic Score
4.7.2. Le score de PESI
4.7.3. Synthèse des deux scores pronostiques cliniques
4.8. Les critères pronostiques scanographiques
4.8.1. Le degré d’obstruction vasculaire comme marqueur pronostique
4.8.1.1. A l’angiographie pulmonaire
4.8.1.2. A l’angioscanner thoracique
4.8.2. Les signes de dysfonction ventriculaire droite au scanner comme marqueur pronostique
5. Séquelles possibles et risque de récidive
Objectifs de l’étude
Matériels et Méthodes
1. Type d’étude
2. Population d’étude
3. Critères d’inclusion et d’exclusion
4. Recueil des données scanographiques
4.1. Acquisition scanographique
4.2. Interprétation du scanner
4.3.Recueil des données scanographiques
5. Recueil des données cliniques
6. Critère de jugement
7. Analyse statistique
Résultats
1. Incidence de l’EP dans la population
2. Caractéristiques générales de la population d’étude
3. Analyse des critères de jugement
4. PESI
5. Comorbidités cliniques
6. Qualité technique de l’examen
7. Durée d’hospitalisation
8. Valeur pronostique de l’index d’obstruction artérielle
9. Valeur pronostique de l’existence de signes de cœur pulmonaire aigu au scanner
9.1.Rapport VD/VG
9.2.Modifications de la forme du septum interventriculaire
9.3.Diamètre du tronc de l’artère pulmonaire
9.4. Reflux de produit de contraste iodé dans la VCI ou les VSH
10. Valeur pronostique de l’existence d’un infarctus pulmonaire au scanner
11. Valeur pronostique de la coexistence d’une TVP
12. Valeur pronostique de l’antécédent de MTEV
13. Diagnostics différentiels au scanner
14. Résumé des résultats dans les différents groupes
Discussion
Conclusion