La justice administrative, une notion qui frappe maintenant l’observateur tant à la fois par sa permanence mais aussi par sa subtilité. Lorsqu’on parle de justice administrative, la première notion qui vient en tête est le droit administratif, qui suppose ensuite le contrôle juridictionnel de l’administration, concrétisé essentiellement d’une part par le recours en responsabilité ou recours de pleine juridiction et d’autre part par le recours en annulation ou recours pour excès de pouvoir, intentés devant les juridictions administratives ; l’existence d’un appareil juridictionnel spécifique est en effet un préalable nécessaire à la justice administrative. C’est surtout dans ce sens que Madagascar a opté pour une dualité de juridiction afin de confier les litiges impliquant l’administration et ses actes à un ordre juridictionnel particulier : l’ordre administratif, supposant un juge spécial : le juge administratif.
Bien que le droit administratif malgache de la responsabilité soit encore actuellement embryonnaire, l’apparition de ce contrôle à Madagascar est le fruit d’un processus historique. Avant la colonisation, le code des 305 articles n’avait posé que le principe de responsabilité personnelle des agents publiques pour faute de service, mais le contrôle juridictionnel strict de l’administration faisait défaut. C’est ensuite pendant la colonisation, au moment où le système juridique français était transposé à Madagascar, qu’avait été créée la première juridiction administrative malgache : le Conseil du Contentieux Administratif, qui avait le tort de ne pas séparer les fonctions juridictionnelles de celles de l’administration active. Et ce n’est qu’après le référendum du 28 septembre 1958 que la république malgache avait organisé le Tribunal Administratif institué par la loi n° 59-017 du 07 décembre 1959. Peu après cela, on avait créé la Cour suprême de Madagascar par la loi n° 61-013 du 19 juillet 1961 et la Chambre administrative pour sa part a commencé à fonctionner réellement le 1er janvier 1962; qui est régie maintenant par la loi n° 2004-036 du 01 octobre 2004 et qui a instauré le Conseil d’Etat.
UNE EFFECTIVITE INSTITUTIONNELLE DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE MALGACHE
La consécration solennelle du contrôle juridictionnel de l’administration à Madagascar
En raison des pouvoirs immenses que l’administration dispose, des mécanismes de contrôle ont été établis afin de prévenir et de sanctionner des abus de sa part, il y a d’un côté le contrôle non juridictionnel concrétisé notamment par le contrôle hiérarchique, le contrôle de tutelle, le contrôle politique ainsi que le contrôle par des organismes indépendants. De l’autre côté, il y a le contrôle juridictionnel concrétisé essentiellement par le recours en annulation et le recours en réparation devant les juridictions administratives. A Madagascar, ce contrôle juridictionnel est déjà consacré solennellement par les textes, et les instances et structures requises en ce sens ont été déjà instaurées, ce qui marque déjà un début d’effectivité. Mais avant d’entamer cela, il serait mieux au préalable de rappeler les raisons d’être des juridictions administratives ainsi que les responsabilités du juge administratif face à l’édification de l’Etat de droit
Les raisons d’être des juridictions administratives
Les juridictions administratives : rempart de protection des citoyens contre l’administration
Il n’a pas besoin d’avoir un siècle d’expériences pour savoir le caractère inégalitaire des rapports juridiques qui s’établissent entre l’administration et les personnes privées ; l’intervention du juge administratif visera à soumettre l’administration au respect des règles qui régissent l’exercice de ses pouvoirs. Ainsi, une juridiction administrative sert tout d’abord de balise à l’arbitraire administratif (A) et assure ensuite une garantie du juste équilibre entre les exigences de l’ordre public et la protection de la liberté individuelle (B)
A) Balise à l’arbitraire administratif :
Dans les sociétés contemporaines, on observe une forte croissance des irrégularités administratives en raison des différentes perversions du modèle d’administration bureaucratique, et cette situation se retrouve fréquemment à Madagascar car l’administration croit souvent être au-dessus de la loi et pouvoir se permettre de tout faire sous prétexte qu’elle agit dans l’exercice normal de ses pouvoirs. Force est alors de mettre fin à l’inobservation des règles et des textes qui encadrent ses pouvoirs. D’où, l’importance des juridictions administratives pour poser des bornes à l’exercice du pouvoir administratif. Limiter les pouvoirs de l’administration est donc une des raisons d’être des juridictions administratives car le fait de limiter l’exercice du pouvoir politique et de prévenir ou freiner les dérives de celui-ci constitue un fondement l’Etat de droit . Et sa fonction essentielle c’est d’asseoir et de garantir l’exercice par les autorités publiques des prérogatives exorbitantes de droit commun . De ce fait, la juridiction administrative est une juridiction spécialisée constituant une garantie contre l’arbitraire administratif, et même si l’Etat est souverain, il doit accepter de se soumettre volontairement à un ordre juridique. L’existence des juridictions administratives renforcerait donc cette autolimitation de l’administration.
B) Garantie du juste équilibre entre les exigences de l’ordre public et la protection de la liberté individuelle :
La question des libertés est un sujet très brulant en ce moment car on assiste d’une part à un développement accru des libertés et droits fondamentaux ainsi que leurs mécanismes de protection, d’autre part, l’Etat ne cesse aussi d’élaborer de plus en plus de structures ou de législations ayant pour but de réduire ou même de supprimer certaines libertés, l’entrée en vigueur du nouveau Code de la communication à Madagascar illustre bien ce fait. Le juge administratif se retrouve donc au centre de tout cela car il doit également modérer la démocratie. En effet, le juge administratif a comme mission de rechercher l’équilibre idéal entre la liberté des administrés et les nécessités de l’ordre public ; face aux pouvoirs exorbitants de l’Etat, un juge extérieur à l’administration peut être tenté de faire triompher constamment l’intérêt des particuliers sur celui de l’administration, sans négliger pour autant l’ordre public car comme on le sait, le juge administratif a depuis longtemps contribué au respect et à la conception même de la notion d’ordre public, cela a été retracé notamment à travers les célèbres arrêts du Conseil d’Etat français, les films Lutétia par lequel il a ajouté la moralité publique comme composant de l’ordre public et celui de la commune de Morsangsur-Orge par lequel il a élargi la trilogie classique en insérant un nouveau élément à l’ordre public, la dignité humaine. A l’instar de cela, il est également protecteur des libertés publiques car la jurisprudence administrative est une source autonome de protection des droits fondamentaux . C’est le juge administratif qui apprécie dans quelles mesures une action administrative porte-t-elle atteinte à des libertés individuelles ou dans quelles conditions l’exercice d’une liberté individuelle est-t-elle incompatible avec l’ordre public.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : UNE EFFECTIVITE INSTITUTIONNELLE DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE MALGACHE
Chapitre 1 : La consécration solennelle du contrôle juridictionnel de l’administration à Madagascar
Section 1 : Les raisons d’être des juridictions administratives
Section 2: Les responsabilités du juge administratif
Chapitre 2: L’existence formelle des juridictions administratives à Madagascar
Section 1 : Les infrastructures et mécanismes législatifs mis en place
Section 2 : L’édification de garanties contre l’omnipotence de l’administration
PARTIE II : UNE EFFECTIVITE CONTESTABLE DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE
Chapitre 1 : Les obstacles à l’efficacité du juge administratif à Madagascar
Section I : Une pertinence douteuse de l’action du juge
Section 2 : Les problèmes inhérents au contentieux administratif malgache
Chapitre 2 : Les carences dans l’administration de la justice
Section 1 : La justice administrative malgache : une justice à la recherche de légitimité
Section 2 : Les défis et les solutions aux problèmes
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
WEBOGRAPHIE