L’effectivité de la sanction pénale

Une finalité : assurer la stabilité de la paix sociale

   Le droit de punir trouve sa légitimité dans le contrat social fondateur. Les cocontractants, soucieux d’exercer leurs libertés en toute tranquillité, ont abandonné à l’État le pouvoir d’être corrigés s’ils commettent une faute, mais également le pouvoir d’être vengés s’ils devenaient victimes. De la sorte, le droit de punir reconnu à l’État, devenu le seul détenteur de la « violence légitime », est un véritable devoir. Si le détenteur du droit de punir s’abstient de l’exercer, il y aura une double injustice en raison de l’infraction et en raison de l’inaction du détenteur du pouvoir de punir. Le risque est alors que les cocontractants reprennent ce pouvoir qu’ils ont abandonné, pour l’exercer eux-mêmes. Or, le pouvoir exercé par les cocontractants de manière individuelle n’a pas la même finalité que celui qui est reconnu à l’autorité considérée comme légitime. Le pouvoir reconnu à l’autorité légitime transcende les intérêts individuels de chacun des cocontractants. Il n’est pas le résultat de l’addition de toutes les parts de liberté qui ont été abandonnées par les cocontractants. Il s’agit d’un pouvoir qui, détaché des intérêts particuliers, tend à maintenir la stabilité de la paix sociale et, partant, la préservation de la société par la recherche du bien commun. C’est pourquoi, « l’inaction ou le retrait de la victime ne suffit pas à arrêter l’action publique : car l’État a ses fins propres, qui ne sont pas celles des particuliers ». Au nom du principe de justice, le détenteur du droit de punir doit l’exercer. À défaut, le danger est dénoncé par M. Maurice Cusson : « si la justice publique est passive, les citoyens se chargeront de punir les criminels rendant la justice privée plus active ». C’est la vengeance qui se développe. Or la vengeance n’est pas la justice. Initiée par un intérêt particulier, elle n’a pas vocation à maintenir la stabilité de la paix sociale. Au contraire, elle peut conduire, et conduit bien souvent, à des affrontements répétés et sans fin. L’autorité légitime doit donc exercer le droit de punir qui lui a été confié en réprimant et corrigeant les « infracteurs » du pacte social qui menacent la liberté des contractants. L’exercice du droit de punir consiste alors en la mise en œuvre de la poursuite et, suivant l’issue du procès, au prononcé d’une sanction. Cette sanction a pour finalité de participer à la restauration de l’équilibre social qui a été rompu par la commission de l’infraction, et à la préservation de la paix sociale. Il s’agit là du fondement même de la détention du droit de punir par l’État. Ceci étant, la préservation de la paix sociale impose au détenteur du droit de punir d’exercer ce droit strictement. Tout abus doit être évité sous peine d’entraver de manière excessive la liberté des cocontractants. Une telle situation serait contraire au maintien de la paix sociale, qui ne doit pas être confondu avec le seul maintien de l’ordre public. Il reste que, pour parvenir au maintien de la paix sociale, la cohérence de l’œuvre de justice doit être assurée. Afin de ne pas réduire à néant l’ensemble du processus, il est essentiel, en cas de violation du pacte social, qu’une décision soit rendue, mais aussi qu’elle soit exécutée. Tel est l’apport de l’importante décision de la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) époux Hornsby contre Grèce du 19 mars 1997 dont la solution a été confirmée par la suite. Les juges de Strasbourg soulignent que « l’inefficacité du système d’exécution risque d’aboutir à une forme de justice privée qui peut avoir des conséquences négatives sur la confiance et la crédibilité du public dans le système juridique ».

L’effectivité : un concept faussement évident

   « L’effectivité fait partie de ces concepts dont ni l’origine étymologique, ni l’usage commun ne semblent réellement en faciliter la compréhension ». Étymologiquement, le terme « effectivité » vient du latin effectivus qui signifie « actif », « qui produit », « qui exprime un effet » ou encore « producteur d’effets » . Plus exactement, c’est l’épithète « effectif » qui vient du latin, le substantif « effectivité » s’étant formé seulement au XXème siècle à partir dudit épithète pour exprimer la qualité de ce qui est effectif. Selon le Dictionnaire Le Lexis, le terme « effectif » signifie « qui existe réellement », « qui se traduit en actes » et pour le Dictionnaire Robert, qui ne définit pas le substantif « effectivité », le mot « effectif » signifie : « qui se traduit par un effet », « par des actes réels » et donne, comme synonyme, le terme « concret ». Le dictionnaire Littré définit également l’adjectif « effectif » : « qui produit des effets », soit « qui existe effectivement ». Pour simples que soient ces définitions, après les avoir lues, se pose toujours la question de savoir ce qu’est l’effectivité. L’effectivité fait partie de ces notions qui donnent l’impression qu’elles se dérobent chaque fois qu’on croit les atteindre d’autant que ni les textes juridiques, ni la jurisprudence, qui pourtant emploient ce terme, ne le définissent. C’est en doctrine que des propositions de définition ont été formulées. Ce sont avant tout les sociologues et théoriciens du droit qui se sont intéressés à la question de l’effectivité. Le Doyen Carbonnier fut l’un des premiers à étudier expressément cette notion dans une chronique, publiée initialement dans une revue de sociologie, l’Année sociologique, intitulée « Effectivité et ineffectivité de la règle de droit ». D’autres sociologues du droit le suivront ainsi que des théoriciens pour finalement intégrer également d’autres disciplines du droit80. Quelle que soit la discipline concernée, cet intérêt pour la question de l’effectivité s’inscrit dans une démarche visant à contribuer à l’étude de la réalisation du droit dans les faits, à s’intéresser aux problèmes de mise en œuvre et d’impact du droit. M. Antoine Jeammaud remarque que l’étude de l’effectivité est « un objet d’indispensable inquiétude pour les juristes soucieux de convaincre qu’ils ne s’enferment pas dans “l’univers abstrait des règles” et sont attentifs à l’inscription de celles-ci dans les pratiques sociales ». Cet intérêt pour la problématique de l’effectivité a surtout mis en exergue qu’il existe « un flottement terminologique ».

« Dénoncer l’inexécution des peines, c’est en rechercher les causes »

   Le passage de la sanction prononcée, « simplement » existante, à sa matérialisation en la sanction exécutée est nécessaire et indispensable à la recherche d’effectivité de la sanction pénale. S’il ne se réalise pas, la sanction prononcée sera inexécutée. Cette inexécution laissera subsister la condamnation mais empêchera la sanction de produire ses effets, la sanction sera ineffective. Pour y remédier, il convient de rechercher les causes de non-exécution de la sanction prononcée. Ces causes sont diverses. La situation du condamné, à savoir s’il est présent, absent ou encore en fuite, mais aussi celle de ses biens si la sanction porte sur ces derniers, sont autant de situations pouvant être sources d’inexécution. Les différences pouvant exister entre les modalités d’exécution des sanctions, par exemple entre une peine privative de liberté et une contrainte pénale, sont également à prendre en considération car elles ne permettent pas de recourir aux mêmes mécanismes de mise à exécution. Il est dès lors indispensable, afin de pouvoir ramener la sanction à exécution, que les autorités en charge disposent de moyens utiles à la réalisation de cette tâche et adaptés à la diversité des situations possibles.

Des mesures ante sententiam réalisables en présence de sanctions susceptibles d’exécution forcée

   Parmi les mesures prises ante sententiam par les autorités chargées de l’enquête, de l’instruction ou du jugement, certaines vont contribuer à la recherche d’effectivité de la sanction prononcée en assurant son exécution. Redoutant le risque d’inexécution de la sanction, le législateur va très clairement ou incidemment anticiper sur l’exécution d’une sanction possible. Une telle anticipation reste nécessairement circonscrite à certaines peines et essentiellement aux peines susceptibles d’exécution forcée. Parce qu’elles nécessitent, de la part des autorités en charge de l’exécution, la réalisation d’actes d’exécution, matériels et positifs, à défaut desquels elles ne seront pas ramenées à exécution, le législateur peut légitimement redouter leur inexécution. Tel n’est pas le cas pour les sanctions qui s’exécutent automatiquement sans qu’un acte d’exécution soit nécessaire. On comprend alors que le législateur craigne pour l’exécution d’une peine privative de liberté, susceptible d’exécution forcée, et non pas pour une peine d’interdiction de paraître en certains lieux dont l’exécution ne nécessite aucun acte matériel et positif. Ces peines, susceptibles d’exécution forcée, sont des peines qui ont une prise sur le corps ou les biens du condamné. Il s’agit principalement des peines privatives de liberté, des peines d’amende et des peines de confiscation. Or, plus le prononcé de l’une de ces sanctions approche, plus le risque de voir disparaître l’objet visé par celle-ci est à redouter. Un tel risque n’existe pas s’agissant d’une interdiction quelconque ou d’une déchéance. Quand bien même la personne condamnée ne serait pas localisable par les autorités en charge de l’exécution, cela ne signifie pas que la sanction n’est pas exécutée. Il en va différemment concernant, par exemple, la peine de confiscation. Si le bien devant être confisqué a été dissipé, la sanction ne pourra pas être exécutée. Le législateur va donc chercher à prévenir ce risque d’inexécution en saisissant de manière anticipée l’objet sur lequel la sanction est susceptible de porter.

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Table des matières

Première partie : L’effectivité recherchée de la sanction pénale
TITRE I. L’effectivité subordonnée à la mise à exécution de la sanction pénale
Chapitre I. La mise à exécution facilitée par la réalisation de mesures préalables
Chapitre II. La mise à exécution soumise à la maîtrise du temps pour prescrire
TITRE II. L’effectivité subordonnée à l’obtention de l’exécution de la sanction pénale
Chapitre I. Les mesures incitatives de l’exécution
Chapitre II. Les mesures coercitives de l’exécution
Seconde partie : L’effectivité mesurée de la sanction pénale
TITRE I. L’effectivité réalisée de la sanction pénale
Chapitre I. La production d’effets immédiats
Chapitre II. La production d’effets différés
TITRE II. L’ineffectivité intégrée de la sanction pénale
Chapitre I. L’inexécution correctrice face au risque possible d’ineffectivité de la sanction pénale
Chapitre II. L’inexécution salutaire face au risque avéré d’ineffectivité de la sanction pénale

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