L’objectif de cette thèse est de questionner l’impact des Bilans Partagés de Médication (BPM) réalisés dans une officine de quartier sur des patients atteints d’hypertension artérielle (HTA) et d’en tirer des informations pratiques pour la pratique de la pharmacie clinique à l’officine. Nous proposons dans un premier temps de rappeler le contexte et l’essor de la pharmacie clinique à l’officine. Dans un deuxième temps, nous justifierons notre choix de la pathologie, préciserons les stratégies thérapeutiques en vigueur. Nous rappellerons les notions de pharmacologie du système cardiovasculaire nécessaire à la bonne compréhension des mécanismes d’action des médicaments et nous préciserons pour les médicaments les plus courant différents éléments utiles lors de la dispensation. Dans un troisième temps, nous préciserons comment nous avons procédé pour mettre en œuvre le modèle de pharmacie clinique publié par la SFPC en 2016 (https://sfpc.eu) et relaterons notre expérience de 10 BMP en les situant au sein de ce modèle. Enfin, nous discuterons de la mise en œuvre d’un plan pharmaceutique personnalisé (PPP) en présentant les caractéristiques propres à la région PACA (notamment le programme Pharm’Observance PACA et les liens avec les programmes entretien thérapeutique personnalisé (ETP) proposés par les plateformes territoriales d’appui (PTA) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)), ainsi que les éléments de formation nécessaires au déploiement de ce modèle pour assurer une prise en charge pharmaceutique utile aux patients et valorisant le rôle du pharmacien en interprofessionnel.
La pharmacie clinique
Selon l’Association Nationale des Enseignants en Pharmacie Clinique, la PC, (1) c’est-à-dire la pharmacie au lit du patient, est une discipline qui en France a débuté avec la réforme des études en 1984 et l’instauration de la 5ème année hospitalo universitaire. Cette réforme permettait à tous les étudiants de 5ème année de profiter de la formation sur l’instauration et la mise en place d’une thérapeutique médicamenteuse pour un patient donné. Restaient à définir la place du pharmacien au sein de l’unité de soins ainsi que ses fonctions précises. La PC permet l’intégration des connaissances théoriques par rapport à un vécu et l’acquisition de compétences, c’est-à-dire la capacité à répondre en temps réel et d’une manière juste à une question de terrain sur un sujet précis. Le savoir s’enrichit ainsi d’un savoir-faire, et d’un faire savoir destinés à maitriser les techniques de communication pour diffuser les connaissances au sein d’un groupe.
La PC permet de mieux saisir l’évolution des pratiques professionnelles. Cette évolution doit pousser les enseignants à s’adapter et à comprendre ce qui se passe en dehors des forteresses universitaires. L’ère du mortier pilon des officinaux est révolue et le rôle du pharmacien d’officine et hospitalier est désormais centré sur :
– La validation d’une stratégie thérapeutique définie par le médecin prescripteur pour un patient donné ;
– L’explication pédagogique de cette ordonnance au patient en trouvant les mots et les supports écrits pour que ce dernier puisse bien comprendre son traitement médicamenteux ;
– La prise en compte plus globale du patient dans son environnement de vie, son contexte psychosociologique, sa physiopathologie, ses antécédents, son traitement, l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience de celui-ci, ainsi que le suivi thérapeutique. Cette prise en charge globale est appelée Pharmaceutical Care chez nos collègues des Etats-Unis et « soins pharmaceutiques » chez nos collègues québécois.
L’avenir de la pharmacie passe également par l’évaluation des pratiques professionnelles orientée par la prise en compte de plusieurs critères, efficacité, services rendus au patient et à la collectivité, efficience, sécurité, auxquels la profession doit trouver des réponses. Les enseignements doivent prendre plus en compte ces exigences sociales et permettre à l’étudiant de se projeter plus et mieux dans ces évolutions :
– En l’accompagnant plus qu’en le maternant, par des techniques pédagogiques adaptées et modernes (utilisation d’internet, de la télémédecine, des téléconférences) ;
– En lui permettant de maîtriser l’information technique et scientifique ;
– En l’impliquant davantage dans des méthodologies actives telles que l’apprentissage par résolution de problèmes, par alternance ;
– En développant ses capacités d’autoformation ;
– En lui apprenant à maitriser les techniques d’expression et de communication modernes ;
– En le sensibilisant aux études pharmaco-économiques dans un contexte d’optimisation des coûts de la santé ;
– En développant une culture qualité .
Bref, un vaste programme dans lequel une discipline moderne comme la PC doit facilement s’intégrer. Il s’agit en fait de montrer que le pharmacien est devenu un partenaire indispensable du médecin, non pas en terme de « contrôle » des prescriptions, mais en terme de valorisation d’une stratégie thérapeutique pour vérifier que toutes les précautions ont été prises dans la rédaction du protocole, que tout est précisé et que la mise en œuvre par l’infirmière ne pose pas de difficultés particulières.
Ainsi se placer dans l’état d’esprit d’un pharmacien clinicien, c’est :
– Connaître les critères de choix des médicaments ;
– Pouvoir scientifiquement argumenter le bien-fondé du choix d’un médicament par rapport à un état physiopathologique ;
– Valider une thérapeutique médicamenteuse
– Pouvoir communiquer facilement ces informations au médecin prescripteur ;
– Repérer les dysfonctionnements qui peuvent exister dans le circuit du médicament et proposer des actions correctives en les évaluant a posteriori (assurance qualité)
– Repérer rapidement chez le patient des effets indésirables et en étudier les causes pour proposer des solutions adaptées ;
– Maîtriser l’information scientifique sur les thérapeutiques médicamenteuses (médecine basée sur l’évidence) et la mettre à disposition des médecins prescripteurs ;
– Savoir communiquer avec le patient selon des niveaux de langage adaptés pour l’informer de ses traitements et de la manière dont il devra les prendre précisément ;
– Connaître les méthodologies d’évaluation de l’activité des médicaments.
La mise à disposition d’un ouvrage pour les pharmaciens qui veulent s’impliquer et comprendre cet état d’esprit « pharmacie clinique » reste un événement important. Il reste à bien saisir les nuances entre un ouvrage de pharmacologie et de PC. La PC ne peut s’appuyer que sur des connaissances pharmacologiques solides et les deux disciplines sont particulièrement complémentaires. « Le pharmacien clinicien est le «monsieur » assurance qualité de la mise en place efficiente de la stratégie thérapeutique médicamenteuse définie par le médecin prescripteur pour un patient donné. » Nous venons ici en quelque sorte de définir succinctement ce que doit être la PC : mettre sa culture pharmaceutique en application pour le plus grand bien du malade, aider l’équipe soignante dans cette difficile tâche de définition et de surveillance d’une stratégie thérapeutique médicamenteuse.
Modèle de pharmacie clinique
Malgré la diffusion du concept, (3) des méthodes, puis, l’inscription dans les textes qui fondent notre exercice professionnel, le développement de la PC dans les différentes structures de soins en France ne s’est pas fait de manière synchrone, selon le même déploiement, la même priorisation des activités, les mêmes moyens et la même vitesse. Une raison est, sans doute, le temps incompressible qu’il faut pour que les mentalités évoluent, les pratiques s’installent sur le terrain et les expérimentations prennent corps. A un moment donné de ce processus, le rôle d’une société savante est de proposer une réflexion sur un modèle de pratique permettant d’homogénéiser sur le territoire, l’offre de services cliniques de l’équipe pharmaceutique. Le « modèle de pharmacie clinique », mis en place par la société savante, la SFPC décrit par Allenet et al. [3] fait état de prestations regroupées en trois temps :
a) le premier temps est celui de la dispensation, qui est pour nous officinaux, le temps de l’analyse de l’ordonnance et celui où nous donnons de l’information au patient ;
b) le deuxième temps est celui du Bilan de Médication où nous apportons des connaissances, insistons sur des conseils de bon usage, identifions des problématiques liées à la thérapeutique à partager avec le médecin traitant et les autres soignants ;
c) enfin, le troisième temps est celui du Plan Pharmaceutique Personnalisé, qui vise, selon ces auteurs, à mettre en œuvre et/ou à un suivre un plan synthétisant les recommandations des soignants et dans lequel l’objectif visé est l’autonomisation du patient. Ici est fait appel à la transmission de compétences.
L’entretien pharmaceutique
L’entretien pharmaceutique (4) est un moment d’échange privilégié entre le patient et son pharmacien, à l’officine ou en établissement de santé, durant lequel le pharmacien recueille des informations, conseille le patient, émet des messages d’éducation et de prévention. Selon l’étape du parcours de soins du patient, cet entretien n’a pas les mêmes objectifs, et suit par conséquent un déroulement spécifique. Depuis désormais plusieurs années, différents textes réglementaires précisent les contours des financements des entretiens, comme des avenants à la convention nationale des pharmaciens officinaux, ou encore la création de missions d’intérêt général (MIG) autour des primo-prescriptions de chimiothérapie orale. Néanmoins, ces textes décrivent le plus souvent des relations entre la profession et l’assurance maladie, sans que leur mise en œuvre pratique y soit détaillée. La SFPC, en tant que société savante, a donc eu l’ambition de proposer un document destiné à tout pharmacien ou personnel pharmaceutiques.
Intérêt du traitement antihypertenseur
L’objectif principal de la prise en charge(PEC) (6) d’un patient hypertendu est de réduire sa morbi-mortalité cardiovasculaire à long terme. L’évaluation et la correction des autres facteurs de risque cardiovasculaires associés à l’HTA sont également indispensables (âge, tabac, surpoids, hyperlipidémie, diabète, sédentarité, hérédité cardiovasculaire). La normalisation prolongée de la PA réduit de façon très significative l’incidence des accidents vasculaires cérébraux (AVC), de l’insuffisance cardiaque, de l’insuffisance rénale et à moindre degré des accidents ischémiques coronaires. La normalisation de la pression artérielle sous traitement nécessite :
– Un bon respect des règles d’hygiène de vie alimentaire et physique ;
– La correction des facteurs de risque cardiovasculaires associés à l’HTA ;
– Le plus souvent un traitement au long cours ;
– Une bonne tolérance du traitement ;
– Une bonne observance du traitement ;
– Une surveillance médicale régulière.
Les dernières recommandations françaises recommandent une consultation dédiée à l’annonce du diagnostic d’HTA.
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Table des matières
I. Introduction
II. La pharmacie clinique
1. Modèle de pharmacie clinique
2. L’entretien pharmaceutique
III. L’HTA
1. Définition + diagnostic
2. Épidémiologie
a. Recommandations de la haute autorité de santé (HAS) et de la société française
d’hypertension artérielle (SFHTA)
b. Intérêt du traitement antihypertenseur
c. Règles hygiéno-diététiques (RHD)
3. Stratégies thérapeutiques
a. Pharmacologie du système cardiovasculaire
b. Mémo pour la dispensation des RHD
IV. Pratique des BPM à l’officine
1. Matériel et méthodes
a. L’officine
b. Ciblage des patients
c. Recrutement
d. Le guide d’entretien (SFPC)
2. Résultats
V. Outils de SP pour les patients atteints d’HTA
VI. Conclusion