L’élu, le citoyen et le praticien: chroniques urbaines: l’expérience du projet urbain participatif dans les petites villes

L’élu local de petite ville et la participation citoyenne : un sujet d’actualité scientifique et politique

La participation citoyenne en urbanisme, sujet qui émerge en France dans le cadre des « luttes urbaines » des années 1960-1970 (Bacqué et Gauthier, 2011), a connu un essoufflement pendant les deux décennies suivantes (Paoletti, 2007). Les mouvements d’initiatives locales se délitent avec le départ des couches moyennes des « nouveaux quartiers » périphériques, et la « notabilisation » des leaders associatifs ; la politique de décentralisation instaurant une « démocratie de proximité » signe le renoncement de la gauche à revendiquer un système politique plus participatif (Bacqué, Rey et Sintomer, 2005a ; Hatzfeld, 2011). Les chercheurs français des champs de l’urbanisme et de l’architecture délaissent également le sujet au profit de réflexions centrées sur les relations entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre (Zetlaoui-Léger, 2007). Avec la montée en puissance des enjeux de développement durable, la question de la place du citoyen-habitant dans l’aménagement connaît un regain d’intérêt à partir des années 2000, qui se traduit par la mise en œuvre d’un ensemble de textes réglementaires préconisant le développement de telles démarches en amont des projets urbains (Loi Voynet sur l’Environnement en 2000, Loi Solidarité et Renouvellement Urbain de 2000, Loi Démocratie de Proximité de 2002). Parallèlement et de ce fait, l’activité scientifique autour de cette question retrouve un nouvel essor : journées de recherches, séminaires, thèses en sciences humaines et sociales, en science politique, et urbanisme (Demoulin, 2014a ; Gardesse, 2011 ; Gourgues, 2010 ; Nez, 2012 ; Nonjon, 2005), programmes de recherche se multiplient. Créé en 2009, le Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) « Démocratie et Participation » illustre et se fait écho de ce phénomène. Il regroupe des chercheurs de disciplines diverses et organise des colloques, journées doctorales et propose des séminaires mensuels autour de publications récentes sur la participation citoyenne. Depuis 2008, l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne rassemble professionnels et chercheurs de la participation autour « d’un espace d’émergence d’une communauté d’acteurs divers et complémentaires au service de la démocratie et de la qualité des projets »(2015a).

Ce regain d’intérêt pour la participation citoyenne dans la communauté scientifique et chez les professionnels de l’urbanisme reflète un besoin de compréhension, voire d’accompagnement, d’un phénomène en cours. Or, malgré la prolifération de thématiques, d’objets et d’acteurs étudiés, on constate au milieu des années 2010 que l’élu local de petite ville reste une figure bien peu étudiée par les recherches sur l’urbanisme participatif.

L’élu local de petite ville : un acteur délaissé par la recherche

L’élu local : une définition floue

La littérature scientifique sur le pouvoir local s’est développée en France principalement avec les réformes décentralisatrices de la fin du XXème siècle (Douillet et Lefebvre, 2017). Le local est jusqu’alors victime d’un « désintérêt séculaire » (Mabileau, 1985). Délaissé au profit de l’analyse des acteurs et des structures qui animent le sommet de l’État, il est considéré par certains chercheurs comme « un thème mineur, un peu terre à terre » (Dupuy et Thoenig, 1983)5 . Pourtant, les années 60 et 70 ont été riches en débats sur le pouvoir local. Les travaux, plus anciens, réalisés aux États-Unis sur le Community power, se sont diffusés en France et ont fait naître des controverses sur son autonomie par rapport à l’État (Birnbaum, 1973). Un ensemble de monographies « villageoises » mettent en perspective le pouvoir local et les transformations sociales liées à l’industrialisation et à la diffusion des modes de production capitaliste. Elles font émerger la question du « pouvoir au village » (Mendras, 1977) et les questions entre élites politiques locales et élites économiques et sociales (Douillet et Lefebvre, 2017). Bien que les travaux et débats de cette époque traduisent une revalorisation scientifique et politique du local, elles l’appréhendent principalement comme un « territoire secondaire dans l’ordre politique, voire non politique » (Douillet et Lefebvre, 2017, p. 5). Par contraste, au cours des années 80 et 90, des travaux prolifiques mettent en avant la dimension politique des espaces locaux. Les réformes institutionnelles y contribuent et renforcent la capacité d’action des élus locaux : « ces nouvelles capacités d’action, (…), autorisent à ne plus voir dans les espaces infranationaux uniquement des objets de politique publique mais de véritables sujets d’action publique, ce qui justifie l’étude des politiques publiques locales » (Douillet et Lefebvre, 2017, p. 5). La notion de « métier » émerge et le professionnel de la politique locale tend à se substituer au notable (Faure, 1997 ; Fontaine et Le Bart, 1994 ; Garraud, 1989 ; Lagroye, 1994 ; Mabileau, 1992).

Bien que le pouvoir local ait fait l’objet de nombreuses recherches, la figure de l’élu local reste très peu abordée dans la littérature scientifique (Koebel 2006). La majorité des recherches du champ de la science politique porte sur les élus à l’échelle nationale. Spécialiste de l’espace politique local, Michel Koebel (2006, p. 23) explique que « la plupart des études consacrées au personnel politique portent sur les positions dominantes du champ politique (…). Parce que la hiérarchie (scientifique) des objets d’étude reproduit celle (sociale) des objets étudiés, sans doute estil plus « noble » de s’intéresser au chef de l’État, aux ministres, à l’Europe ou aux relations internationales (…), qu’aux élus locaux, aux maires de villages ou de petites villes, situés au plus bas de la hiérarchie du pouvoir politique ».

Par ailleurs, la terminologie « d’élu local » comprend une multitude de fonctions : conseiller régional, conseiller général mais également maire ou conseiller municipal, quand les fonctions ne se cumulent pas : « certains d’entre eux occupant, de plus, les fonctions exécutives de maire, présidents de conseil général ou présidents de conseil régional » (Cadiou, Bidegaray et Christine, 2009, p. 6 ; Nay, 2014) . Elle traduit la diversité des profils et des façons de faire de la politique et rend la notion « d’élu local » parfois difficile à cerner : « (…) l’élu local (tout à la fois élu d’une population mais aussi représentant d’un territoire politique) peut échapper aux généralisations. Il peut être relativement « introuvable » si l’on ne choisit pas de changer régulièrement de focale et de prendre en compte la diversité des territoires (et de leurs mandataires) » (Cadiou, Bidegaray et Christine, 2009, p. 9). Or, l’accès aux données statistiques étant difficile, les études sur les caractéristiques sociales des élus locaux sont, par conséquent, peu nombreuses (Koebel, 2006, p. 23). Les études récentes menées sur l’élu local appartiennent majoritairement au champ de la science politique et ont tendance à se cristalliser sur la figure du maire (Bäck, Heinelt et Magnier, 2006 ; Cadiou, 2014 ; Cattla, 2014; Fragnon, 2015 ; Garraud, 1989 ; Gaxie, 1994 ; Koebel, 2014 ; Le Bart, 1992, 2003 ; Le Lidec, 2001 ; Sadran, 2000 ; Valletoux, 2014 ; Verpeaux, 2014). Enfin, au-delà de sa fonction et de ses caractéristiques sociales, l’élu local est rarement appréhendé dans un contexte de petite ville (Barone et Troupel, 2010 ; Douillet, 2003 ; Faure, 1991). Les recherches urbaines menées en France sur ce contexte particulier sont tout aussi peu nombreuses.

Les « petites villes », un angle mort de la recherche urbaine

Les travaux sur les élus locaux sont tout aussi limités dans le champ de l’urbanisme et, lorsqu’ils existent, se sont centrés, en France, sur les métropoles et à l’échelle de grands projets urbains (Arab, 2004 ; Idt, 2009, 2015 ; Prost, 2004). La situation a légèrement évolué ces toutes dernières années avec les programmes « action cœur de ville et revitalisation des centres-bourgs » impulsés à la suite du « Plan National en faveur des nouveaux espaces protégés » remis par Yves Dauge en 2017. L’architecte Frédéric Bonnet (2016b) souligne toutefois que ces territoires « (…) souffrent d’un manque d’attention ». En 2017, le besoin de le prendre davantage en compte est souligné dans les allocutions conclusives du colloque du GIS Démocratie et Participation .

De nombreux chercheurs (Bell et Jayne, 2009 ; Demazière, 2017 ; Demaziere, Serrano et Vye, 2012 ; Edouard, 2008 ; Mainet, 2008, 2011 ; Taulelle, 2010) dénoncent le désintérêt pour les petites et moyennes villes dans le domaine de l’urbanisme. Dans leur analyse des travaux (Hardoy and Satterthwaite, 1986 ; Paradis, 2000, 2002, Burayidi, 2001), David Bell et Mark Jayne (2009) précisent que cette thématique est rarement au cœur de ces recherches et déplorent cet angle mort : « (…) ce manque d’intérêt pour les centres urbains plus petits a de profondes conséquences sur la recherche urbaine » (Bell et Jayne, 2009, p. 699). Demazière, Serrano et Vye (2012, p. 3) considèrent que « le projet scientifique de nombreux chercheurs est de produire des schémas généraux de compréhension de l’urbanisation, applicables à l’ensemble des villes aujourd’hui ». Toutefois, cette focale resserrée limite la portée des résultats (Demazière 2017). En effet, elle ne permet pas de comprendre les enjeux et mutations des petites et moyennes villes : « L’hypothèse émise ici est celle d’une complémentarité entre les travaux portant sur le développement des petites et moyennes villes dans une économie globalisée et les schémas d’analyse tirés de l’étude de très grandes villes des pays développés. Les « second towns » demeurent des objets singuliers, dont l’étude complète les travaux sur les métropoles plus qu’elle ne les copie » (Demazière, 2017, p. 18). Lors du colloque « Villes petites et moyennes, un regard renouvelé », les élus locaux et techniciens ont exprimé leurs attentes « d’une identification par les chercheurs de la place de ces villes dans le système spatial ou économique et social contemporain, en préalable à des politiques publiques dédiées » (Demaziere, Serrano et Vye, 2012, p. 2).

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Table des matières

INTRODUCTION
1 L’élu local de petite ville et la participation citoyenne : un sujet d’actualité scientifique et politique
1.1 L’élu local de petite ville : un acteur délaissé par la recherche
1.1.1 L’élu local : une définition floue
1.1.2 Les « petites villes », un angle mort de la recherche urbaine
1.1.3 L’élu local de petite ville : un certain désarroi face à des enjeux contradictoires
1.2 L’élu local et la participation citoyenne : un sujet peu abordé par la littérature scientifique
1.2.1 L’élu local face à l’injonction à la concertation citoyenne
1.2.2 L’urbanisme participatif principalement étudié du point de vue de la place du citoyen dans les démarches
1.2.3 La place du citoyen dans la fabrication du cadre de vie : cultures politiques et professionnelles héritées
2 Contexte et enjeux d’une thèse réalisée en immersion professionnelle
2.1 Au croisement entre un itinéraire personnel et les attentes d’une agence d’urbanisme et d’architecture
2.1.1 Genèse du projet doctoral
2.1.2 Impliquer les habitants : une démarche ancrée dans l’approche de l’Agence Prigent
2.2 Un environnement de travail propice au développement d’une recherche ancrée sur la pratique
2.2.1 De solides attentes de la part de l’Agence
2.2.2 Des attentes explicites des directeurs de thèse et des laboratoires
3 Problématique
3.1 Formulation de la problématique : questionnements et hypothèses
3.1.1 Questionnements
3.1.2 Hypothèses
3.2 Trois communes du grand Ouest peu influencées par le modèle participatif défendu par la métropole nantaise
3.2.1 Une politique de participation solide à l’échelle métropolitaine
3.2.2 Trois petites villes situées hors métropole, aux élus locaux peu sensibilisés et peu ouverts aux dispositifs participatifs
4 Structure de la thèse
CONCLUSION

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