L’élève en difficulté scolaire

L’élève en difficulté scolaire

Je partirai du premier séminaire d’intégration que j’avais suivi à la HEP Vaud dans le cadre de ma formation pour devenir enseignant dans le secondaire . Lorsque l’enseignante formatrice nous a invités à faire un tour de table pour nous présenter individuellement (disciplines enseignées, parcours scolaire ou professionnel antérieur) et à répondre à la question de savoir pourquoi nous avions choisi le métier d’enseignant, j’ai été interpellé par une constante dans le récit de mes collègues. Tous, moi y compris, avons expliqué vouloir faire ce métier parce que, dans notre ancienne vie d’élève, nous avons été marqués par un (e) enseignant (e) « modèle » qui nous a donné envie d’embrasser cette noble profession. Un « enseignant modèle » dont, bien entendu, le profil varie en fonction des sensibilités, valeurs et attentes de chaque collègue.

Cette anecdote est à corréler avec les témoignages d’élèves repris dans l’article de Charlot et Bautier (1993) sur le rapport à l’école et au savoir, soit le premier texte que j’ai lu dans le cadre de ce séminaire. Dans ce texte, j’ai de nouveau eu l’impression au travers de ces témoignages que les élèves ne font pas toujours la dichotomie entre l’enseignant et la discipline. La relation que l’élève entretient avec l’enseignant peut avoir une saveur particulière, une influence directe sur son degré d’engagement par rapport à la tâche proposée. Les recherches de Sanders (1996) citées à l’occasion par Gauthier, Dembélé, Bissonnette et Richard (2004, p. 4) démontrent d’ailleurs que « l’effet enseignant, c’est-à-dire la valeur ajoutée, affecte indéniablement la performance scolaire de tous les élèves et que, parmi ceuxci, ce sont les élèves en difficulté qui en sont les plus grands bénéficiaires. »

CADRE THEORIQUE

Où en est l’état des connaissances scientifiques sur le sujet ?

Il faut dire que la posture d’accompagnement est aujourd’hui devenue très populaire, car employée dans divers secteurs auprès de publics variés. C’est un terme largement utilisé chez les demandeurs d’emploi et plus généralement chez les migrants (actualité oblige). L’accompagnement trouve également ses lettres de noblesse dans le domaine médical avec notamment les patients en fin de vie, dans le management, mais aussi et surtout dans le champ éducatif, bousculant au passage les frontières disciplinaires et les distinctions conceptuelles (Maela, 2007).

Justement, parce que la notion d’accompagnement est couramment employée dans plusieurs champs qu’elle est devenue un fourre-tout. L’usage abusif de ce terme devient ainsi source de confusion voire une nébuleuse si l’on en croit Maela (2002) qui se demande, à juste titre, comment peut-on étudier une pratique qui diffère selon les secteurs d’application, les institutions, le profil (le style) de chaque praticien et qui a pour caractéristique de devoir être adaptée à chaque situation ? Aussi parce qu’elle fait appel à un certain nombre de compétences transversales, il paraît urgent de dissocier la notion d’accompagnement de ce qu’elle n’est pas. C’est une tâche fastidieuse puisqu’il s’agit de repérer les moments de « pur » accompagnement qui sont plutôt rares et les moments dans lesquels on se situe dans un autre registre de développement personnel, de l’aide, de guidage, etc. (Le Bouëdec, Crest, Pasquier et Stahl, 2001).

Contrairement au développement personnel, l’enseignant dans l’accompagnement n’est pas un thérapeute. De plus, dans le développement personnel, le client est demandeur, ce qui n’est pas le cas dans l’accompagnement en milieu éducatif où l’élève l’est peu voire pas du tout.

La posture d’écoute et d’accueil de l’élève

Dans cette posture, l’enseignant doit accueillir les besoins de l’élève, écouter ses résistances et ses peurs, écouter pour comprendre l’élève dans ce qu’il vit et l’aider à tisser des liens entre ses difficultés, son ressenti et leur retentissement (Le Bouëdec, 2001). L’élève en difficulté scolaire baigne généralement dans une solitude voire une souffrance dont il ne comprend ni les tenants ni les aboutissants. Bon nombre d’élèves en difficulté scolaire n’ont pas ou n’ont plus “droit à la parole” dans la classe, car fragilisés par la peur du ridicule. La posture d’écoute permet ainsi à l’élève de se sentir compris et soutenu dans ses difficultés, dans ses peurs. Cette posture est traduite par Gagnon, Moulin et Eyserman (2011) par celle du souci de l’autre. Ils affirment dans leur étude, au travers d’entretiens réalisés avec des spécialistes de l’enseignement et du domaine médical, que ce dont l’élève en difficulté a le plus besoin, à l’instar d’un patient dans un hôpital, c’est d’être écouté et entendu. Il faut entendre ce que l’élève a à dire, il faut lui prêter une oreille attentive et l’aider à sortir de son isolement. Il est ainsi utile de rappeler que l’on ne saurait accompagner quelqu’un sans connaître ses besoins, les raisons de ses difficultés, etc. De cette écoute, l’enseignant sort l’élève de l’anonymat et de la solitude dans lesquels il était plongé. L’élève “existe” et “revit” parce qu’il est écouté. Pour Giordan (1998), l’intérêt d’une bonne écoute est double pour l’enseignant. Cela lui permet de connaître où en est l’élève, quelle question se pose-t-il ? Que décodent-ils des enjeux? Comment raisonne-t-il ? Qu’attend-il de la rencontre avec les savoirs ou avec l’école ».

La posture de clarification et de discernement

Cette posture, selon Le Bouedec (2001), c’est le fait de pouvoir aider l’élève « à démêler ce qui est confus afin de favoriser la connaissance de lui-même en situation d’apprentissage ». Cette posture permet à l’élève de sortir de son jeu, d’élargir son champ de vision, de trouver de nouvelles manières plus adaptées pour lui-même, de s’ajuster à son environnement (Le Bouedec, Crest, Pasquier et Stahl. 2001).

La posture d’encouragement et d’influence

C’est le fait d’encourager et de rassurer l’élève par rapport à ses hésitations, tel un guide qui l’accompagne en cordée (Le Bouëdec, 2011). Cette attitude de bienveillance est fondamentale pour amener l’élève à retrouver sa confiance. Nous ne cesserons d’ailleurs pas de le rappeler, car le regard, le geste et les propos de l’enseignant ont une résonance particulière chez l’élève en difficulté scolaire ou en transition déjà fragilisé par son manque de confiance et la perte d’estime de soi.

Dans cette posture d’encouragement appelée aussi posture d’influence, l’enseignant devra aussi éveiller, confronter, provoquer, bousculer et conseiller l’élève. Il devra également se décaler, faire prendre conscience à l’élève, lui proposer, recommander et explorer des pistes avec lui et influencer avec intégrité. Tout cela implique d’être soi-même présent dans la relation tout en laissant le maximum de place à l’élève : savoir « être avec », savoir aussi se relier à ce que l’on ressent, pouvoir se « mettre en conseil », ne pas influencer, du moins sans intégrité, « être » tout simplement et justement ce n’est pas si simple (Vial et CaparrosMencacci, 2007).

Cadre conceptuel

L’élève en difficulté scolaire :

Lorsque l’on parle d’élèves en difficultés scolaires, il est très important d’expliciter ce que l’on met derrière cette expression « difficulté scolaire ». C’est une expression qui est régulièrement utilisée par les enseignants pour dire tout un tas de choses qui ne sont pas forcément liées.

L’élève dont le niveau scolaire est « faible »

L’expression « élève en difficulté scolaire » est par exemple utilisée par les enseignants pour désigner un élève dont les méthodes de travail et les démarches de résolution de tâches complexes sont inadaptées (Vianin, 2009). C’est aussi l’élève dont l’évaluation pédagogique de type sommatif révèle un retard en regard des attentes à son endroit. En d’autres termes, « l’élève en difficulté scolaire » peut être celui qui a de la peine avec les tâches qui lui sont proposées, c’est-à-dire celui dont la « production » scolaire est en deçà de ce qui est attendu par l’enseignant. C’est l’élève qui ne comprend pas les consignes, n’arrive pas à expliciter sa démarche, ne perçoit pas les attentes de l’enseignant, n’a pas une méthode de travail efficace, etc. Pour dire les choses de façon triviale, c’est l’élève dont le niveau scolaire est jugé « faible » voire « très faible » par les enseignants. Cette « difficulté » est généralement perçue à travers les résultats scolaires de l’élève en question.

La même expression « élève en difficulté scolaire » est aussi utilisée par les praticiens de l’école pour qualifier celui ou celle dont le comportement pose problème en classe. Il s’agit principalement de l’élève qui empêche le bon déroulement de la séquence d’enseignement en classe. S’agissant de cet élève « en difficulté scolaire », Auger et Boucharlat (1999, p. 16) précisent, au terme de leur enquête faite auprès des enseignants, qu’il y a une dichotomie entre l’élève qui perturbe et l’élève qui refuse de travailler.

L’élève qui refuse de travailler 

Selon les auteurs de cette enquête, c’est l’élève qui refuse, par exemple, de passer au tableau, de lire un paragraphe, de faire un exercice, d’apporter son matériel, de répondre à une question, bref de jouer son rôle d’élève en classe (Auger et Boucharlat, 1999). L’expression « élève en difficulté scolaire » est donc polysémique dans le sens qu’elle peut renvoyer à un faible niveau scolaire, à des problèmes de comportement en classe, à un refus de travailler ou les trois à la fois.

L’élève dont le projet professionnel est absent

Seulement, lorsque nous parlons « d’élève en difficulté scolaire » dans ce travail, nous faisons principalement allusion aux élèves qui arrivent au terme ou qui sont sortis de l’école obligatoire sans aucun projet professionnel. Ce sont les élèves dits « perdus », c’est-à-dire ceux chez qui les mauvaises notes scolaires, les remarques acerbes de l’enseignant, les moqueries des pairs ont laissé des traces et ont fini par les installer dans une spirale de l’échec. Au-delà des sentiments de honte, d’humiliation, du mépris de soi qui les affectent durablement, ces élèves se trouvent dans une impasse et finissent par baisser les bras. Ils aspirent certes à réussir comme tout un chacun, mais sont tétanisés par la peur de ne pas savoir faire, par l’angoisse d’échouer (Auger et Boucharlat, 1999, p. 29). Pour un certain nombre d’entre eux, la transition vers le monde professionnel pose problème : soit parce qu’ils n’ont pas réussi à trouver une place d’apprentissage, soit parce qu’ils n’arrivent tout simplement pas à choisir une orientation professionnelle, persuadés qu’ils ne « sont bons à rien ». Un élève interviewé par Wiel et cité par Auger et Boucharlat (1999, p. 29) ira d’ailleurs jusqu’à déclarer en ces termes : « ce que j’ai appris de plus clair à l’école, c’est que j’étais un débile. »

La posture de l’enseignant : 

La définition que donnent Bucheton et Soulé (2006) à propos de la posture à savoir un ensemble de schèmes préconstruit du « penser-dire-faire » que l’enseignant ou l’accompagnateur convoque en fonction de la situation donnée pourrait suffire à elle seule pour comprendre ce concept. En d’autres termes, la posture c’est l’occupation de l’espace signifiante dans les interrelations, c’est ce qui permet de savoir d’où l’accompagnateur parle (Vial, 2013). Dans une relation d’accompagnement par exemple, l’enseignant doit pouvoir être conscient des variations qui peuvent survenir à n’importe quel moment de l’accompagnement face à l’élève et adapter sa posture en conséquence. Suivant ce qui se passe dans cette relation, l’enseignant peut passer d’une posture d’écoute à une posture d’analyse voire à une posture d’encouragement ou d’influence.

L’accompagnement : 

Après avoir démontré dans le cadre théorique la confusion engendrée par l’emploi de la notion d’accompagnement pour désigner une réalité complexe alors qu’elle n’en est qu’une partie, je vais donc m’atteler à définir de la façon la plus claire possible ce qu’est l’accompagnement.

CONCLUSION

Après analyse des résultats issus des entretiens réalisés avec le public cible, la réponse finale à la question de recherche qui était de savoir comment les enseignants définissent-ils les moments d’accompagnement d’élèves en difficulté scolaire est la suivante : les enseignants ne savent pas à quel moment ils sont ou non dans l’accompagnement d’un élève en difficulté scolaire.

Si au début, ils ont tous été dans l’accompagnement notamment avec une posture d’accueil et d’écoute de l’élève en difficulté scolaire, les enseignants interrogés se sont tous ensuite versés dans le guidage (voir modèle pratique de guidage en annexe 2) en particulier dans le suivi, l’aide, le conseil et le modelage. L’aide administrative à la préparation de dossier de candidature, le suivi ainsi que le conseil à l’élève d’aller voir la conseillère d’orientation, sont autant de registres dans lesquels se sont illustrés les enseignants Paul, Fiona et Charles dans leur discours sur les moments d’accompagnement. Alors que Alain quant à lui, adoptera une posture de modelage pour montrer, par exemple, à l’élève comment « démarcher et se vendre » au téléphone pour décrocher un stage lorsqu’à l’autre bout du fil, il y a un employeur potentiel. Or, l’accompagnement ne relève ni la technicité ni de l’aide, encore moins de l’assistance sociale. C’est une rencontre dans laquelle on s’éloigne de la maîtrise de l’un sur ce que fait l’autre. Dit autrement, l’accompagnement est une forme particulière d’étayage.

 

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. CADRE THEORIQUE 
2. 1 Où en est l’état des connaissances scientifiques sur le sujet ?
2. 1. 1. La posture d’écoute et d’accueil de l’élève
2. 1. 2. La posture de clarification et de discernement
2. 1. 3. La posture d’encouragement et d’influence
2. 1. 4. Tableau récapitulatif
2. 2. Cadre conceptuel
2. 2. 1. L’élève en difficulté scolaire
2. 2. 2. La posture de l’enseignant
2. 2. 3. L’accompagnement
2. 3 Question de recherche
2. 4 Hypothèses
3. METHODOLOGIE
3. 1 Population ciblée
3. 2 Méthode
3. 3 Analyse des résultats
4. RESULTAT DE L’ENQUETE
4. 1. Comment les enseignants racontent-ils ces moments d’accompagnement ?
4. 2. Quelle est la place occupée par les enseignants ?
4. 3. Les parents sont-ils impliqués par les enseignants ?
4. 4. Comment perçoivent-ils l’effet enseignant ?
5. DISCUSSIONS ET CONCLUSION

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