L’emballage : du packaging pensé comme un déchet à la solution zéro déchet

De l’emballage pensé comme un déchet

Petite histoire de l’emballage : quand l’emballage devient un packaging 

Avant d’envisager la question de l’achat zéro déchet, il faut tout d’abord se poser la question de l’emballage car c’est en général ce qui pose la question du déchet après l’achat. En effet, lorsqu’on parle d’emballage, on parle souvent des packagings et de ce qui entoure les produits mis sur le marché. On parle de l’emballage plus souvent comme un contenant, mais parfois aussi comme un contenu, surtout lorsqu’il s’agit d’analyser les signes du packaging. Cependant, avant d’être considéré comme un packaging, l’emballage était un simple conditionnement permettant de transporter les denrées. Depuis la préhistoire jusqu’à la création du plastique au XIXème siècle, les matériaux utilisés ont beaucoup évolué. Au départ, feuilles, peaux animales, bois, pierre, verre, céramique ou terre cuite étaient utilisés comme emballages pour conserver les denrées et les transporter. Petit à petit, vers le XIIIème siècle, avec l’utilisation des matériaux métalliques comme le fer blanc, le zinc ou le cuivre, les emballages jouent un rôle supplémentaire. Ils commencent à vraiment informer les consommateurs sur le produit qu’ils contiennent. C’est à partir du XIXème siècle et surtout depuis le XXème siècle qu’apparaissent les emballages que l’on connait encore aujourd’hui. Comme l’expliquent Benoît Heilbrunn et Bertrand Barré dans leur Le Packaging, « la culture du packaging est donc consubstantielle à celle de la culture du produit qui s’est développée au XIXème siècle, avec l’essor du marketing». Alors que jusqu’au début du XXème siècle la vente en vrac domine largement, le marketing et ses intermédiaires marchands que sont les marques, les publicités et les packaging permettent aux fabricants de créer de la différence entre leurs produits et ceux de la concurrence, de telle sorte que les clients considèrent petit à petit autant la marque inscrite sur l’emballage que le produit en lui-même.

C’est à cette période que l’emballage acquiert les fonctions qu’il a aujourd’hui. Il sert désormais à identifier, à rassurer, à différencier, mais il attise également la curiosité du chaland, et tente de séduire les consommateurs. C’est dans ce sens qu’on peut dire que l’emballage est devenu un packaging. Il ne sert plus simplement à protéger et à transporter les produits, il devient, avec l’essor du marketing et du branding au XIXème siècle, une véritable interface marchande, permettant aux marques d’associer leurs produits à des valeurs symboliques. Ce qu’il peut être amusant de constater, c’est que les fabricants de l’époque ont dû, en adoptant des packagings estampillés au nom de leur marque « aller contre les vieilles habitudes des clients, consistant à juger la qualité des produits d’après leur apparence et leur texture davantage que par leur nom. » Alors que les fabricants et distributeurs actuels privilégiant la distribution en vrac essayent désormais tant bien que mal d’aller contre ces nouvelles « vieilles habitudes des clients » consistant à juger la qualités des produits plus par leurs packagings que par l’aspect sensoriel de ces derniers. Finalement, c’est avec l’arrivée des packagings, en tant que dispositifs d’intermédiations marchandes, les consommateurs achètent « des mots en lieu et place des objets » comme l’explique Franck Cochoy . Cependant, ce qui semble intéressant d’observer aujourd’hui, avec le retour de la vente en vrac, c’est que l’utilisation des packagings par les fabricants, qui est apparue entre autres avec la mise en vente en libre-service, a cessé avec l’apparition des rayons vrac sans pour autant que le libre-service ne cesse. En l’absence de packagings, les clients ont donc bien dû eux aller contre leurs habitudes actuelles, consistant à juger la qualité d’un produit par l’information délivrée par un emballage, plutôt que par l’apparence même des produits, qu’ils peuvent désormais voir derrière la vitre transparente des silos.

Circuit préemballé, circuit en vrac : différents emballages pour remplir différentes fonctions

Aujourd’hui deux circuits de distributions coexistent et parfois même au sein d’un même magasin. Le circuit de distribution préemballé et celui en vrac, s’ils n’ont ni le même impact environnemental, ni la même configuration, ils ont néanmoins quelques points communs vis-à-vis de l’emballage. En effet, l’emballage n’est pas seulement « un écran servant à dissimuler une réalité ancienne (celle du vrac) »,  mais surtout un écran permettant à projeter une vérité nouvelle, celles des valeurs de la marque. L’emballage est donc un outil marchand mais aussi logistique. On peut distinguer trois types différents, dont un d’entre eux n’est généralement pas vus par les consommateurs mais qui produit tout de même des déchets. L’emballage dit «primaire » est celui qu’on appelle aujourd’hui « packaging » pour les raisons détaillées précédemment, et qui est contact avec le produit. Un paquet de gâteau, un flacon de shampoing, ou un pot de miel sont tous les trois des emballages primaires. Ces emballages sont ceux que les consommateurs manipulent et peuvent considérer comme la source principale de leurs déchets ménagers. Mais il y a aussi l’emballage dit secondaire, que l’on peut également appeler « suremballage ». Ce dernier est aussi manipulé par les consommateurs et peut avoir plusieurs fonctions : soit de rassembler plusieurs produits pour les vendre, comme cela peut-être le cas lors d’offre promotionnelle du type « un produit acheté, un produit offert » soit pour ce qu’on peut appeler des « duo packs » regroupant d’unités de consommation, et que les consommateurs, qui cherchant à réduire leurs déchets, évitent. Le suremballage peut être un moyen de renforcer la protection d’un produit, de valoriser l’emballage primaire comme cela peut-être le cas pour les parfums, dont les flacons sont emballés dans une boîte en carton elle-même emballée dans un film plastique. Dans cet exemple, on pourrait dire que le flacon du parfum est un emballage primaire, car il est au contact du produit, que la boîte en carton est un suremballage qui protège le flacon tout en le valorisant et que le film plastique, quant à lui, est le suremballage du suremballage permettant de protéger la boîte en carton. Enfin, le dernier type d’emballage est celui qui a un rôle logistique. L’emballage dit « tertiaire » a pour fonction de permettre la manutention et le transport des produits avant la vente de ces derniers. C’est ce qui permet aux fabricants de réduire le nombre de colis pour faciliter la manutention des transporteurs. Par exemple, plusieurs pots de miel peuvent être emballés dans un carton et plusieurs cartons seront gerbés, autrement dit empilés les uns sur les autres, sur une palette elle-même généralement emballée dans un film plastique pour éviter que les cartons ne tombent pendant le transport. L’emballage tertiaire n’était généralement pas visible par les consommateurs, sauf parfois dans les circuit hardiscount. Dans ces magasins, « l’emballage tertiaire est justement un élément de scénarisation du point de vente, ayant pour fonction de symboliser une forme de désintermédiation marchande et d’induire une image-prix avantageuse. ». Oubliés des clients il est  pour autant à l’origine d’un certain nombre de déchets, bien que les cartons soient recyclés. Ce type d’emballage ne peut pas être supprimé pour des raisons logistiques, même dans le circuit de la distribution en vrac. D’ailleurs, une étude de l’ADEME sur les pratiques et les perspectives de la vente en vrac , confirme que les emballages  supprimés ne concernent que les emballages primaires et secondaires.

Notons que l’emballage tertiaire, contrairement au circuit du hard discount, n’est pas un emballage ayant vocation à être montré dans les circuits spécialisés du bio qui vendent en vrac. Pour autant, certains fabricants de produits biologiques vendus en vrac mettent un point d’honneur à proposer aux distributeurs des emballages de transport éco-conçus qu’il est possible de recycler pour éviter de produire des déchets supplémentaires, comme les sacs en kraft cousus avec du fil pour les mueslis en vrac de la marque Favrichon, plutôt qu’un sac en plastique thermocollé par exemple. A propos de l’étude de l’ADEME sur la vente en vrac, nous pourrions dire que si ce mode de distribution supprime l’emballage secondaire, les principales fonctions de cet emballage semblent être transférées aux silos ou bacs qui contiennent les denrées alimentaires.

En effet, ces silos, tout comme les emballages secondaires conventionnels, assurent le garnissage de ce qui sert de présentoir au point de vente. En effet, par leur transparence, les silos et les bacs du rayon vrac protègent les denrées alimentaires tout en les valorisant et en les montrant aux consommateurs. Dans le cas précis d’un rayon vrac, on peut aussi considérer que le sachet kraft mis à disposition des clients pour emporter leurs produits, est en partie un emballage primaire. Certes, il est éphémère par sa matérialité, car c’est un emballage qui n’a pas vocation à être conservé longtemps, mais plutôt à être réutilisé (c’est aussi le cas par exemple des boîtes d’oeufs, qu’il est possible réutiliser à chaque fois que l’on en rachète en vrac) ou directement recyclé. Il permet, tout comme les packagings primaires conventionnels, de constituer, au point de vente, une unité de vente, certes en fonction de la quantité que le consommateur souhaite acheter, mais cela reste un emballage. Quant aux consommateurs qui apporteraient leurs propres contenants, il également intéressant de noter qu’il s’agit parfois d’emballages primaires réutilisés pour contenir le même produit d’une autre marque ou un produit différent. En ce sens, grâce à l’action de réutilisation, un principe des « 4R » du mouvement zéro déchet, un packaging se transforme alors en un simple conditionnement destiné à transporter des denrées vendues sans emballage.

Du packaging utile et vecteur de sens au déchet inutile et indésirable

Il est important de noter que malgré la volonté de réduire les déchets en vendant des produits en vrac, l’absence d’emballages primaires dans ce type de rayon entraîne, en cas de mauvaise gestion, de grandes quantités de gaspillage alimentaire. Si les bacs et les silos ne sont pas utilisés correctement, des bactéries, des insectes et autres agents pathogènes peuvent se développer sur les denrées et les rendre impropres à la consommation. L’emballage, à bien des égards, est donc utile pour protéger les aliments et ainsi réduire le gaspillage alimentaire – ce qui, comme évoqué précédemment, était d’ailleurs l’une de ses premières fonctions. Moins essentielle que la fonction de protection des produits, celle de l’information a été transférée à un autre support marchand. Les sacs krafts du vrac ne permettent pas toujours d’éclairer le consommateur sur le produit, ou sur le fabricant. En effet, dans le rayon vrac, ce sont les étiquettes des silos et des bacs qui informent les clients sur les produits présentés. Le packaging comme intermédiation marchande n’existe donc plus en tant que tel dans ce circuit de distribution. En éliminant, la distribution en vrac désémantise le produit tout en le refonctionnalisant. Autrement dit, acheter un produit sans emballage reviendrait à acheter un produit pour son utilité, pour répondre à un besoin, et non plus pour les signes qu’il projette. En ce sens, l’élimination des packagings désémantise les produits, et les clients que Franck Cochoy décrivait comme achetant des mots plutôt que des objets, agissent plutôt à l’inverse, en achetant des produits au rayon vrac. Dans son rapport sur la vente en vrac, L’ADEME désigne cette dernière comme un moyen de permettre de « faire le tri parmi toutes les informations et allégations marketing auxquelles sont confrontés les consommateurs » , qui semblent en avoir  assez de la multiplication des informations sur les packagings. Selon une étude d’Ethicity de 2011 intitulé « Les Français et la consommation responsable », il y aurait 61% des Français considéreraient « qu’il y a trop de labels pour les produits du développement durable » . En supprimant l’emballage, on désémantise les  produits et on en simplifie la compréhension. A ce propos, dans un article publié en Mars 2020, intitulé « Voici venu le temps de la (dé) marque inconnue » de la revue professionnelle Biolinéaire destinée aux professionnels du bio, on retrouve une citation de Marcel Bleustein Blanchet, fondateur de Publicis « La marque, c’est du vent. Mais c’est le vent qui fait tourner l’hélice » et que l’une des quatre raisons principales pour lesquelles les consommateurs se tournent vers la consommation en vrac serait parce qu’il s’agit d’une manière d’effacer le marketing et qu’ « après tout on achète un produit pas une marque et ses mensonges» . La défiance vis-à-vis  des marques décrites par le journaliste dans cet article semble également aller dans le sens de cette volonté de refonctionnalisation des produits. Dans certaines enseignes de grande distribution allemandes, on peut trouver des containers en sortie de caisse permettant aux clients, qui le souhaitent, de se débarrasser des suremballages, avant même de rentrer chez eux. Ce type de logique, selon Bertrand Barré et Benoît Heilbrunn participe « d’une opération de castration symbolique des marques, et une forme de fantasme d’un retour possible à un état d’avant la société de consommation où régnaient le rebut et le vrac. ».  Au-delà même d’un fantasme de la société d’antan, il semble aussi que certains consommateurs soient dans le rejet de la surconsommation. D’après une étude de l’ADEME , l’impact environnemental des emballages des produits de  grande consommation serait équivalent à l’impact de l’ensemble des activités économique de 200 000 habitants ajouté à une consommation d’énergie correspondant à celle de 290 000 habitants pendant un an (activités économiques comprises). Les impacts environnementaux des emballages ne sont eux pas de l’ordre du fantasme. Ajoutons à cela, que selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) chaque Français jette en moyenne  391 kg d’ordures ménagères par an. Ce chiffre a d’ailleurs progressé de 39% entre 1995 et 2007 et les emballages représentent à eux seuls environ un tiers de ces déchets ménagers. Finalement, les consommateurs sont aussi des citoyens qui vivent dans un monde qui souffre de plus en plus des conséquences de l’activité humaine sur l’environnement. Il ne semble donc pas étonnant que certains fantasment une société d’avant, et qu’ils aillent dans le sens de la déconsommation.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : L’EMBALLAGE : DU PACKAGING PENSÉ COMME UN DÉCHET À LA SOLUTION ZÉRO DÉCHET
I. LE PACKAGING PENSÉ COMME UN DÉCHET
A. Petite Histoire de l’emballage : quand l’emballage devient packaging
B. Circuit préemballé, circuit en vrac : différents emballages pour remplir différentes fonctions
C. Du packaging utile et vecteur de sens au déchet inutile et indésirable
II. DU PACKAGING JETABLE À LA SOLUTION ZÉRO DÉCHET
A. Le packaging entre « symbole de l’avènement de la société du marketing » et bouc émissaire des mouvements de déconsommation
B. Des produits et des emballages comme solution zéro déchet
CHAPITRE 2 : DE LA RÉDUCTION DES EMBALLAGES À L’APPARITION DE NOUVELLES PRATIQUES DE CONSOMMATION
I. UNE TRANSFORMATION MATÉRIELLE : DE LA GÉNÉRALISATION À LA MÉTAMORPHOSE
A. L’absence d’emballage transforme les produits et les généralise
B. Des produits liquides se métamorphosent pour réduire les déchets
II. UNE TRANSFORMATION SPATIALE : LE RAYON VRAC COMME LIEU DE NOUVELLES PRATIQUES
A. Magasin : le rayon vrac au coeur de toutes les précautions
B. Le rayon vrac, le lieu de nouvelles pratiques de consommation
C. Emballé ou en vrac, des perceptions différentes
CHAPITRE 3 : L’INVISIBILISATION DES MARQUES AU PROFIT DES DISTRIBUTEURS, UN RENVERSEMENT DE SITUATION QUI IMPLIQUE DES INNOVATIONS
I. ENTRE INVISIBILISATION ET RENVERSEMENT DE SITUATION
A. Le contrat de confiance se transforme aux dépends des marques
B. Le rayon de produits en vrac est un dispositif de vente qui met plus le distributeur en valeur que les marques
II. DE L’ART D’EXISTER EN TANT QUE MARQUE ET DE VENDRE SANS PRODUIRE DE DÉCHETS
A. Les marques trouvent des moyens de contourner l’invisibilisation produite par le dispositif de vente en vrac
B. Par ailleurs, la consigne est aussi un moyen de préserver la marque et ses packagings sans pour autant générer des déchets
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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