Selon les estimations de Food and Agriculture Organization (2002), d’ici 2030, la population mondiale atteindra 8,23 milliards d’individus, soit une augmentation de 40% depuis 1999. Même si cette progression devrait ralentir par rapport à la période 1979 – 1999, le besoin en denrées alimentaires va croître de façon significative. Selon la Food and Agriculture Organization (2002), la demande en production carnée augmentera pour atteindre une quantité de 376 millions de tonnes, soit une augmentation de 72% par rapport à 1999. La consommation de viande atteindra ainsi en moyenne 45,5 kg par personne et par an. Entre la production de volaille, de porc et de ruminants, celle de la volaille connaîtra le plus grand essor et dépasserait même celle du porc d’ici 2030. La demande en ressources (eau, sols arables, énergie fossile, matières premières utilisées en alimentation animale, …) devrait également connaître une évolution positive d’ici 2030. La production animale devra faire face à ces nouvelles situations par une intensification durable et une optimisation des ressources disponibles (Food and Agriculture Organization, 2002). La pression de son impact sur l’environnement (pressions sanitaires, émissions d’ammoniaque, de méthane, pollution de métaux lourds, …) sera également capital dans les années à venir. En ce qui concerne l’alimentation animale, une utilisation si possible encore plus efficace des nutriments devra être recherchée.
L’élément zinc (Zn) est à la fois un élément essentiel pour le métabolisme et un métal polluant pour l’environnement. Chez le porc, comme chez le poulet, une réduction du niveau d’apport en zinc peut conduire à une sub-carence qui se manifeste par des dysfonctionnements, comme des retards de croissance ou des déficiences des fonctions immunitaires, pouvant mettre à mal les performances d’un élevage. Les phases de production animale dans lesquelles l’indice de consommation est faible, telles que le démarrage des poulets ou le postsevrage des porcelets, sont particulièrement sensibles. Les recommandations d’apport de zinc s’élèvent à 100 et 40 mg / kg d’aliment pour respectivement le porcelet en post sevrage le poulet en croissance (Institut National de la Recherche Agronomique, 1989 ; National Research Council, 1994 ; National Research Council, 1998). Ces niveaux sont plus élevés que ce qu’apportent les matières premières habituellement utilisées en alimentation animale, c’est pourquoi les aliments pour porcs et poulets doivent être supplémentés avec des sources inorganiques ou organiques de zinc. Un excès de zinc dans les sols peut conduire à des phénomènes de toxicité pour les plantes et la microflore du sol à partir d’une concentration de 100 à 200 mg / kg MS (Mc Grath et al., 1995). En 2003, les teneurs en zinc maximales autorisées dans les aliments destinés aux porcs et volailles dans l’Union Européenne ont, pour des raisons environnementales, été revues à la baisse, en passant de 250 mg à 150 mg / kg d’aliment (European Community, 2003). Grâce à cette nouvelle directive les rejets de zinc provenant de la production animale devraient baisser d’environ autant, soit 40%, compte tenu du faible pourcentage de rétention du zinc (Jondreville et al., 2003). Toutefois, il n’est pas exclu, que dans le futur de nouvelles directives voient le jour dans le domaine de la qualité de l’eau ou des engrais de ferme (purin, fumier) qui limiteraient encore d’avantage l’utilisation du zinc en alimentation animale (Windisch, 2009). Par ailleurs, en admettant que la demande de zinc reste constante, on estime que les réserves minières mondiales connues et exploitables avec les techniques utilisées actuellement seront épuisées dans moins de 20 ans (Conseil Fédéral, 2009). La limitation de l’utilisation de cette ressource non renouvelable pourrait donc contribuer à la durabilité des systèmes.
L’élément zinc : origines de l’exploitation du zinc par l’Homme et ses rôles en biologie
L’élément zinc
Le zinc porte le numéro atomique 30 et se situe dans le groupe XII de la classification Périodique des éléments. Le zinc est un métal de transition, caractérisé par une bonne conductivité électrique. En biologie, le zinc est généralement un cation divalent (Zn2+) qui s’associe facilement avec l’oxygène et les éléments non métalliques tels que des acides aminés, des peptides, des protéines et des nucléotides, pour former des complexes avec quatre liaisons de coordinations en disposition tétraédrique. Avant même que l’élément zinc ne soit identifié, l’utilisation du minerai nommé calamine (carbonate de zinc) était déjà répandue 10 siècles avant J.C. pour la fabrication de bracelets ou pour son application comme pansements sur des blessures. En Inde, la fabrication de l’oxyde de zinc à partir de calamine était courante dès le 12e siècle. Au 16e siècle, le terme zinc fut employé pour la première fois dans un écrit par l’alchimiste suisse Paracelsus, sous le nom de « zincum ». Les Italiens Galvani et Volta ont été les pionniers de l’utilisation de la conductivité électrique du zinc par le développement des piles voltaïques vers 1800. Le minerai contenant du zinc est très répandu sur notre globe. La première industrialisation de la production européenne a été accomplie en Grande Bretagne en 1743, près de 600 ans après l’Inde, par un procédé de réduction de la calamine. L’extraction du minerai contenant du zinc s’effectue aujourd’hui dans plus de 50 pays. La Chine, l’Australie, le Pérou, les Etats Unis d’Amérique, le Canada et l’Union Européenne sont les plus grands producteurs. Le zinc est principalement utilisé pour galvaniser l’acier, le protégeant ainsi contre la corrosion (50% de la production mondiale). Environ 20% du zinc produit sont destinés à la fabrication de laiton en alliage avec le cuivre. La consommation annuelle mondiale de zinc se monte à 11 millions de tonnes. Entre 1994 et 2005, le prix du zinc, coté en bourse, a varié entre 700 $ / t et 1800 $ / t. En 2006 et 2007, il a dépassé les 3000 $ / t et actuellement, il est vendu à 2000 $ / t (London Metal Exchange, 2010). L’oxyde de zinc (ZnO) est généralement utilisé dans la production de peintures, cosmétiques, médicaments, produits plastiques, textiles et équipements électriques. Le sulfate de zinc (ZnSO4) est généralement utilisé dans la production de peintures, d’ampoules fluorescentes et d’écrans. Oxydes et sulfates sont les principales sources de zinc utilisées comme suppléments en alimentation animale. Leur proportion d’utilisation en alimentation animale, par rapport aux autre usage, s’élève à moins de 3% (London Metal Exchange, 2010).
Le zinc est un élément essentiel
En biologie, Raulin (1869) découvre qu’Aspergillus niger contient du zinc. Quelques années plus tard, Lechartier et Bellamy (1877) constatent sa présence dans divers organismes végétaux et animaux. La même année, Raoult et Breton (1877) révèlent sa présence dans le foie humain. Dans les années qui suivirent, le zinc a été mis en évidence dans la plupart des plantes et des animaux à des concentrations un peu moins élevées que le fer, mais plus importantes que celles du manganèse et du cuivre. Dans l’organisme, le zinc fait effectivement partie de la catégorie des oligo-éléments ou éléments traces métalliques. Cette catégorie comprend les éléments contenus dans un organisme à une concentration inférieure à 50 mg / kg (Kirchgessner, 2004). Après le fer, le zinc est l’oligo-élément le plus abondant dans l’organisme et présente une concentration de 20 – 30 mg / kg de poids corporel (Kirchgessner et al., 1994). Ainsi, un poulet de 3 kg poids vif, contient entre 60 et 90 mg de Zn et un porc de 100 kg poids vif, entre 2 et 3 g de Zn. En 1934, la dégradation des performances de croissance de rats et de souris induite par la réduction de l’apport alimentaire de zinc a révélé le caractère essentiel de cet élément. Cette observation a été rapportée presque simultanément en Europe (Bertrand et Bhattacherjee, 1934) et en Amérique (Todd et al., 1934). Un premier pas important venait d’être franchi dans la découverte des rôles physiologiques du zinc. Les oligo-éléments, dont fait partie le zinc, sont une classe d’éléments nécessaires à la vie d’un organisme, mais en quantités très faibles. Ils présentent également un caractère toxique pour l’organisme lorsqu’ils sont présents à des taux trop élevés. Un oligo-élément est dit essentiel lorsque son absence, tout comme son apport excessif, provoquent des anomalies structurelles et physiologiques pouvant mener à la mort. En 1940, le zinc fut identifié dans l’enzyme anhydrase carbonique isolée et purifiée (Kielin et Mann, 1940). L’anhydrase carbonique catalyse la conversion du dioxyde de carbone (CO2) en bicarbonate (HCO3- ) dans les tissus, qui sera transporté par les érythrocytes aux poumons. Le bicarbonate est transformé en acide carbonique (H2CO3), puis en CO2 et H2O pour être expiré des poumons. En 1955, le caractère essentiel du zinc préalablement démontré chez le rat et la souris, a été mis en évidence chez le porc (Tucker et Salmon, 1955) et en 1958 chez le poulet de chair (O’Dell et al., 1958). Tucker et Salmon (1955) ont observé chez le porc qu’une affection cutanée, appelée parakératose, était causée par une carence en zinc et qu’une addition suffisante de zinc dans l’aliment permettait de guérir l’animal et de prévenir cette affection. De 1955 à nos jours, une somme importante de travaux a été menée sur l’apport de zinc dans l’alimentation des animaux d’élevage et de l’Homme afin de préciser ses rôles physiologiques et de déterminer les niveaux d’apports alimentaires aptes à prévenir l’apparition de signes de carence ou de toxicité, en relation avec certains facteurs de variation liés à l’aliment ou à l’animal, comme son stade physiologique.
Les fonctions du zinc
Entre 3 et 10% des protéines synthétisées par le génome des mammifères ont besoin de zinc pour leur structure ou l’expression de leurs fonctions (Andreini et al., 2006 ; Hill et Link, 2009). Le zinc joue un rôle structurel dans les cellules, les ribosomes, les acides nucléiques et les enzymes telles que la phosphatase alcaline (PA), contenant quatre atomes de zinc par molécule, le superoxyde dismutase (SOD) à cuivre et zinc contenant deux atomes de zinc par molécule, la catalase, la peroxydase ou les « zinc finger proteins ». La PA hydrolyse les monoesters de phosphates et la SOD participe à la défense oxydative cellulaire par la transformation des ions superoxydes (O2-) en peroxyde d’hydrogène (H2O2) et en oxygène (O2). Le zinc (sphères argentées dans l’image ci-contre) stabilise la structure 3D des liaisons entre les protéines de transcription et l’ADN ou l’ARN. Cette structure est connue sous le nom de « zinc finger protein ». Le zinc intervient comme catalyseur dans l’expression de plus de 300 enzymes des classes oxydoréductases, transférases, hydrolases, lyases, isomérases et ligases. A travers ces différentes enzymes, le zinc joue un rôle dans la plupart des fonctions biologiques. Ces fonctions biologiques sont principalement la défense oxydative des membranes cellulaires, la défense immunitaire, la réplication et la transcription de l’ADN (polymérases) pour la croissance, le développement et la prolifération cellulaire, la synthèse des protéines, des lipides, des glucides, et la détoxification cellulaire d’autres métaux comme le mercure et le cadmium (Davis et Cousins, 2000).
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Table des matières
1. Introduction générale
2. Etude bibliographique
2.1. L’élément zinc : origines de l’exploitation du zinc par l’Homme et ses rôles en biologie
2.1.1. L’élément zinc
2.1.2. Le zinc est un élément essentiel
2.1.3. Les fonctions du zinc
2.1.4. La régulation du métabolisme du zinc
2.1.5. Les effets d’une carence en zinc
2.1.6. Les effets d’un apport de zinc au-delà de la capacité de régulation homéostatique
2.1.7. Le besoin en zinc et les recommandations d’apport alimentaire
2.1.8. Les sources de zinc sous forme inorganique
2.1.9. Les sources de zinc sous forme organique
2.2. Critères de mesure pour estimer le besoin en zinc ou la biodisponibilité de sources de zinc in vivo
2.2.1. Utilisation des performances de croissance comme indicateur du statut en zinc
2.2.2. Zinc absorbé et bilan de zinc comme indicateurs du statut en zinc
2.2.3. Critères de concentration de zinc et de métallothionéines dans les fluides, les organes et les tissus
2.2.4. Critères d’activités enzymatiques
2.2.5. Critères de défense immunitaire
2.2.6. Critères d’expression de gènes
2.2.7. Résumé des critères de mesure
2.3. La biodisponibilité du zinc et ses facteurs de variation
2.3.1. Définition de la biodisponibilité
2.3.2. Méthode d’estimation de la biodisponibilité du zinc
2.3.3. Facteurs alimentaires ayant une influence sur la biodisponibilité du zinc
2.4. Classification caractérisation, utilisation et méthodes d’évaluation des sources de zinc sous forme organique
2.4.1. Les systèmes de classification des sources de zinc sous forme organique
2.4.2. Origine et développement du marché des sources de zinc sous forme organique
2.4.3. Les postulats des sources de zinc sous forme organique
2.4.4. La caractérisation des sources de zinc sous forme organique
2.4.5. Estimation in vivo des sources de zinc sous forme organique : importance du dispositif expérimental
2.4.6. Conclusion sur la caractérisation des sources de zinc sous forme organique et l’importance du dispositif expérimental in vivo
3. Etudes expérimentales
3.1. Objectifs de recherche
3.2. Présentation des caractéristiques physico-chimiques de la source organique de zinc choisie (ZnGly)
3.3. Bioavailability of zinc glycinate in comparison with zinc sulphate in the presence of dietary phytate in an animal model with 65Zn labeled rats
3.4. Zinc availability and digestive zinc solubility in piglets and broilers fed diets varying in their phytate contents, phytase activity and supplemented zinc source
3.5. Bioavailability of organic zinc sources in broilers and piglets: a meta-analysis
4. Discussion générale
4.1. Impact de phytates de sodium apportés dans des régimes semisynthétiques
4.2. Impact des phytates apportés par les matières premières d’origine végétale
4.2.1. Effet des phytates sur le zinc présent dans l’aliment chez le porc
4.2.2. Effet des phytates sur le zinc présent dans l’aliment chez le poulet
4.2.3. Effet des sources de zinc supplémentées sous forme organique
4.3. Intérêt de la comparaison entre poulet et porcelet
5. Conclusions générales
6. Références bibliographiques
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