L’éducation bilingue : une brève rétrospective
Les représentations sur les langues
C’est dans les années 1980 que la notion de représentations intègre véritablement les domaines de la sociolinguistique et de la didactique des langues avec les travaux des Suisses (Lüdi et Py) et des Grenoblois en France (Billiez, Dabène). Depuis, les représentations sur les langues font l’objet de nombreuses recherches en éducation.
Billiez et Millet (2001) expliquent que « toute représentation est définie par un contenu se rapportant à un objet : elle est représentation de quelque chose et de quelqu’un, c’est-à-dire d’un individu, d’une famille, d’un groupe, d’une classe, etc. ». De plus, Castellotti et Moore (2002) intitulent le guide de référence sur les politiques linguistiques éducatives en Europe (2002) Représentations sociales des langues et enseignements.
Aussi, de ces points de vue, il est possible de considérer les représentations sur les langues comme des représentations sociales ayant pour objet la ou les langues.
Selon Moore et Gajo (2009), la littérature anglophone utilise assez peu la notion de représentations. D’ailleurs, nos lectures nous ont permis de constater que la notion d’attitudes y est préférée. Or comme nous l’avons évoqué précédemment, en français, la notion d’attitudes n’englobe pas tous les champs couverts par celle de représentations
La pertinence de l’étude des représentations sur les langues en contexte scolaire plurilingue
Il convient de rappeler que de nombreux auteurs (notamment, Chumak-Horbatsch, 2012; Hélot et O Laoire, 2011; Garcia, Skutnabb-Kangas et Torres-Guzman, 2006; Garcia, 2010; Cummins et Early, 2011; Cummins, à paraître) nous interpellent sur le fait que, dans la majorité des contextes, les pratiques des milieux scolaires sont encore largement fondées sur une représentation monolingue de l’enseignement qui considère les langues comme distinctes et autonomes. Or, comme le cadre théorique sur l’enseignement plurilingue a pu l’exposer, depuis plusieurs décennies déjà, les recherches ne cessent de mettre de l’avant les bienfaits d’un enseignement où les langues des élèves sont valorisées et considérées comme un atout dans le processus d’apprentissage et plus largement dans le développement personnel (Baker, 2011). Entre autres, Perregaux (1994), Cummins (2009; à paraître) insistent sur la nécessité de s’appuyer sur le « déjà-là » des élèves dans une perspective pédagogique inclusive et collaborative. Ce déjà-là, en contexte d’immigration, inclut de toute évidence les connaissances et les expériences culturelles antérieures des élèves ainsi que leurs connaissances langagières.
Toutefois, en contexte scolaire, où l’immigration est majeure et où une norme monolingue est largement présente dans les classes, comme dans les classes montréalaises par exemple, comment s’appuyer sur ce « déjà-là » si 1) l’école ne l’autorise pas explicitement au moyen de pratique pédagogique appropriée et si 2) les apprenants et les enseignants ne considèrent pas ce « déjà-là » comme un atout dans le processus d’apprentissage? De ce point de vue, il semble pertinent d’interroger les acteurs du monde scolaire sur la manière dont ils considèrent ce « déjà-là », donc de disposer de leurs représentations à ce sujet. En effet, il est peu probable que les élèves s’engagent dans le développement de nouveaux savoirs, savoir-faire et savoir- être en s’appuyant sur leur répertoire linguistique s’ils disposent de représentations négatives sur ce répertoire (Cummins, 2014).
Également, comme le soulignent Reuter, Cohen-Azria, Daunay, Delcambre-Derville, Lahanier-Reuter (2007), les représentations sont à la base de l’enseignement-apprentissage. Spécifiquement, Castellotti et Moore (2002) et Moore (2006) montrent le lien qui existe entre représentations et processus d’apprentissage. Moore (2006) précise que « La connaissance qu’a l’apprenant de sa langue et les représentations qu’il se forge de la distance entre son propre système linguistique et le système-cible influencent la façon dont il saisit les données linguistiques et apprend la nouvelle langue » (p. 192).
Cadre conceptuel : conclusion
Rappelons qu’au sein de l’école québécoise sont en « cohabitation » voire en « concurrence », plusieurs langues : la ou les langues de scolarisation ainsi que les autres langues : la/les langue(s) maternelle(s)/d’origine des élèves pour les élèves issus de l’immigration et les langues secondes ou tierces enseignées. Les principes et théories présentées dans le cadre conceptuel soutiennent les avantages possibles du plurilinguisme d’un point de vue cognitivo-langagier et d’un point de vue socioaffectif. Également, ces principes et théories engagent clairement une réflexion des milieux scolaires à tenir compte de la diversité linguistique au sein l’école, entre autres, dans une perspective de réussite scolaire. De ce fait, les pratiques d’Éveil aux langues ont été suggérées comme piste à investir pour permettre au système scolaire québécois de valoriser et de prendre en compte la diversité linguistique et culturelle.
Par ailleurs, on l’a vu, il apparaît pertinent d’observer et d’analyser les représentations sur les langues d’élèves évoluant dans un milieu pluriethnique afin de mieux documenter les enjeux liés à l’immigration et l’école.
|
CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE
1.1 Le contexte pratique : l’école québécoise et l’immigration
1.1.1 L’histoire sociolinguistique du Québec et sa portée sur le système scolaire
1.1.1.1 L’histoire sociolinguistique du Québec et ses impacts sur les politiques et les usages linguistiques de la province
1.1.1.2 L’histoire sociolinguistique du Québec et ses impacts sur le système scolaire montréalais
1.1.2 La pluralité linguistique et culturelle dans le système scolaire au Québec et plus particulièrement à Montréal
1.1.2.1 Le rôle de l’école
1.1.2.2 La prise en compte de la pluralité dans le système scolaire québécois : des réponses officielles
1.1.2.3 Discussion autour des « réponses officielles » quant aux enjeux de l’immigration dans le système scolaire québécois
1.1.2.4 Observations sur le terrain : un constat mitigé
1.1.3 Éléments de conclusion quant aux politiques et constats sur le terrai
1.2 Le contexte scientifique : Prendre en compte la diversité linguistique en contexte scolaire
1.2.1 Prendre en compte la diversité linguistique et culturelle en contexte scolaire
1.2.1.1 Pourquoi prendre en compte la diversité linguistique et culturelle ? Les principes et les fondements théoriques
1.2.1.2 Comment prendre en compte la diversité linguistique et culturelle ? L’Éveil aux langues, une piste pédagogique à investir
1.2.2 Étudier les représentations sur les langues : la définition et la pertinence du concept
1.2.2.1 La définition
1.2.2.2 La pertinence
1.2.2.3 Les résultats de quelques études clés sur les représentations sur les langues
1.3 Vers l’émergence d’une question et des objectifs de recherche
CHAPITRE II CADRE CONCEPTUEL ET RECHERCHES EMPIRIQUES
2.1 Le cadre conceptuel : L’école et la diversité linguistique, l’Éveil aux langues, les représentations sociales et les représentations sur les langues
2.1.1 L’école et la diversité linguistique : les principes et les fondements théoriques
2.1.1.1 L’éducation bilingue : une brève rétrospective
2.1.1.2 L’importance du contexte dans le développement du bilinguisme : les situations de bilinguisme additif et soustractif (Lambert, 1974)
2.1.1.3 Le modèle sociocognitif de Hamers et Blanc (2000
2.1.1.4 L’hypothèse d’interdépendance des langues, la compétence commune sous-jacente et le niveau seuil minimal de développement linguistique
2.1.1.5 De la compétence langagière aux compétences plurilingues
2.1.2 L’école, la diversité linguistique et l’Éveil aux langues : pour une éducation au plurilinguisme
2.1.2.1 L’éducation au plurilinguisme et les approches pédagogiques « collaboratives »
2.1.2.2 Les approches plurielles
2.1.2.3 Les programmes d’Éveil aux langues et le projet Élodil
2.1.3 Les représentations sociales et les représentations sur les langues
2.1.3.1 La notion de représentations sociales : d’hier à aujourd’hui
2.1.3.2 Les représentations et les notions voisines
2.1.3.3 Les représentations sur les langue
2.1.3.4 La pertinence de l’étude des représentations sur les langues en contexte scolaire plurilingue
2.1.4 Cadre conceptuel : conclusion
2.2 Recherches empiriques portant sur les représentations sur les langues et la diversité linguistique
2.2.1 Axe 1 : Les représentations sur la/les langue(s) maternelle(s)/langue(s) d’origine 86
2.2.1.1 Les représentations sur la/les langues maternelle(s)/d’origine des élèves sans valorisation explicite par le milieu scolaire
2.2.1.2 Les représentations sur la/les langues maternelle(s)/d’origine des élèves dans un environnement favorable au maintien de ces langues
2.2.2 Axe 2 : Les représentations sur la(les) langue(s) de l’école
2.2.3 Axe 3 : Les représentations sur la diversité linguistique et les langues des élèves en contexte pluriel
2.2.3.1 Les représentations sur la diversité linguistique sans intervention pédagogique spécifique
2.2.3.2 Les représentations sur la diversité linguistique dans le cadre d’interventions pédagogiques spécifiques
2.3 Retour sur la question et les objectifs de recherche
CHAPITRE III LA MÉTHODOLOGIE
3.1 Posture épistémologique et méthodologie adopté
3.1.1 Une recherche qualitative
3.1.3 Une recherche présentant des études de cas
3.2 Éléments contextuels : Le projet Élodil de la vaste recherche et la vision générale de la présente étude de doctorat
3.3 Les différents acteurs impliqués dans la recherche
3.4 Une description de l’intervention Élodil sur deux ans
3.5 Les données de la recherche
3.6 Les limites de la méthodologie adoptée
CHAPITRE IV PRÉSENTATION ET ANALYSE DES DONNÉES DE RECHERCHE
4.1 Étude de cas de Savana : une polyglotte et chercheure en herbe
4.2 Étude de cas de Laura : une ambassadrice du monde
4.3 Étude de cas d’Oliver : un caméléon plurilingue
4.4 Étude de cas d’Evan : un plurilingue pragmatique
4.5 Étude de cas de Shawn : un trilingue consensuel et peu expressif
CHAPITRE V DISCUSSION
5.1 L’Évolution des représentations sur les langues du répertoire des élèves
5.2 L’Évolution des représentations des élèves sur les langues
5.3 Synthèse sur les effets de l’implantation d’un projet d’Éveil aux langues sur l’évolution des représentations des élèves sur les langues de leur répertoire et sur les langues en général
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet