L’éducation par le jeu

L’éducation par le jeu

L’éducation par le jeu et l’apprentissage par la simulation, font partie des plus anciennes stratégies cognitives utilisées. D’Aristote à aujourd’hui, le jeu, sous toutes ses formes, fut utilisé par le maître ou l’enseignant parfois dans un but unique de divertissement, ou alors dans un véritable contexte pédagogique. Legendre (2005 : 1236) décrit la simulation comme une <<activité pédagogique inscrite dans le cadre d’un modèle qui reproduit une situation réelle aussi fidèlement que possible dans le but de permettre une étude[ … ] sans qu’il soit nécessaire d’entrer directement avec le monde réel >>. La simulation permet donc à l ‘apprenant de s’engager dans son apprentissage à titre d’acteur et non comme simple observateur. Or, Chamberland et Provos! (1996) vont plus loin dans ce concept d’apprentissage par reproduction d’une réalité en parlant de jeu de simulation, une entité qui réuni à la fois le jeu, la simulation et le jeu de rôle. De son côté, Trémel (2001) divise le jeu de simulation en trois catégories : le jeu de simulation militaire (reconstitution de batailles historiques), le jeu de plateau, où l’on introduit un peu plus de fantaisie que dans une simple reconstitution et le jeu de rôle où chaque joueur incarne un personnage ayant une particularité (par exemple, un pouvoir magique).

Ainsi, c’est du concept de jeu de simulation dont il sera question dans cette étude. Déjà, dans l ‘Antiquité, Aristote prônait l ‘utilisation du jeu afin de préparer les jeunes au métier qu’ils exerceraient dans leur vie future. Pour sa part, Platon voyait dans le jeu une façon de former de futurs citoyens responsables (Rabecq-Maillard, 1969). Dans certains cas, ces jeux de <<préparation à un métier>> prenaient forme dans des ensembles de lettres de l’alphabet en pains ou en petits gâteaux, ou encore dans des mosaïques de calculs faites à partir de cailloux, de pierres ou de pièces de céramique (De Grandmont, 1989). Plus tard, au Moyen Âge, le jeu fut condamné et interdit par l’Église. Il faudra attendre jusqu’à la Renaissance pour qu’il soit ramené par les Jésuites.

Ces derniers les introduisirent officiellement dans leur programme, que ce soit les jeux d’exercices, de course, de ballon, etc. Tant des jeux de corps, c’est-à-dire d’activité physique, que des jeux d’esprit, des résolutions de problèmes, des jeux de mémoire, etc. Il était alors devenu impossible d’exclure les jeux de l ‘éducation (Rabecq-Maillard, 1969). L’introduction de l ‘imprimerie couleur, à cette même époque, eut aussi une influence sur les outils utilisés pour l’apprentissage.

Au 17′ siècle, les jeux prennent une dimension patriotique; ils préparent à la guerre. C’est ainsi qu’apparaissent divers jeux permettant l’éducation à l’histoire de la France, à la géographie, à l’histoire universelle, des jeux d’armoiries, de blasons, etc., et plusieurs variations du jeu de l’oie2 Au cours du 18′ siècle, le développement des sciences et de l’encyclopédie a une grande influence sur les jeux éducatifs. Bien qu’il n’y ait pas eu d’innovation exceptionnelle, en 1733, un jeu connu sous le nom de Bureau typographique se démarque (Rabecq-Maillard, 1969). Rappelant de travail de l’imprimeur composant son texte en prenant les caractères mobiles dans une caisse compartimentée posée sur un pupitre, l’enfant prenait dans divers compartiments les sons des mots qu’on lui demandait et les plaçait sur une tablette.

Ce jeu permettait au maître d’enseigner à plusieurs enfants à la fois, ou encore de laisser l ‘enfant travailler par lui-même. Au siècle suivant, plusieurs jeux historiques et géographiques sont maintenus, mais des jeux alphabétiques, grammaticaux et arithmétiques voient le jour. Une vision plutôt conservatrice de l’éducation amène le jeu à<<[ … ] se départir de ses attributs ludiques pour s’affubler d’attributs alors louangés, comme ceux d' »éducatif’ et de « pédagogique » (De Grandmont, 1989 : 37)>>.

Pour sa part, le 20′ siècle, suivant la révolution industrielle, est marqué par l’apparition de jouets mécaniques et électriques et plusieurs jeux de construction et d’assemblage. C’est en 1958 qu’on évaluera pour la première fois la valeur éducative des jouets, lors du Congrès international du jouet de Bruxelles. Par la suite, ils seront régulièrement soumis à l’évaluation (Rabecq-Maillard, 1969). Plusieurs fois réduit à une activité puérile dépourvue de sens, le jeu réapparaît à maintes reprises dans l’histoire de l’éducation, mais seulement récemment de façon plus officielle. Au Québec, dans les années 1970, c’est en réponse à un problème de décrochage scolaire que l’on introduit le jeu de simulation, pour motiver les élèves et rendre l’apprentissage plus dynamique.

Or, ce n’est que dans les années 1980 que l’on reconnaît la notion du jeu comme <<soutien des apprentissages >>pour toutes les populations étudiantes (De Grandmont, 1989). Le jeu et la simulation sont désormais reconnus comme faisant appel à l’autonomie, à la motivation, à la socialisation, à la valorisation et à des stratégies de résolution de problème. Ils rendent les apprentissages plus significatifs. Selon Chamberland et Provos! (1996 : 28) <<[ … ]la grande caractéristique des jeux et simulations est qu’ils permettent de travailler sur plusieurs objectifs simultanément, et ce, dans un contexte significatif et intégrateur>>. Ils considèrent cette intégration comme << [ … ]l’apport le plus riche des jeux et simulation au monde de l’éducation et de la formation (ibid.: 29) >>. Selon Legendre (2005: 814), <<l’apport du jeu dans le développement et l’apprentissage des enfants ne fait aucun doute. Le jeu doit être considéré comme l’outil essentiel d’expression et d’intégration de l’enfant>>. Toutefois, Chamberland et Provos! (1996), précisent que certaines conditions doivent être respectées afin qu’il puisse contribuer au processus d’apprentissage. En effet, la production d’un nouveau jeu implique, pour les auteurs, un processus rigoureux qm demande une validation afin d’en déterminer l’efficacité. Ils précisent aussi qu’il est approprié de compléter une activité ludique par une méthode de renforcement.

Une amélioration des apprentissages ?

A priori, nous n’avons recensé aucune recherche démontrant, hors de tout doute, une amélioration des apprentissages à long terme par l’utilisation du jeu électronique. Cependant, nous croyons, tout comme plusieurs, qu’il est loin de nuire à la formation (Gabriel 1994, citée dans Trémel, 2001; Harvey, cité dans Proulx 2004; Piot, 2001). D’après Kerdellant et Grésillon (2003), plusieurs spécialistes européens s’accordent pour déclarer que certains apprentissages, précisément d’ordres logiques et techniques, s’effectueraient plus rapidement par le biais des technologies informatiques. Toutefois, ils précisent que pour d’autres, la prépondérance de l ‘image sur le texte dans les cédéroms, et de plus en plus dans les manuels scolaires, brime les enfants dans leurs aptitudes à l’abstraction. C’est une position que défend Christine Henniqueau-Mary (1999, citée dans Kerdellant et Grésillon, 2003), psychothérapeute en pédagogie, pour qui l’ordinateur détourne l’enfant des autres jeux d’apprentissage. Elle rapporte que l’expérience cédérom n’inclut pas implicitement une métacognition chez l’enfant lors de ses choix.

En revanche, Évelyne Esther Gabriel (1997, citée dans Kerdellant et Grésillon, 2003), thérapeute en psychomotricité, est plutôt d’avis que le jeu vidéo oblige l’enfant à prendre l’initiative, à confronter ses points de vue avec ses pairs, à échanger des solutions, à surmonter des difficultés, à tirer des leçons de ses erreurs, à résoudre des problèmes logiques et à prendre conscience de l’importance et de la pertinence des décisions prises. Nous croyons, tout comme Gabriel, qu’il est possible de stimuler l’imaginaire de l’enfant, et de favoriser des apprentissages par le biais de l’ordinateur. Outre les plaisirs immédiats qu’il procure, nous sommes d’avis que le jeu électronique peut inciter l’apprenant à l’action et à l’exercice de sa pensée logique et créatrice. Dans un même ordre d’idées, Perriault (1996, cité dans Trémel, 2001 ), rapporte que l ‘utilisation du multimédia en contexte scolaire engendre de nouvelles formes de sociabilité et d’exploration de sa personnalité et redonnerait même le goût d’apprendre à des élèves peu enthousiasmés par les études. Au Québec, les chercheurs Grégoire, Bracewell, et Laferrière (1996), mentionnent qu’un système d’apprentissage informatisé se révèle être un excellent motivateur, en considérant que la plupart des élèves manifeste un intérêt spontané plus grand pour une activité qui fait appel à une technologie nouvelle.

C’est une conclusion à laquelle parviennent aussi les américains Fengfeng et Grabowski (2007). Qui plus est, Piot (2001) souligne que l’avènement du multimédia en contexte scolaire représente non seulement un <<plus>>, mais surtout une nouvelle approche priorisant l’activité et l’autonomie, puisqu’il s’agit d’un médium ouvert et adaptable à plusieurs situations, à divers contenus et à différents types d’apprenants.

Position du problème et questions de recherche

Le but in fine de cette recherche n’est pas de déterminer si les enseignants ont les compétences ou le matériel nécessaire pour utiliser les NTIC en classe. Nous savons que dans chacune des commissions scolaires du Québec, des personnes-ressources ont pour mandat d’orienter les enseignants n’ayant pas les dispositions nécessaires à l’intégration d’activités d’ordre technologique (ce réseau de personne est connu sous le nom de RÉCIT10 ).

Avant même de constater si les enseignants sont prêts à utiliser un système multimédia interactif de façon courante dans la classe, combien d’entre eux le sont et de quelle façon l’intégrer, nous souhaitions en connaître les répercussions sur les apprentissages.

En consultant au hasard quelques titres multimédias, nous remarquons qu’une grande majorité de produits éducatifs reprennent purement et simplement les exercices retrouvés dans les manuels scolaires. Il est donc plus difficile pour l’enseignant d’y introduire certaines réalités de la dernière Réforme, puisqu’ils ne fournissent habituellement pas de contexte favorisant l ‘intégration des savoirs autres que les connaissances précises, par exemple, d’un calcul mathématique.

Dans le cas où l’apprenant a l’occasion d’effectuer des manipulations virtuelles à travers une aventure ludoéducative, est-il possible qu’il apprenne plus et mieux? Puisque d’importantes sommes d’argent sont investies chaque année dans le développement de produits éducatifs, et que nous travaillons dans le domaine du multimédia, nous désirions connaître l’impact d’un système d’apprentissage ludoéducatif, qui serait conçu en tenant compte des recherches effectuées en éducation, et du programme de formation actuel du MEQ. Par l’emploi du terme ludoéducatif, nous envisageons que les apprentissages soient transmis à l’élève par la voie d’un univers fantastique, sous la forme d’une aventure, c’est-à-dire par une combinaison d’éléments ludiques, éducatifs et multimédias. Ce genre d’univers prend place dans une métaphore et dans une simulation où il est possible que l’apprenant vive par procuration, c’est-à-dire en transférant son identité vers le personnage

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Table des matières

AVANT-PROPOS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE PROBLÉMATIQUE
1.1 L’éducation par le jeu
1.2 Le jeu électronique
1.3 Une amélioration des apprentissages?
1.4 Le programme de formation et l’intérêt pour les technologies
1. 5 Particularités du multimédia interactif
1.6 Position du problème et questions de recherche
Questions de recherche
1. 7 Objectifs et limites de recherche
CHAPITRE II CADRE DE RÉFÉRENCE
2.1 Fondements pédagogiques d’un système d’apprentissage multimédia interactif
2.2 Facteurs pédagogiques à considérer dans le développement d’un SAMI
2.3 La science et la technologie
CHAPITRE III MÉTHODOLOGIE
3.1 Étendue duprojet
3.2 Éthique de la recherche
3.3 Design pédagogique
3.3.1 Macro-planification
3.3.2 Micro-planification
3.4 Mises à l’essai
3.4.1 Mise à l’essai préliminaire
3.4.2 Mise à l’essai principale
3.4.3 Mise à l’essai opérationnelle
3.5 Outils de collecte de données
3.6 Difficultés et contraintes de la recherche
CHAPITRE IV ANALYSE DES DONNÉES
4.1 Analyse des données quantitatives
4.1.1 Mise à l’essai opérationnelle
4.1.2 Mise à l’essai principale
4.2 Observation directe
4.2.1 La grille d’observation
4.2.2 Questionnaire d’appréciation
CHAPITRE V INTERPRÉTATIONS ET DISCUSSION
CHAPITRE VI CONCLUSION ET PISTES DE RÉFLEXION
MÉDIA GRAPHIE
APPENDICE A
FORMULAIRE DE CONSENTEMENT
APPENDICEB
ÉLÉMENTS EXTRAITS DU CAHIER DE CHARGES
APPENDICE C
PRÉTEST
APPENDICED
POST-TEST
APPENDICEE
GRILLED’OBSERVATION
APPENDICEF
QUESTIONNAIRE D’APPRÉCIATION
APPENDICE G
GUIDE D’UTILISATIONDU SAMI
APPENDICEH
SAMI DÉVELOPPÉ DANS LE CADRE DE CETTE ÉTUDE

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