L’EIDETIQUE DE LA VOLONTE l’analyse De La Volonte

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Gabriel Marcel (1813-1855)

Ricœur a puisé chez Gabriel Marcel l’importance de l’ontologie et de la pensée ontologique dans la connaissance du réel. Pour connaître le sujet, il ne faut pas seulement se contenter de sa manière d’être ; encore faut-il analyser son être profond qui relève de l’ontologie. Seulement l’ontologie n’est pas une do nnée toute faite, elle est à construire ; elle reste un horizon d’attente donc elle est aussi objet d’expérience et de perspective ouverte. Gabriel Marcel a une grande influence sur Ricœur. N ous savons que la méthode socratique a beaucoup influencé Gabriel Marcel. Il s’agit de ce qu’on appelle la maïeutique qui n’est rien d’autre qu’un dialogue où les interlocuteurs tenten t d’accoucher la vérité par la voie des question- réponses. Gabriel Marcel a organisé un cercle de réflexion appelé« les règles des vendredis ». Il s’agit d’un mouvement intellectuel qui a pour b ut d’échanger des idées sur des thèmes précis de philosophie politique d’actualités qui intéressent la société.

Ricœur a fréquenté ce cercle car il est convenu d’y exprimer spontanément sa propre réflexion autant que possible et à partir de ses propres expériences relayées par la maïeutique renouvelée de Socrate.
Du point de vue du contexte, le thème du « monde cassé » de Gabriel Marcel a influencé Ricœur. Gabriel Marcel constatait que le monde de l ’homme est un monde cassé où les rapports humains sont toujours à sauver de l’échec. Le mystère du mal est une hantise de la vie. Affleure ainsi dans la pensée de Gabriel Marcel le thème del’âme en exil, de l’âme qui souffre de manque de communion avec elle-même et les autres. C’est le mystère de la disproportion métaphysique déjà présente chez Pascal. Paul Ricœur reprendra ce thème avec des nouveaux pôles de l’homme fragile par rapport à lui-même, de l’homme vulnérable par rapport au monde, de l’homme disproportionné par rapport au mal qui excède sa liberté.
C’est enfin à Gabriel Marcel que Ricœur devait la p roblématique d’un sujet à la foi incarné et capable de mettre à distance ses désireset ses pouvoirs, bref d’un sujet maître de soi et serviteur des passions provenant du caractère et de l’inconscient.

Jean Nabert (1881-1960)

Dans les ouvrages de Jean Nabert intitulés : Essai sur le mal et Eléments pour une éthique, Ricœur a connu la pertinence de la philosophie réfl exive pour l’articulation de sujet transcendantal et du sujet de désir. Il s’y réfèresouvent. Le mal qui affecte le sujet le déborde l’excède. Une humilité du sujet est donc requise, Paul Ricœur s’y aligne.
Un autre principe qui est au centre de la philosophie de J. Nabert réside en ceci : ce qui caractérise l’individu pensant, c’est le sujet qui se sait comme l’auteur de ses représentations et qui se met en acte ou en volonté. Voilà une entreprise par laquelle le sujet doit s’exercer pour accéder à la compréhension du soi. On peut dire que J. Nabert interprète à sa manière la philosophie réflexive des premiers prédécesseurs, ne tenant compte du « cogito » conçu par Descartes comme certitude première. Mais il base sa réflexion sur la richesse de la vie intérieure dont la manifestation affecte le mouvement réflexif de la pensée qui s’ouvre à l’expérience. Cette ouverture procède d’une projection du sujet pensant dans l’au-delà de son être-sujet. L’accomplissement de ces deux sortes de mouvement n’est autre que l’approfondissement de la subjectivité réalisée.
En tout cela, J. Nabert inspire Paul Ricœur. Seulem ent, il montre que la certitude première qui imprime l’acte d’exister n’est pas une conscience immédiate mais une conscience à médiation réflexive. Positivement, la réflexionconduit vers le dévoilement du sujet et des connaissances qui lui sont liées.
Ricœur affirme qu’ « une philosophie réflexive est le contraire d’une philosophie d’immédiateté»9. Il y a de différence entre les deux. Dans l’immédiat c’est l’aboutissement direct qui compte. On n’a pas besoin de savoir les moyens par lesquels on y parvient. Autrement dit, en un peu de temps, il y a une évidence qui apparaît, tandis que la philosophie réflexive nécessite une opération intellectuelle. ’estC ce qui exige une prise en compte de temps et de la réflexion à travers des procédures du raisonnement. Une saisie immédiate ne renvoie jamais à aucune vérité car le sujet se tien à distance de la pure intuition. D’où la position de soi comme vérité qui se pose soi-mêmeansd une réflexivité et non dans l’intuition de la pensée inférant l’existence.

La réflexion est l’apparition de notre effort pour exister et de notre désir d’être à travers les œuvres. Ce qui suppose que l’affirmation de soi passe dans les témoignages. Ces témoignages ne sont autres que les œuvres humaines. A l’intérieur de ces œuvres, la signification ne repose pas sur l’intuition. Elle passe par des opérations intellectuelles qui font appel à une herméneutique. L’effort ou le désir d’exister est à attester dans les œuvres. La position de soi ici n’est pas une donnée mais une tâche. Telle est la dimension éthico-réflexive de la philosophie réflexive de Jean Nabert qui va influencer sur Paul Ricœur.
La tâche de la philosophie réflexive permet à l’hom me de se comprendre lui-même dans son être, c’est-à-dire, de s’approprier du sens à donner à sa vie, d’autant plus que, le mal qui éprouve le sujet récuse toute prétention d’une transparence de soi à la manière cartésienne. Le mal qui affecte le sujet le déborde et infiniment l’excède. Une humilité du sujet, du coup est requise, Paul Ricœur s’aligne à une telle manière d e voir le sujet

Freud et la psychanalyse. (1856-1939)

Né Freiberg en 1856, Freud développe la théorie dela psychanalyse, science qui étudie les technique d’investigation psychologique à trave rs l’inconscient.
Plus célèbre encore est l’œuvre de Sigmund Freud, i nventeur du système d’analyse et de traitement connu sous le nom de psychanalyse. Dans son œuvre, il a attiré l’attention sur les pulsions instinctuelles et les motifs inconscients qui déterminent le comportement. Cette approche centrée sur les contenus de la pensée et urs la dynamique des motivations a eu un retentissement considérable sur le cours de la psychologie moderne.
Les écrits ultérieurs de Ricœur développent les conséquences de cette « double herméneutique » dans les champs les plus variés : al psychanalyse, dans De l’interprétation. Essai sur Freud en 1965, la théorie de la métaphore, l’historiographie et l’éthique surtout dans Soi-même comme un autre,1990, la théorie politique et la philosophie de l’esprit et de la connaissance. Son œuvre la plus imposante est sans nul doute Temps et Récit trois tomes publiés entre 1983 et 1985, ouvrage dans lequel Ricœur livre un exposé synoptique des diverses modalités de la conscience du temps conscience objective et subjective, conscience historique et fictive, conscience chronométrique et phénoménogiquel.

La psychanalyse devient chez Freud à la fois une pr atique et une théorie. En effet, la transformation du contenu manifeste du rêve en contenu latent, de même que la superposition de deux désirs antagonistes chez l’hystérique, se itues dans une théorie générale de la personnalité, que Freud appelle appareil psychique. On retrouve chez tout être humain un processus au cours duquel s’inscrivent dans sa mémoire des éléments de sa vie, puis ils s’effacent de la conscience sous l’effet du refoule ment, qui est la répression imposée notamment par le père à l’indicible ou à l’infaisab le, puis le refoulé réapparaît dans le rêve, dans le symptôme. Le premier topique ou mode de rep résentation du fonctionnement psychique de Freud, dont les instances sont le conscient, le préconscient et l’inconscient, naît au cours de ces années-là.
La grande influence de Freud sur Ricœur est la mise à nue de la prétention du cogito cartésien à être transparence de lui-même. A la suite de Freud, Paul Ricœur accentuera le rôle de l’involontaire dans la détermination de soi. L’homme est traversé par en-bas par des pulsions dont il est le rouage inconscient. Ces pulsions affectent toutes les instances de la volonté du motif en passant par les motions volontaires pour aboutir à la décision. Ce n’est pas du scepticisme formulé à l’ encontre de l’objectivité de la volonté, mais une reconnaissance réaliste et humble de la limite de l’homme et de sa volonté.

Le pragmatisme

Dans la seconde moitié des XXe siècles corrélativement au développement de structuralisme, la science linguistique a beaucoup évolué et des branches vont s’en sortir dont le pragmatisme est une branche de la linguistique qui travaille sur les actes du langage. Une des grandes figures du pragmatisme c’est Austin qui dans son ouvrage « quand dire, c’est faire »10 a proposé une théorie de langage profondément accès sur les actes de langage.
A la suite de la logique aristotélicienne qui sépare le discours en deux groupes à savoir le discours déclaratif et le discours non déclaratif, Austin propose deux appellations : le constatif et le performatif.
Le constatif est une assertion qui dit l’état des choses qui décrit les situations, qui affirme un énoncé. Le performatif, quand à lui, est une assertion qui ne décrit rien, qui n’affirme rien mais qui pose un acte.
La découverte de ces deux formes de discours bien que fondamentale efficace n’a pas encore satisfait son auteur d’ où du dyade constatif/ performatif, il passe à un triade acte locutoire/illocutoire/perlocutoire.
L’acte locutoire est une proposition du discours qui a un sens et une référence. Il y a locution lorsque on peut dégager une proposition son sens et son signification. Ce qui suppose la réponse à la question « qu’est-ce que l’auteur dit? ».
L’acte illocutoire est une assertion qui répond à la question « qu’est ce qu’il fait en disant quelque chose ». L’acte illocutoire est donc un énoncé qui relève de l’acte accompli dans une locution.
L’acte perlocutoire est une assertion qui désigne la conséquence, leseffets de ce que l’on dit.
A partir de ce triade locutoire/ illocutoire/ perlocutoire, Austin est un mesure de pouvoir interpréter un texte qui se base surl’analyse du discours basée sur l’étude du sens et de la référence de l’assertion. L’herméneutique deRicœur va beaucoup recevoir de cette théorie d’Austin. Ricœur en effet estime que l’her méneutique doit tenir compte, non seulement de l’analyse discursive mais aussi de la référence constitutive du texte. Nous somme ici dans un espace qui dépasse le structuralisme. L’herméneutique ricœurienne a puisé une partie de sa méthode du pragmatisme d’Austin.

L’EIDETIQUE DE LA VOLONTE L’ANALYSE DE LA VOLONTE

Prendre la volonté comme concept de compréhension ed l’homme est une approche essentiellement anthropologique. Dans son analyse, Ricœur recourt à l’analyse phénoménologique en opérant une mise à jour de la tructures eidétique de la volonté. Son analyse eidétique débouche sur une double abstraction où épochè du problème de la faute et celui du rapport de la volonté humaine à l’action créatrice de Dieu.
On voit par là que Ricœur est en continuité avec la doctrine cartésienne de l’explication de l’erreur, laquelle ne peut pas avoir pour cause la volonté divine. Descartes explique l’erreur ou la faute par le fait que la volonté humaine, à l’image de celle de Dieu, a un pouvoir infini ou absolu de se déterminer tandis que l’entendement humain qui est fini, ne peut pas toujours présenter à la volonté les bonnes fins à poursuivre. Descartes dit cela dans les Méditations métaphysique: « la volonté s’égare fort aisément et choisit le faux pour le vrai et le mal pour le bien :
C’est dans ce même volet que Paul Ricœur étudie cette volonté tout en mettant en relief son analyse à un épochè temporaire mais combien nécessaire pour une analyse eidétique référé au leitmotiv de la phénoménologie husserlienne à savoir « le retour aux choses mêmes » pour saisir leur essence. Ricœur montre que la volonté h umaine ne mérite pas une confiance gratuite et totale. Elle n’est pas toujours une pure transparence à soi. Une obscurité lui résiste à trois degré de l’acte de vouloir à savoir: au niveau du choix, au niveau de la motion volontaire, au niveau du consentement.

Au niveau de choix

Vouloir, c’est d’abord former un projet et en opérer une décision. C’est ce qu’on appelle choix. La décision est une étape initiale ed l’acte de vouloir. Elle court vers l’avenir et c’est dans cette visée intentionnelle dans le vouloir ou projet, qu’est cachée cette référence discrète à moi-même. En effet, la décision désigneune action future comme une action propre, comme action en mon pouvoir. Or, le choix volontaire est toujours marqué par une série des motifs qui légitiment l’action et par le biais desquels une série d’élément est présente et échappe à la volonté claire. Comme par exemple le cas pour les recherches des plaisirs seulement ou le cas des motivations issues de l’involontaire corporel qu’on ne peut pas échapper. Exemple la faim, la soif. Le motif de notre choix est loin d’être neutre, pas de choix sans motifs. Il est affecté de différents mobilesnvolontaires. Toute prétention de lucidité pure n’y est pas possible parce que le volontaire est organiquement lié à l’involontaire.

Au niveau de l’effort ou de la motion volontaire

Vouloir est aussi déployer des efforts, des actionsréalisatrices en vue de concrétiser le choix effectué. Mais par là, le problème se corse d’une opacité inéluctable issue des pouvoirs involontaires qui nous sont offerts par le corps. Nous n’agissons pas librement sans le concours de l’usage spontané de notre corps. Or, dans cet usage spontané interviennent les habitudes des passions. Tout ne dépend pas entièrement de nos savoirs faire originaire, les habitudes deviennent des stéréotypes qui échappentlargement à notre volonté. La libre réalisation du projet nous est portée par un involontaire qui la déborde. Ce n’est pas à minimiser : la volonté si exaltée porte les affectes des involontaires.

Au niveau de consentement

Le consentement volontaire est une détermination ontologique du sujet. Mais il a des involontaires. Il y a des conditions qui s’imposent absolument à notre action. Celles-ci peuvent être rendues présentes par notre carrière, notre ganismeor biologique, notre inconscient de la vie. Ce qui veut dire qu’ il y a une sorte d’ ordre de nécessité qui intervient dans notre acte même de vouloir.pas la peine de les refuser, de lesnier ou d’ en atténuer la portée.par exemple nous ne pouvons pas choisir notre être ou notre peau, comme être blanc ou noir, cela ne dépendent pas de nous parce que ce n’ est pas nous qui constituons notre corps.il faut au contraire une lucidité pour les reconnaitre, les assumer et pouvoir ainsi par après les positiver. Seulement nous pouvons modifier notre corps par des exercices et des soins apportés. Ce qui signifie que dans l’acte de vouloir, nous devons toujours nous revêtir de patience face à la situation qu’il faut assumer. Certes, nous avons l’ initiative de telle ou telle action mais en même temps, nous ne maîtrisons pas totalement la prise de notre tempérament qui nous colle à la peau. Le corps biologique de notre existence nous échappe dés la naissance à la mort. L’inconscient alimente nos pensées : « Nous sommes ce que nous sommes à travers l’équation personnelle de nos caractère portes par une vie que nous contrôlons à peine, habités pa r un inconscient rebelle à la clarté de l’introspection. » 12

Tel est le paradoxe de la liberté humaine. Elle se fait en accueillant ce qu’elle ne fait pas. Elle est conformément initiative et réceptivit action et passion.
Au cours de l’action brille la lumière du cogito mais un cogito éprouvé, décentré, constitutivement ouvert sur un autre. C’est la conclusion qu’a faite Paul Ricœur de son analyse.

La levée de l’épochè

Dans le second ouvrage : Finitude et culpabilité , Ricœur a tenté de lever la mise entre parenthèse imposée par description purement eidétique de la volonté. Nous avons en effet signalé que pour saisir l’essence pure de la volonté, il a dû méthodiquement faire abstraction du problème du rapport de Dieu à notre volonté et du problème de la faute et du mal. Maintenant l’épochè sera levé car si la volonté estdécrite dans la pureté de son essence, en rester là ne suffit pas, il faut qu’une fois son es sence est connue, on la situera dans sa concrétude d’une volonté en face de Dieu, de la faute, du péché, du mal. En effet, la seule volonté humaine réelle, concrète est celle qui estaffectée par l’erreur, la faute voire l’action créatrice de Dieu qui est éprouvé par le péché.
Mais Ricœur, dans un premier temps, a d’abord centr é son analyse de la liberté viciée sur sa faillibilité et en deuxième temps, celle-cisera située dans l’empiricité de la faute elle-même. C’est ce qui divise son second volume en deuxtemps : le tome I sur l’homme faillible 14 et le tome II sur la Finitude et la culpabilité.

La faillibilité.

Dans le premier temps, Ricœur fait une analyse phén oménologique de la faillibilité humaine qui comprend deux volets possibles :
– La possibilité de l’erreur
– La possibilité du mal moral.
L’homme faillible reste au niveau de la réflexion pure. C’est une approche éminemment philosophique qui vise à montrer comment l’homme peut pécher et pouvoir être dans l’erreur ou la faute ? Pourquoi, dans la volonté humaine, reste-t-il toujours une place pour le péché ?
Ricœur souligne bien que la faillibilité est const itution et structuration même de la liberté humaine. Elle n’est pas une simple défaillance mais une réalité profonde qui nous habite par notre finitude. C’est une blessure ontologique, comme le dit saint Augustin15, Mais d’où vient- elle la possibilité de la faillibilité? Elle vient du fait que l’homme est distendu entre un pôle de finitude et un pôle d’infinitude et est habité par la positivité de l’infinie qui se porte normalement sur le bien, le vrai, le beau, le juste en tant que affirmation originaire ; mais elle se laisse également conduire en erreur et s’incline vers le mal par la finitude. Il ne coïncide jamais avec lui-même et l’affirmation originaire de sa volonté traverse une série de négation au niveau théorique, pratique et affectif. Tout cela éprouve sa volonté.Très passionné au niveau de la totalité du vrai et de l’infini de Logos, il est ouvert sur toute chose mais il n’est ouvert sur ce domaine infini qu’à travers l’étoile feutrée d’une perspective déterminée du fini.

D’où la discordance entre « l’infinité principale du Verbe » et la finitude de sa perspective. Et c’est cette distance qui explique la possibilité de l’erreur.
Au niveau pratique, si l’homme est ouvert à la tota lité des fins sur le bien ou sur le souverain bien selon Kant, il est restreint par la partialité de ses propres motivations. Cette disproportion entre l’infinité du principe morale et la finitude du vécu de la moralité explique la possibilité du mal moral.
Au niveau affectif, l’homme est non seulement capacité de comprendre ou de vouloir, mais aussi capacité d’aimer. Il est ouvert sur la otalité de l’amour, mais à travers le champ restreint de ce que Paul Ricœur appelle le « sentim ent vital » qui tend vers le fini. Et qu’est ce en effet que ce « sentiment vital » sinon cet amour propre qui nous étreint de l’intérieur et qui crée en nous une déformation entre l’infini du désir que nous portons et la finitude de notre amour-propre, c’est-à-dire, de notre égoïsme. Bref, l’analyse de la faillibilité de la volonté faite par Ricœur n’est pas sans analogie avec la théorie de l’intériorité écartelée de saintAugustin. Et c’est pour cela que Ricœur affirme ceci : « l’homme c’est la joie du oui, dans la tristesse d u fini »16 expression qu’André Léonard explicite ainsi : « La joie du oui, car de par l’affirmation originaire qui m’habite une sorte de sympathie universelle me rend capable de tout connaître, de tout vouloir et de tout aimer ; mais dans la tristesse du fini, car je ne suis ouvert au tout qu’à travers la partialité de mes perspectives, de mon caractère et de mon attachement à la vie. Cette discorde intime entre le pôle d’infinitude et le pôle de finitude expliqu e la vulnérabilité constitutive de l’homme faillible. »17
Il est la joie du oui dans la mesure où il est habité par une sympathie universelle qui le rend capable de tout comprendre ou de tout vouloir. Mais il est tristesse du fini dans la mesure où malgré l’infini de désir de sa volonté il demeurlimité dans sa capacité de s’ouvrir à la beauté de la vie. Et cette déformation explique lavulnérabilité constitutive et structurelle de sa volonté.

La symbolique du mal

Dans le deuxième temps de son ouvrage, Ricœur va al ler encore loin. Il s’interroge sur la question de l’empiricité de la faute en elle-même. Il s’efforce de saisir la réalité empirique de la faute à partir de ce qu’il appelle « la symbolique du mal ». Si dans l’homme faillible Ricœur voulait résoudre philosophiquement le prob lème de la volonté sur le plan phénoménologique; dans la symbolique du mal, il va recourir à une approche plutôt herméneutique. Donc, ici, on abandonne la démarche philosophique pure. Pourquoi l’abandonner ? Parce que, avec le mal affectif, nous ne sommes plus dans le domaine du rationnel, nous sommes déjà dans le domaine de l’irrationnel et de l’inintelligible. Pour une réalité irrationnelle, c’est un temps perdu de déployer une explication rationnelle. Il ne s’agit plus de la comprendre mais de la surprendre à partir de l’aveu religieux exprimé à partir du concept du péché.
Au lieu d’une eidétique pure de la volonté, on recourt à une empirique de la volonté basée sur l’aveu historique de la conscience. Donc il faut les formes primitives de l’aveu, en recourant aux mythes et au langage religieux. Ricœu r recourt ainsi aux mythes antiques d’Israël comme le symbole de la souillure, le symbo le du péché et le symbole de la culpabilité.
Après cette description, il se jette impérieusementà une herméneutique qui tente de surprendre « la faille primordiale » qui fait de notre monde un « monde cassé ». Dans cette herméneutique, l’interprétation du mythe va croiserl’effort spéculatif.
La seconde étape de l’approche de Ricœur de l’empir ique de la faute se fait à partir de la réflexion faite sur les mythes. La force du mythe, en effet est d’expliquer le mal, non d’une manière statique à la manière symbolique mais d’une manière plutôt dynamique à partir de son commencement jusqu’à sa fin. Le mythe est déjà un univers complexe, à travers lequel l’homme avoue simplement le péché et cherche obscurément à donner une explication du mal.

Dans ce cas, le mythe a une dimension universelle.
Avec cette nouvelle démarche de Ricœur, force est d ’avouer qu’ici encore le cogito est décentré, puisque le philosophe quitte la pure eidétique de la volonté et élabore une empirique de la volonté basée sur l’aveu historique de la conscience. Conformément à la méthode phénoménologique, Ricœur met entre parenthèse toutes les connaissances savamment élaborées sur le mal et le péché, il va tout droitvers les formes primitives de l’aveu des fautes et du péché. Il en est des symboles primaires où les religions avouent l’expérience du péché et de la faute allant des symboles aux mythes. Ce qui va nous amener à approfondir un peu plus la notion de symbolique primaire du mal.
Pour surprendre le mal, les différentes religions et cultures humaine utilisent des grands symboles fondamentaux à partir desquels, elles tent ent de montrer la liberté viciée de l’homme devant les réalités empiriques de la faute. Ricœur en parle trois :
– Le symbole de la souillure
– Le symbole du péché
– Le symbole de la culpabilité.
Cette démarche est une description qui montre que d’abord, le mal apparaît comme une souillure qui infecte la liberté, ensuite, il apparait comme péché qui entre en infraction avec une loi, donc c’est une sorte de déviation par rapport à une norme fondamentale, et enfin l’expérience du mal, il est plus riche en thématique, et on peut y découvrir une réappropriation en imagination et en sympathie des grands symboles et mythes religieux vers lequel convergent et s’intègrent les autres mythes.
Après cette écoute bienveillante du mythe ou l’en a interrogé la réflexion pure, il importe désormais de renouer avec la réflexion pour opérer ce que Ricœur appelle « herméneutique ». Il s’agit ici non pas de juxtaposées les résultats de la symbolique à la pensée philosophique, il s’agit plutôt de penser effectivement à partir des symboles et des mythes. Ce qui infère un décentrement du cogito. Laréflexion se laisse informer de l’intérieur par les données symboliques et mythiques d’où l’expression célèbre de Ricœur « le symbole donne à penser ». Ce qui signifie que la réflexion a quelque chose à recevoir réellement de l’univers symbolique. Pas de philosophie sans présupposition, sans humble accueil du sens déjà constitué par le langage symbolique et mythique. La question n’est pas de s’enfermer dans le monde symbolique où simplement le répéter,il s’agit plutôt de relancer la réflexion philosophique comme discours critique sur le dire des symboles et des mythes. Il faut sympathiser avec les symboles et les mythes en déployant un effort de réflexion. Et ce va-et vient entre l’accueil de ce que les mythes et les symboles disent et la réflexion critique qu’on opère sur lui qui donnera ce Ricœur appelle le cerc le herméneutique. C’est une manière de réassumer à nouveau au frais l’écoute des symboleset en nourrir la pensée.

Récapitulation des acquis de la démarche ricœurienne.

Le « décentrement » du cogito qui inspire toute la poétique de la volonté telle que Ricœur la comprend permet de conclure que dans l’id entification du sujet de Ricœur, l’homme ne s’appartient plus entièrement.
D’une part, il est dépassé par en bas, par l’inconscient qui fourmille en lui. C’est ce que la psychanalyse souligne, quoi qu’unilatéralement, dans sa théorie. L’émergence dans le champ de la conscience du processus psychique inconscient éprouve toute transparence à laquelle peut prétendre le sujet. L’on doit ainsi avouer les limitations que nous imposent les pulsions inconscientes et dire qu’effectivement le « soi » humain est un « soi » éprouvé.
D’autre part, le sujet se transcende en direction de la sphère du sacré. C’est ce que les symboles, les mythes et les religions nous révèlent. Nous sommes avant d’être, précédés par des sens qui nous traverse de part en part. Ces sens recelés par le sacré opèrent un dépassement de la conscience, mais il s’agit ici d’un dépassement vers le haut, ou plus exactement, une irruption d’en-haut d’un sens qui n ous traverse et cela, malgré nous.
Dans cette ligne d’interprétation, Ricœur montre qu e les déterminations religieuses ne sont plus réduites à être les des symptômes de l’inconscient, mais sont plutôt comprise comme révélatrices du supra-conscient. Ces symboles du sacré sont comme des flèches intentionnelles en direction de l’ultime.
D’un côté comme de l’autre, le sujet humain ne peut plus s’ériger en une pure transparence de soi à soi, à un cogito, maître de l ui-même. Il n’accède à soi que par un détour. Ni la pure phénoménologie, ni le structuralisme psychanalytique n’ont raison isolement dans la poétique de l’identification de l’être. Le soi umainh est un devenir médiatisé et jamais une coïncidence de soi à soi. « La conscience, affirme Ricœur, n’est pas immédiat e mais médiate ; celle n’est pas une source mais une tâche, la tâche de de venir plus conscient »18
Qui est alors le sujet s’il n’est pas transparence de soi à soi ? Et comment l’identifier ?

DE LA REIDENTICATION DU SUJET

un sujet qui parle

Ricœur, dans son livre « Soi-même comme un autre », expose la conception du soi humain. Mais pour la comprendre, il nous faut une réflexionsur la philosophie du langage. Il s’inspire d’Aristote pour qui, si l’homme est un « animal raisonnable », c’est qu’il est avant tout un être doué de langage, un être qui parle, dont il convient d’analyser le fonctionnement.
En effet, Ricœur formule la problématique du premie r sous-ensemble qui relève d’une philosophie du langage. « De qui parle parle-t-on quand on désigne sur le mode référentiel la personne en tant que distinctes des choses ? ». Et qui parle en se désignant soi-même comme locuteur.
« Le deuxième sous-ensemble relève d’une philosophie de l’action » 21 Qui agit ? Ce deuxième sous-ensemble rattache le premier, car on ne peut séparer le langage des actions dans lesquelles il est imbriqué. Bien que le monde où l’on parle soit radicalement distinct du monde où l’on agit, il existe entre eux une connivence, une union originale semblable à celle de l’âme et du corps. « La question : « qui parle ?» et la question : « qui agit ? » apparaitront ainsi entrelacées ». On voit par là, combien ces questions se confonden t avec la question, qu’est-ce que l’homme ?
Mais dans quelle mesure une philosophie du langage peut contribuer à déterminer le statut d’un soi qui échappe aux alternances d’exaltation qui affectent les philosophes du sujet ?
Dans la volonté de donner une identité au« je », Descartes n’avait pas totalement tort concevant le « cogito » en tant qu’acte de penser si l’on admet que le lan gage n’est pas une
faculté surajoutée à nos facultés biologiques. Leangagel et le « je » ne font qu’un. Cela vient du fait que le langage humain peut être intentionnel,il implique l’imagination et la représentation du futur. Il s’agit d’un langage d’action.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LES INFLUENCES RECLAMEES DE RICŒUR
CHAPITRE I: ETUDE DES SOURCES remarques préalables
I.1.1. Kierkegaard (1813-1855)
I .1.2. René Descartes.(1596-1650)
I.1.3. Husserl et la phénoménologie(1859-1938)
I.1.4 Gabriel Marcel (1813-1855)
I.1.5 Jean Nabert (1881-1960)
I.1.6. Freud et la psychanalyse(1856-1939)
I.1.7. Le pragmatisme
CHAPITRE II : L’EIDETIQUE DE LA VOLONTE l’analyse De La Volonte
I-2.1. Au niveau de choix
I.2.2. Au niveau de l’effort ou de la motion volontaire
I.2.3 – Au niveau de consentement
I.2.4 La levée de l’épochè
I.2.5.La faillibilité.
I.2.6. La symbolique du mal
I.2.7. Récapitulation des acquis de la démarche ricœurienne.
CHAPITRE III: DE LA REIDENTICATION DU SUJET
I.3.1. Un sujet qui parle
I. 3. 2. Un sujet qui agit
I. 3.3. Un sujet de récit.
I.3. 4 Un sujet qui s’atteste.
CHAPITRE IV : POUR UNE EVALUATION DE LA PENSEE DE RICOEUR
I. 4.1.La richesse de l’hermeneutique de soi de ricœur
I.4.2. Le référentiel
I 4.3.La methodologie
I 4.4.L’analyse
CHAPITRE V : LA COMPLEXITE DE LA REIDENTIFICATION DU SUJET DE RICŒUR ET SON LONG DETOUR.
I 5.1. Une méthode trop conciliatrice
I 5.2.Une analyse trop detaillee
DEUXIEME PARTIE BIBLIOGRAPHIE EN PARTIE COMMENTEE ET CONCEPTS FONDAMMENTAUX DE L’AUTEUR
II.1. BIBLIOGRAPHIE EN PARTIE COMMENTEE
II.2. CONCEPTS FONDAMENTAUX DE L’AUTEUR.
TROISIEME PARTIE : PLAN DETAILLE DE LA FUTURE THESE CONCLUSION
BIBLIORAHIE LISTEE
II. Ouvrages sur Paul Ricœur
III. Ouvrages généraux
IV. Dictionnaires et Encyclopédies
a. Dictionnaires
b. Encyclopédies :
V. Projet de lecture.

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