Education formelle
C’est la forme d’éducation directement fournie par les institutions spécialement conçues à cet effet. Les écoles et les universités sont les principaux instruments de l’enseignement direct. Cependant, il est à noter qu’actuellement, le milieu du travail (entreprise, administration, etc.) prend également en charge cette fonction par l’intermédiaire des formations spécialisées offertes à leurs employés ou recrues. Selon les termes d’André PAGE, l’éducation formelle se réfère à toute activité délibérée de formation visant au développement des facultés intellectuelles et à l’acquisition de connaissances générales ou spécialisées. Le processus d’éducation formelle suit des normes préétablies par le système d’enseignement en vigueur. Ainsi, les personnes souhaitant bénéficier de cette formation se doivent de suivre certaines étapes en commençant par les bases dans les enseignements primaires puis secondaires et suivies par la suite des spécialisations ou des approfondissements selon la vocation de chacun. Des diplômes ou des certificats seront délivrés par les autorités spécialisées dans l’enseignement en guise de reconnaissance et d’authentification des connaissances acquises, ce qui confère encore un caractère formel à ce type d’éducation.
Education : bien privé ou bien public
Ce débat concerne les personnes ou entités responsables de l’éducation, doit elle être prise en charge par les individus eux-mêmes ou par l’Etat ? Selon les éventualités, quelle partie du financement est délégué à l’Etat ? De grands économistes tels que Milton Friedman ont proposé des solutions à cette interrogation. Il a d’abord distingué l’éducation générale qui est un bien de consommation, de l’éducation technique et professionnelle qui est un bien d’investissement. La première vise plutôt au développement des aptitudes intellectuelles et à l’apprentissage des moyens de s’en servir (langue, expression graphique…), poursuit l’acquisition de connaissances de base non directement liées à une activité déterminée, et met l’accent sur le « pourquoi » des choses. Tandis que l’éducation technique et professionnelle tente de faire acquérir des connaissances et des compétences donnant à l’individu les aptitudes nécessaires à l’exercice d’un emploi ou d’un groupe d’emploi ; elle met l’accent sur le « comment » des choses. Ainsi, pour M. Friedman11, l’éducation est un choix que chaque individu est en devoir de faire. Basant son analyse sur la doctrine libérale, prônant le laisser faire, tout individu étant considéré comme rationnel, faisant des choix rationnels dans l’allocation des ses ressources, sous contrainte que celles–ci sont limitées, l’homo oeconomicus poursuit son intérêt personnel. Connaissant parfaitement ce qui serait mieux pour lui, il en décide de l’affectation de ses ressources. L’homme raisonnable sait alors si son intérêt se trouve dans l’éducation générale ou dans l’éducation technique. L’individu doit être maitre de ses décisions en matière d’éducation selon que la fin poursuivie soit la consommation directe des facultés intellectuelles acquises grâce à l’éducation, ou la production et le développement de ces facultés même en vue d’un résultat futur. Par conséquent, pour les libéraux, l’éducation est un bien privé, à la charge de chaque individu qui voudrait bénéficier de ses vertus. Mais si telle est l’analyse des libéraux, des débats se dégagent concernant le rôle de l’Etat dans l’éducation, plus précisément, dans son financement. Ce qui laisserait à voir l’éducation comme un bien public. D’autres auteurs défendent en effet que, l’éducation devrait être gratuite pour tous, que tout le monde sans exception doit y avoir accès, car elle est plus que nécessaire. Le système d’enseignement serait ainsi classé parmi les services publics. Dans cette optique, l’éducation serait un investissement dont l’Etat est chargé d’en prendre les responsabilités. Le budget national contiendrait ainsi une partie destinée à l’éducation. Et comme tout bien public, l’éducation renferme des économies externes qui justifieraient la rentabilité de l’investissement. J. Vaizey12 lui-même a affirmé que l’éducation rapportait tout comme l’investissement physique et même plus. Tous les grands économistes traditionnels ou contemporains admettent les vertus de l’éducation pour l’économie et la société. Certains ont parlé de moyen de se doter d’une intelligence et rationalité, d’établir l’harmonie sociale et de concourir à l’épanouissement individuel, d’autres la considèrent comme un moyen d’élever le niveau de vie social des individus par l’intermédiaire des revenus et le niveau économique d’un pays par l’intermédiaire de la production. Mais quel lien existe-t-il donc entre éducation et développement ? C’est ce que nous allons voir dans ce prochain chapitre.
Rôle de l’éducation dans le développement humain
Si telle a été la définition attribuée au développement, quelle sera la contribution de l’éducation dans le développement de l’individu ? La mesure du développement humain tourne autour de trois aspects définis par l’IDH, indicateur de développement humain élaboré par le PNUD : longévité et santé, instruction et accès au savoir, possibilité de disposer d’un niveau de vie décente. Dans le Rapport des Nations Unies en 2003, ayant comme thème « Population, éducation et développement », un lien évident est établi entre éducation, santé et mortalité. En effet, les variations du taux de mortalité dans les PED et les pays développés s’expliquent par le niveau d’instruction des populations de ces pays. Si dans les premiers, le taux de mortalité, notamment celui relatif aux enfants, est sensiblement plus élevé du fait du manque d’éducation et donc de connaissance des parents, négligeant ainsi la santé de leurs enfants, dans les pays développés, outre le fait que les parents savent ce qu’ils doivent faire dans de telle ou telle situation, ne prennent pas le risque de mettre au second plan la santé. Par ailleurs, il y a également un lien entre éducation et entrée dans la vie procréative, et éducation et fécondité. Ainsi, les femmes plus instruites se marient tardivement, ont moins d’enfants et accouchent dans des conditions plus aisées évitant ainsi les complications voire la mort. Or, celles qui n’ont pas eu une certaine éducation portent leur premier enfant très jeune encore, et certaines ne se marient jamais mais finissent mères célibataires. A part cette maternité précoce, les grossesses non désirées sont aussi des situations assez fréquentes au niveau des populations défavorisées. L’éducation sexuelle des adolescents ne se faisant que dans les établissements scolaires, la plupart de ces jeunes n’ont pas les moyens d’y accéder ou exercent précocement l’activité sexuelle. A cela s’ajoute encore le nombre élevé des enfants, paradoxalement, plus une femme est pauvre, plus elle a beaucoup d’enfants, et plus une femme est riche ou plus elle a atteint un certain niveau d’études, plus elle limite les naissances. La taille de la famille et la fécondité élevée sont généralement liées au manque d’instruction de la population (homme et femme). A. Marshall soutenait l’idée de sir Francis Galton comme quoi l’éducation dans une société humaine, comme le talent, est un héritage qui se transmet de génération en génération, et ce dans des conditions particulières : les musiciens avaient des enfants musiciens, des criminels avaient des enfants criminels et même l’adage malgache le confirme : « Izay adala no toa an-drainy », traduit par « Insensé celui qui ne fait pas mieux que son père ». Et il fut aussi le constat que le génie n’était pas seulement une race très rare et en voie de dégénérescence, mais aussi qu’il était un facteur prépondérant du développement social. Tout cela mène à dire que, le niveau d’instruction de chaque individu n’est pas uniquement un déterminant du développement humain mais contribue aussi à atteindre l’objectif « instruction et accès au savoir » de la population. Enfin, vivre dans le confort et dans la décence nécessite un certain niveau de revenu monétaire, permettant à l’individu et aux ménages d’acquérir certains biens et services pour cette fin. On l’a démontré plus haut, de quelle manière l’éducation constituerait une source de revenus pour ses bénéficiaires. Ainsi, l’éducation a des influences positives à la fois sur la société et sur l’économie d’un pays. Elle joue un grand rôle dans la croissance économique, par le biais du capital humain, et dans le développement social par le biais des connaissances et savoirs nécessaires à l’épanouissement de l’individu. Choisir l’éducation comme voie menant vers le développement, c’est seulement considérer celui-ci dans tous ses aspects possibles tel qu’il a été défini par le PNUD et par A. Sen. Madagascar est un pays sous développé qui poursuit après la croissance et le développement depuis de longues années. Si l’éducation, comme on l’a dit, jouait un rôle primordial dans l’atteinte de cet objectif, celle-ci devrait être considérée comme une priorité nationale. Qu’en est-il alors du cadre de l’enseignement à Madagascar ?
Problèmes liés au système éducatif
Dans les années 80, Madagascar était réputé pour son système éducatif performant qui faisait sa notoriété à l’égard des autres pays africains. Mais actuellement, l’école à Madagascar est en crise, les résultats fournis par le système d’enseignement ainsi que la situation de développement social et économique du pays le prouvent. Certains points de vue expliquent cette dégradation du système éducatif malgache par l’inadéquation des programmes et des matières enseignés par rapport aux besoins de l’économie et de la société elle-même, mais aussi par rapport à la performance de l’élève.
Par rapport à l’éducation de base : Une analyse des programmes et méthodes pédagogiques dans l’enseignement fondamental à Madagascar par Guy Belloncle33, a fait ressortir de frappantes remarques au niveau des écoles primaires publiques (EPP). Ce sociologue a évoqué dans son ouvrage les « massacres dans les EPP » 34. Il fait allusion par là à la langue et la méthode d’enseignement ainsi qu’aux programmes enseignés. En effet, les cours sont dispensés dans la langue française dans le primaire ; les programmes et manuels sont tous intégralement en français et surtout sont les mêmes pour les écoles publiques et les écoles privées d’expression française. Or, le niveau de français des élèves dans les EPP particulièrement dans les milieux ruraux est lamentable, cela ne les aide pas du moins à la compréhension des matières enseignées. Cette situation, durant les premières années du primaire, revire à la frustration de l’enfant qui commence à peine à parler une langue qu’ils n’ont jamais pratiquée face aux élèves qui ont baigné dans le français depuis les classes antérieures. Ainsi, selon G. Belloncle, « l’origine de cet échec insupportable est linguistique…dès le début de la troisième année du primaire (9ème), on passe brutalement au tout français ». En ce qui concerne les méthodes pédagogiques, elles sont inefficaces à cause de la « désacculturation planifiée » que subit l’élève, faisant allusion au fait qu’on inculque aux élèves dans les EPP les modes de vie européens qui sont carrément l’opposé des modes de vie des Malgaches pauvres (exemple : un habitat typiquement malgache est largement différent d’un habitat français). Cette différence de culture ne permet pas à l’élève d’avoir une image claire de ce qu’il apprend à l’école, on peut même dire qu’il est déconnecté de la réalité pour une toute autre vie, or l’enseignement élémentaire est censé aider l’enfant à comprendre sa vie quotidienne. C’est cette déconnexion qui est à l’origine des mauvais résultats, aussi bien qualitatif que quantitatif dans le primaire.
Par rapport à l’enseignement fondamental du second cycle : Cette situation dans les EPP n’est pas sans conséquence sur la capacité intellectuelle de l’élève au niveau des collèges. En raison des matières non comprises ou du moins non maîtrisées à l’issue du premier cycle alors que de nouvelles matières, enseignées intégralement en français, sont insérées dans le programme dans le second cycle, la seule solution pour l’élève d’échapper à l’échec, c’est d’apprendre par cœur ses cours sans trop se soucier de comprendre, d’autant plus que, la langue d’enseignement rend difficile l’apprentissage à cause du niveau de français encore bas pour la plupart. Il n’est donc pas étonnant si le taux de réussite au BEPC dépasse rarement les 50%.
Par rapport à l’enseignement secondaire : La structure des programmes pose problème car elle est trop surchargée. On tente d’inculquer aux élèves, notamment au niveau de l’enseignement général, de longs programmes qui ne correspondent pas forcément aux qualifications désormais importantes pour l’économie ou du moins pour la future carrière professionnelle envisagée par l’élève. L’enseignement secondaire est censé préparer ce dernier au genre de vie qu’il veut mener dans le futur, cependant les matières dans les programmes scolaires manquent de rattachement à la pratique. Que les élèves envisagent de devenir cuisinier, infirmier, médecin ou autres après le baccalauréat, quelque soit donc leur orientation, ils sont obligés de suivre les mêmes cours, différenciés seulement par leur contenu et leur importance, selon les séries ou catégories (littéraires ou scientifiques). Les qualifications acquises dans l’enseignement général ne peuvent pas être utilisées de manière flexible sur le marché du travail. Certes, il existe déjà des lycées techniques professionnels dans le système malgache, mais ceux-ci proposent une gamme limitée de qualifications techniques pour des professions définies de manière étroite. Un lycéen doté seulement d’un diplôme de baccalauréat n’aura qu’une infime chance de trouver un emploi assez correct ou tout au moins correspondant à la formation qu’il a suivi.
Au niveau de l’enseignement supérieur : Là encore, on parle de « bourrage de cerveau » dans les universités puisque les cours dispensés sont trop académiques et concourent aux taux d’échec élevés, aux redoublements voire aux abandons en cours de cycle. Les qualifications acquises ne correspondent pas non plus aux besoins de l’économie. En effet, pour la plupart des nouveaux bacheliers, force est de constater que seulement une minorité de ces jeunes parviennent à poursuivre des études conformément à leur vocation ou à leur métier de rêve. La plupart est contrainte, soit par les moyens financiers, soit par les sélections au niveau des universités, et est conduit à suivre les filières dans lesquelles ils ont eu tout simplement la chance d’être reçus, sans qu’ils ne sachent exactement ce que leur réserve ce parcours à l’avenir. Ainsi, les problèmes majeurs auxquels sont confrontés le système éducatif malgache sont notamment :
– Les déperditions scolaires : le redoublement qui est à l’origine du faible niveau de rétention à l’école et du gaspillage des ressources, auxquels s’ajoutent le taux élevé des échecs aux examens et les abandons précoces ;
– La structure et le contenu des programmes trop surchargé et trop académique, le système éducatif actuel est déconnecté des réalités économiques ;
– L’insuffisance des infrastructures scolaires confirmée par le ratio élevé des élèves par classe, l’existence des multigrades à maître unique et à double flux ;
– Le manque de personnel éducatif qui conduit au recours massifs aux enseignants FRAM qui ne sont dotés que de peu de formations et d’expériences pédagogiques.
Certes, la principale source d’inefficacité du système d’enseignement malgache se trouve dans les insuffisances et contraintes directement liés au système. Mais à cela s’ajoutent d’autres problèmes liés à l’environnement et qui pourraient bien expliquer cette dégradation scolaire à Madagascar.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : NOTIONS D’EDUCATION ET DE DEVELOPPEMENT
Chapitre 1 : Approches théoriques sur l’éducation
Section 1 : Considérations générales sur l’éducation
1- Définitions de l’éducation
2- L’éducation d’après certains auteurs
Section 2 : Signification économique de l’éducation
1- Education : bien de consommation ou bien d’investissement
2- Education : bien privé ou bien public
Chapitre 2 : Lien entre éducation et développement
Section 1 : Les différents objectifs de l’éducation
1- Objectif culturel
2- Objectif social
3- Objectif économique
Section 2 : Contribution de l’éducation dans le développement
1- Rôle de l’éducation dans la croissance économique
2- Education et développement humain
PARTIE 2 : CADRE DE L’EDUCATION ET SITUATION DU DEVELOPPEMENT A MADAGASCAR
Chapitre 1 : Le système d’enseignement à Madagascar
Section 1 : Présentation du système éducatif malgache
1- Organisation structurelle du système éducatif malgache
2- Composantes du système
Section 2 : Survol des politiques éducatives mises en œuvre à Madagascar
1- Avant et après l’indépendance
2- Du PAS au DSRP : Education pour Tous
Chapitre 2 : Education et niveau de développement à Madagascar
Section 1 : Situation de l’éducation à Madagascar
1- Sur le plan quantitatif
2- Sur le plan qualitatif
Section 2 : Caractéristiques socio-économiques de Madagascar
1- Indicateurs de développement et démographie
2- Situation de l’emploi à Madagascar
PARTIE 3 : ANALYSE DU SYSTEME EDUCATIF MALGACHE ET RECOMMANDATIONS POUR UNE CONTRIBUTION EFFICACE DE L’EDUCATION AU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL
Chapitre 1 : Analyse du système éducatif
Section 1 : Evaluation de l’efficacité du système éducatif malgache
1- Méthodes de mesures des résultats
2- Mesure des résultats pour chaque niveau d’enseignement
Section 2 : Identification des problèmes
1- Problèmes liés au système
2- Problèmes liés à l’environnement du système
Chapitre 2 : Recommandations pour un système éducatif performant en faveur du développement
Section 1 : Priorisation de l’éducation vers un objectif qu’est le développement
1-Priorisation de l’éducation dans le plan national de développement
2- Priorisation de l’éducation pour toute la société
Section 2 : Les principales recommandations (résumé)
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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