L’efficacité et de la sécurité de l’association anticoagulant-antiagrégant plaquettaire

La fibrillation atriale est un problème de santé publique qui touche 33,4 millions de sujets dans le monde (1). La coronaropathie est également une affection fréquente et grave puisqu’elle est responsable chaque année d’1,8 millions de décès en Europe (2). L’incidence de ces deux pathologies augmente avec l’âge (3,4). 5 à 10% de ces patients porteurs d’arythmie atriale (FA, flutter atrial) ont également une maladie coronaire nécessitant une angioplastie percutanée avec mise en place de stent (5).

Les arythmies atriales (FA/Flutter atrial) sont responsables de complications emboliques et favorisent notamment les accidents vasculaires cérébraux. Pour prévenir ces complications emboliques, un traitement anticoagulant curatif oral est préconisé (6). De nouvelles molécules ont été mises sur le marché durant ces dix dernières années. Il s’agit d’anticoagulants oraux à action directe (AOD), inhibiteur du facteur IIa (Dabigatran) ou inhibiteurs du facteur Xa (Rivaroxaban, Apixaban). Ils représentent une alternative au traitement par AVK chez les patients porteurs de FA non valvulaire. Ces molécules ont démontré leur non-infériorité, en comparaison au traitement de référence par Warfarine, pour la prévention des événements thromboemboliques chez les patients avec FA non-valvulaire à haut risque thromboembolique (7–9). Elles ont une efficacité biologique prévisible et ne nécessitent pas de surveillance en pratique courante.

Outre la prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaire, le traitement de la maladie coronaire repose sur la revascularisation myocardique dont la méthode la plus répandue est l’angioplastie coronaire transcutanée avec mise en place de stent (10). Après ACT une bithérapie anti-agrégante plaquettaire doit être prescrite, dont le but est de prévenir les récidives thrombotiques coronaires et en particulier les thromboses précoces de stent, complications graves associées à un taux de mortalité de 45% .

Cette combinaison antiplaquettaire associe un inhibiteur des récepteurs P2Y12 à de l’Aspirine pour une durée variable en fonction du mode de présentation, syndrome coronarien aigu ou angor stable . Cependant, les nouveaux inhibiteurs des récepteurs P2Y12 (Ticagrelor, Prasugrel) puissants antiagrégants plaquettaires ne sont pas recommandés dans le cadre d’une trithérapie du fait d’un sur risque hémorragique .

Par ailleurs, il apparait une faible efficacité à la fois des antiagrégants plaquettaires dans la prévention des complications emboliques et des traitements anticoagulants dans la prévention des thromboses de stent. En effet l’étude ISAR a démontré, chez 537 patients après implantation de stent coronaire, une large supériorité de l’association de deux antiagrégants plaquettaires (Aspirine + Ticlopidine), par rapport à un traitement anticoagulant seul (Héparine non fractionnée IV ou AVK) pour la prévention des évènements cardio-vasculaires (décès cardio-vasculaires, infarctus du myocarde, nouvelle angioplastie coronaire). (16) Parallèlement l’étude ACTIVE W, comparant anticoagulation orale curative par AVK à l’association Clopidogrel + Aspirine chez 6726 patients porteurs de FA, avait été arrêtée précocement pour cause de supériorité du traitement anticoagulant dans la prévention des complications emboliques .

Par conséquent, l’association anticoagulant et antiagrégant plaquettaire est indispensable pour la prévention concomitante des complications emboliques et des évènements cardiovasculaires, notamment les thromboses de stent. La combinaison de chacun de ces médicaments anti-thrombotiques est associée à un sur risque hémorragique important. Dans le registre danois colligé par Lamberts et al., il a été démontré sur plus de 11800 patients, que l’addition des thérapies anti-thrombotiques majorait le risque d’hémorragies majeures : ce risque était multiplié par 4 à un an (15,4%) chez les patients sous tri thérapie (AVK + Clopidogrel + Aspirine) par rapport aux patients sous AVK seuls (3,6%) .

Le nombre de patients concernés par cette situation clinique nécessitant une multiplication des thérapies anti-thrombotiques ne cesse de progresser avec l’augmentation de l’espérance de vie (18). Dans le même temps, il existe un élargissement des indications d’anticoagulation dans la fibrillation atriale même pour les patients à faible risque embolique (CHA2DS2- VASc=1) (19). Le nombre de patients nécessitant une trithérapie croit donc rapidement.

Les recommandations de la Société Européenne de Cardiologie portant sur la revascularisation myocardique et publiées en 2018, basées sur un consensus d’experts ont donc un faible niveau de preuve (C) et peu d’études contemporaines randomisées se sont intéressées à cette situation clinique complexe nécessitant une association entre bi anti agrégation plaquettaire et anticoagulation curative. Parmi ces rares études randomisées WOEST, PIONEER et RE DUAL PCI, ont démontré un sur risque hémorragique chez des patients traités par une trithérapie (AVK, Clopidogrel et Aspirine) versus une bithérapie comprenant respectivement AVK, Dabigatran et Rivaroxaban en association au Clopidogrel) .

ANALYSE STATISTIQUE

Les variables continues étaient exprimées en moyenne ± écart type et comparées en utilisant le test de Student. Les variables catégorielles étaient exprimées en pourcentage et comparées en utilisant le test exact du χ². Les critères de jugement étaient la survenue de différents évènements (cf. ci-dessus) au cours du temps, depuis l’inclusion. Deux analyses ont été conduites pour étudier les taux d’événements pendant le 1er mois puis pendant la 1ère année. Les courbes de survenue d’évènements ont été tracées à l’aide de la méthode de Kaplan-Meier et comparées avec le test du Log-Rank. Les risques relatifs (hazard ratio) bruts de survenue des évènements ont ensuite été estimés par régression de Cox simple. Une analyse multivariée par régression de Cox multiple a ensuite été menée afin d’identifier les facteurs indépendamment associés aux risques d’évènements et d’estimer les hazard ratio ajustés. Tous les tests statistiques étaient bilatéraux et le seuil de signification statistique était p<0,05. Toutes les analyses ont été effectuées avec IBM SPSS Statistics 20.0 (IBM Inc., New York, États-Unis).

RÉSULTATS 

CARACTERISTIQUES CLINIQUES A L’ENTREE 

219 patients étaient inclus au CHU Nord à Marseille entre Avril 2015 et Juillet 2018 et répartis en deux groupes : 166 (75,8%) patients dans le groupe trithérapie et 53 (24,2%) patients dans le groupe bithérapie.

L’âge moyen était de 77,5 ans, significativement plus élevé dans le groupe bithérapie (81,2 ± 9,5 vs 76,3 ± 8,2 ; p=0,04) dont 68% étaient des hommes. Le risque embolique estimé par le score CHA2DS2-VASc moyen était significativement plus élevé dans le groupe bithérapie (5,45±1,17 vs 5,02 ± 1,37 ; p=0,04).

Le risque hémorragique évalué par le score HAS-BLED était en moyenne de 2,70 ± 0,93 et significativement plus élevé dans le groupe bithérapie (3 ± 0,86 vs 2,61± 0,93; p= 0,01). Il en était de même pour le score CRUSADE plus élevé dans le groupe bithérapie (52,85 ± 10,1 vs 43,54 ± 12,05 ; p<0,001).

Au niveau des caractéristiques biologiques, il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes, en dehors du VASP indice de résistance plaquettaire au Clopidogrel, significativement plus élevé dans le groupe bithérapie (60,36 ± 21,38 vs 47,01 ± 25,78 ; p=0,01).

Le mode de présentation clinique était un syndrome coronarien aigu dans 83,6% des cas ou un angor stable dans 16,4% des cas. Dans le groupe bithérapie, le pourcentage de patients admis pour SCA était plus élevé (90,4%) contre 9,6% d’angor stable.

CARACTERISTIQUES ANGIOGRAPHIQUES

219 patients ont bénéficié de la coronarographie. L’artère radiale était la voie d’abord préférentielle dans 89,4%. Au niveau de la sévérité des lésions coronaires, 33,3% des patients avaient une atteinte mono tronculaires, 37% bitronculaires et 29,6% tritronculaires. La longueur moyenne de stents implantés était de 29,9 ± 17,13 et le nombre moyen de stents implantés était de 1,34 ± 0,78 sans différence significative entre les deux groupes.

STRATEGIE ANTITHROMBOTIQUE

99% des malades étaient sortis avec un traitement anticoagulant. Les 2 patients sortis sans anticoagulant avaient eu un évènement hémorragique contre-indiquant de manière absolue la reprise d’une anticoagulation curative. 57,3% sont sortis avec des anticoagulants oraux directs avec une prédominance pour le Rivaroxaban (31,2%) suivi par l’Apixaban (24,7%). Les 2 groupes étaient comparables hormis pour l’Apixaban d’avantage prescrit dans le groupe bithérapie (36,9% vs 20,9% ; p=0,03). 41,7% étaient sortis sous AVK (Warfarine, Fluindione et Acénocoumarol) dont 53,3% avaient une clairance de la créatinine <30ml/min. La prescription de Clopidogrel était significativement moins fréquente dans le groupe bithérapie (94,6% vs 99,4% ; p = 0,047). En effet, dans ce groupe, 2 patients avaient bénéficié d’un switch Clopidogrel/Aspirine et un autre avait bénéficié d’un arrêt complet du traitement anti agrégant plaquettaire, pour cause d’évènement hémorragique majeur.

FACTEURS PRONOSTICS

Au terme du suivi, nous avions cherché à isoler plusieurs facteurs pronostics indépendants d’évènements cardio-vasculaires et d’évènements hémorragiques majeurs. En analyse multivariée, un VASP élevé à l’entrée augmentait de 21% le risque d’évènements cardio-vasculaires {HR = 1,21 (IC95%1,08-1,51 ; p=0,02)}. Un score de GRACE élevé à l’entrée était également prédictif d’évènements ischémiques {(HR =1,21 (IC95% 1,08-1,52 ; p=0,03)}. Enfin une présentation initiale sous forme de SCA augmentait aussi le risque d’évènements cardio-vasculaires à un an. {(HR =2,21 (IC95% 1,05-4,55 ; p=0,04)}. L’abord fémoral était un facteur de risque indépendant d’évènements hémorragiques majeurs {(HR =2,82 (IC95% 1,27 6,27 ; p=0,01)}. L’insuffisance rénale était également prédictive d’hémorragie majeure {(HR=2,13 (IC95% 1,01-4,51 ; p=0,04)}. A l’inverse, un taux d’hémoglobine normal à l’entrée était un facteur protecteur d’évènements hémorragiques {HR =0,88 (IC95% 0,81-0,97 ; p=0,03)}. Enfin un score HAS-BLED élevé était à la fois un facteur de risque indépendant d’hémorragie mais aussi d’évènement cardio-vasculaire.

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Table des matières

INTRODUCTION
OBJECTIF PRINCIPAL
MATÉRIELS ET METHODES
CRITERES D’INCLUSION ET DE NON INCLUSION
CRITERES DE JUGEMENT
ANALYSE STATISTIQUE
RÉSULTATS
CARACTERISTIQUES CLINIQUES A L’ENTREE
CARACTERISTIQUES ANGIOGRAPHIQUES
STRATEGIE ANTITHROMBOTIQUE
SUIVI A 1 MOIS
SUIVI A 1 AN
FACTEURS PRONOSTICS
DISCUSSION
RESULTATS PRINCIPAUX
ANALYSE DESCRIPTIVE
ANALYSE COMPARATIVE (BITHERAPIE VS TRITHERAPIE)
STRATEGIE ANTI-THROMBOTIQUE
COMPLIANCE AU TRAITEMENT
ADEQUATION AUX RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
ANNEXES
Tableau 1. Score CHA2DS2-VASc
Tableau 2. Caractéristiques initiales à l’entrée
Tableau 3. Caractéristiques angiographiques
Tableau 4. Traitements Entrée/Sortie d’hospitalisation
Tableau 5. Suivi à un mois
Tableau 6. Suivi à un an
Tableau 7. Facteurs pronostics d’évènements cardio-vasculaires à 1 an
Tableau 8. Facteurs pronostics d’évènements hémorragiques BARC 3 à 1 an
Figure 1. Evènements cardiovasculaires à 1 an
Figure 2. Evènements hémorragiques BARC 3 à 1 an
Figure 3. Histogramme de répartition des âges
RÉFÉRENCES

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