L’EIP et l’école primaire

L’EIP et l’école primaire

Le portrait de L’EIP présenté aux enseignants par l’institution 

Ce travail s’inscrivant dans une démarche de formation professionnelle, je me suis intéressée en premier lieu aux ressources qui concernent les élèves précoces et qui sont proposées par l’Education Nationale pour les enseignants. Il y a eu plusieurs groupes de travail et de réflexion mis en place au sein de différentes académies. Le résultat de leurs travaux et expérimentations sont accessibles pour tous sur les sites académiques. Parmi les plus étoffés, on peut citer ceux des académies de la Réunion, de Nice et de Lyon. Le groupe de Lyon apparaît comme précurseur dans ce domaine puisque leurs outils datent de 2009/2010, alors que les deux autres réalisent leur dossier en 2012/2013. C’est également en 2013 qu’apparaît sur Eduscol, site de ressources officielles de l’Education Nationale, un module de formation à destination des enseignants : Scolariser les élèves intellectuellement précoces (EIP). Ces différents dossiers suivent tous un plan quasi-similaire : d’abord un rappel des instructions officielles, puis une présentation des caractéristiques des EIP avec les signes permettant de les repérer, et enfin des pistes pédagogiques et les démarches à suivre en cas de suspicion ou de reconnaissance par un diagnostic. La thématique de la précocité est encore très peu développée dans la formation initiale des jeunes enseignants ainsi que dans la formation continue des plus expérimentés. Comme point de départ de l’ébauche du portrait de L’EIP, je prends donc les caractéristiques qui leurs sont présentées dans le module de formation Eduscol pour les aider à les comprendre et les repérer (cf. Document 1). Outre ces éléments descriptifs, ce module spécifie que « L’EIP se caractérise avant tout par un fonctionnement cognitif spécifique qui entraîne des particularités importantes dans les processus d’apprentissage, de compréhension, mais aussi d’attention ». Et c’est ce fonctionnement cognitif spécifique qui justifiera deux pages plus loin leur appartenance à la catégorie « élèves à besoins éducatifs particuliers ».

L’EIP est présenté comme « un élève singulier », mais il est très rapidement catégorisé pour rejoindre le champ du besoin éducatif particulier (BEP). Quel point commun a t-il avec les autres élèves relevant du BEP ? En le catégorisant ainsi ne risque-t-on pas de gommer sa singularité ? Que cela induit-il dans les pratiques professionnelles des enseignants ?

L’EIP, un élève à besoins éducatifs particuliers comme les autres ? 

Si l’on regarde les instructions officielles et les ressources d’accompagnement pédagogique émises par l’Education Nationale, le champ du besoin éducatif particulier concerne et regroupe différentes populations d’élèves : les élèves en situation de handicap, les élèves en situation familiale ou sociale difficile, les élèves intellectuellement précoces, les élèves nouvellement arrivés en France, les élèves malades, les enfants du voyage et les enfants en milieu carcéral. Cette diversification fait écho à la Loi n°2005-102 du 11 février 2005 institutionnalisant « l’adaptation de l’offre éducative à la diversité des élèves et l’individualisation de leur parcours ». Cependant ce sont essentiellement les injonctions concernant l’intégration et l’inclusion des personnes en situation de handicap qui ont marqué les esprits et le besoin éducatif particulier est pour beaucoup lié à la définition du handicap. On relèvera que Valérie Barry, dans son article Du rapport Warnock à la loi du 11 février 2005 : How to insight into the special needs ?, paru en 2010, aborde encore principalement le concept de besoin éducatif particulier autour d’une étude de cas concernant l’inclusion d’un élève trisomique. Même si elle termine son article en réfléchissant sur le besoin éducatif particulier comme étant un outil pédagogique efficace car reposant sur un principe de non-discrimination, je me suis demandé dans quelle mesure cet outil pouvait être profitable à tous les élèves relevant du besoin éducatif particulier.

En effet le concept de besoin éducatif particulier apparaît en 1981 en Angleterre avec le rapport Warnock et l’OCDE en donnera une définition internationale en 1996 ou elle y inclura les élèves ayant des besoins résultant d’une déficience, ou d’une une difficulté d’apprentissage, ou de difficultés socio-économiques et culturelles. Le Dr Elizabeth Zucman propose de définir ce concept dans sa conférence de consensus, intitulée Les besoins éducatifs particuliers : une clef pour la scolarisation de tous les élèves en difficulté (2008). Effectivement, elle rappelle qu’à l’origine, le besoin éducatif particulier ne désigne pas une population identifiée mais plutôt une réponse pédagogique liée à une difficulté d’apprentissage dépassant, voire devançant les catégorisations. Le besoin éducatif particulier a donc initialement vocation à s’adresser à n’importe quel élève, quelles que soient les causes de ses difficultés. Cependant pour certains d’entre eux, notamment les élèves en situation de handicap, les élèves malades ou les élèves intellectuellement précoces le fait de relever du besoin éducatif particulier nécessite un diagnostic médical et/ou psychologique qui sera nécessaire pour mieux les comprendre et répondre à leurs besoins spécifiques. L’Ecole n’est donc pas la seule actrice concernée dans l’accompagnement de ces populations. Ce qui a eu pour effet de faire évoluer le concept de besoin éducatif particulier en y catégorisant différentes populations d’élèves ; alors qu’initialement il désignait juste « le besoin d’une aide pour apprendre » et ne nécessitait pas forcément de s’intéresser aux causes des difficultés rencontrées par l’enfant.

Pour ce qui concerne les élèves intellectuellement précoces, ils font partie des dernières catégories de population scolaire à avoir rejoint le cercle des élèves à besoins éducatifs particuliers dans les instructions officielles et les ressources d’accompagnement pédagogique. Si leur reconnaissance en tant qu’élèves à besoins éducatifs particuliers ne fait aucun doute dans les textes officielles et ressources à destination des enseignants, la mise en place de partenariats avec des acteurs du milieu medico-social n’est pas autant balisée que pour les élèves malades et les élèves en situation de handicap qui peuvent bénéficier d’un plan d’aide spécifique à leur pathologie : PAI pour les premiers et PPS pour les seconds. Cette difficulté repose sur un paradoxe : la précocité n’est considérée ni comme un trouble ni comme une pathologie mais nécessite tout de même un diagnostic pour confirmer la supériorité du QI de l’enfant à 130. Cet examen psychologique (WISC) est le seul actuellement à pouvoir apporter la reconnaissance de la précocité. Mais une fois cet examen réalisé, quels sont les leviers institutionnels existants pour répondre aux besoins de ces élèves ? L’élève précoce peut bénéficier d’un parcours personnalisé s’appuyant sur une différenciation pédagogique mise en place par l’enseignant au sein de sa classe, mais aussi sur un saut de classe si nécessaire ou la mise en place d’un PPRE. Des réunions d’équipe pédagogique peuvent également être mises en place par le directeur de l’école afin de collaborer avec les différents partenaires de l’école qui suivent l’enfant, dispositif encouragé et soutenu par la désignation d’un référent académique en charge de la scolarisation des EIP qui peut accompagner écoles, partenaires professionnels et familles dans cette démarche.

Une reconnaissance récente au sein de l’Éducation nationale 

Après avoir fait l’état des lieux de ce que préconise actuellement l’institution pour la prise en charge des EIP mais aussi des outils qu’elle met à disposition des enseignants, une question m’a interpellée : Pourquoi l’apparition de ces ressources est si récente ? En effet, les élèves précoces ne sont pas apparus à l’École il y a cinq ans. En fait leur reconnaissance dans les instructions officielles est antérieure à l’émergence de ces ressources. Les EIP sont mentionnés pour la première fois en janvier 2002 dans le rapport officiel de Jean-Pierre Delaubier. Celui-ci répertorie les difficultés rencontrées par ces élèves, ainsi que celles de leur famille et invite le Ministère de l’Education Nationale à s’intéresser à cette problématique : « Nous ne pouvons pas rester indifférents à la situation de souffrance et de difficulté d’un élève (quel que soit son “ potentiel ”) ». La réaction de l’institution ne se fait pas attendre puisque dès la rentrée 2002, la circulaire 2002-075 du 10-4-2002 précise qu’« il convient d’être attentif à la scolarisation des élèves « intellectuellement précoces » ». Et ce ne sera que le début d’une suite d’évocations de la scolarisation des EIP dans les instructions officielles. Celle-ci sera à nouveau mentionnée dans toutes les circulaires de rentrée qui suivront, puis en 2005 dans la Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (loi n°2005-380 du 23 4-2005. JO du 24-4-2005) et dans le Code de l’Education en juillet 2013. Tous ces textes mettent en lumière la nécessité de prendre en compte la précocité dès l’école primaire, sans pour autant apporter de pistes pédagogiques pour les enseignants. Il aura fallu plus de dix ans entre le début de la reconnaissance des EIP par l’institution et la mise à disposition de ressources : pourquoi ? Tout d’abord, rappelons que 2013, qui voit la mise à disposition du module de formation Eduscol, est aussi l’année de la Loi d’orientation et de programmation de l’école (loi n°2013 595 du 08- 7-2013) et qu’il y a là un lien à faire. Même si les ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire) sont créées en 2011, cette loi consacre la fin de l’idée d’intégration scolaire pour la remplacer par celle de l’inclusion. À partir de ce moment, l’École doit théoriquement tout faire pour être en mesure d’accueillir et accompagner tous les élèves sans distinction. Il devient alors nécessaire pour l’institution d’aider ses enseignants à atteindre cet objectif : la mise à disposition de ressources est une solution qu’elle propose.

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Table des matières

Introduction
Partie 1 : Cadre institutionnel et théorique
1.1) L’EIP et l’école primaire
1.1.1 Le portrait de L’EIP présenté aux enseignants par l’institution
1.1.2 L’EIP, un élève à besoins éducatif particulier comme les autres ?
1.1.3 Une reconnaissance récente au sein de l’Education Nationale
1.2) L’EIP et le milieu scientifique
1.2.1 L’évolution du regard porté sur la précocité dans les recherches
1.2.2 Un sujet qui divise encore actuellement
1.3) L’impact des représentations sociales sur la prise en charge des EIP
1.3.1 Une terminologie non-consensuelle
1.3.2 Quelques travaux sur la représentation des EIP
1.3.3 Quel lien entre représentation de l’EIP et professionnalisation du métier ?
Partie 2 : Problématique et hypothèses
Partie 3 : Recherche
3.1 La démarche
3.1.1 Le choix de l’outil de recherche
3.1.2 Le profil des enquêtés
3.2 Le guide d’entretien
3.2.1 Présentation de l’outil
3.2.2 Thème 1
3.2.3 Thème 2
3.2.4 Thème 3
3.3 Analyse des résultats et interprétation
3.3.1 Retour sur les points saillants dans le discours des enquêtés
3.3.2 Le ressenti des enquêtés face à l’accueil des EIP
3.3.3 Les caractéristiques attribuées aux EIP par les enquêtés
3.3.4 Les propositions de prise en charge des EIP par les enquêtés
3.3.5 Vérification des hypothèses
Conclusion et perspectives
Bibliographie/Sitographie
Annexes

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