Législation de la sexualité et de la pornographie de l’adolescence

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Dignité de la personne

Définition

La dignité de la personne aussi appelé dignité humaine « renvoie à l’idée que « quelque chose est dû à l’être humain, du fait qu’il est humain », et elle trouve ses racines dans l’œuvre du philosophe allemand Emmanuel Kant »(24). Pour le philosophe, la dignité regroupe cinq concepts. La raison, la volonté bonne qui est « une faculté de se déterminer soi-même à agir conformément à la représentation de certaines lois »(25), l’impératif catégorique qui consiste
à agir « de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen »(25), la fin en soi qui « se dit d’un être que l’on doit servir mais dont on ne peut se servir »(25) et enfin le concept d’autonomie qui « se définit comme la capacité de l’homme à être son propre législateur moral et d’autolimiter son libre-arbitre »(25). Campagna quant à lui explique que la dignité est « la faculté propre aux individus appartenant à l’espèce humaine de se concevoir comme un sujet de droits avec lequel l’autre ne peut pas faire ce qu’il a envie de faire et qui, symétrie oblige, ne peut pas non plus faire ce que bon lui semble. »(26). Finalement, il faut comprendre que la dignité humaine ne disparait pas lorsqu’elle n’est pas respectée, mais que cela lui porte atteinte. Sambuc et Le Coz illustrent « Les mensonges, l’ivrognerie et divers méfaits sexuels portent atteinte à la dignité »(25).
Pour ce qui est de la sexualité, la dignité humaine peut avoir de multiples définitions selon l’idéologie défendue. Ainsi, pour Kant, le sexe porte atteinte à la dignité humaine. En effet, il affirme que « l’acte sexuel est un acte par lequel une personne utilise une autre – le cas échéant elle-même – ou l’humanité en elle-même pour se procurer du plaisir sexuel »(26). La personne perd son statut pour devenir un moyen, et ce, de son plein gré. Campagna explique l’idée du philosophe « [la personne] devient ce par quoi l’autre accédera à sa jouissance, sans que cet autre ait une quelconque obligation vis-à-vis de la personne dont il s’est servi »(26). Il rappelle que ce raisonnement est alors applicable aussi bien lorsque le rapport sexuel à lieu a plusieurs ou seul « mais, dans tous les cas, il viole les droits de l’humanité – dans la personne de l’autre ou dans sa propre personne –, qui ne tolèrent pas l’instrumentalisation d’autrui »(26).
Pour d’autre, il n’y a pas d’atteinte à la dignité lors de l’activité sexuelle, tant que celle-ci ne devient pas « obsessive et qu’elle [ne] nous empêche [pas] de réfléchir sur son sens à l’intérieur d’un projet de vie plus global, dont la priorité devrait être le respect des projets de vie de tous les autres individus. […] l’acte sexuel […] doit être ouvert au respect »(26). Ainsi, au-delà du concept de dignité, c’est le respect qui doit être primordial dans la sexualité. Campagna rappelle que, ce concept, qu’il concerne les autres ou soi-même, est intrinsèquement lié à la dignité humaine. D’ailleurs, il explique que certains actes sexuels ne portent pas nécessairement atteinte à la dignité de la personne. Pour autant, ils ne sont pas moralement acceptables. Enfin, l’auteur précise « La dignité humaine est donc pensée comme une faculté de pouvoir dire « Non » à ses propres envies ainsi qu’aux envies de l’autre, et ce afin de maintenir entre nous une relation de respect constitutive d’une société bonne. […] L’être humain peut aussi s’opposer à ces dernières par un « Tu n’as pas le droit » »(26). Par conséquent, la dignité humaine, implique le respect de soi et d’autrui mais aussi le respect de son propre consentement ainsi que celui de l’autre.

Consentement

Le consentement est indissociable du respect de la dignité humaine. Ceci est aussi valable dans le domaine de la sexualité. En effet, « le respect de l’autre dans sa liberté de refuser certaines pratiques, ainsi que le respect de soi en tant qu’être capable de respecter le refus de l’autre, 12 doivent être au fondement d’une morale de la sexualité »(26). Cependant, Campagna rappelle qu’il y a des règles pour que le consentement soit valable. Il explique « le consentement n’a de valeur légitimante que dans la mesure où il est qualifié – consentement libre et éclairé. Avant de s’engager dans un rapport sexuel – et peu importe la pratique –, les deux partenaires sont moralement tenus de s’interroger sur le caractère libre et éclairé du consentement de l’autre, mais aussi de leur propre consentement »(26).
Certains philosophes comme Michela Marzano émettent toutefois une controverse à propos du consentement. En effet pour elle, c’est un concept qui manque de fiabilité puisqu’elle explique qu’il y a « d’un côté l’impossibilité de réduire la personne à ce qu’elle dit, dans la mesure où celle-ci n’étant pas transparente à elle-même et ne jouissant pas d’une liberté absolue et inconditionnelle, il y a aussi à entendre ce qui se dit par-delà ce qui est consciemment dit, […] et d’un autre côté, le fait que la personne n’est pas transparente à elle-même, que sa parole peut être emprunte d’ambivalence, et qu’elle s’énonce toujours dans un contexte fait de contraintes et de conditionnements, n’autorise pas à nier sa parole en prétendant savoir pour elle et mieux qu’elle ce qu’il en est de son désir »(27). Finalement, cela montre l’ambivalence du consentement qui est choisi par la personne concernée elle-même mais qui peut ne pas être réellement sincère. Il subsiste toujours un doute quant à l’infaillibilité du consentement.
Cependant, Simard tente de simplifier cette ambivalence en précisant qu’il « ne suffit […] pas que le consentement soit exprimé dans un contexte où s’exercent certaines contraintes pour ne pas être pris en compte (sans quoi aucun consentement d’aucun ordre ne pourrait être pris en compte […]) ; il faut que ces contraintes soient spécifiques et soient déjà en elles-mêmes condamnables par la loi (enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité. . .) »(27). Il explique que pour que le consentement ait du sens, il faut prendre en compte les contraintes qui gravitent autour de la personne. Ainsi, « la notion de dignité se trouve […] devoir référer à autre chose qu’à une liberté absolue des personnes, qui ne peut fonder le consentement in concreto. À ce point, une conception de la liberté comme relative aurait pu être retenue, et le consentement aurait pu être conçu comme lui-même relatif, avec des niveaux de contraintes variables »(27). Enfin, selon certaines féministes, il semblerait que le consentement ne soit pas recevable lorsqu’il bafoue le socialement acceptable et la morale. Dans ce cas, Simard explique « la notion de dignité humaine est [amenée] pour rejeter l’idée qu’est recevable le consentement à des rapports sexuels prostitutionnels, désignés comme du travail sexuel […], ou relevant du sadomasochisme notamment. Le point de référence n’est alors plus l’individu, qu’il s’agisse de son désir ou de sa volonté, mais un principe supérieur auquel l’individu devrait se conformer »(27). Ainsi, lorsque le travail sexuel où les violences sexuelles (même consenties) sont abordées, la valeur du consentement rentre au cœur du débat et se mêle à la morale. Selon les idéologies, le consentement est plus ou moins valable par rapport à la morale.

Violences sexistes et sexuelles, BDSM

Dans le cadre de violences non consenties, il y a nécessairement atteinte à la dignité de la personne. En matière de sexualité, il existe 2 types de violences. Les agissements sexistes et les violences sexistes et sexuelles. Les premiers « s’inscrivent dans un sexisme « ordinaire » qui se définit comme l’ensemble des attitudes, propos et comportements fondés sur des stéréotypes de sexe, et qui, bien qu’en apparence anodins, ont pour objet ou pour effet, de façon consciente ou inconsciente, d’inférioriser les femmes de façon insidieuse voire bienveillante »(28). Ils regroupent les remarques et blagues sexistes, le non-respect de la femme en tant que femme, les injonctions du rôle sexuel attendues, … Les secondes correspondent à « toutes les situations où une personne cherche à imposer à autrui un comportement sexuel réduisant l’autre à l’état d’objet. »(29). Selon le site de la fonction publique, elles regroupent les injures non publiques
à caractère sexuel ou sexiste, la diffusion de messages contraires à la décence, l’exhibition sexuelle, la captation d’image et la diffusion d’image, le harcèlement, les agressions sexuelles et le viol. Ces comportements sont passibles d’amendes et de sanctions pénales. Récemment, une enquête réalisée par l’ONU Femmes au Royaume-Uni a révélé que 86% des femmes de 18 à 24ans, ont été victimes de harcèlement sexuel et 71% pour toutes les tranches d’âges confondues(30). De plus, l’Observatoire national des violences faites aux femmes rapportent qu’au cour d’une année, 94000 femmes âgées de 18 à 75ans sont victimes de viols et/ou tentatives de viol et que « l’enquête « Violences et rapports de genre » (VIRAGE) menée par l’INED, a permis de mesurer le nombre de personnes ayant subi des violences sexuelles […] au cours de leur vie. Ces violences ont concerné 14,5 % des femmes et 3,9 % des hommes âgés de 20 à 69 ans. »(31). Sans surprise, les femmes sont donc nettement plus victimes de violences sexuelles que les hommes. La définition des violences sexistes et sexuelles exprime tout à fait l’atteinte à la dignité humaine que celles-ci entrainent puisqu’elle met la personne au rang d’objet, de moyen ; lui imposant un comportement sexuel ; en ne respectant pas le consentement de la personne. Lorsque la violence sexuelle est consentie, il est bien souvent constaté que celle-ci est réalisée par des hommes et tournée vers des femmes. Abraham et Vlatkovic expliquent que, chez l’homme, « l’adoption d’attitudes violentes lors du coït pourrait répondre tantôt à un besoin de se rassurer et de rassurer la partenaire quant à la possession de sa part d’une force musculaire, mais aussi érotique, à certains égards inconditionnelle. Il s’agirait quand même davantage de la mise en scène d’un rôle bien ancré dans la culture que d’une attitude spontanée »(32).
Les pratiques consenties utilisant des techniques de violences et de douleurs en matière sexuelle sont appelés BDSM pour « bondage, discipline, domination, soumission, sado-masochisme ». Cette pratique divise les féministes. En effet, d’un côté il y a celles qui considèrent que chacun est libre d’assouvir ses fantasmes et désirs tant que ceux-ci sont consentis entre tous les partenaires. De l’autre, celles qui considèrent que le BDSM n’est pas une pratique sexuelle moralement acceptable, et qui, même consenti, n’est pas tolérable. Finalement c’est une opposition entre « la primauté du concept de dignité humaine [et] celui d’autonomie de la personne »(27). Pour Fabre-Magnan, « même en cas de consentement, […] « nul ne peut valablement consentir à ce que lui soient portées des atteintes contraires à la dignité de la personne humaine et donc à renoncer à cette dignité » »(27). Ainsi, dans ce contexte, selon elle, le consentement de la personne n’est pas valable. En revanche, pour l’anthropologue Rubin, le BDSM est une pratique tout à fait tolérable mais empli de cliché qui ternissent cette pratique. La Cours Européenne des Droits de l’Homme a admis en 2005 que « la faculté pour chacun de mener sa vie comme il l’entend peut également inclure la possibilité de s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou moralement dommageable ou dangereuse pour sa personne »(27). Ainsi, il semble que le consentement, qui implique le concept d’autonomie de la personne, est supérieur au concept de dignité humaine mis en avant pour les féministes qui dénoncent le BDSM. Cependant, Fabre-Magnan met en garde contr « le consentement [qui deviendrai] « un sésame de nature à lever toutes les interdictions et à légitimer tous les comportements »(27). Simard reprend les idées de Fabre-Magnan et explique que celles-ci mettent la dignité « comme un principe transcendant, et se rapproche même de sa première signification hiérarchique de « dignitas » (rang social ou d’une fonction), qui impose un devoir plus qu’elle n’ouvre à des droits »(27). Ainsi, les violences sexuelles peuvent êtes consenties ou non. Lorsqu’elles ne le sont pas il y a nécessairement atteinte à a dignité humaine. En revanche lorsqu’elles sont consenties, elles ouvrent un débat qui tente de trancher si le consentement est suffisant pour protéger la dignité ou si celui-ci est erroné et lui porte atteinte.

Pornographie, travailleurs du sexe

Les pratiques BDSM sont souvent misent en lien avec la pornographie. Ainsi, tous comme ces jeux de violences, le travail du sexe clive les féministes. En effet, une partie des féministes, 15 dites abolitionnistes souhaite l’interdiction du travail du sexe et « dénonce les conditions de production et les violences que les actrices subissent lors des tournages de films pornographiques […] En outre, les actrices n’ont aucune prise sur l’exploitation qui est faite de leur corps et de leur sexualité une fois le film réalisé. Au préjudice physique s’ajoute ainsi l’atteinte à la dignité et au respect de soi »(33). Pour elles, les femmes ne consentent jamais réellement à devenir des travailleuses du sexe (TDS) et acceptent cela après avoir « intériorisé [leur] statut d’objet exploité et dominé »(33). En effet, d’après Dworkin et MacKinnon, la pornographie et plus largement le travail sexuel sont humiliants pour les femmes qui y sont « soumises, dégradées, réduites à certaines parties de leur corps, esclaves du désir masculin et ne se réalisant que dans la soumission à celui-ci »(33). De plus, elles affirment que cela se répercute dans le réel car la population intériorise ces comportements et les replace dans la vie de tous les jours sans même s’en apercevoir. De la même façon, pour les deux féministes, « la pornographie prédispose ou renforce la prédisposition au viol. Elle détruit les barrières qui empêchent le passage à l’acte, elle fait du viol une composante normale de la sexualité, et surtout, elle érotise le refus féminin »(33). En effet, elles expliquent que la représentation du concept de consentement est mise à mal car dans certains scénarios joués, la femme refuse le rapport mais celui-ci a tout de même lieu. De même certains scénarios présentent un refus de la femme mais qui finit par céder sous l’insistance du partenaire. Pour elles, ceci met gravement en danger la femme dans la société qui se retrouve influencée par cette vision erronée du consentement et de la capacité de la femme d’exprimer par elle-même son consentement. Lahure développe le fait que pour ce mouvement féministe, « les femmes sont supposées victimes sans même qu’elles en aient conscience, et les hommes dominateurs effectifs, y compris malgré eux »(33). Cette idée est aussi reprise par Simard qui explique que « la notion de dignité humaine est ainsi convoquée par certains courants féministes pour rejeter l’idée qu’est recevable le consentement à […] du travail sexuel »(27). Enfin il précise que, comme pour le BDSM, pour ces féministes, le principe d’autonomie ne peut primer sur le principe de dignité. Ainsi, pour elles, cela « permet de faire fi du consentement [des TDS], même lorsqu’il est clairement formulé et que le niveau de contraintes qui s’exerce ne relève pas, notamment, du recours à la force »(27). Finalement, pour ces personnes, la pornographie et le travail du sexe portent atteinte à la dignité humaine et ne permettent pas un consentement libre et éclairé.
A l’inverse pour d’autres féministes dites libérales, le TDS et plus principalement la pornographie ne présente pas d’atteinte à la dignité humaine. En effet, certaines féministes font barrière à la pensée précédemment évoquée car pour elles, interdire la pornographie va principalement impacter les femmes qui ne pourront toujours pas « disposer de leur corps et […] affirmer leurs désirs » ni apporter « des modèles alternatifs de sexualité émergent, moins centrés sur les représentations liées à la sexualité masculine dominante »(33) comme elles en ont l’opportunité aujourd’hui dans le monde de la pornographie (nous le verrons plus tard, principalement dans la pornographie éthique). De plus, partir du principe que le consentement des TDS ne peut pas être valable, renvoie finalement à infantiliser les femmes en admettant qu’elles ne sont pas capables d’émettre leur propre choix « en excluant la possibilité d’une participation consentie aux tournages, on refuse en même temps à certaines femmes le libre arbitre qu’on prétend défendre en interdisant la pornographie. [Ainsi,] la démarche féministe abolitionniste répète […] la représentation archaïque des femmes comme victimes incapables de choix autonomes »(33). A cela, Simard rajoute que la vision du féminisme abolitionniste efface « toute distinction entre le travail sexuel et le viol » rendant ainsi victimes toutes les TDS même lorsque celles-ci «affirment exercer un travail sexuel par choix »(27). Enfin, il revient sur une étude contestée qui déclare qu’il y a un lien « entre des abus sexuels subis dans l’enfance, notamment incestueux, et la pratique d’un travail sexuel à l’âge adulte » (27). Les féministes abolitionnistes s’appuient sur cette étude pour affirmer que le consentement des TDS n’est donc pas valable puisqu’il est influencé par des violences subies dans l’enfance, des traumatises. Pour l’auteur, la priorité n’est pas de savoir si cela est vrai. Mais plutôt de déterminer « si le fait d’avoir éventuellement vécu des traumatismes sexuels dans l’enfance invalide a priori toute expression de consentement au travail sexuel à l’âge adulte »(27) et même de consentement de manière générale. Ici, il explique qu’encore une fois, considérer ce consentement comme non recevable revient à considérer les femmes comme incapables de prendre seule leurs décisions. Le philosophe Ogien quant à lui considère que dénoncer la pornographie comme atteinte à la dignité n’est pas approuvable. En effet, il explique « pour être « pornographique », une représentation doit satisfaire à certains critères stylistiques objectifs […] et qu’elle est ipso facto dégradante parce qu’elle est, en raison de ces traits mêmes, « réifiante », « objectifiante », « déshumanisante » »(34). Cependant, il rappelle que de nombreux films du cinéma montrent eux aussi des scènes qui répondent « aux critères stylistiques de la pornographie »(34) sans pour autant déshumaniser les personnages en les réduisant au rang d’objet. Ainsi, il contredit la thèse selon laquelle la pornographie porte atteinte à la dignité humaine. Pour illustrer sa réflexion, il cite Nussbaum qui classe par 7 les critères qui définissent un objet : l’instrumentalité, l’absence d’autonomie, l’inertie, la fongibilité, la violabilité, la possession et l’absence de subjectivité1. Finalement, il éclaircit ces éléments au regard de la pornographie en affirmant qu’il « serait absurde de dire que dans [la] pornographie les personnages ne se meuvent pas (ils ne font que ça !). Ce ne sont donc pas des objets au sens de l’inertie. Il serait aussi absurde de dire que […], les personnages ne montrent aucun plaisir ou aucune peine. Ils passent leur temps à crier […]. Ce ne sont donc pas des objets au sens de l’absence de sensibilité. On peut dire la même chose pour l’autonomie, la possession, la violabilité »(34). Enfin, il conclut « les personnages ne sont des « objets » qu’au sens de l’instrumentalité (ils sont des moyens de plaisir) et de la fongibilité (ils sont interchangeables). Est-ce que cela suffit à affirmer qu’ils sont « réifiés », « objectifiés » au sens fort ? Non, bien sûr »(34). Ainsi, n’étant pas assigné au rang d’objet, la dignité des acteurs pornographique n’est pas atteinte selon Ogien. Pour conclure, le travail sexuel et plus particulièrement pour notre sujet, la pornographie, divise. D’un côté certains affirment que la pornographie est un danger pour la population, qu’on ne peut consentir librement à être une TDS et que et que la dignité humaine est nécessairement atteinte. De l’autre, certains considèrent que le travail sexuel n’objectivise pas les acteurs et que la capacité pour les femmes de consentir à être des TDS est en fait une force qui redonne sa place à la femme en tant que personne capable de décider pour elle-même, ce n’est donc pas un objet.

Pédophilie

Contrairement au travail du sexe, la pédophilie, dans notre société ne fait pas débat en matière d’atteinte à la dignité humaine. En effet, à part quelques cas isolés (souvent eux-mêmes accusés de pédophilie), le consentement semble toujours être perçu comme non valable lorsqu’un enfant/adolescent a des rapports sexuels avec un adulte. Au contraire, il semble même que le fait qu’un adulte puisse avoir légalement un rapport sexuel avec un mineur de plus de 15ans pose question à la société.
Pédophile « signifie qui aime les enfants et désigne plus précisément l’individu qui éprouve et met en acte une attraction sexuelle pour les enfants, quel que soit son sexe. La pédophilie est 1 1 / Instrumentalité (l’objet est un moyen) ; 2 / Absence d’autonomie (l’objet ne décide pas, ne choisit pas) ; 3 / Inertie (l’objet n’est pas un agent capable de se mouvoir par lui-même) ; 4 / Fongibilité (l’objet est interchangeable avec d’autres objets du même type ou avec des objets d’autres types) ; 5 / Violabilité (l’objet n’a pas de barrières protectrices. On peut le pénétrer, le casser, l’écraser) ; 6 / Possession (l’objet peut être possédé par un autre que lui-même. Il peut être acheté, vendu, etc.) ; 7 / Absence de subjectivité (l’objet n’a pas d’expériences, de sensations, d’émotions de sensibilité, en général)(34) considérée par l’Organisation Mondiale de la Santé comme un trouble de la préférence sexuelle »(35). Lazerges définie la pédophilie « comme l’attirance sexuelle d’un adulte envers un enfant non pubère que cet attrait soit hétérosexuel, homosexuel ou bisexuel »(36). Bien que cette attirance ne soit pas tolérée, elle n’est pas une notion juridique. Elle n’apparait ni dans le code pénal ni civil. Pour l’auteur, « le droit de la pédophilie recouvre toutes les infractions sexuelles qui portent atteinte à la liberté sexuelle de la victime et dont le consentement est indifférent si elle est mineure. La pédophilie peut aussi recouvrir des comportements que le législateur perçoit comme humiliants et outrageants pour le mineur »(36). Sales explique qu’en droit français, la pédophilie est en fait « une agression sexuelle aggravée, car perpétrée par une personne ayant autorité »(35). Ainsi, à travers ces définitions, on constate que la dignité de l’enfant ou l’adolescent est atteinte. En effet, il est « humilié », on exerce une « autorité » sur lui l’empêchant de consentir librement. D’ailleurs, dans le rapport sexuel pédophile, « la satisfaction, le plaisir sont obtenus par l’assujettissement, la domination ou/et la maltraitance de l’enfant »(35). A cela, Sales ajoute, que les pédophiles « se servent du corps des enfants comme de simples objets pour assouvir leurs pulsions »(35). Là, elle explique que l’enfant n’est pas considéré comme une fin en soi mais bien comme un moyen. Elle va jusqu’à dire que quel que soit le type de pratique ; de la plus « soft » tel un climat érotique mis en place auprès de l’enfant, à la plus agressive tel la torture ; la pédophilie est toujours « un acte de pouvoir d’un adulte sur un enfant : il s’en empare pour en faire l’objet de son plaisir et de sa jouissance, sans se soucier des dégâts psychiques qu’il provoque »(35). De plus, elle rappelle que cette atteinte à la dignité de l’enfant a bien souvent des répercussions dramatiques sur celui-ci, qui en garde un véritable traumatisme, devenant facilement manipulable et qui « persiste à tenter de satisfaire l’autre dont le désir reste prééminent par rapport au sien, évanoui, aboli »(35). Ce traumatisme le pousse parfois même à reproduire une fois adulte les actes qu’il a subis comme l’explique Ferenczi. Enfin, l’auteure cite Renaut « l’enfant, « notre égal paradoxal », […] à la fois notre semblable et être encore inachevé, a un besoin absolu de nous, adultes, pour être éduqué et advenir à lui-même ». Cette citation illustre bien le fait que, l’enfant, en tant qu’égal de l’adulte, est détenteur de la dignité. Mais en tant « qu’être inachevé », il doit être protégé face à son propre consentement qui n’est pas encore suffisamment libre.
La pornographie est une porte ouverte à tous les fantasmes. Ainsi, on retrouve de la pédophilie dans ce domaine. On parle alors de pédopornographie. Lazerges explique que dans ce cas, « les formes que prend […] la pédophilie sont radicalement différentes. [Elle] est virtuelle mais non sans danger »(36). Comme il a été abordé dans la partie « Législation de la sexualité et de la pornographie de l’adolescence », il est interdit par le code pénal de réaliser, diffuser, visionner, détenir des contenus pornographiques mettant en scène des mineurs. Toutefois, il est compliqué de réellement définir la pédopornographie car elle peut prendre de nombreuses formes. Le forum des droits sur l’internet tente de la préciser dans leur rapport sur la pédopornographie et la pédophilie sur l’internet en donnant différentes définitions. Ainsi, d’après le Conseil de l’Union Européenne, la pédopornographie est une « représentation visuelle « d’un enfant réel », « une personne réelle qui paraît être un enfant », ou « des images réalistes d’un enfant qui n’existe pas » « participant à un comportement sexuellement explicite ou s’y livrant, y compris l’exhibition lascive des parties génitales ou de la région pubienne »(37). L’Office International de Police Criminelle quant à lui la définit comme « la description visuelle de l’exploitation sexuelle d’un enfant centrée sur le comportement sexuel de l’enfant ou sur ses parties génitales »(37). Cependant, le rapport précise que « certains contenus non strictement pornographiques, mais ouvertement érotiques ou faisant l’apologie de la pédophilie, qui n’entre pas dans la qualification pénale française »(37) doivent être aussi pris en compte. Comme précisé dans la définition du Conseil de l’Union Européenne, depuis 1998, la représentation du mineur est interdite en pornographie. Ce « terme représentation a été ajouté pour permettre à l’incrimination d’englober les représentations virtuelles de mineurs »(36). Il est très difficile de donner des chiffres précis concernant la pédopornographie. L’OIPC-Interpol « recense 200 000 images saisies sur l’internet »(37). Cependant, ces chiffres sont surement beaucoup moins élevés que la réalité des contenus disponibles sur internet.
Ainsi, la pédophilie nuit à la dignité des mineurs, qui, étant encore dépendants de l’adulte, n’ont pas la capacité de donner un consentement libre et éclairé. L’adulte profite de son état de supériorité pour profiter de l’enfant, le plaçant au rang d’objet. D’ailleurs, cette indignité pour l’enfant se constate par la suite, puisque ces agissements sont vécus comme un véritable traumatisme pour lui. Enfin, avec l’essor de la pornographie, une nouvelle forme de pédophilie est apparue : la pédopornographie. Celle-ci s’est nettement développée et semble difficilement contrôlable malgré la législation qui la punit sévèrement.

Contenus pornographiques

Il est difficile de trouver de statistiques fiables lorsque l’on souhaite décortiquer les contenus disponibles et regardés en pornographie. Pour ce qui est de la pédophilie, étant illégale il ne devrait pas être possible d’en regarder sur les sites pornographiques. Pourtant, récemment, Pornhub, un des plus grands sites de pornographie au monde, a été accusé de diffuser des vidéos mettant en scène des mineurs et « de ne pas réagir assez vite ou pas du tout aux signalements de contenus pédopornographiques »(38). On peut imaginer aisément que si ce site contient des vidéos illégales, cela doit être le cas pour bien d’autres sites. À la suite de ces accusations, le site a supprimé de nombreuses vidéos amateurs, a mis en place la nécessité d’avoir un compte certifié pour télécharger du contenu et a commencé un partenariat avec des organisations de protection des mineurs sur internet. Cependant, le mal est déjà fait. En effet, comme l’explique une actrice française, « il suffit de quelques minutes pour qu’une vidéo soit vue, téléchargée, puis de nouveau partagée ailleurs sur Internet »(39). En 2019, une étude néo-zélandaise à démontrée que 43% des vidéos pornographiques qu’ils ont examiné étaient incluses dans une catégorie incestueux, jouant souvent sur l’apparence très jeune des acteurs et actrices, jeunes majeurs(40). Mais les dénonciations de pornographie illégale chez Pornhub ne se résument pas qu’aux mineurs. En effet, le site « est accusé, témoignages à l’appui, d’avoir laissé circuler, parmi ses millions de contenus, de nombreuses vidéos d’agressions sexuelles, de viols ou de revenge porn »(39) et donc de pratiques sexuelles non consenties. Par ailleurs, une étude sur les violences sexuelles dans les vidéos pornographiques réalisé par Vera-Gray, McGlynn, Kureshi et Butterby au Royaume-Uni en 2021 a démontré qu’un titre de vidéo sur 8 contient des mots en rapport avec de la violence sexuelle(41). Dans cette étude, les chercheuses ont décidé de ne pas inclure le BDSM qui ne répond pas aux critères de coercition de la définition des violences sexuelles de l’OMS. En revanche, elles ont classé les violences par les « activités sexuelles entre membres de la même famille » qui compte 4,4% des vidéos étudiées, les « agressions physiques et sexuelles » qui représente 4,1% du contenu analysé, « les abus sexuels basés sur des images » tel le voyeurisme, le revenge-porn, les caméras cachées… représentent 2,2% des vidéos analysées, et enfin « coercition et exploitation » qui compte 1,7% du contenu. Dans cette dernière catégorie, qui fait le lien avec le consentement, les chercheuses expliquent que les titres sont majoritairement composés de mots clés en rapport avec le jeune âge tel « schoolgirl », « girl » et « teen ». De plus, elles alarment sur le fait que les actes de violences décrits dans les titres des vidéos alimentent la culture du viol et semblent être utiliser de façon normative, sans y voir une réelle violence. Elles expliquent que le fait que ces actes soient interdits par la loi, mais non reconnus comme violents sur les sites risquent de laisser penser la population que ceux-ci ne sont pas des actes illégaux. Malheureusement, les restrictions mises en place par Pornhub risquent de mettre en difficulté les travailleurs du sexe. En effet, comme en témoignent certains d’entre eux dans l’article du Monde(39), ils se sont vus supprimer quelques vidéos, notamment celles présentant des jeux de rôle autour du non-consentement ou des pratiques BDSM. Cela s’explique par le fait qu’il peut être difficile de démêler le jeu de rôle d’une réelle violence pour les modérateurs. Les acteurs eux-mêmes déclarent « modérer [ses vidéos] est délicat, car la question de la morale se pose fatalement : qu’est-ce qu’on considère comme un simple fétichisme et qu’est-ce qu’on considère comme immoral et interdit ? »(39). Cependant, les TDS semblent bien comprendre et encourager ce durcissement de surveillance des contenus pornographiques déposés sur les sites. De plus, cela devrait leur permettre d’avoir un meilleur contrôle sur leurs contenus puisque « le piratage de shows webcam ou de vidéos payantes vers des plateformes gratuites est assez commun »(39). Avec des restrictions plus fermes, il devrait y avoir moins de vidéos volées.
Les vidéos présentant des pratiques BDSM semblent très présentes sur les sites internet. En effet, dans une étude de Carrotte, Davis et Lim qui regroupe les différentes recherches déjà existantes sur le contenu des vidéos pornographiques afin d’analyser quels sont les pratiques les plus répandues, la pratique du BDSM présente des pourcentages élevés. Ainsi, cette enquête reprend les résultats de Klaassen pour qui 56% de vidéos présentaient un individu dominant dont 39% où il s’agissait de l’homme. Pour Vannier, 24% des vidéos présentaient un homme dominant contre 10% pour les femmes. Fritz et Paul parlent eux de 46% d’hommes dominants contre 33% de femmes(42). D’ailleurs, lorsque l’on inscrit le mot clé « BDSM » sur Pornhub ou sur Xvideos, les sites proposent respectivement 42813 et 54856 vidéos. Sur la première page de propositions de vidéos, on découvre effectivement des contenus ou la domination est principalement réalisée par des hommes et dirigée vers des femmes (Annexe 1). Les chercheuses ont tiré la conclusion que de nombreuses inégalités de sexes dans les contenus pornographiques sont présents notamment en matière de BDSM, et que ces inégalités jouent en défaveur des femmes.
En conclusion, il semble que malgré une législation claire, les sites pornographiques ne respectent pas toujours la dignité humaine. En effet, bon nombre de vidéos présentent des contenus illégaux tels la pédophilie, le non-respect du consentement et les violences sexistes et sexuelles. Suites aux scandales à propos du site Pornhub, des efforts sont en cours mais cela ne semble pas encore suffisant et le chemin s’avère encore long car il apparait très complexe de modérer les contenus pornographies sans dénigrer les TDS, d’autant plus que de nouvelles vidéos arrivent tous les jours par milliers sur les sites.

Question sanitaire

Education à la vie affective et sexuelle

L’éducation à la vie affective et sexuelle semble indispensable dès le plus jeune âge et jusqu’à l’âge adulte afin d’anticiper des comportements qui pourraient être qualifiés d’inadaptés. Selon Isabelle Lebas, la vie affective correspond à « ce qui a trait aux sentiments, aux émotions »(43). C’est en fait tout ce que les adolescents peuvent ressentir pour leurs proches, leurs amis, mais aussi les différents affects qui les traversent dans leurs échanges avec les autres. La vie affective, n’est pas uniquement liée à la sexualité. L’éducation à la vie affective permet donc aux jeunes de comprendre leurs émotions et ainsi mieux les intégrer, les contrôler dans leurs relations.
Pour ce qui est de la vie sexuelle, Isabelle Lebas retrace l’évolution de ce qui est attendu de cette éducation. En effet, elle explique qu’au début elle avait pour but d’informer uniquement sur la reproduction, elle était seulement axée sur la partie scientifique de la sexualité. Plus tard, ce sont les différences biologiques homme/femme qui était abordées. Enfin, aujourd’hui, cela désigne « l’ensemble des différentes modalités de la satisfaction sexuelle. Il n’est plus ici fait référence seulement à un phénomène biologique, mais il est question de satisfaction »(43). Cependant, Murcier et Ott affirment que, bien que supposées être plus axées sur l’affectivité et le plaisir, ces notions d’éducation sexuelle restent bien souvent « redirigées massivement vers la transmission directe d’informations, de messages, de slogans, centrés sur tout ce qui peut faire peur autour et dans la sexualité : SIDA, IST, abus sexuels et grossesses adolescentes. »(44). Pourtant, l’Organisation Mondiale de la Santé définit la santé sexuelle comme « un état de bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité. Elle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition, discrimination ou violence »(45). On comprend ici, que l’éducation sexuelle doit être à la fois préventive pour tous les risques auxquels elle engage, mais elle doit aussi permettre l’épanouissement personnel, le respect de soi et d’autrui. Cela permettrait un réel échange et une réelle écoute de la part des jeunes qui se sentiraient surement moins écrasés par tous les interdits et les méfiances.
L’éducation à la vie affective et sexuelle aborde le concept de pornographie. En effet, avec l’utilisation des téléphones portables de plus en plus tôt, les adolescents ont très facilement accès à des images à connotation sexuelle voir pornographique qui peuvent leur 23 laisser croire que ces vidéos sont la réalité. Il peut être difficile pour eux de faire la différence entre une sexualité pornographique et une réelle sexualité. D’ailleurs, Eduscol explique « la pornographie présente un modèle de sexualité basé sur la consommation et la performance [pouvant] entrainer le développement d’une angoisse de la performance chez l’adolescent »(46). De ce fait, il est primordial que les adultes communiquent avec les jeunes « afin de les aider à analyser et à comprendre les rouages de ces images et leurs messages »(46). Cependant, il semble aussi nécessaire de faire attention à ce que l’adulte ne se laisse pas influencer par sa propre vision de la pornographie. En effet, dans les fiches thématiques d’Eduscol il est dit que plusieurs études montrent que la pornographie n’influe pas sur le comportement des jeunes qui comprennent que « la pornographie est une fiction »(46). Pourtant, à cela, le site rajoute « le développement de la facilité d’accès à la pornographie […] ont surement une influence sur les comportements sexuels des jeunes et des adultes »(46). Ainsi, le « surement » expose bien le fait que l’adulte est influencé par son jugement personnel. Or, cela peut-être un frein en matière d’éducation sexuelle en créant un décalage entre l’adultes qui émet un jugement sur le visionnage de pornographie et l’adolescent chez qui, nous le verrons, le visionnage de pornographie débute souvent à cet âge, peut donc se sentir juger.
L’éducation sexuelle doit être en mesure d’informer les jeunes sur les dangers de la sexualité, notamment les IST et les fausses croyances envoyés par la pornographie, sans pour autant porter de jugement afin de faciliter le dialogue. Elle ne doit pas oublier non plus d’aborder d’autres sujets que les risques, comme l’épanouissement sexuel par exemple.

Infections sexuellement transmissibles

Chez les adolescents, l’éducation à la vie affective et sexuelle permet d’aborder la question des infections sexuellement transmissibles (IST). En effet, « les opinions, les représentations sur le VIH et sur l’utilisation [d’un contraceptif qui protège des IST] peuvent faire obstacle à des comportements de prévention »(46) et prouvent qu’il est nécessaire d’inculquer les risques de ces maladies et l’importance de s’en protéger aux jeunes. D’autant plus que d’après une étude de Santé Publique France, les IST sont en hausse. Eduscol rappel que « le préservatif (externe comme interne) reste toujours le moyen le moins cher, le plus facile d’accès pour se protéger du VIH et des autres IST. […] L’utilisation du préservatif prend place aujourd’hui au sein d’une stratégie de prévention combinée qui comprend aussi le dépistage, large et si besoin régulièrement répété, ainsi que le traitement comme prévention, le traitement post-exposition et le traitement pré-exposition au VIH ». D’ailleurs, un dépistage régulier est vivement conseillé aux adolescents à partenaires multiples. Gardies indique « qu’en 2010, 2,3% des jeunes âgés de 15 à 29ans sexuellement actifs déclaraient avoir déjà eu une infection sexuellement transmissible au cours des cinq dernières années »(47). Ainsi, dès le début de leur sexualité certains adolescents sont déjà infectés ce qui montre une part d’échec dans l’éducation sexuelle délivré.
Dans le monde de la pornographie, la prévention des infections sexuellement transmissibles semble faire défaut. En effet, comme l’explique Kluger, il est très difficile de se faire un nom en tant qu’acteur et surtout actrice et réussir à faire durer sa carrière. Ainsi, les actrices peuvent facilement être amenées à prendre des risques afin d’être favorisées sur les tournages. Elle développe « en un mois certains acteurs peuvent « performer » près de 40 fois avec de multiples partenaires sur chaque tournage. De plus, le cachet augmente avec les risques liés aux scènes. [Les actrices réalisent] des scènes avec plusieurs partenaires, où il existe une augmentation notable de pratiques à hauts risques »(48). Elle rajoute que leurs connaissances sur les IST et les risques liés à la pornographie sont en plus, bien souvent insuffisantes. En 1998, pour pallier ce manque d’information et les nombreuses infections VIH qui ont eu lieu dans les années 80, l’Adult Industry Medical Healthcare Foundation (AIM) a été créé. Cependant, on dénombre encore de nombreux cas d’IST chez les acteurs pornographique et beaucoup d’autres ne sont surement pas dépistés d’après Kluger. En effet, elle explique que dans le porno gay, en 2005, la prévalence des acteurs séropositifs étaient de 40 à 50%(48). Pour l’infection au gonocoque et la chlamydia, en 2001, « 7,7% des actrices et 5,5% des acteurs étaient positifs pour infection par Chlamydia et 2% des hommes et femmes avaient une infection par N.gonorrhoeae »(48). Cependant, l’auteure rappelle que les dépistages sont souvent insuffisants car uniquement basés sur une analyse d’urine. Ainsi, une autre enquête a démontré qu’en se basant uniquement sur le prélèvement urinaire, 23% des cas étudiés auraient été testés négatifs alors qu’ils étaient positifs au gonocoque en prélèvement oro-pharyngé. Elle explique aussi que d’autres IST moins connues sont souvent oubliées des dépistages des acteurs telles le « papillomavirus, trichomonas, hépatite A, B et C ou infection Gardnerella vaginalis »(48). Ainsi, afin de permettre une meilleure prévention des IST, différentes solutions sont envisagées. La principale est centrée sur le port du préservatif en systématique (nous reviendrons sur ce sujet plus tard). D’autres pistes sont envisagées, notamment « la vaccination systématique contre le papillomavirus des jeunes actrices »(48). Le « California/Occupational Safety and Health Act » quant à lui, proposent entre autres « les digues dentaires […], la simulation de certains actes, l’éjaculation hors du corps du/de la partenaire, une prophylaxie post-exposition contre l’hépatite B ou le VIH »(48) ainsi qu’une éducation du milieu pornographique sur les IST, leur prévention et des dépistages obligatoire. Kluger s’interroge sur le danger que la population soit influencée par ces comportements à risque présent dans la pornographie et les reproduise dans sa vie sexuelle. Toutefois cette hypothèse reste encore floue.

Zoom sur le préservatif

Du fait de sa pluralité, à la fois contraceptif et protecteur d’IST, le préservatif et souvent le contraceptif le plus mis en avant auprès des adolescents. Cependant, Eduscol explique « les « a priori » concernant la fiabilité incertaine du préservatif, la diminution du plaisir sexuel, la perception négative par le ou la partenaire d’un rapport protégé, constituent des résistances aux attitudes de prévention »(46) des jeunes. Il peut aussi être question de son coût ou son manque de spontanéité dans le rapport ainsi que de la gêne pour les adolescents d’en demander ou d’en acheter. Gardies cite les chiffres mis en avant par l’Inpes concernant le port du préservatif chez les 15-29ans. Ainsi, on découvre que « près [d’un jeune] sur dix a déclaré n’avoir utilisé aucun moyen de contraception »(47) lors de son premier rapport sexuel mais que lorsqu’un moyen de contraception est utilisé c’est le préservatif qui ressort le plus avec 9 jeunes sur 10. Finalement, Brival rassure en expliquant que les adolescents avouent utiliser le préservatif dans une idée de respect de leur/e partenaire et ajoutent « lorsque les jeunes ont des partenaires occasionnels, ils se protègent massivement »(7). Toutefois, elle admet une mauvaise utilisation du préservatif chez les adolescents en couple de longue durée qui ont tendance à arrêter ce contraceptif « du jour au lendemain, […] sous prétexte qu’ils connaissent bien et depuis longtemps leur partenaire »(7). On voit bien ici l’importance d’apporter aux jeunes des informations sur le préservatif, sa protection des IST et l’importance des dépistages avant toutes décisions d’arrêt.
Comme nous l’avons vu plus haut, plusieurs études questionnent l’impact du non-port de préservatif dans les films pornographique, sur la population et principalement les jeunes. Cette hypothèse n’a pas encore été prouvée. Cependant, on ne peut pas nier que l’utilisation du préservatif dans le monde de la pornographie reste très rare et trop peu présente par rapport au fort risque de contracter des IST et à la prévention qui en est fait à la population. En effet, selon l’étude de Carrotte, Davis et Lim cité plus haut, le port du préservatif est présent dans 36 à 64% du contenu pornographique gay étudié, contre 2 à 3% pour la pornographie hétérosexuelle. Cette différence s’explique par le fait que, comme nous l’avons vu, de nombreux acteurs gays sont séropositifs. Ainsi, la pornographie gay est d’avantage sensibilisée à l’utilisation du préservatif. Dans une autre recherche cité par Kluger, on constate qu’en 2006, les tournages « sans préservatif représentaient 35% du marché homosexuel et plus de la moitié des productions hétérosexuelles »(48). Les deux études sont d’accord pour affirmer que les rapports péno-anales sont les rapports les plus protégés, notamment dans la pornographie gay, mais les rapports oro-génitaux ne sont en revanche eux, quasiment jamais, voire, jamais faits avec une protection par préservatif, et ce, quel que soit le type de pornographie. Pour justifier cette absence de préservatif, l’industrie de la pornographie apporte différents arguments. D’après elle, les acteurs étant des indépendants, « les compagnies [de production pornographique ne sont pas imposées] de garantir la sécurité des conditions de travail de leurs employés », les dépistages mensuels d’IST assurent la bonne santé sexuelle des acteurs, les consommateurs ne sont pas intéressés par des vidéos présentant des rapports protégés ce qui risque de faire effondrer le marché, et « la liberté individuelle des acteurs et des actrices [n’engage] que leur seule responsabilité »(48). A ces arguments, l’étude de Carrotte & all rajoute que les producteurs s’inquiètent du risque de rendre les rapports sexuels douloureux pour les acteurs/rices en portant un préservatif. Bien sûr, ces arguments sont facilement décrédibilisables puisque selon la même étude, les hommes hétérosexuels et homosexuels soutiennent l’utilisation du préservatif dans la pornographie, et Kluger explique que l’industrie pornographique brésilien à un « taux de port de préservatif [qui] avoisine les 80% [et] reste le second producteur de film adultes »(48). De plus, la chercheuse a prouvé dans son étude que les dépistages sont insuffisants pour empêcher la transmission d’IST entre les acteurs. D’autant plus que les acteurs avouent pour 90% d’entre eux, avoir des rapports sexuels non protégés avec leurs partenaires dans la vie privé ce qui augmentent encore d’avantages le risque de contamination « du milieu professionnel vers la sphère privée ou inversement »(48). Ainsi, le port du préservatif, bien que fortement recommandé dans les différentes campagnes de prévention sexuelle et auprès des adolescents, est largement insuffisamment utilisé dans le domaine de la pornographie. Pourtant, il s’agit d’un milieu à haut risque de développer des IST et de les transmettre massivement. Il semble qu’il y a ici un véritable travail à fournir afin d’améliorer cette problématique.

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Table des matières

Préambule et contexte
Problématique
A. Elaboration du cadre théorique : exposé et analyse des principaux enjeux
I. L’adolescent et la pornographie
a) L’enfant et la sexualité
b) L’adolescent et la sexualité
c) Législation de la sexualité et de la pornographie de l’adolescence
d) Quelques chiffres sur le visionnage de pornographie par les adolescents
II. Dignité de la personne
a) Définition
b) Consentement
c) Violences sexistes et sexuelles, BDSM
d) Pornographie, travailleurs du sexe
e) Pédophilie
f) Contenus pornographiques
III. Question sanitaire
a) Education à la vie affective et sexuelle
b) Infections sexuellement transmissibles
c) Zoom sur le préservatif
d) Contraception et grossesses non désirées
e) Violences sexuelles du point de vue sanitaire
f) Contenu pornographique
IV. Corps plaisir
a) Respect de soi et de l’autre : entre communication, écoute et partage
b) Les pratiques sexuelles : se défaire des normes pour écouter son désir et le consentement entier
c) Découverte et connaissance du corps
d) Orientations sexuelles
e) Polyamour et relations plurielles
f) Contenus pornographiques
B. Analyse des réponses possibles en pratique auprès des adolescents et des difficultés de mises en œuvre
I. Analyse de textes et prises de positions des différents acteurs
a) Des acteurs ayant un avis plutôt négatif sur la pornographie chez les adolescents45
b) Des études scientifiques qui prouvent qu’il n’y a pas de réelle influence sur les adolescents
c) Mise en place du principe de précaution
d) Et l’avis des adolescents alors ?
e) Des intervenants pas toujours bien formés, informés et déconstruits
II. Pour l’avenir : comment passer à l’action, innover et agir : vers une approche du corps plaisir et d’une éducation à la sexualité prenant en compte la réalité des fantasmes, mais prônant comme valeur première le respect de tous
a) Ne pas attendre qu’il soit trop tard
b) Vers une éducation à la vie affective et sexuelle féministe
c) De plus en plus de documentation à la disposition des tous
d) Orienter les adolescents vers la pornographie éthique
Conclusion
Bibliographie

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