L’éducation musicale au service des apprentissages 

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Difficultés d’analyse musicale

Tout d’abord, j’ai pu remarquer un problème lié au vocabulaire et à l’analyse musicale. En effet, avant de pouvoir s’exprimer sur une oeuvre, il faut maîtriser les outils d’analyse nécessaires pour la comprendre. Les élèves ont des niveaux de connaissance de la musique très variée. Ceux qui sont éloignés de l’univers musical, qui écoutent peu de musique chez eux peuvent rencontrer des difficultés à entrer dans la sensibilité d’une oeuvre. Il peut être difficile de développer la créativité d’enfants « ne possédant pas le minimum de connaissances nécessaire qui aurait pu permettre de saisir les propositions des enfants, les faire évoluer, leur trouver des développements »25 Le premier frein est donc un manque de culture musicale pour un certain nombre d’élèves, qui peut ensuite entraîner un désintérêt pour l’écoute musicale.

Difficultés concernant l’expression de ses émotions

« Que la musique exprime la joie, la tristesse, la pitié, la sympathie, nous sommes à chaque instant  ce qu’elle exprime… À vrai dire, elle n’introduit pas ces sentiments en nous; elle nous introduit plutôt en eux…»26 : la musique incarne de façon abstraite et extérieure un sentiment. Encore faut-il être capable de distinguer et verbaliser ses émotions. Un des obstacles rencontrés pourrait donc concerner une difficulté d’ordre langagier pour certains élèves. En effet, le vocabulaire des émotions en cycle 3 peut s’avérer restreint. Le lexique et les connaissances des émotions pouvait donc se trouver trop pauvre pour mener à bien l’expression écrite du ressenti. Outre une difficulté de vocabulaire, les enfants peuvent se heurter à une difficulté psychologique dans l’expression des émotions. En effet, d’un point de vue psychologique, « avec le développement du lexique émotionnel, entre 2 et 6 ans, l’enfant décrit ses propres expériences émotionnelles, explicite celles d’autrui et affirme que l’expérience émotionnelle de l’entourage peut différer de sa propre expérience. »27 Si un enfant de 9 ans a depuis longtemps dépassé ce stade, il peut encore rencontrer des difficultés à verbaliser ses émotions, à les contenir, ce qui peut mener à des conflits, par exemple avec d’autres élèves, fréquents à l’école primaire. Une autre difficultés peut donc être un manque de maturité émotionnelle et de conscience de ses propres émotions.

Établir un lien fort entre perception et production

“Pour cela, il [l’enseignant] ménagera les conditions nécessaires et suffisantes pour favoriser cette verbalisation toujours en action (chanter, écouter, réaliser et donner à voir une production plastique), en veillant aux conditions de la pratique et de la perception.” 29 Pour pouvoir écouter,l’élève doit d’abord faire,construire sa propre expérience de production musicale. La pédagogie moderne prône une mise en activité de l’enfant ; à l’école primaire, c’est le chant qui est préconisé, et les percussions corporelles. Certains musicologues pédagogues, comme Francois Delalande, vont jusqu’à suggérer que le travail d’analyse musicale ne peut être mené que lorsque l’élève a « une forte intention d’écoute ». Des œuvres trop éloignées de son quotidien sonore lui échapperont complètement, ce qui entraînera une démotivation immédiate. Il faut voir « production et écoute comme deux activités complémentaires » et « éviter que le fossé soit trop grand » entre les deux. L’élève doit pouvoir reconnaître pendant l’écoute des techniques et des pratiques ce qu’il a lui même expérimenté. Il pourrait ainsi pleinement rentrer dans la musique, et se préparer à l’écoute d’œuvre plus complexes ensuite, au collège. Il préconise donc de ne pas exposer les enfants d’école primaires aux grandes oeuvres.
Cette vision s’oppose toutefois à celle Bourdieu, pour qui le gout est principalement social, ce qui remet en question la notion de “grande oeuvre”. Les programmes et les bulletins officiels évoquent quant à eux la rencontre des “grandes oeuvres du patrimoine” dès l’école élémentaire.

Travail sur l’analyse musicale

Le travail sur l’analyse musicale a été théorisé par Claude-Henri Joubert qui propose un modèle théorique de grille d’analyse. Premièrement, il propose de s’interroger sur la forme : « qu’est ce que c’est ? ». Tout d’abord, on parlera donc de matériaux (quel(s) instrument(s) utilisé(s), à quelle famille appartient(ent)-il(s) soit comment le son est-il produit), on évitera d’énumérer les instruments isolés si c’est un ensemble, et choisira de travailler plutôt sur un ensemble.
Ensuite, on s’intéressera à la technique de fabrication du morceau (quelle est la forme du morceau: y a-t-il un refrain, des couplets, un thème qui revient…): l’objet musical est-il improvisé ou écrit, la technique de fabrication modale, harmonique classique? On pourra ainsi dégager la technique typique d’un auteur, et pour cela introduire l’exercice de comparaison d’œuvres (présent dans les programmes de cycle 3) qui permet de déceler les similitudes entre deux extraits du même compositeur. “Encore faut-il que l’auditeur possède en sa mémoire de quoi établir des comparaisons”, rappelle Claude-Henri Joubert . Il peut donc être intéressant d’étudier deux œuvres du même auteur pour mettre en avant un style, qui peut évoluer, et aussi des influences qui se retrouvent chez d’autres compositeurs. Enfin, on s’interroge sur la forme que prend l’extrait dans l’espace et le temps (force, intensité, durée, juxtaposition, répétition…). La réponse à ces trois questions préalables permet de situer assez précisément l’oeuvre dans le temps et l’espace. Deuxièmement, on pose la question : « à quoi ça sert ? ». En effet, la musique a rempli des rôles très divers à travers l’histoire . Il faut bien différencier la musique militaire de la berceuse, de l’opéra, de la messe … On s’interroge donc sur son lien avec l’histoire, sur le contexte de sa création. Il faudra confronter les élèves à des musiques écrites à des fins diverses : comme instrument de pouvoir, comme divertissement, comme objet politique …. Cette dimension fait partie intégrante de l’analyse d’une oeuvre, puisqu’elle a influencé sa conception.
Cette grille d’analyse étant pensée pour un auditeur adulte, elle sera évidemment simplifiée pour un élève de primaire.

Un travail sur la sensibilité par la verbalisation

« La verbalisation, véritable moment d’apprentissage, apparaît donc comme essentielle pour glisser de l’émotion vers le sentiment. »30 : les programmes invitent donc à passer par le langage pour s’ouvrir à la sensibilité. Avant d’accéder à la sensibilité, il est nécessaire de travailler sur les émotions et les sentiments. L’expression des émotions fait l’objet d’un apprentissage spécifique, présent dans les programmes : en langage oral, tout d’abord, il est demandé de « parler en partageant des émotions, des sentiments ». Dans le socle commun, il est spécifié pour le domaine 3 (formation de la personne et du citoyen) que « tous les arts concourent au développement de la sensibilité à la fois par la pratique artistique, par la fréquentation des œuvres et par l’expression de ses émotions et de ses goûts »31. En histoire des arts, les attendus de fin de cycle demandent une connaissance du lexique des émotions et des sentiments, apprentissage que l’on peut lier à l’étude de langue. C’est surtout un volet important de l’éducation moral et civique: « identifier et exprimer les émotions et les sentiments » (« partager et réguler des émotions, des sentiments dans des situations d’enseignement et Mobiliser le vocabulaire adapté à leur expression »). Plusieurs pistes sont donc exploitables pour travailler les émotions en CM1. Pour pallier aux difficultés de lexique remarquées dans les expressions écrites en début d’année, il faut s’immerger dans le vocabulaire des émotions. Cela permet également de résoudre d’éventuels obstacles d’ordre psychologique: en apprenant à différencier, distinguer et nommer les émotions, on peut les contrôler et les réguler plus librement : « Lorsque (l’)enfant exprime adéquatement ses émotions, cela signifie qu’il a un bon contrôle sur lui-même »32Pour évaluer le développement de la sensibilité, on s’appuiera sur l’analyse des productions écrites produites par les élèves exprimant leur ressenti personnel après une écoute.

Travail sur les paramètres du son : l’oiseau de feu d’Igor Stravinsky

Comme nous l’avons vu d’après Pierre Bourdieu, le goût musical est une affaire d’habitude de classe. Comme je voulais aborder un répertoire de musique savante (qui implique des considérations structurelles ou théoriques avancée) qui n’était pas nécessairement familier des élèves, il m’a semblé important qu’ils acquièrent une compréhension minimum de l’œuvre à étudier avant de chercher à exprimer leur ressenti. J’ai mis en place une première séquence de trois séances pour travailler sur l’analyse musicale, et principalement sur les différents paramètres du son (force, durée, hauteur). L’œuvre choisie est L’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky : ce ballet est écrit autour d’un conte et de personnages mythiques du folklore russe, et va permettre de faire découvrir aux élèves une pièce d’une grande richesse rythmique, instrumentale, et musicale de manière générale. Pierre Boulez décrit le style harmonique de Stravinsky comme très original et personnel: « dans un équilibre voltigeur, les intervalles se perchent d’une dominante à l’autre, si je puis emprunter cette comparaison au vocabulaire de l’oiseau. »34. Il évoque une énergie rythmique et une construction très particulière « comme prémices des développements futurs qui devaient rénover catégoriquement la musique du XXe siècle ». Cette œuvre très riche se prête ainsi facilement à l’analyse des paramètres du son et, de plus, elle permet d’établir un lien intéressant avec le travail sur le conte qui est effectué en parallèle en français. On peut ainsi voir par quels procédés un conte peut être retranscrit en musique, et les différences d’interprétations entre texte et musique. (voir Annexe 12)
Lors de la découverte du conte écrit, les élèves ont écouté le début de l’oiseau de feu. La première séance de cette séquence portait sur la danse de l’oiseau. L’objectif était de découvrir un instrument : la flûte, et d’identifier comment il peut être utilisé pour incarner un oiseau dans plusieurs extraits issus d’oeuvres du patrimoine.
Premièrement, on a rappelé les différents paramètres du son (force, hauteur et vitesse), écrits au tableau. Puis, nous avons réfléchi à la question suivante: « à partir de ces paramètres, comment pourrait-on représenter un oiseau en musique ? ». Voici quelques exemples de réponses: «on pourrait faire une musique rapide comme le vol de l’oiseau », « plutôt aiguë parce que l’oiseau est léger ». Concernant le choix de l’instrument, la flûte est votée l’unanimité : elle représente donc bien l’oiseau dans tous les esprits. Les élèves avaient ensuite pour consigne, en écoutant une première fois l’extrait, de réfléchir à cette question pour être ensuite interrogés une fois la première écoute terminée. Les prédictions concernant la musique ont été validées avec l’écoute de « La danse de l’oiseau » : l’air est à la flûte et au piccolo, très rapide, avec des notes aigües. Ensuite, nous avons écouté le thème de l’oiseau de Pierre et le loup de Prokofiev, et la volière du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, après une brève introduction sur les auteurs et les œuvres. A l’oral, les élèves se sont exprimés sur les similitudes et les différences remarquées entre les deux extraits. Similitudes, tout d’abord: c’est la flûte qui représente l’oiseau dans les trois œuvres. Cela a été l’occasion de rappeler les familles d’instruments : la flûte faisant partie des instruments à vent, elle est donc bien placée pour imiter le chant de l’oiseau. La vitesse du son, soit le tempo, est rapide et la hauteur des note est aiguë à chaque fois. Les différences remarquées sont « la musique » -c’est-à-dire le thème- qui diffère selon les extrait. Des légères variations de tempo sont remarquées à l’intérieur de ces thèmes, comme en témoignent ensuite les productions écrites. De la même manière, l’accompagnement diffère : différents instruments sont mis en avant : le piccolo dans l’oiseau de feu, les cordes en pizzicato (pincées) dans l’oiseau de feu… Les élèves ont dû ensuite remplir la production écrite habituelle, en inscrivant dans « j’entends » les paramètres du son observés, avec un vocabulaire musical précis : la force de la note s’appelle maintenant la nuance, la vitesse, le tempo et on garde la notion de hauteur de note. Ensuite, dans « je préfère », il doivent choisir une œuvre préférée, et essayer de justifier leur choix. Il a été convenu qu’ils pouvaient utiliser les paramètres observés (tempo, instruments…) précédemment pour justifier leur préférence.
L’analyse de ces productions écrites (voir Annexe 3) prouve que certains élèves ont réinvestis ce qu’ils avaient pu remarquer dans le premier module (“j’entends”) pour expliquer leur choix: on peut ainsi lire “je préfère Pierre et le loup car c’est très rapide », « je préfère la volière parce que ça va plus vite ». Un autre élève écrit : « Les notes sont belles et le tempo sonne bien ». Des préférences liées aux thèmes musicaux émergent également : « à un moment on entend Pierre venir et j’aime sa musique » ou encore « j’aime bien les changements de rythme » (on peut supposer qu’il y a ici une confusion entre rythme et thème: c’est l’ensemble des notes et des rythmes changeant, soit la mélodie, qui a plu et non uniquement le rythme). Enfin, un troisième type de réponse apparaît; avec une justification par les émotions: « [Je préfère] Pierre et le loup car c’est joyeux ».
Cette séance avait donc pour objectif principal de comprendre comment un instrument peut s’associer à un animal. Ce choix est lié à des considérations techniques : dans le cas de la flûte, le son est produit par le souffle, et le corps de l’instrument crée une vibration qui ressemble au chant d’un oiseau.
La deuxième séance a été menée juste après l’étude de la version littéraire du même récit : le conte de L’Oiseau de feu d’Afanassiev. Le but était, là encore, d’articuler littérature et musique. Après la lecture du texte portant sur la rencontre entre le prince Ivan, le protagoniste principales, et les princesses du jardin de Kastchei, sans oublier un bref rappel des notions d’analyse musicale (tempo, nuance, hauteur des notes, instrumentation), les élèves ont à nouveau émis des hypothèses sur ce qu’ils allaient entendre : “d’après vous, comment peut-on représenter des princesses en musique ?” La plupart des réponses préconisait l’emploi d’instruments à ambitus plutôt aigu (malgré une proposition plutôt incongrue d”’orgue”), avec des cordes (violon) ou des vents (flûte), et un tempo rapide. Après l’écoute de l’extrait, certaines hypothèses ont été vérifiées : un orchestre symphonique accompagne en pizzicato (mode de jeu de pincé de corde) le thème du hautbois, piccolo et flute, avec des interventions d’autres instruments comme la harpe et le cor par exemple. Ensuite, apparaît la plus belle princesse : c’est le hautbois et la flûte qui se répondent, sur une mélodie plus douce. Un élément d’analyse particulièrement pertinent pour cet extrait est le mode de jeu, à savoir le choix de la technique instrumentale qui joue un rôle clé dans l’efficacité du morceau. Il s’agit dans ce cas du “piqué” (aussi appelé staccato), qui produit une impression de légèreté et illustre bien le jeu des princesses, puis d’un passage “lié”, qui présente un personnage particulier : la plus belle princesse. Pour illustrer ce propos, j’ai montré au violoncelle la différence entre une mélodie jouée legato (lié) et staccato (piqué) : le thème romantique de Star Wars que la plupart des élèves connaissaient, écrit legato, joué staccato produisait un tout autre effet. Les élèves ont ensuite rempli la feuille d’analyse musicale comme d’habitude.
L’analyse des productions (voir Annexe 4) montrent que beaucoup d’élèves ont saisi la spécificité de cet extrait très aérien et sautillant. La plupart utilisent le terme “rythme”, ce qui doit sans doute englober rythme, tempo et mode de jeu. On peut lire : “je trouve que c’est très beau parce qu’une fois c’est un peu lent et une fois vite”, ou sur le même ton : “je trouve que cette musique change à chaque fois et j’adore le rythme de la musique”, “cette musique est très jolie grâce à son tempo”, “c’est beau parce que c’est rythmé”, “c’est bien parce que c’est rapide”… Une autre élève se rappelle des deux thèmes distincts: “je trouve que la musique va très vite et il y des instruments joueurs c’est joli surtout le moment de la plus belle princesse : il est plus doux”. D’autres élèves ont exprimé leur ressenti par les émotions : “cette musique est excitante”, “je trouve cette musique joyeuse”, avec parfois de jolies images : ”je trouve que c’est beau on dirait des petits oiseaux qui volent en chantant”, “j’entends une musique aiguë […] comme des petits pas” (remarque d’autant plus justifiée que l’oeuvre est un ballet, donc écrite pour être dansée !) . La séance précédente a peut-être laissé quelques traces; une élève écrit : “je trouve qu’il y a beaucoup de flûtes et j’aime bien”. Cependant, un certain nombre d’élève a encore des difficultés à donner son avis personnel sur l’extrait : en produisant des remarques qui ne sont pas de l’ordre du ressenti personnel : “cette musique se joue avec beaucoup d’instruments”, “je trouve que la musique et très rapide et donc ça doit etre dur de jouer un très long morceau” , ou encore des considérations non justifiées, et trop vagues: “Je trouve que c’est beau”, qui mériteraient un développement.
La troisième séance de cette séquence porte sur la danse infernale, un des morceaux les plus connu de l’oeuvre. Elle se démarque par sa rythmique bancale, et très moderne pour l’époque, qui a inspiré de nombreux compositeur comme John Williams. Pierre Boulez établit également des parallèles avec une autre oeuvre de Stravinsky : « L’énergie, je dirai l’énergétique, de certains passages du Sacre s’y retrouvent immédiatement. »35.
Les élèves ont donc commencé par écouter l’extrait de la danse infernale, pour ensuite répondre à la questions “à votre avis, comment la musique évoque-t-elle une danse folle ?” Le premier élément à apparaître dans les réponses des élèves est le rythme . Pour que les élèves comprennent la particularité rythmique de l’extrait, je leur ai demandé de battre la mesure en tapant des mains d’abord sur un extrait d’une chanson qu’ils chantaient en musique, puis sur la danse infernale. Il est en effet beaucoup plus difficile de battre la mesure sur la danse car elle est écrite avec des changement de mesure constants qui produisent de véritables chocs sonores, d’où l’impression de déséquilibre et de folie. Nous avons écouté par la suite un extrait d’une autre oeuvre de Stravinsky, le sacre du printemps. Cette oeuvre – complètement visionnaire et qui produit un scandale à sa sortie en 1913 – rompt avec les convention de la musique lyrique. L’intérêt de cette séance est donc de dégager le style d’un compositeur particulier, et comment ce style a pu influencer d’autres auteurs. La danse sacrificielle que nous avons écouté présente de nombreuses similitudes avec la danse infernale. J’ai donc posé la question “qu’est ce qui nous permet de dire que c’est le même auteur ? ”. Les réponses ont tout de suite évoqué le rythme saccadé qui se retrouve dans les deux morceaux. Un élève a également évoqué le choix des instruments. Il a fallu toutefois ajouter qu’un même compositeur pouvait évoluer, et choisir de faire des oeuvres dans des styles différents. Enfin, nous avons écouté le thème du général Grievous de Star Wars. De nombreux élèves ont reconnus l’extrait, ce qui a su les motiver. En comparaison avec Stravinsky on retrouve évidemment la même rythmique très découpée. Un élève a fait remarquer l’importance de trompettes chez John.
Williams, à la différence du Sacre. Il était aussi intéressant de trouver les différences entre les deux oeuvres. J’y ai ajouté une brève parenthèse sur la notion de leitmotiv inventée par Richard Wagner et très courante dans la musique de film aujourd’hui : l’idée de représenter un personnage par un thème, qui devient récurrent dans une oeuvre ; c’est le cas de Star Wars.
L’analyse des productions d’écrit (voir Annexe 5) illustre une fois de plus un réinvestissement de la partie d’analyse musicale. Nombreux élèves évoquent le rythme, l’instrumentation et la ressemblance à Star Wars : “je trouve que c’est fort grâce à la trompette et c’est ça que j’aime”, “je trouve cette musique bien faite elle est quelquefois rapide quelque fois lente”, “je trouve que le suspens règne, non prévoyant [on ne peut pas prévoir ce qui va se passer]” et “je trouve que ça va très vite et c’est pour ça que j’aime”, “je trouve que c’est joli car c’est comme “Star Wars”. De nouveau, certains élèves expriment aussi leur émotions, ou des images : “Ca doit être dur à jouer. Et puis ça fait un peu penser à quelqu’un de très fort qui arrive” ou “je trouve que c’est effrayant”. Certaines réponses sont moins explicites : “j’aime il y a beaucoup de sons à la fois” … Malgré tout, il subsiste un certain nombre d’élèves qui ne répondent pas à la question (sans développer leur propos, comme : “je trouve que la musique est très belle”, ou alors en étant hors sujet).

Travail sur une grille d’analyse avec Don Quichotte de Richard Strauss

Don Quichotte, en plus d’être le très célèbre roman de Cervantès, est aussi une pièce écrite par Richard Strauss. Je l’ai choisie car l’action se passe pendant la fin de la Renaissance, exactement la période historique que nous étudiions au moment de la séquence. La temporalité était assez complexe : bien que l’oeuvre fut composée au 19ème siècle dans l’Allemagne romantique, le roman sur laquelle elle se base est écrit au moment du règne de Henri IV, et dans l’histoire même, Don Quichotte est nostalgique d’une période antérieure : le Moyen Age.
C’était donc l’occasion une fois de plus de lier texte et oeuvre musicale, ce qui fut gratifiant puisque Don Quichotte conserve, encore maintenant, son caractère très humoristique. La séquence imaginée s’articule donc en trois séances, et introduit un nouvel outil : la grille d’analyse musicale . (voir Annexe 12).
La première séance a pour but de présenter l’intrigue principale et un instrument particulier : le violoncelle qui incarne Don Quichotte. C’est aussi le moment de mettre en place la grille d’analyse musicale qui avait déjà été évoquée à des séances ultérieures. En premier lieu, un élève musicien est venu présenter son violoncelle à la classe . Après quelques considérations techniques sur la manière dont le son est produit (frottement de l’archet sur une corde tendue par des chevilles, qui se répercute ensuite sur une caisse de résonance), puis l’élève a joué un morceau à la classe. Ce fut l’occasion d’observer une partition, et les notes qui comme les lettres, codent par l’écrit des sons à l’oral. En deuxième lieu, nous avons rappelé les séances de la séquence ultérieure par une question “Comment peut on décrire une musique?”. Les élèves se sont rappelés des paramètres du son (nuance, tempo, hauteur de la note) et de l’instrumentation (les instruments présents dans l’extrait). Je remarque d’ailleurs que le nombre d’élèves participants est plus important qu’au premières séances; sans doute les élèves plus timides ont mémorisé les items de la grille et se sentent plus en confiance.
Le ressenti a également été redéfini, tel qui l’est dans la grille : les émotions que l’on ressent, les images évoquées, l’appréciation de l’oeuvre.
Toutes ces informations, ainsi que le mouvement musical auquel appartient l’extrait, se retrouvent dans la grille d’analyse musicale qui leur est distribuée par la suite (voir Annexe 6) .
Après avoir raconté le début de l’histoire de Don Quichotte, et dit quelques mots sur la vie très aventureuse de Cervantes, j’ai passé le thème de Don Quichotte joué au violoncelle. Le choix de cet instrument n’est pas laissé au hasard : il sait incarner ce personnage à la fois ridicule et idéaliste. Sancho Pansa, son écuyer qui n’est en réalité qu’un garçon de ferme, est représenté par l’alto : son thème vient se mêler à celui de son maître au cours du morceau.
L’analyse des ressentis montre, comme d’habitude, des réponses orientées vers les items d’écoute musicale : “j’aime bien le son”, “j’aime les nuances”, “j’ai beaucoup aimé surtout la fin, ça donne envie de danser”, ou les émotions : “ça me fait penser à un grand orchestre et ça me donne de la joie. J’aime bien parce que ça me détend.” , “j’ai beaucoup aimé surtout la fin, ça donne envie de danser”, “j’aime bien ça me fait penser à une balade dans les champs”, et même: “je ressens de l’amour”.
Certains élèves se sont également souvenu de l’histoire, et du personnage qui est présenté à travers ce thème : il semble que le naturel un attachant et pathétique de Don Quichotte, nostalgique de l’époque de la chevalerie, illustré par ce grand thème de violoncelle, a marqué les esprits : un élève écrit “j’avais [j’ai] aimé quand il [y] avait de la tristesse” et un autre “c’est triste”.

Travail sur les différentes fonctions de la musique

La musique peut avoir des intentionnalités très différentes. C’était l’occasion d’en parler lorsque nous avons étudié Louis XIV en histoire. Celui ci utilisa la musique de cour comme un véritable instrument de pouvoir, pour affirmer sa souveraineté. Cela aura un impact direct sur la manière dont elle la musique est écrite.
A la fin du cours d’un cours d’histoire sur “La culture française à l’étranger sous Louis XIV”, nous avons visionné un extrait du film Le Roi danse réalisé par Gérard Corbiau. Dans cette séquence, Louis XIV, récemment couronné, danse sur l’Idylle sur la paix composé par Jean-Baptiste Lully. J’ai choisi cette fois-ci de montrer l’extrait vidéo et non seulement d’écouter la musique, car il était intéressant d’établir un lien entre son et image. De fait, cette musique est écrite avant tout pour être dansée, c’est partie intégrante de la performance, et Louis XIV était un roi danseur. Les élèves se sont montrés attentifs et réceptifs à la musique, sans doute en partie grâce au support visuel. Ils ont été choqués par l’apparence de.
Louis XIV : cheveux longs, maquillé, il danse seul sur la scène : les conventions sociales ont beaucoup changé depuis cette époque. La danse, lorsqu’elle s’accompagne de musique “classique” (à savoir savante), est plus souvent associée aujourd’hui à la délicatesse, à une certaine légèreté ; finalement, à une vision de la féminité. Cependant, c’est une danse bien différente qui est mise en scène par Corbiau, et qui semble presque violente.
On peut aussi penser qu’une des raisons de la bonne réception de l’extrait est qu’il existe des similitudes entre la musique baroque et la musique “pop” d’aujourd’hui : la basse continue (ligne de basse répétée en boucle le long du morceau), grande invention du baroque, se retrouve chez les musiciens actuels “dont les chansons reposent en très grande partie sur des lignes de basses répétées tout au long des morceaux”.(19) Après avoir rappelé les différents paramètres du son, j’ai voulu élaborer une analyse musicale de cet extrait où la musique est au service du pouvoir : “Qu’est ce qui selon vous, permet de montrer dans cette musique que Louis XIV est fort?” : les élèves ont d’abord cité les “coups de tambours”, qui rythment la danse et la musique apportent cet air solennel. Les instruments choisis également : “des violons, du tambours”, ce à quoi j’ai aussi ajouté le clavecin : des instruments nobles, qui montrent ainsi que la danse et la musique du roi sont destinés à une classe qui s’estime supérieure et de sang pur.
Après cette séance sur la musique sous Louis XIV, j’ai décidé de présenter un morceau appartenant à un genre différent. Un élève avait choisi une version de Bella Ciao interprétée par les chanteurs Naestro, Maître Gims comme étant sa musique préférée pour la rédaction. Il m’a semblé judicieux d’étudier ce morceau, notamment à cause des nombreuses réécritures dont il a été sujet. C’est aussi l’occasion de poursuivre le travail de comparaison d’oeuvres que veut le programme, et d’écouter une oeuvre déjà connue des élèves ce qui facilitera l’expression du ressenti. La séance sur Bella Ciao a débuté sur une présentation PowerPoint des différents contextes de son écriture et de ses réécritures. La toute première version de la chanson apparaît dans les Pouilles, au sud de l’Italie, ce sont les femmes ouvrières qui travaillent dans les rizières et qui se plaignent de leurs conditions de vie très difficiles. Nous avons écouté alors cette première version, avec les paroles affichées au tableau. Ensuite, c’est la version “des partisans”
: un chant de résistants italiens sous Mussolini. Après avoir brièvement introduit le contexte politique et historique, nous l’écoutons avec les paroles également. Enfin, c’est au tour de la dernière version moderne, écrite en français. J’avais décidé de comparer la version “des partisans” et la version moderne, il me semblait qu’une comparaison un peu poussée de trois oeuvres à la fois était trop complexe, et risquait de rester trop superficielle. Au fur et à mesure des écoutes, nous remplissons la grille à l’oral.
Lorsque j’ai posé la question : “Pourquoi les partisans ont-il écrit cette chanson” les premières réponses sont: “pour se donner du courage” ou encore “parce qu’ils ont peur de mourir”. Ils semblent percevoir le sort à la fois héroïque et tragique des résistants que peint ce chant. Lorsque je pose la même question pour la version plus moderne, on répond “pour le divertissement” ou “pour le plaisir”. Ainsi, j’ai expliqué que de la même manière que Louis XIV utilise la musique comme un instrument de pouvoir, les partisans et les ouvrières italiennes l’utilisent dans but de résistance politique ou pour dénoncer une injustice. Je demande ensuite de comparer les deux oeuvres; et une élève fait remarquer que dans la version moderne, les artistes chantent seuls, alors que les partisans chantent en choeur. C’est une remarque intéressante puisque c’est l’occasion d’expliquer que le choix des voix va être important suivant le fonction qu’on donne à la musique : la version moderne, “pour le divertissement”, met en avant des voix seules, pour le plaisir de l’écoute, alors que les résistants chantent ensemble, pour donner une impression de cohésion: on ne cherche pas à mettre en valeur un individu en particulier. L’accompagnement diffère aussi, il est plus sobre dans la version des partisans. Comme la classe n’arrivait pas à se mettre d’accord pour la comparaison de tempo (certains le trouvaient égal dans les deux extraits, d’autre entendaient une variation), nous avons repassé les deux extraits en battant la pulsation. Finalement, la version moderne est plus rapide, sans doute pour rechercher un caractère plus “dansant”.
Les élèves ont rempli la grille, et écrit leur ressenti. L’analyse de ces productions montre comme toujours que les élèves savent réinvestir le vocabulaire de l’analyse musicale : “la deuxième a un tempo qui fait bouger”, “dans les deux surtout dans la deuxième il y a un rythme qu’on entend bien” . Certains on recourt comme toujours à des images, des émotions : “la deuxième [version par Maître Gims] me donne de la joie”, “ca me fait penser d’être [que je suis] en Italie. Et ca me fait chanter”, “mon ressenti est que la joie me rempli les yeux et que je suis de bonne humeur et ça me fait du bien aux oreilles”. Une élève déclare : “je connaissais déjà”, comme c’est le cas pour cinq autres élèves de la classe qui l’indiquent explicitement. Il y a donc, comme d’habitude, de grandes différences entre les productions des élèves (voir Annexe 9).
Comme nous l’avons vu précédemment, exprimer son ressenti et donc sa sensibilité demande d’être capable d’utiliser un vocabulaire choisi. C’est l’occasion de développer ces apprentissages en français.

Travail sur l’expression de la sensibilité

L’expression de la sensibilité peut passer par la verbalisation. J’ai donc mis en place en classe une séquence en écriture portant sur l’expression des émotions. Celle ci a donc eu lieu après la séquence sur Don Quichotte, et avant l’écoute de Bella Ciao. (voir Annexe 12)
J’ai choisi d’aborder le thème des émotions par une approche artistique : après avoir définit sommairement les émotions, et avoir exposé quelques éléments physiologiques, les élèves ont été confrontés à différentes oeuvres, picturales comme auditives, qui représentent des émotions. Il est à noter que je n’ai choisi que de la musique sans paroles, car je voulais que le ressenti des émotions soit complètement détaché du langage et ne puisse pas être influencé par celui ci. Bien sur, il pourrait être intéressant d’explorer également les oeuvres lyriques chantées en français. Tout d’abord, nous avons entendu le début de la cinquième symphonie de Beethoven. La plupart des élèves ont reconnu l’oeuvre, et lorsqu’il a fallu l’associer à une émotion, les avis étaient partagés. Certains y voyaient “la colère”, “la rage”. D’autres “le courage”, même “la victoire”. On en a conclus que les interprétations étaient multiples, mais que l’effet était produit par le rythme fracassant, les nuances contrastées. Ensuite, nous avons entendus le premier Nocturne de l’Opus 48 de Frédéric Chopin. Un univers complètement différent, où plusieurs élèves voient “la tristesse”, “la mélancolie”, et d’autres voient “le calme”. Une élève remarque que les notes graves (main gauche du pianiste) et les notes aigües (main droite) semblent “se répondre” : une idée très intéressante parce qu’il est effet très courant qu’on disent de deux instruments – ou deux thèmes – qu’ils entrent en dialogue. Ensuite, nous avons écouté le thème du Retour du Jedi de John Williams : cette fois-ci, c’est bien “le courage”, “la joie” qu’on ressent grâce aux trompettes notamment. Puis, en réponse avec un tableau de Roméo et Juliette que nous avions étudié, nous avons écouté la version musicale de l’histoire par Tchaïkovski : le fameux thème des deux amants, qui, comme nous avons pu le remarquer, monte en crescendo, avec des violons qui jouent le thème principal, en vibrant : “l’amour” est donc l’émotion ressentie par les élèves. Enfin, c’était Le thème du Quidditch de John Williams, la poursuite étant figurée par des flûtes et des violons, très rapides, ponctués de trompettes et autres vents. C’est “la joie” qui prédomine cette fois-ci.
Le but de ces différentes écoutes étaient de déterminer par quels procédés techniques une oeuvre pouvait susciter une émotion chez l’auditeur. Après cette introduction musicale, nous sommes passés à une approche plus langagière : associant émotions et expressions, adjectifs, noms, les élèves ont ensuite fait une exercice de portrait chinois, où ils devaient faire correspondre une émotion avec un animal, une couleur, une action (voir Annexe 13).

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Table des matières

Introduction
L’éducation musicale et l’éducation à la sensibilité 
1.1. Les enjeux de l’enseignement musical
1.1.1. Deux champs d’apprentissages : percevoir et produire
1.1.2. La construction de repères culturels
1.1.3. La construction de la réflexion
1.1.4. L’éducation musicale au service des apprentissages
1.1.5. Développement de la sensibilité artistique
1.2. Les obstacles rencontrés
1.2.1. Difficultés d’analyse musicale
1.2.3. Difficultés concernant l’expression de ses émotions
1.3. Préconisations pour surmonter les difficultés
1.3.1 L’interdisciplinarité
1.3.2. Établir un lien fort entre perception et production
1.3.3. travail sur l’analyse musicale
1.3.4. Un travail sur la sensibilité par la verbalisation
II. Mise en oeuvre pratique et analyse 
2.1.Travail sur l’analyse musicale
2.1.1. Travail sur le genre musical
2.1.2. Travail sur les paramètres du son : l’oiseau de feu d’Igor Stravinsky
2.1.3. Travail sur une grille d’analyse avec Don Quichotte de Richard Strauss
2.1.4. Travail sur les différentes fonctions de la musique
2.1.5. Travail sur l’expression de la sensibilité
2.1.6. Conclusion sur l’analyse musicale
2.2. Projet de production vocale dans une chorale de classe
2.3. Interdisciplinarité en classe
2.3.1. Les arts et l’émotion
2.3.2. L’histoire et la musique
2.3.3. Philosophie et musique
Conclusion 
Bibliographie 

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