L’égalité filles-garçons : un enjeu contemporain
L’égalité filles-garçons est un enjeu d’actualité à l’école primaire. Le site du gouvernement précise actuellement que « L’égalité des filles et des garçons est un principe fondamental inscrit dans le Code de l’éducation. Elle encourage un climat scolaire serein, assure un cadre protecteur – sans comportements ni violences sexistes – et elle favorise la mixité et l’égalité en matière d’orientation». Le président de la République française Emmanuel Macron, lors de sa première investiture en 2017, déclarait d’ailleurs en faire « la grande cause du quinquennat ».
Ce sujet nous intéresse particulièrement car nous avons pu remarquer dans nos différents stages des situations d’auto contraintes ou de remarques limitantes des élèves. Déjà en responsabilité en tant qu’enseignant·es tous les lundis dans le cadre de notre formation en alternance, nous avons à charge des classes de Moyenne Section et CE2-CM1. Nous y avons observé plusieurs comportements questionnants d’élèves vis-à-vis de leur identité de genre. Ce fût le cas par exemple lorsque des élèves empêchèrent verbalement un autre élève d’utiliser un feutre rose pour travailler à cause de son genre, ou encore lorsque des filles furent empêchées de jouer au foot ou mises d’office au poste de gardienne pour pouvoir participer au jeu avec le groupe. Nous pensons que ces différences nuisent à l’évolution de chacun·e dans son travail personnel, et que notre rôle de professeur.e des écoles est de mener les élèves vers un avenir ouvert sur toutes les disciplines et tout futur métier. Leurs choix personnels et leurs capacités ne devraient pas être contraints par des représentations les limitant.
État de l’Art
Nous allons commencer pas dresser un panorama des conclusions tirées des recherches déjà menées auparavant. Nous avons centré nos recherches sur l’influence des pairs dans la construction des stéréotypes, ainsi que des données ayant déjà été recueillies dans des écoles ou d’autres lieux d’accueil d’enfants de 2 à 11 ans.
Filles et garçons, des comportements différenciés
Dans un premier temps, nous nous sommes questionné·es sur le point de départ de la construction des stéréotypes de genre chez les enfants de l’école publique française. Cette construction étant un concept sociologique, il paraît alors cohérent de l’associer aux premières interactions sociales de l’enfant. Cependant, son lien avec les caractéristiques biologiques du sexe est également important à questionner. Dans le premier chapitre de l’introduction d’Introduction aux études sur le genre, Laure Bereni nous précise d’emblée la démarche des études sur le genre, qui auraient pour but de faire éclater « les visions essentialistes » (Bereni, 2012.) de la différence des sexes : c’est-à-dire faire éclater le réflexe que nous avons d’attribuer des caractéristiques aux individus en fonction de leurs caractéristiques biologiques, comme le sexe biologique d’un individu par exemple. Ce chapitre expose également les quatre dimensions analytiques du concept « d’études sur le genre » : « le genre est une construction sociale; le genre est un processus relationnel ; le genre est un rapport de pouvoir ; le genre est imbriqué dans d’autres rapports de pouvoir ». Dans les présentations de ces 4 dimensions, Laure Bereni ainsi que tous les autres auteurs de cet ouvrage nous font part de la dimension non-innée de l’appropriation du genre. Effectivement, on ne naît pas fille ou garçon, mais on le devient grâce à un « apprentissage tout au long de sa vie ». Aussi, en peignant la deuxième dimension analytique de ce concept, les auteurs nous rappellent que cette construction sociale du genre se fait également en opposition par rapport à l’autre sexe : pour étudier les relations entre filles et féminité, il faut donc aussi étudier les relations entre garçons et masculinité. Nous avons choisi d’utiliser des termes comme « élèves filles » pour parler des élèves se considérant comme étant des filles, et non par rapport à leur sexe biologique. Nous nous intéressons surtout ici à des enfants en cours d’apprentissage du métier d’élève et à des enfants en bas âge, c’est pourquoi nous nous penchons surtout sur les deux premières dimensions énoncées par Laure Bereni que sont « le genre est une construction sociale » et « le genre est un processus relationnel ». L’école primaire est un endroit où l’âge des élèves correspond au moment de leurs constructions sociales des codes de leur genre, qu’ils mettent en relation avec les constructions des autres élèves lors de leurs échanges ou pratiques (notamment le jeu, que nous allons analyser). Évidemment, les deux autres dimensions sont sous jacentes et très présentes, de par l’influence très forte du discours de leurs parents à la maison sur leur construction de genre et leur rapport aux autres élèves, et donc de par tous les rapports de pouvoir qui ont contribué à construire les identités et leurs valeurs de leurs parents.
Le poids de la socialisation familiale
Les travaux de recherche ont en premier lieu montré que ce qui détermine les comportements genrés des enfants, c’est en partie l’éducation différenciée qu’ils ont reçu et les modèles qui s’imposent à eux dans la société en générale. Ainsi, dans l’ouvrage Socialisation de genre et construction des identités sexuées (Rouyer, Mieyaa et Le Blanc, 2014), les auteurs nous font l’état de l’art de la socialisation en sociologie. Ils nous montrent que les parents accordent de l’importance au sexe du bébé même avant sa naissance afin de préparer sa venue notamment en faisant des choix différents pour l’achat des vêtements, du matériel de puériculture et de la décoration de la chambre. Les enfants naissant avec une intersexualité mettent alors les parents dans l’embarras qui choisissent pour lui un sexe auquel il devra se conformer. Les parents encouragent « les comportements conforment au sexe d’appartenance, au travers notamment des échanges émotionnels ou des activités ludiques et langagières » ( Rouyer, Mieyaa et Le Blanc, 2014).
En grandissant on remarque également que l’aide aux tâches ménagères est plus demandée aux filles qu’aux garçons. On retrouve également des différences dans les pratiques culturelles et sportives. Si les pratiques culturelles comme le théâtre ou la musique sont perçues comme plutôt neutres, les pratiques sportives sont très genrées et ont clairement pour objectif de renforcer l’expression de genre (Mennesson, 2011). Dans son enquête, Christine Mennesson relève des mères qui font pratiquer la danse à leur fille dans l’objectif affiché de développer leur féminité tandis que des pères valorisent les sports virils pour les garçons tels que les sports collectifs de grands terrains. Les pratiques de ces sports dépendent peu d’un intérêt personnel des enfants car les parents cultivent leurs intérêts dès le plus jeune âge. En effet, si les parents suggèrent les pratiques sportives pour leurs enfants, ils ont souvent imprégné cette envie avant, en lisant des histoires, en achetant des jouets associés à la discipline, ou encore en amenant les enfants à regarder des spectacles ou des matchs à la télévision ou lors d’évènements. Les choix des sports vont encore plus loin quand certains parents expriment qu’ils choisissent le sport de leurs enfants également dans l’objectif de former le corps de leurs enfants à ce qui est attendu d’un corps d’un garçon ou d’une fille. Ils craignent même que pratiquer un sport dit « du sexe opposé » modifie la posture et la carrure du corps de leur enfant et ainsi crée des confusions sur leur identité de genre.
Ainsi, la socialisation primaire joue un rôle essentiel dans la construction sociale des garçons et des filles.
Le poids des stéréotypes
Si celle-ci joue un rôle essentiel, les stéréotypes pèsent également dans la fabrique du genre. On remarque également que la famille transmet les stéréotypes de genre par sa pratique personnelle des rôles sexuées dans la vie quotidienne. Ainsi s’il peut sembler normal que la mère soit à temps partiel et s’occupe plus des enfants et des tâches de la maison, tandis que le père, indépendamment de s’il occupe un emploi ou non, soit moins enclin à s’occuper des tâches ménagères et de planification de la vie familiale. Les premières personnes en dehors de la sphère familale que fréquente l’enfant continuent d’accentuer ces représentations genrées. D’après les rapports de l’Insee (2020) les auxiliaires puéricultrices sont à 99 % des femmes, les assistantes maternelles à 97 %, les agents de services des écoles à 98 % et 84,2 % des enseignantes du premier degré sont des femmes. Ces faits sont euxmêmes existants à cause de l’orientation scolaire que prennent les femmes et du manque de représentation dans leurs possibilités de professions perçues comme plus masculines (Dafflon, 2006). Dans la revue scientifique À l’école du genre Marie Duru-Bellat, énonce d’emblée que les stéréotypes sont très importants pour la construction des règles chez l’enfant : « De manière générale, les stéréotypes amènent à creuser les différences entre groupes et à minimiser les différences intragroupes, et canalisent les investissement possibles et désirables dans la vie d’adulte, ce qui est contraire à l’individualisme des sociétés modernes et à l’idéologie dominante de l’égalité des chances. » (Duru-Bellat, 2016) Les travaux de recherche ont en premier lieu montré que ce qui détermine les comportements genrés des enfants, c’est en partie l’éducation différenciée qu’ils ont reçu et les modèles qui s’imposent à eux dans la société en générale. Cela créé chez les enfants une représentation du monde très genrée où les femmes sont présentes pour s’occuper d’eux tandis que les hommes font des professions qui n’ont pas de rapport avec le monde de . Les enfants associent le rôle social de la femme à un rôle dévalué qui ne « procure pas ce même pouvoir économique, social ou politique » que celui des hommes (Petrovic, 2014). C’est ainsi, ajouté à de multiples autres facteurs que l’on construit un rapport hiérarchique entre les hommes, les femmes, les « choses de filles » et les « choses de garçons ». Les garçons subissent une forte pression pour ne pas sortir de leur rôle sexué alors qu’il est plus facile pour une fille, de façon sociale, d’agir « comme un garçon ».
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Table des matières
Partie 1 : Introduction
I. L’égalité filles-garçons : un enjeu contemporain
II. État de l’Art
A. Filles et garçons, des comportements différenciés
B. Le poids de la socialisation familiale
C. Le poids des stéréotypes
D. Le poids de l’école
E. La nécessaire prise en compte des temps non encadrés
III. Problématisation
IV. Le genre et les stéréotypes en 2022
A. Définitions des termes
B. Hypothèses
Partie 2 : L’enquête
I. Méthode d’enquête
A. L’observation directe et vidéo
B. Terrain d’enquête
C. Les observations des cours de récréation
D. Les représentations de cours de récréation par les élèves d’élémentaire
E. Les observations de coins jeux en maternelle
II. Analyse des données
A. La répartition des élèves de maternelles dans les espaces de jeux
1) des différences d’investissement de certains espaces de la classe
2) Un « ensemble séparé » sur certaines activités
3) Des activités plus mixtes
B. L’usage des jeux
1) Des usages différenciés des mêmes espaces
2) Des élèves qui contrôlent l’accès aux différents espaces
3) Des rôles qui correspondent le plus souvent aux représentations traditionnelles du genre
C. La cour de récréation
1) Des jeux plus ou moins mixtes
2) Des activités différenciées en fonction du genre
3) Des activités non différenciées en fonction du genre
D. Les représentations des élèves sur leur cour
1) Le terrain central comme lieu privilégié des garçons ?
2) Des représentations non-genrées des espaces (CE2/CM1) et des espaces mixtes
(CM1/CM2)
3) Des représentations diverses mais toujours genrées
Conclusion
Discussion
Apports pour la pratique
Bibliographie
Annexes
Tableaux statistiques d’analyse des schémas d’élèves
Schéma cour fille école centre-ville CE2-CM1
Schéma cour fille école campagne CM1-CM2
Schéma cour garçons école campagne CM1-CM2
Résumé