L’ÉGLISE CATHOLIQUE FACE À ARCAND
Selon l’ensemble des historiens ayant étudié la carrière publique d’Adrien Arcand, l’Église catholique a joué un rôle important dans la vie de ce dernier. C’est en effet Mgr Georges Gauthier, l’archevêque coadjuteur de Montréal,, qui lui a demandé de mener une croisade en faveur de l’épiscopat lors de l’affaire des écoles juives en 1930. Arcand a tout d’abord accepté de répondre à cette demande en menant des recherches approfondies sur le peuple juif. Au cours de ses investigations, Adrien Arcand se met à lire de la documentation haineuse rédigée par des groupes d’extrême-droite britanniques. Le jeune journaliste devient alors un antisémite convaincu, ce qui a vraisemblablement amené les clercs à se demander s’ils devaient continuer à avoir recours aux services d’Arcand afin de les aider à mener leurs combats politiques. Leur réponse à cette question est plutôt ambiguë, car les historiens ne s’entendent pas pour définir l’attitude adoptée par l’Église catholique à l’égard des mouvements fascistes canadiens.
LA DÉVOTION D’ADRIEN ARCAND
Adrien Arcand a souvent traité de la religion dans ses écrits. Mais le faisait-il par opportunisme ou par conviction personnelle? Les historiens ne s’entendent pas sur cette question. En 1978, l’historien René Durocher a analysé 88 pages du Fasciste canadien.
Parmi ces 88 pages de l’organe du PNSC, seulement 5,7 % des articles rédigés par Arcand sont consacrés à la religion. De plus, 82 % de ces rares chroniques religieuses servent à justifier le discours antijudaïste du chef nazi canadien. Durocher prétend donc qu’Adrien Arcand se contente de rechercher l’appui du clergé catholique à son endroit pour s’attirer les faveurs de Pélectorat québécois . Louise Gauthier Fraser ajoute pour sa part qu’Arcand se sert de l’opposition de l’Église et des conservateurs à la Loi sur les écoles juives afin de mettre sur pied une campagne antisémite à partir de 1930.
Par contre, selon Pierre Trépanier, Adrien Arcand tente sincèrement de mettre en place un régime fasciste dont toutes les lois seraient approuvées par le magistère de l’Église. Par exemple, il expose en 1936 l’ensemble de son credo dans son Livre d’heures. Il dit ainsi croire à presque tous les éléments du dogme catholique. Mieux que cela, d’après Jean-François Nadeau, Adrien Arcand a voulu obtenir l’approbation de l’autorité diocésaine avant de mettre sur pied le PNSC en 1934.
LES MENTORS ANTISÉMITES D’ADRIEN ARCAND
Comme nous l’avons déjà souligné, tous les auteurs ayant étudié la vie d’Arcand soutiennent que ce dernier est en accord avec l’ensemble des principes véhiculés par les disciples de Lionel Groulx et d’Henri Bourassa en 1929 et en 1930. Cependant, à partir de l’affaire des écoles juives en 1930 jusqu’à la fondation du Parti national social chrétien (PNSC) en 1934, Adrien Arcand se radicalise en intégrant des éléments antisémites et fascistes dans son discours nationaliste canadien-français. Les historiens ayant analysé les organisations du chef nazi canadien s’interrogent à propos de la source de la conversion de ce dernier aux idées d’extrême-droite à partir de 1930. Selon Hughes Théorêt, Adrien Arcand a forgé sa doctrine antisémite en lisant les œuvres d’Edouard Drumont, car il cite fréquemment cet auteur dans ses écrits. Théorêt indique également qu’Arcand entretient des liens épistolaires avec Henry Coston, l’un des principaux disciples de Drumont. Cependant, ajoute Hughes Théorêt, le chef nazi canadien a mis sur pied ses organisations politiques en se référant aux règles de fonctionnement internes des mouvements fascistes anglais. Arcand partagerait enfin avec ces leaders d’extrême-droite du Royaume-Uni leur attachement envers l’Empire britannique et envers la doctrine corporative.
L’ARRESTATION DES CADRES DU PUNC EN MAI 1940
Effectivement, au fur et à mesure que l’Allemagne mène une politique extérieure de plus en plus agressive à la fin des années 1930, un nombre grandissant de gens craignent que les disciples canadiens d’Hitler ne commettent éventuellement des actes de sabotage en vue d’aider les autorités du Reich à envahir le Canada. Cette crainte survient pour la première fois lorsqu’un journaliste du Montreal Gazette décrit en décembre 1937 la visite à l’île d’Anticosti de plusieurs experts militaires allemands qui travaillent officiellement pour la Consolidated Paper Corporation, une compagnie de pulpe germano-hollandaise. Ces Allemands affirment alors à ce journaliste qu’ils souhaitent acquérir l’île afin d’exploiter la forêt boréale de Panticosti. Richard Bedford Bennett, le chef de l’opposition officielle à Ottawa, prend la parole à de nombreuses reprises à la Chambre des communes afin d’exprimer son inquiétude face à cette tentative d’achat des Allemands. Il prétend que le gouvernement du Reich pourrait profiter de cette acquisition afin de mener des incursions militaires dans une île située à un endroit stratégique dans le golfe Saint-Laurent. Cette éventualité suscite une telle frousse au sein de l’opinion publique que le gouvernement de Mackenzie King annule peu de temps après cette transaction menée par la Consolidated Paper Corporation.
ARCAND AU SERVICE DE JOSEPH MÉNARD
Comme nous l’avons vu plus haut, Adrien Arcand se fait congédier en 1929 après avoir tenté d’obtenir l’accréditation syndicale en faveur des journalistes de La Presse. II accepterait donc de combler n’importe quelle offre d’emploi, car il est à ce moment là marié et père de deux jeunes enfants. Heureusement pour lui, Arcand pourra de nouveau exercer sa profession de journaliste grâce à Joseph Ménard. Joseph Ménard est un imprimeur ayant de fortes convictions nationalistes canadiennes-françaises. Il constate cependant que ces idées nationalistes ne sont véritablement connues qu’à l’intérieur du cercle restreint des membres de la petite bourgeoisie canadienne-française. Les théoriciens nationalistes canadiens-français se contentent en effet de publier leurs idées dans des médias aussi élitistes que Le Devoir ou L’Action canadienne-française. Joseph Ménard veut corriger cette situation en faisant connaître ces idées nationalistes à un public élargi. C’est ainsi qu’il obtient de son père Adjutor, un vieil imprimeur relativement connu dans les milieux littéraires de l’époque, la permission de se servir de ses presses afin de publier Le Miroir. Ce journal du dimanche, dont le premier numéro est publié le 28 avril 1929, analyse l’actualité politique en mettant en valeur le programme nationaliste canadien-français.
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Bilan historiographique
Introduction
1.1 Adrien Arcand, l’ami des nationalistes canadiens-français
1.2 L’Église catholique face à Arcand
1.3 La dévotion d’Adrien Arcand
1.4 Les mentors antisémites d’Adrien Arcand
1.5 L’arrestation des cadres du PUNC en mai 1940
Conclusion
Chapitre II : Le Goglu, un étrange oiseau pour les nationalistes canadiens-français
Introduction
2.1 Arcand au service de Joseph Ménard
2.2 Arcand acquiert une tribune
2.3 Arcand préside un mouvement
2.4 Arcand a un programme politique
2.5 Adrien Arcand à la protection de Camillien Houde
Conclusion
Chapitre III : les goglus migrent à l’extrême-droite
Introduction
3.1 L’affaire des écoles juives
3.2 Le réseau antisémite du Commonwealth
3.3 L’antisémitisme d’Adrien Arcand
3.4 Adrien Arcand vs Camillien Houde
3.5 Arcand cherche à Québec un autre mécène
3.6 Arcand devient l’organisateur électoral des tories
Conclusion
Chapitre IV : Adrien Arcand porte la croix gammée au Canada
Introduction
4.1 Les deux rencontres d’Arcand avec Kurt Ludecke
4.2 Bennett désavoue Arcand
4.3 Arcand entre au service d’Eugène Berthiaume
4.4 Les Juifs poursuivent Arcand en Justice
4.5 Arcand noyaute l’Ordre de Jacques-Cartier
4.6 Des manifestants mettent Arcand hors d’état de nuire
Conclusion
Conclusion générale
Télécharger le rapport complet