Le mouvement féministe, depuis sa naissance au cours des siècles passés, et jusqu’à nos jours, n’a cessé d´évoluer et d´être d´actualité. Ce combat fut mené par des femmes rebelles et intellectuelles pour l´acquisition d´une partie de leurs droits. C´est un combat qui remonte loin dans l´histoire humaine pour nous mener aux grandes dames féministes qui l´ont préparé. Parmi les nombreuses figures instigatrices du mouvement féministe, des intellectuelles de haut niveau, au péril de leurs intérêts, ont osé braver les lois, coutumes et mœurs de leur temps pour dénoncer toutes les formes de l´esclavage féminin. Tant par sa vie privée que par son œuvre littéraire, George Sand a montré qu´elle appartient à ce mouvement. ´est pour cela que nous l´avons choisie comme personnalité marquante dans le combat féministe.
George Sand a exprimé à travers son roman Indiana, malgré un contexte social hostile, des idées révolutionnaires. Dans cette œuvre, elle a proposé un ensemble de solutions dont la substantifique moelle continue à inspirer aujourd’hui encore les mouvements féministes. Indiana contient les réflexions de Sand tirées de sa propre expérience conjugale, réelle et malheureuse, qui a abouti à une révolte contre le mari et contre les lois conjugales. De ce fait, on peut considérer ce roman comme ´une des œuvres marquantes du mouvement féministe, même si cette appellation paraît en avance sur son temps.
Ainsi plusieurs critiques se sont intéressés à l’expression de ce féminisme précurseur en regard du contexte social et religieux. Parmi les études qui sont faites sur Sand et Indiana, celle de Pierre Laforgue met en lumière la façon dont Sand dénonce la condition de la femme dans la société dans le contexte socio-historique singulier du XIXème siècle : « Le roman se donnant désormais comme une machine de guerre contre l´institution du mariage et, par-delà, contre la société. […]. En lui même le roman d´Indiana procède à la mise historique des conflits sociaux dont la femme est victime.» (Laforgue, 1998 : 27-37, s.i).
En revanche Marie-Reine Renard fait porter son analyse sur une autre facette du féminisme sandien en interrogeant l’évolution religieuse et l’émancipation dans l’œuvre de George Sand.
L’auteure se penche sur le lien qui existe entre les éléments biographiques qui ont fait évoluer la conception du religieux et la vision de l’émancipation de la femme chez Sand :
Elle déclare en substance qu’un jour les femmes seront amenées à participer activement à la politique, mais que ce ne peut être ni à court terme, ni à moyen terme, car il faut préalablement que la société subisse de profondes transformations, appréciation qui se révélera fondée. Elle réitère le propos dans une lettre à Édouard de Pompéry le 23 décembre 1864 : « Il est certain qu’en fait de progrès, l’imagination peut tout admettre. Mais le cœur est-il destiné à changer ? Je ne le crois pas, et je vois la femme à jamais esclave de son propre cœur et de ses entrailles. J’ai écrit cela maintes fois, et je le pense toujours. (Renard, 2004 : 567-576, s.i).
En rendant hommage à trois femmes, écrivaines et pionnières du féminisme, Michelle Perrot a aussi reconnu l’engagement féministe de George Sand : « L’écriture est pour Sand non simplement un mode d´expression mais aussi et surtout un mode d´action, le meilleur moyen d´influencer son temps » (Perrot, 2014 : 193). Nous pourrions dire que le féminisme de Sand n’est pas passif, mais actif, voire activiste.
La cause qui justifie notre choix est que nous sommes consciente des problèmes toujours actuels d’inégalité entre les sexes dans la société contemporaine. Et Sand, à travers son œuvre Indiana, adopte une démarche féministe en tant que militante engagée dans les luttes pour la justice sociale et l´égalité des sexes. Cette écrivaine rebelle est tombée longtemps dans l´oubli et les études qui sont faites sur ses œuvres sont relativement rares et il est par conséquent pertinent de travailler sur ses œuvres, et en particulier sur Indiana. L´autre but est de montrer les passages féministes qui apparaissent dans l´œuvre Indiana.
Pourquoi Indiana ?
« J’ai écrit Indiana avec le sentiment non raisonné, mais profond et légitime, de l’injustice et de la barbarie des lois qui régissent encore l’existence de la femme dans le mariage, dans la famille et dans la société. » (Sand, 1984 : 46-47)
Ainsi écrit George Sand dont le vrai nom est Aurore Lucile Dupin. Elle est née la même année que le couronnement de Napoléon, le 5 juillet 1804 à Paris. Aurore Dupin a une double ascendance aristocratique et populaire. Son père est mort quand elle avait cinq ans. À l’âge de quatorze ans, Aurore est envoyée au couvent. Bien qu’elle se rebelle souvent contre la vie paisible du couvent, elle se sent également attirée par le calme où elle peut s´adonner à une profonde réflexion. À dix-neuf ans, elle épouse un homme qui n´était pas l´individu qui pesait le plus sur son existence. À l’âge de vingt-sept ans, Aurore s’installe à Paris à la recherche de l’indépendance et de l’amour, laissant derrière elle son mari et ses enfants. Elle commence à écrire des articles pour gagner sa vie et rencontre de nombreux écrivains comme Charles Augustin Sainte-Beuve et Henri de Latouche. George Sand se sépare légalement de son mari, elle obtient la garde de leur fille, Solange, tandis que son mari garde l’autre enfant, Maurice. Elle acquiert une grande réputation à Paris. Elle est brillante pour les uns, scandaleuse et choquante pour les autres, car la société de son temps était incapable d´accepter des femmes aussi exceptionnelles qu’elle : (Wikipedia, George Sand, s.i). George Sand s’éteint à l’âge de 72 ans, laissant derrière elle une œuvre variée et riche. Les obsèques de George Sand ont lieu dans sa ville natale. M. Paul Meurice lit sur sa tombe le discours de M. Victor Hugo :
Je pleure une morte, et je salue une immortelle. Je l’ai aimée, je l’ai admirée, je l’ai vénérée ; aujourd’hui, dans l’auguste sérénité de la mort, je la contemple. Je la félicite parce que ce qu’elle a fait est grand, et je la remercie parce que ce qu’elle a fait est bon. Je me souviens qu’un jour, je lui ai écrit : je vous remercie d’être une si grande âme. (Hugo, 1876 : 161, s.i)
Les conditions de publication de l´œuvre
Lorsque George Sand, Aurore Lucile Dupin, écrit Indiana en 1832, elle avait 28 ans. Elle venait de quitter sa ville natale de Nohant où elle était mariée à Casimir Du devant, un homme simple et banal qu’elle n’aimait pas. Ce mariage, certes choisi et consenti, ne lui apportait pas le bonheur dont elle avait rêvé lors de ses années d’enfance passées au couvent. Contrainte de se marier pour avoir un état et donc un statut reconnu dans la société, elle s’ennuyait, car son mari ne partageait pas ses aspirations intellectuelles, littéraires, politiques. Elle décide en 1831 de s’installer à Paris. Indiana est la première œuvre écrite par George Sand. L´écrivaine a certes écrit des lettres, des correspondances, etc. Mais cette œuvre, qui était destinée à l’impression, a vu le jour sans l´aide de personne (Sand, 1971 : 146).
Après des conflits avec son mari, elle réussit à établir avec lui un modus vivendi qui semble satisfaire les deux partis. Elle va vivre à Paris trois mois par an et le reste du temps, elle habite dans sa ville natale de Nohant, mais sa situation n´est plus comme avant, puisqu´elle n´a que la chambre des enfants, donc pas de conditions favorables pour écrire un livre. « Je passai l´automne à Nohant […], le nez dans la petite armoire où j´avais déjà écrit Indiana » (Sand, 1971 : 146). Malgré ces conditions défavorables, une existence d´écrivaine se crée, entre Paris et le minuscule bureau. Le Paris romantique d’après la révolution de juillet fourmille d’artistes, de comédiens, de poètes. Dans ce milieu de bohème, la jeune George Sand savoure sa liberté et son autonomie, s’habille en homme et commence à écrire Indiana. Elle a hâte de pratiquer le métier d´écrivaine, afin de s´infiltrer dans une société qui ne voulait pas de femme écrivain et pour assurer sa crédibilité, elle prend le pseudonyme masculin George Sand, s’inspirant du nom de son acolyte journaliste Jules Sandeau. Cette initiative lui fut également suggérée par son éditeur.
Lorsque le roman Indiana est publié, il est salué par une critique élogieuse, mais aussi décrié. On reproche, en effet, à George Sand l’expression d’une critique contre l’institution du mariage et on l’accuse de défendre une cause individuelle, mais c’est bien la condition des femmes, en général, qui la révolte. Sand n´ignore pas l´union matrimoniale, mais elle croit que cette institution doit être basée sur un amour partagé entre les deux époux et non sur les convenances. Si les femmes sont maltraitées, c’est la société entière qui va mal. Elle dénonce cela dans Indiana : «L’injustice et la barbarie des lois qui régissent encore l’existence de la femme dans le mariage, la famille et la société ». (Sand, 1984 : 18). Elle va même guerroyer contre l’opinion publique, car c’est elle qui retarde ou prépare les améliorations sociales. Elle est consciente du fait qu’il faut gagner l’opinion de la masse pour changer les mentalités. C´est pourquoi les caractéristiques de son premier roman portent les prémices du roman réaliste. Sand a écrit Indiana dans ce contexte politico-social régi par le code civil, napoléonien qui n’accorde aux femmes mariées ni personnalité juridique, ni droit politique. C’est, en effet, dans Indiana que le lecteur va commencer à prendre conscience de la condition de la femme à l´époque.
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Table des matières
1.0 Introduction
2.0 Pourquoi l’œuvre Indiana ?
2.0 Les conditions de publication de l´œuvre
2.1 Résumé à travers les personnages
2.2 Analyse de l’oeuvre
3.0 De quel féminisme s´agit t-il ?
3.1Expression du féminisme dans l’œuvre
3.2Conditions sociales et légales des femmes à l´époque
4.0 le féminisme sandien
4.1 Le féminisme réaliste
4.2 Le Féminisme romantique
5.0 L’effet de la réception de l’œuvre Indiana sur le public
6.0 Conclusion
7.0 Bibliographie