L’élaboration et le parcours des portraits d’humanistes

Définitions de l’objet « portrait »

Pour mieux comprendre et interroger l’échantillon des portraits retenus, il est nécessaire dans un premier temps de revenir et de comprendre ce qu’implique ce terme de « portrait ». Il convient, en effet, de présenter l’objet d’étude sur lequel repose le sujet du mémoire. Ainsi, les enjeux qui tournent autour de sa définition, puis la place qu’il occupe dans la société à l’époque étudiée et les liens qui l’unissent aux humanistes seront abordés dans
cette partie.

Esquisses de la notion de portrait au fil des siècles

«Il n’est ni possible ni souhaitable de tenter une définition trop précise du mot portrait », écrit Lorne Campbell. Et pourtant, s’interroger sur cette définition permet de passer en revue différents éclairages, émanant des contemporains de l’époque, d’historiens, d’historiens de l’art, etc. Ceux-ci mettent en lumière que la notion et par là même ce qui est « portraituré » a beaucoup évolué. Si aujourd’hui, le mot portrait évoque la représentation d’une personne au moyen d’une technique artistique telle que la peinture, le dessin ou bien encore la gravure, cela n’a pas toujours été le cas. Aux XVe et XVIe siècles, la terminologie française se rapportant au portrait a un sens très général. Le verbe « portraire » est lié à l’idée assez vague de représentation et signifie tracer ou dessiner. Portraire ou contrefaire, c’est dessiner le contour de quelque chose au moyen d’un trait. Les origines légendaires de la peinture racontées par Pline l’Ancien vont dans ce sens. Une jeune fille amoureuse d’un soldat aurait, grâce au système de l’ombre portée, capté par un trait sur le mur la silhouette de son fiancé pour conserver son image lorsqu’il serait loin d’elle. Le renvoi au « trait » se retrouve aussi dans l’étymologie du terme « portrait » qui était déjà très employé durant le XVIe siècle. « Portrait » ou « portraire » se disait en ancien français « pourtrait » ou « pourtraire », mots construits à partir de « pour », un préfixe à valeur intensive et de « traire » venant de « trait », et qui doit être compris dans le sens de dessiner. L’allusion au « trait » est aussi présente dans la terminologie italienne de l’époque. En effet, les Italiens de la Renaissance utilisaient pour « portraire », le verbe ritrarre qui signifie « donner la copie littérale, trait pour trait, de quelque chose » et le mot ritratto pour portrait.
On décèle au travers de ces définitions, qu’à l’époque, il ne s’agit pas uniquement de la représentation d’une figure humaine. Cette distinction n’apparaît qu’à la toute fin de la période qui nous intéresse, c’est-à-dire au début du XVIIe siècle. Dans les années 1610, on note cette spécialisation définitive du mot « portrait » pour la représentation d’une personne humaine dans des dictionnaires d’origines étrangères. En 1611, par exemple, le retrato est défini dans le premier grand dictionnaire espagnol comme étant l’image imitée d’un personnage. En France, même si on peut supposer qu’en ce début de XVIIe siècle, la même évolution du mot s’est produite, la confirmation par les grands ouvrages lexicographiques ne se fait qu’une soixantaine d’années plus tard. C’est André Félibien qui le premier dans son lexique spécialisé sur l’art en précise les nuances, il écrit que « le mot portraire est un mot général qui s’étend à tout ce qu’on fait lorsqu’on veut tirer la ressemblance de quelque chose ; néanmoins, on ne l’emploie pas indifféremment à toutes sortes de sujets. On dit le portrait d’un homme ou d’une femme, mais on ne dit pas le portrait d’un cheval, d’une maison ou d’un arbre. On dit la figure d’un cheval, la représentation d’une maison, la figure d’un arbre. ». La séparation, ici, de l’homme et des animaux, correspond à la théorie anthropocentrique « moderne »qui succède à la vision médiévale qui considérait les animaux comme sujets de droit, c’est-à-dire comme des « personnes » à part entière à qui l’on pouvait intenter des procès… Quelques années plus tard pour Furetière, le portrait est la « représentation faite d’une personne telle qu’elle est au naturel » et qui est le plus souvent « l’ouvrage d’un peintre ». Cette acceptation du portrait comme représentation d’une personne a été maintenue pendant plusieurs siècles. Effectivement, le célèbre dictionnaire du XIXe siècle, Le Littré, explicite le terme de portrait comme « l’image d’une personne faite à l’aide de quelqu’un des arts du dessin ». Et encore aujourd’hui, cela correspond très bien à notre première approche du portrait.
Néanmoins, notre vision d’homme du XXIe siècle s’est enrichie de l’apport de différents courants artistiques tels que l’art abstrait, l’impressionnisme, le cubisme… qui sont apparus et se sont développés à partir de la fin du XIXe siècle. S’éloignant d’une représentation fidèle, le portrait est ainsi devenu une expression singulière. Désormais, d’après l’Encyclopaedia britannica, le portrait ne serait plus qu’un « rappel de certains aspects d’un être humain particulier, vu par un autre ». Cette définition souligne ainsi la subjectivité de la représentation. De plus, aujourd’hui, aux arts du dessin vient s’ajouter la technique de la photographie. Sans faire disparaître le portrait graphique, la photographie a permis de renouveler l’art du portrait. C’est ce qui ressort de l’exposition Face à face4 par exemple, ou des nombreux ouvrages sur le portrait photographique. En six siècles, la définition principale du portrait a donc vu naître des variantes, des nuances et des ramifications. D’autant que de nombreux historiens et historiens de l’art, sans compter des chercheurs travaillant dans d’autres domaines, affinent ou reviennent sur cette notion. Ainsi, l’historien de l’art John Pope Hennessy, a donné une définition restée célèbre dans son ouvrage sur le portrait à la Renaissance. Pour lui, un portrait est la représentation, et plus précisément la représentation picturale, du caractère d’un individu (« the depiction of an individual in his own character »). Cette définition a souvent été reprise « et fait quelque fois force de loi » dans le domaine de l’histoire de l’art. Il n’empêche que cette idée, que la ressemblance est principalement celle du caractère de l’individu, est parfois remise en question ou tout du moins questionnée, comme cela a été le cas lors du colloque international sur le portrait qui s’est tenu en février 2004 à Paris. On postule cependant volontiers que depuis la Renaissance, les artistes ont tenté, à travers le portrait, de représenter l’individu « dans son ensemble», c’est-à-dire son enveloppe physique mais aussi son caractère, son âme ; selon les différents courants artistiques, ils s’y sont pris différemment tout simplement, mais le but reste le même.
Le questionnement des hommes sur ce qu’est le portrait, ce qu’il représente n’a jamais cessé, comme le démontrent les nombreuses fluctuations de sa définition. Si la démarche est aussi sinueuse, c’est que cela dépend aussi de son rôle, de ce qu’on veut lui faire dire, de la place qu’on lui accorde dans la société. Parallèlement à cette transition, qui s’opère à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance, se met en place un changement de terminologie qu’il paraît intéressant de relever. Le vocabulaire propre au portrait n’apparaît, il est vrai, qu’au XVe siècle, mais c’est cependant une erreur de croire qu’avant la Renaissance, les relations entre l’image et la représentation humaine n’existent pas. Au fil des siècles, la culture occidentale montre un enracinement de ces deux concepts. L’existence de ces représentations dans les civilisations égyptiennes, grecques et romaines, ou bien encore le lien entre les mots image et visage le prouve. En effet, durant le Moyen Âge, le mot latin vultus désignant le visage prend le sens d’image2. Au XIVe siècle et même avant, des « portraits » d’individus sont donc produits à travers l’Europe, seulement les contemporains n’emploient pas ce terme et les désignent par des mots tels qu’images ou effigies par exemple. Ce glissement de vocabulaire accompagne aussi bien le développement du genre au début de la Renaissance, qu’un basculement dans la valeur accordée aux représentations humaines. Et à cet égard, le XVIe siècle et plus généralement la Renaissance sont des périodes charnières. En parallèle à une généralisation de l’image en Europe, le XVe puis le XVIe siècle cultivent donc ce genre tout à fait particulier du portrait. Mais ces décennies sont également un terreau fertile pour voir apparaître une mutation de sa logique.

L’épanouissement du XVIe siècle

Cet âge d’or du portrait débute presque insidieusement. Il porte, certes, l’héritage médiéval, voire antique mais le transfigure. Des passerelles presque filiales existent entre ce siècle de la Renaissance et la passion pour l’Antiquité. Le développement du portrait à partir du XVe siècle n’est bien sûr pas étranger à la redécouverte des représentations des « grands hommes » de l’Antiquité que l’on trouve par exemple sur les monnaies ou les médailles antiques, mais elle ne peut expliquer complètement cet engouement : les causes de l’épanouissement du portrait à la Renaissance se trouvent ailleurs. Dans son introduction à l’ouvrage les Portraits de la Renaissance1 de Lorne Campbell, Yves Bonnefoy apporte un début d’explication. Pour lui, « l’essor » du genre vient en partie du fait que, durant cette période, les gens en ont besoin. Les portraits viennent combler le vide laissé par une personne absente aussi bien temporairement (voyages, guerres…) que définitivement (décédée). En effet, le portrait est étroitement lié aux notions d’absence, de mort et de mémoire. Il est une réponse à un manque. Encore aujourd’hui, cette valeur commémorative du portrait reste, comme elle l’était à la Renaissance, une dimension essentielle. Il s’agit comme le pensait Dürer de conserver « l’image des hommes après leur mort ». La dualité mort / vie se retrouve dans un grand nombre de représentations de l’époque par la composition du portrait où l’artiste représente le modèle sur un fond ou décor sombre qui accentue de fait l’effet vivant de ce dernier. Il est coutume de déceler dans la volonté d’un individu de se faire portraiturer, l’envie de laisser une trace après sa mort, de survivre et d’échapper au temps. La représentation fige les traits de l’individu à un instant donné qui ne vieillira jamais. Comme le disait Léonard de Vinci, les portraits conservent la beauté que la nature et le temps détruisent.
En cela, ils confèrent presque un statut d’immortel aux portraiturés. Cependant, l’idée de survie par l’image doit être quelque peu nuancée. Bien souvent en effet, ce sont les vivants qui donnent cette fonction mémorielle ou commémorative aux portraits. Ce statut n’est pas nouveau : effectivement dans l’Antiquité, les Romains honoraient leurs ancêtres morts en gardant leur représentation (bustes, fresques, masques de cire…) dans l’atrium de la villa. Mais les Modernes remettent au goût du jour ce lien essentiel entre mémoire et portrait. Cette perpétuation mémorielle d’un membre de la famille s’inscrit dans une logique bien plus vaste qui est de renforcer, consolider ou rappeler la gloire actuelle ou passée de la famille. Cette glorification posthume n’est pourtant pas le premier souhait des commanditaires de l’époque moderne. Pour eux, le portrait sert davantage « à éblouir leurs contemporains qu’à laisser un souvenir à leur héritier »3. C’est donc quasiment le contre-pied du portrait mémoriel. Le portrait n’est plus un lieu de ce qui a été, un lieu de mémoire comme le définit Eichel-Lojkine, mais un espace qui montre au figurant ce qu’il doit devenir en le dépeignant avec les aspects et attributs dus à son rang et sa condition sociale. Cela rejoint et conforte l’idée précédemment évoquée qui implique que le portrait est le théâtre de la mise en place de normes. Cette inscription dans la scène sociale n’est pas antinomique avec la valeur commémorative. Les deux mouvements peuvent se conjuguer, s’additionner ou l’un prendre le pas sur l’autre dans telle ou telle commande. Mais ils ne s’excluent pas l’un l’autre, tant les nuances sont imbriquées pour expliquer cet essor du genre au XVIe siècle.

L’humaniste fait le portrait et le portrait fait l’humaniste

Humanistes et représentations humaines entretiennent des relations étroites. Certes l’usage des portraits n’est pas un monopole des lettrés. De nombreuses communautés de personnalités de la Renaissance profitent de ce support en pleine expansion : les princes, les émissaires, les marchands et commerçants, les papes ou autres prélats, les artistes… Leurs rapports aux portraits diffèrent de ceux des humanistes et ils établissent souvent leurs propres codes de représentations à l’origine de sous-genres tels que le portrait de cour (pour les princes, rois et nobles importants), l’autoportrait (pour les artistes) ou bien encore les portraits de mariage… Dans ce dernier type de portraits, la représentation devient même présentation, une dimension qui est intrinsèque au genre, car ici l’image permet souvent à la future épouse ou au futur époux de découvrir celui ou celle qui lui est destiné(e). Les humanistes n’ont donc pas l’apanage de l’utilisation du portrait. Cependant, le développement de l’art du portrait en tant que genre autonome à partir du XVe siècle, est intimement lié aux idées nouvelles propagées par ce groupe de lettrés. Ces hommes passionnés par la « véritable Antiquité »1, par ses auteurs et ses langues sont avant tout des spécialistes de l’étude des humanités et de fait, leur sujet de réflexion majeur et leur objet d’étude principal est l’homme. L’individu se voit accordé par ce système de pensée une valeur positive indépendante de la religion. Il peut et même doit s’épanouir en dehors de sa vie religieuse qui n’est plus considérée par les humanistes comme le seul moyen de s’élever. L’humanisme célèbre la grandeur de l’homme et lui prête intérêt dans son individualité. La mise en relief de l’individu et la célébration de la dignité humaine se retrouvent dans nombre de traités contemporains. L’homme est ainsi au centre des intérêts et de la philosophie qu’expose Pic de la Mirandole dans son Discours de la dignité de l’homme (Oratio de hominis dignitate) aux alentours de 1486. Autre exemple frappant, l’image de l’homme microcosme du génie Léonard de Vinci qui écrit que « l’homme est le modèle du monde ». Du coup, l’art du portrait intègre peu à peu ces idées et se détache de cette emprise de la religion pour se focaliser sur le sujet de la représentation. Avec ces questionnements, les Modernes prennent conscience du fait que chaque individu est unique et les premières revendications individualistes, qui englobent, par exemple, les aspirations de réussite personnelle, apparaissent. À cette époque de « l’éloge de l’individu » (titre de l’ouvrage de Todorov1), le portrait devient donc une réponse à la montée de cet individualisme. L’autoportrait, encore plus que le portrait, reflète cette place nouvelle accordée à l’individu. L’humanisme révolutionne la vision que les Modernes ont de l’homme et par ce biais, transforme aussi profondément la représentation de celui-ci.

Galeries de portraits

 …d’hommes illustres

Les images collectées offrent des visages, des corps, des hommes… Des modèles qui, en plus d’exister en tant qu’individus, constituent une fois regroupés une communauté se reconnaissant des valeurs et des buts communs. Ces savants, hommes typiques de la renaissance, sont des spécialistes des « humanités », ces disciplines qui permettent d’aborder l’« humanité » de l’homme, c’est-à-dire le plein épanouissement des qualités qui font la dignité humaine. Dans cette partie, ces lettrés parfois très dissemblables et qui viennent de décennies plus ou moins éloignées se dévoilent donc sous nos yeux à travers leurs portraits. Des représentations où le modèle pose souvent seul, mais où il peut également être accompagné. La collectivité ne doit pas être rejetée, bien au contraire. Exposer les principaux critères qui ont permis de retenir ou d’écarter tel ou tel portrait n’est pas anodin, cela permet de commencer à entrevoir les logiques du corpus. En effet, la conservation de tous les portraits d’humanistes n’est pas pertinente, alors qu’effectuer une sélection permet de mieux délimiter le corpus, le rendant ainsi plus homogène et plus cohérent pour l’étude. Ainsi, la capacité, à identifier le lettré représenté, a été le premier critère d’incorporation au corpus principal.

identifiés

En effet, la première cause de rejet d’un portrait, c’est l’impossibilité de mettre un nom sur le modèle. L’identification permet la singularisation de l’individu par la mise en avant de ses critères propres et de son caractère unique1. Identifier une personne c’est donc la différencier d’une autre et permettre de la reconnaître. La définition du portrait demeure encore bien souvent liée à ces notions essentielles de reconnaissance et d’identification. En effet, le portrait est une représentation d’une personne précise, vivante ou ayant existé dans le passé, que l’on peut identifier grâce à des traits et / ou des éléments caractéristiques présents dans l’image. Une première nuance de taille doit être introduite. Si au moment de sa réalisation le portrait met en scène quelqu’un d’aisément identifiable, cet individu ne l’est plus forcément pour nous aujourd’hui. Les traits caractéristiques et propres à chaque humaniste permettaient à leurs contemporains, ou au moins au cercle à qui était destiné le portrait, de les reconnaître. Avec le temps, beaucoup de ces hommes sont devenus des anonymes. Les historiens ou historiens de l’art tentent et parfois réussissent à vaincre cet anonymat en réalisant des identifications précises ou plus générales. S’il n’est plus possible de cerner l’individu par sa singularité, repérer des caractéristiques communes avec d’autres portraits est une démarche possible qui peut livrer des indices révélateurs. L’individu n’est alors plus identifié pour lui-même mais par rapport à un autre. Les anonymes le restent, mais avec une analyse de ce genre ils peuvent être agrégés à un groupe, social ou non, ce qui fournit des débuts d’éléments sur leur identité. Ces humanistes anonymes prennent alors place dans un corpus complémentaire, outil utile, qui reste connecté à l’étude sans pour autant être au coeur des interrogations.
De plus, sans des éléments patronymiques avérés, il n’y a aucun moyen de s’assurer que ces hommes de lettres anonymes sont de véritables humanistes. Le commanditaire a, en effet, pu choisir de faire représenter le modèle avec ces caractéristiques précises pour le valoriser, alors que dans la réalité le portraituré n’est pas un humaniste. Notons ici, que si les modèles et les commanditaires sont parfois les mêmes personnes, cela n’est pas toujours le cas : un membre de la famille, un ami, un admirateur, un collectionneur… peut également jouer ce rôle. On effleure ici la complexité de la naissance de ces images et des circuits de production. L’analyse menée ici se doit bien entendu d’en tenir compte en arrière-plan. Mais il y a nécessité d’introduire des critères stables de sélection pour le recueil principal. Le premier d’entre eux est cette possibilité de mettre un nom sur l’humaniste représenté pour pouvoir attester de sa «fonction» de lettré. Par ailleurs, ne pas inclure ces derniers au corpus principal évite de biaiser les conclusions. En général, les portraits d’humanistes non identifiés offrent des genres et des constructions similaires, leurs lexiques iconographiques se ressemblent et renvoient souvent à l’Antiquité. Les introduire aurait fait pencher les statistiques vers un certain type de représentations et aurait donc pu fausser les résultats.
Au vu de ce tableau, les modèles des portraits gravés sont donc la majorité du temps facilement identifiables, seulement 3% (3 portraits gravés sur 100) de ces représentations ne sont pas associés à un nom à notre connaissance contre environ 77,9% (74 sur 95) pour les portraits peints. Incorporer un nom dans les représentations peintes sans enlever la réalité de la scène est souvent plus ardu pour les portraitistes. Le recours à l’encadré est une des solutions choisies par les peintres pour évoquer l’identité de leur modèle. Le portrait de Baldassare Castiglione par Jules Romain (portrait n°1) ou celui de Boniface Amerbach par Holbein (portrait n°93) en sont de très bons exemples. Mais la plupart du temps, l’élément patronymique est simplement inscrit sur le fond uni du tableau ou intégré au décor. Ainsi, dans un des portraits d’Érasme par Holbein (portrait n°57), le nom de l’humaniste apparaît partiellement sur une des tranches du livre où les mains du lettré reposent, alors que dans le portrait suivant (portrait n°58), l’inscription « ERASMUS ROTEROD. » est visible directement dans le livre que tient l’humaniste dans ses mains, au-dessus du texte. Quant aux dessins, 62% de ceux collectés (8 sur 13) présentent une inscription permettant l’identification explicite du lettré. En effet, les dessinateurs ou possesseurs du portrait notent bien souvent le nom de l’humaniste sur la feuille où se trouve le dessin. Pour prendre en compte la globalité de l’image, toutes les annotations des portraits dessinés ont été considérées comme faisant partie de la représentation. C’est d’ailleurs le plus souvent le cas : le dessinateur écrivant luimême le nom du modèle qu’il vient de représenter, on peut considérer que ces annotations sont primordiales et parties intégrantes du croquis. L’exemple le plus frappant de cette donnée est la spectaculaire esquisse préparatoire du tableau de la famille de Thomas More (portrait n°44) réalisée par Hans Holbein. Ce dernier a porté, entre autres choses, près des personnages leur identité. Néanmoins, il faut retenir que ces inscriptions ne sont pas toujours l’oeuvre du portraitiste. Ainsi, l’annotation « Erasmus » figurant sur le portrait dessiné représentant Érasme de Rotterdam assis dans sa cellule en train d’écrire à un pupitre devant une fenêtre ouverte (portrait n°60) n’a sans doute pas été inscrite par Holbein lui-même mais par une main ultérieure. Ces mentions sont importantes, elles permettent de mettre un nom sur un visage. Cependant, celles postérieures au dessin invitent à la méfiance ou au moins à la prudence. Ainsi, le nom « Herasme » porté par la main de Catherine de Médicis, sur le carton de montage du portrait réalisé par Jean Clouet, semble être une fausse mention. La présence d’éléments patronymiques ne garantit donc pas en permanence l’identité du modèle. Ce flou doit alors faire place à une investigation sur d’autres éléments de l’effigie, permettant de lever les doutes. Ce passage en revue des différentes mises en scène du patronyme s’avère déterminant au vu des données brutes qui atteignent un seuil significatif. Car effectivement,
en ajoutant à tous ces résultats ceux des images qui ne sont pas des peintures, des gravures ou des dessins (sculpture, médaillon de cire…), on s’aperçoit que 59.7% des portraits collectés présentent l’identité de l’humaniste dans ou à proximité du portrait, ce qui nous fait donc une grosse moitié du corpus.

Une communauté aux membres variés

Cette partie aurait pu conduire à une étude prosopographique : un exercice passionnant nous plongeant dans les arcanes de la Renaissance et qui aurait permis de redonner vie à ces hommes qui, dans leurs domaines respectifs à l’époque, faisaient figures d’autorités. Pour ce siècle de l’affirmation de l’individu, la tendance serait en effet d’affirmer la primauté de celui ci sur le groupe. Effectivement, les travaux des humanistes du corpus, leur vie également, sont évidemment singuliers et la République des lettres, dont certains font partie, n’est pas la dilution d’individus dans un groupe qui ne ferait qu’uniformiser. Mais néanmoins, des freins apparaissent immédiatement pour cette étude prosopographique. Le premier est lié à l’orientation du sujet : ce mémoire n’est pas un travail sur la vie des humanistes, mais sur leur image. La seconde difficulté est, elle, tout à fait concrète : en effet, au vu du nombre d’humanistes représentés, il a semblé judicieux de se focaliser non pas sur les différents parcours linéaires de vie, mais bien sur les points communs et les lignes transversales qui peuvent les unir.
Sur les 211 portraits récoltés qui forment le corpus principal, 93 humanistes différents sont représentés. Qui sont ces hommes ? La figure de l’humaniste est difficile à cerner comme nous l’avons déjà évoqué car, comme le souligne Eugenio Garin, « l’Humanisme peut constituer une sorte de référence commune »1 pour l’homme moderne qu’est « l’homme de la Renaissance ». De plus, du fait que leurs travaux cherchent à affirmer les valeurs humaines « dans les différents domaines, qui vont des arts à la vie civile »2, les humanistes exercent leurs talents dans des secteurs très différents. Cette variété dans les disciplines et fonctions touchées par l’humanisme se retrouve dans le corpus où, ainsi, des hommes d’Église ou d’État côtoient des poètes et des philosophes ou bien encore quelques médecins, historiens et hommes de sciences.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : DES SOURCES AU CORPUS
UNE MISE EN PERSPECTIVE DES PORTRAITS D’HUMANISTES 
I-/ Retour sur la jeunesse du sujet
A/ Une enquête iconographique
1. Images et historiens
2. Des sources diverses
3. Méthodologie et écueils rencontrés lors de la recherche
B/ Définitions de l’objet « portrait »
1. Esquisses de la notion de portrait au fil des siècles
2. L’épanouissement du XVIe siècle
3. L’humaniste fait le portrait et le portrait fait l’humaniste
II-/ Galeries de portraits
A/ … d’hommes illustres
1. … identifiés
a. Une communauté aux membres variés
b. Des origines différentes
2. Les représentants d’un large XVIe siècle
3. Des humanistes parfois accompagnés
B/ Des modèles et des imitateurs
1. Saint Augustin et saint Jérôme : les modèles
2. Les portraits « hommages »
III-/ L’élaboration et le parcours des portraits d’humanistes
A/ Les portraitistes
1. Des Italiens aux Néerlandais en passant par les Français
2. « De l’artisan à l’artiste »
3. Des artistes qui s’exportent
B/ Une production diversifiée à des fins variées
1. De la préparation d’une commande
2. Du dessin à la peinture : une palette de techniques et de formes
3. Destins de portraits
PARTIE 2 : UN CORPS BIEN PENSÉ
I-/ Le physique ou le profil de l’emploi
A/ L’humaniste : une tête et des mains
1. Un corps sans jambes ?
2. La tête ou le centre des connaissances
3. Les mains : des outils indispensables
B/ Construction d’un homme vertueux et sage
1. L’âge de raison
2. Des humanistes au poil
3. Autres éléments anatomiques remarquables
II-/ L’esthétique humaniste
A/ L’art de se vêtir
1. L’apparence du docteur
2. L’humaniste : de l’homme d’Eglise au courtisan
3. L’importance des accessoires et des bijoux
B/ Un corps contrôlé : le sacre de la sagesse
1. Le visage et ses émotions
2. Statique et gestuelle
PARTIE 3 : LES PORTRAITS, UNE VITRINE DE L’HUMANISME
I-/ L’Antiquité comme référence
A/ L’ombre des anciens
1. Imiter le philosophe
2. Sénèque ou le modèle de Juste Lipse
3. L’héritage mythologique
B/ Le réveil d’un art à l’antique
C/ Collectionner : établir un corpus de sources variées
1. Un collectionneur type : Jacopo de Strada
2. Reconstitution ou falsification de l’Antiquité
D/ Une inflexion : du latin aux langues vernaculaires
1. L’attraction du latin
2. La progression du vernaculaire
II-/ Une civilisation de l’écrit et du livre
A/ Ecrire dans le portrait
1. Graver les identités dans les mémoires
2. Hommage du pinceau à la plume et vice versa
B/ Le livre : l’autre personnage des portraits
1. Un catalogue conséquent
2. Une nouvelle mise en forme
3. Au fil des lectures
C/ La plume et l’encrier : les outils de l’auteur
III-/ L’humaniste au travail
A/ Au coeur du studiolo
1. Construction d’un espace de travail
a. Un espace confiné pour méditer
b. Un mobilier pour travailler
2. Un peu d’action
a. Lire et écrire : des activités au service de la méthode humaniste
b. Erasme ou l’apogée de la représentation du travail intellectuel
3. Des centres d’intérêts multiples
a. La culture scientifique
b. La sphère religieuse
B/ Une communauté riche de partages
1. Les cercles lettrés
a. Un apprentissage en groupe
b. L’oralité, une autre façon de s’instruire
2. Les sociabilités affectives chez les humanistes
a. L’ami alter-ego
b. Entretenir une amitié
CONCLUSION
ANNEXES
CORPUS PRINCIPAL
CORPUS SECONDAIRE 
STATISTIQUES
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIÈRES

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