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La coiffe impériale au prisme des inquiétudes italiennes
A nessun patto, Sua Santità vorria che questo imperio perveniss i nel Catholico614
Le roi d’Espagne et le roi de France se montrent très conciliants face aux requêtes du Saint-Siège : le premier s’engage sur différents fronts, comme le nombre d’hommes, la quantité de munitions et de trirèmes qu’il mettrait à la disposition du Saint-Siège pour sa défense ou comme la promesse de non-intervention sur les affaires spirituelles mais aussi matérielles de l’État de l’Église luttes entre partis adverses, dans les mains de Laurent de Médicis. De surcroît, à François I er, le pape demande la libération de l’engagement de rendre Modène et Reggio. Les négociations se prolongent des mois sans que jamais le pape ne prenne position sur son éventuel soutien.
De plus, face aux pressions des deux parties, il continue à temporiser sur la question la plus urgente : envoyer ou non la couronne d’empereur au roi des Romains en charge. En effet, rappelons-le brièvement, jamais couronné par le pontife,Maximilien Ier demeure « seulement » le roi des Romains et empereur élu, il lui est alors impossible de faire élire son petit-fils de son vivant, car ils porteraient tous les deux le même titre . Aux requêtes réitérées du Catholique et de son grand père de remédier à cet obstacle, LéonX persiste à répondre qu’il s’agit d’un sujet extrêmement délicat, qui nécessite réflexion ; à François Ier, qui lui demande inlassablement de repousser ces sollicitations, le pontife explique qu’imposer un refus catégorique à de si grands princes entraînerait l’État de l’Église dans des eaux très périlleuses .
Or, sur ces entrefaites, le 12 janvier 1519, Maximilien Ier passe de vie à trépas. La nouvelle est accueillie avec grand soulagement par Léon X, dispensé à présent de ce choix si difficile. Une fois disparus avec l’empereur le plus grand soutien à Charles ainsi que les promesses que les princes électeurs lui avaient faites, le pape semble se résoudre à s’y opposer franchement. Mais apporte-t-il pour autant un franc soutien à François I dans une certaine mesure du côté français, sa proverbiale « prudence » l’amène à offrir au souverain un concours qui reste plein de nuances, car l’étude de la correspondance des émissaires du pontife permet d’éclaircir un point nodal (que Nitti ne manque pas de mettre en évidence) .
Le pape est véritablement convaincu que l’alliance avec le roi de France est un rempart indispensable au salut de l’Église. D’ailleurs, une missive, écrite en septembre 1518, adressée par Jules de Médicis à l’évêque de Pistoia, Antonio Pucci, montre sans équivoque la direction prise par le Saint-Siège. Le cardinal fournit des instructions bien précises au nonce. Ce dernier doit se rendre en Suisse et plaider la cause du Très Chrétien auprès des cantons: « el fine vostro principale – explique le Médicis – ha ad essere di riscaldarli et prepararli per tucte queste vie che vi parranno ad proposito a la devotione et servitio di Nostro Signore et del Christianissimo »621. Preuve ultérieure, dans cette lettre, du soutien pontifical au roi de France : LéonX souhaite suggérer aux Helvètes de choisir– en vue d’une possible expédition en Terre Sainte – des capitaines « gallizanti et amici de Franzesi »622. En effet, puisque « la bussola è mutata et bisogna navigare per altra tramontana », ces hommes se révèlent mieux adaptés à intégrer les milices pontificales que ceux qui auraient une « dependentia da Cesare »623. Bien entendu, le pape reste prudent. On remarque, en effet, que les instructions adressées à Antonio Pucci se scindent en deux parties. L’une lui indique le discours à tenir lors de la rencontre avec le gouverneur de Milan, ainsi qu’avec les agents de François I er qui se trouvent en Suisse, l’autre précise la conduite à garder devant les représentants des cantons. L’évêque de Pistoia devra insister avec Lautrec – comme avec Monseigneur Soliers, orateur du roi auprès des Helvètes – sur le fait que désormais le salut et le destin de Rome et du Royaume de France sont unis à jamais. Cependant, une fois en Suisse, Pucci devra user beaucoup de dextérité et de diplomatie, comme d’ailleurs son statut le requiert, pour exhorter les seigneurs de ce pays à l’entente avec le Très Chrétien. Dans ce souci de discrétion, il ne faudr pas « dire cosa che li havessi a scandolizzare » et ne jamais donner l’impression que le pape veuille « conciliarli lui al Christianissimo »624. La croisade et la défense de l’Église resteront le sujet central de son discours, le nonce appellera les Suisses à la préservation de la paix universelle et à la protection du pontife ou de « ses amis », s’ils venaient à se trouver en état de guerre. Enfin, si le nonce a l’impression que le temps est venu, il pourra faire allusion à une éventuelle ligue défensive, entre les cantons, le Saint-Siège, Florence, Venise et le Royaume de France.
Et si ‘l re Catholico fusse [Re di Romani], non saria un amico di la Signoria, come è il Christianissimo
Auparavant, le diplomate, qui s’était accordé avec les nouveaux maîtres du Duché, avait été accusé de traîtrise parl’empereur, car il était considéré comme le responsable de la reddition précipitée du château de Milan en octobre 1515, moyennant, en contrepartie, le fief de Lecco et la charge de sénateur. Cependant, seulement quelques mois après, il avait abandonné Milan, d’abord pour Alexandrie, puis pour Modène. En effet, malgré les accords établis, les Français avaient ordonné à Morone de quitter le Duché pour se rendre en France ; à Modène, où il vécut entre juillet 1516 et août 1518, dès son arrivée, le réfugié avait pris part à des conspirations, avec Prospero et Muzio Colonna, afin d’occuper une place forte du Duché de Milan664.
En 1521, Morone tenta, avec d’autres proscrits, d’organiser une action armée, qui prévoyait la révolte simultanée de plusieurs villes du Duché ainsi que l’attaque conjointe des fuoriusciti provenant de Como et de Ayant obtenu finalement la grâce de Maximilien I er, le Milanais s’emploie pour la cause des Habsbourg. Entre 1518 et 1519, il écrit différentes missives, à l’empereur et à ses conseillers, ainsi qu’à Charles (une fois l’aïeul disparu). Dans ces lettres, il témoigne de sa volonté à ne pas rester un simple spectateur des événements qui se produisent autour de lui et propose de participer avec ses conseils, ses actions et tous les moyens dont il dispose à la perte et à la destruction de l’ennemi français665. Dans cette perspective d’appuyer le candidat de la maison d’Autriche, entre septembre 1518 et mars 1519, Morone écrit également des lettres à Francesco Guicciardini, à l’époque gouverneur de Modène pour le pape.
Dans une première, l’ancien chancelier informe son ami que Charles d’Espagne a d’ores et déjà obtenu le consensus de tous les princes électeurs, y compris les votes les plus ardus à gagn er à la cause, ceux de l’évêque de Trèves et du duc de Saxe666. Quelque temps après, dans une nouvelle missive, Morone confirme la nécessité – exprimée auparavant – de s’accorder avec les Suisses, car cela pourrait affaiblir considérablement la puissance française.
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Table des matières
INTRODUCTION
CRITÈRES DE TRANSCRIPTION
PREMIÈRE PARTIE : LA CONSTRUCTION DE L’IMAGE DU ROI
Premier chapitre : À la conquête du Duché de Milan
1. Le poids de Marignan dans l’histoire
2. Les droits des rois de France sur le Duché de Milan
3. Les préparatifs et les négociations
4. Les États italiens : pour et contre le roi de France
5. Le Saint-Siège et la ville de Florence
6. Gênes et Ottaviano Fregoso, de doge à gouverneur
7. Venise. Une alliance solide
8. « Marco ! Marco ! » Bartolomeo d’Alviano et le rôle des Vénitiens lors de l’affrontement
9. Les Suisses, les véritables seigneurs de Milan, les guerriers mercenaires, les paysans.
10. À la suite de l’affrontement
Deuxième chapitre : Marignan 1515 : célébrer le vainqueur en Italie
1. Le bonheur du triomphe
2. Marignan dans la réflexion politique : une bataille comme les autres
3. Giovanni Battista Cipelli : le Panégyrique du roi, vainqueur des Helvètes.
4. La première dédicace du Livre du Courtisan de Baldassar Castiglione
5. L’éloge du roi chevalier et sa préservation dans les remaniements du Roland furieux de Ludovic Arioste
6. Les guerres « in ottava rima » et d’autres « cantari »
Troisième chapitre : Une rencontre au sommet : les entrevues de Bologne
1. Les rencontres entre souverains : une folie ou un acte nécessaire ?
2. Au-delà de la Pragmatique, les enjeux politiques pour les États de la péninsule
3. « Un bello principe » et une suite barbare : chronique des entrevues
4. La célébration du roi : un discours et un prologue
5. Divagation autour des femmes
SECONDE PARTIE : LES PREMIERS ÉCHECS
Quatrième chapitre : La croisade, le Lys et l’Empire dans les attentes des États italiens
1. In hoc signo (mihi crede) invictiddime Francisce vinces
2. La coiffe impériale au prisme des inquiétudes italiennes
3. A nessun patto, Sua Santità vorria che questo imperio pervenissi nel Catholico
4. Et si ‘l re Catholico fusse [Re di Romani], non saria un amico di la Signoria, come è il Christianissimo
5. Girolamo Morone et son soutien à Charles d’Espagne
6. Les jours de la Diète de Francfort
7. L’ambition personnelle du roi ou une candidature nécessaire ?
8. La fin d’un rêve… ou pas
Cinquième chapitre : La perte du Duché, la Bicoque et la détestation des Français
1. Lo imperatore, el pontefice e ‘l re
2. La conférence de Calais et la médiation d’Henri VIII
3. Habemus papam
4. La défaite à la Bicoque et la perte de Lodi et Gênes
5. Odet de Foix, seigneur de Lautrec : seul responsable de la ruine ou bouc émissaire ?
TROISIÈME PARTIE : LES REPRÉSENTATIONS DE LA DÉFAITE
Sixième chapitre : La bataille de Pavie : l’espoir d’un nouveau Marignan
1. Passer les monts à nouveau
2. Jeux d’alliances et choix stratégiques
3. Perdre, mais l’estoc à la main
4. Arrêt sur image : brève rétrospective sur un vice-roi
5. La défaite entre légendes et divinations
Septième chapitre : Un échec cuisant : la fin d’un rêve ?
1. Simone Litta. Pavie et la présumée volte-face du poète
2. La Tragica elegia de Giovanni Melezio
3. Les lamentations du roi
4. À la cour du roi. Amomo et Luigi Alamanni : le poète mystérieux et la « tosca chetra »
5. La victoire du vaincu selon Pierre Arétin
6. Quelques textes pro-impériaux ou antifrançais
QUATRIÈME PARTIE : LA GUERRE ET LA PAIX
Huitième chapitre : De Madrid à Rome : les vicissitudes de la péninsule
1. Le traître aux accords de Madrid et le regard italien
2. La ligue de Cognac et les hésitations du roi
3. Raconter la « ruina di Roma »
4. Le rôle de l’empereur lors du sac
5. Mais que fait donc le roi de France ?
6. Le glorieux libérateur viendra : l’espoir en vers
Neuvième chapitre : L’équipée napolitaine et la fin d’une époque
1. La descente de Lautrec, ce héros
2. L’invasion du Royaume et les traîtres angevins
3. Quelques vers sur la campagne
4. Du triomphe à la chute
5. Un larron en aide à l’armée impériale
6. Gagner Gênes, perdre Gênes
7. Histoire de paix, de dames, de trahisons et de déception
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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