Des défis pour donner place à la culture musicale dans l’éducation
L’École fait face à des élèves qui ont des pratiques d’auditeur dans leur vie privée, avec des critères d’appréciation propres transmis par leur famille, leurs amis, leurs camarades, les médias, mais aussi par la fréquentation de lieux tels que les magasins, où la musique est souvent omniprésente. La musique est un puissant véhicule de suggestion dans notre culture comme l’écrit le chercheur en pédagogies nouvelles Bruno Hourst dans son ouvrage Au bon plaisir d’apprendre, et elle est utilisée massivement par la publicité. L ’auteur fait le constat que certaines musiques véhiculent de fortes émotions, telles que la violence, le désespoir , ou au contraire, l’enthousiasme, la joie, et pourtant, la musique est peu présente dans une activité importante et vitale de l’être humain: l’apprentissage (Hourst, 2002, p.218). Nous verrons par la suite que la science confirme que la musique est partout, et que certains types de musique peuvent avoir une influence considérable sur notre état d’esprit, sur nos aptitudes à mémoriser et à apprendre, sur nos émotions.
Aujourd’hui le numérique élargit l’éventail des possibles en donnant accès à un espace musical presque infini. L’École permet de jouer un rôle essentiel dans la formalisation de l’expérience musicale, en permettant aux élèves de découvrir d’autres genres musicaux, plus ou moins éloignés de leurs propres habitudes et codes. La musique peut contribuer à construire une nouvelle géographie des représentations culturelles pour les jeunes. Comme le dit Stéphane Bonnéry, maître de conférences en sciences de l’éducation, dans un entretien pour la revue Diversité, pour les jeunes, les inégalités ne se posent pas en termes d’existence ou d’absence de pratiques mais de genre de musique fréquenté ou de manières de les utiliser . Il ajoute que depuis plusieurs décennies, l’action culturelle procède beaucoup à la mise en œuvre de dispositifs institutionnels (Bonnery, 2013, p.32).
L ’éducation musicale est coordonnée dans le milieu scolaire à travers un certain nombre de dispositifs tels que les classes à P AC dans les établissements de premier degré, les P ACTE dans les établissements du premier et second degrés, ou encore les CHAM dans les établissements du premier et second degrés jusqu’à la classe de 3ème. Clé majeure pour favoriser les apprentissages, la musique reste cependant généralement sous-employée dans les établissements du second degré.
La circulaire de préparation de la rentrée soulignait déjà combien la pratique musicale était un facteur de réussite scolaire. Deux textes sont venus préciser les objectifs et principes de mise en œuvre des pratiques musicales collectives dans le cadre scolaire:
– la circulaire portant sur le chant choral à l’école, au collège et au lycée insiste particulièrement sur les vertus éducatives des pratiques vocales collectives.
– la circulaire sur le développement des pratiques orchestrales à l’école et au collège.
Depuis 2017, le plan T ous musiciens d’orchestre lancé par Françoise Nyssen (alors ministre de la Culture) a pour objectif de faire de la pratique musicale à l’école une priorité de l’action du gouvernement en faveur de la démocratisation artistique et culturelle. La chorale ou l’orchestre des écoles maternelles et primaires, du collège ou du lycée sont d’ailleurs au cœur de l’organisation d’événements tels que la “Rentrée en musique », qui est une opération visant à créer , grâce à la musique, un environnement favorable le jour de la rentrée scolaire, dans la démarche de créer “une école de la confiance” . A cette occasion, les écoles et les établissements relevant des REP ont bénéficié de l’accompagnement d’une marraine ou d’un parrain artiste. On pourrait alors imaginer une prolongation de cette opération à d’autres moments clés de l’année: avant les vacances, lors de fêtes ou de semaines à thème, etc, avec la participation du professeur documentaliste. Cette opération prouve bien que vivre un moment musical collectif peut créer une atmosphère chaleureuse pour mettre les élèves en confiance.
D’autre part, en ce qui concerne les collèges, un nouvel enseignement facultatif de chant choral de 2h valorisé au diplôme national du brevet a été créé en 2018 suite au Plan chorale, et peut désormais faire gagner des points, au même titre que tous les enseignements facultatifs . Son programme insiste sur la variété des répertoires : la chanson actuelle, la chanson du patrimoine récent ou ancien, français ou étranger , les airs d’opéra, de comédie musicale, ainsi que des œuvres témoignant des valeurs et principes fondant la citoyenneté républicaine et européenne, comme par exemple La Marseillaise, ou encore l’Hymne à la joie. Le professeur documentaliste peut donc proposer ce répertoire dans le CDI pour participer à la mise en œuvre du Plan chorale. Ce plan incite également les établissements à travailler avec les collectivités territoriales pour développer des chorales dans les lycées professionnels où il n’y a pas d’enseignement artistique et culturel. Dans ce type d’établissement, pour éviter des inégalités face à l’accès à la culture, le professeur documentaliste se doit se proposer d’autant plus de ressources artistiques et culturelles dans la mesure où les élèves n’en bénéficient pas dans leurs enseignements.
La musique est parmi les arts celui qui est sans doute le mieux partagé: entre amis, pendant les anniversaires, les fêtes, les festivals; la musique rassemble. Ne nécessitant pas forcément un apprentissage académique pour être pratiquée et/ou écoutée, la musique est intrinsèquement liée à la socialisation, d’où l’importance de l’existence de lieux de médiation culturelle.
L’École est un lieu privilégié pour offrir aux élèves un accompagnement dans l’expérience musicale. Dès lors, comment renouveler l’offre et les pratiques du CDI pour en faire un lieu attractif pour tous les élèves, propice aux activités musicales et à la médiation ? Pour faire du CDI un lieu de vie culturel, y mener des ateliers et y développer des espaces créatifs et de détente avec de la musique à disposition, une modification des espaces s’impose et doit se penser de manière pratique et innovante.
Renouveler les pratiques grâce à la modification des espaces: la co-existence d’un espace silencieux et d’un espace sonore au CDI
Nous avons démontré que le professeur documentaliste peut être un acteur majeur de l’EAC, en participant à la promotion de ressources musicales et à la mise en œuvre de projets musicaux. Nous verrons d’autre part dans ce point que la musique peut contribuer au renforcement du CDI dans sa fonction d’environnement propice aux apprentissages, et sa fonction de lieu de médiation culturelle. A l’image de l’engouement pour les jeux, la musique peut être une potentialité du CDI à développer et constitue un levier supplémentaire de diversification des médiations culturelles dans l’École.
Comme décrit dans Les missions du professeur documentaliste (MEN, 2017), le CDI est un espace de formation et d’information ouvert à tous les membres de la communauté éducative. Dans ce cadre, le professeur documentaliste pense l’articulation du CDI ainsi que son utilisation avec les différents lieux de vie et de travail des élèves, en lien avec les autres professeurs et le personnel de vie scolaire.
Les pratiques et les modes de gestion des professeurs documentalistes sont profondément transformés par les technologies et le numérique, mais aussi par les nouvelles pratiques des élèves. Le cadre de la profession a d’ailleurs été renouvelé par la circulaire de mission de mars 2017, ce qui prouve bien une redéfinition nécessaire de nos missions due à cette évolution. S’inspirant des “learning center” anglais ou des “carrefours d’apprentissage” canadiens, l’expérimentation de CCC permet d’offrir une gamme de services étendus pour se rencontrer en petits groupes pour un travail précis ou échanger librement, rechercher des informations sur tout support. La démarche de CCC manifeste une évolution significative de la pratique pédagogique et éducative, et un besoin de dépasser l’isolement du professeur documentaliste.
Je précise ici que je m’inspire des expérimentations des CCC pour imaginer l’espace du CDI, mais je conserve l’appellation CDI dans le reste de mon mémoire puisque je pense personnellement que la documentation et l’information sont des piliers du métier de professeur documentaliste et qu’il est important qu’ils apparaissent dans la définition du lieu. C’est pourquoi je m’inspire du concept des CCC pour imaginer une évolution des CDI qui donnerait plus de place à la culture, à la découverte et au bien-être des élèves notamment grâce à la musique, pour briser l’image collective biaisée des CDI silencieux et du professeur documentaliste derrière son bureau.
Les travaux académiques mutualisés en documentation 2017-2018 concourent à Repenser l’espace existant du CDI pour répondre aux besoins des usagers (T raAM, 2017-2018), prouvant encore une fois ce besoin d’adapter le lieu aux pratiques qui ont évolué. Le CDI occupe aujourd’hui une place centrale dans la mise en œuvre de la plupart des dispositifs pédagogiques et éducatifs de l’établissement scolaire. Le CDI n’est pas seulement un centre de ressources, c’est un espace d’apprentissage ouvert, une porte ouverte sur la culture, et doit être facilement accessible, proposer un cadre de travail et de rencontres convivial et chaleureux. C’est pourquoi il serait fondamental qu’il occupe, dans la mesure du possible de l’établissement, une position géographique centrale au sein de l’établissement scolaire et qu’il se positionne ainsi comme un point de convergence de tous les membres de la communauté scolaire.
Comme le démontrent des études publiées en 2017 par le CNESCO, la régulation de la température, l’intensité de la luminosité et la performance de l’insonorisation sont des éléments fondamentaux pour un accueil des élèves de qualité au CDI, comme dans l’ensemble de l’établissement scolaire. Les résultats de cette enquête mettent en évidence un besoin de modernisation des bâtiments. Le CDI est en effet un lieu vivant pendant les temps de pause des élèves, c’est-à-dire les récréations, interclasses, et la pause méridienne. Une bonne insonorisation évite les nuisances sonores et permet le bon déroulement d’activités au CDI, que les élèves puissent travailler au calme, ou écouter des ressources audio sans être dérangés par le brouhaha extérieur . Ces études illustrent bien que les systèmes éducatifs ont progressivement pris en compte des objectifs plus larges que les résultats scolaires, en intégrant l’épanouissement personnel afin d’aider les élèves à se réaliser scolairement. S’intéresser à l’environnement d’apprentissage, c’est “vouloir mettre l’apprenant dans un état réceptif optimal, en créant un cadre qui le soutienne et en éliminant toutes les causes de tension inutiles” (Hourst, 2002, p.121). Cela fait écho à ce que le professeur au Conservatoire national des arts et métiers Pierre Falzon appelle un “environnement capacitant” (Falzon, 2013).
Les bénéfices de la musique sur les capacités cognitives et ses effets sur les capacités d’apprentissage des élèves
Les pouvoirs de la musique sur le cerveau
Dans le cadre de la loi de la refondation de l’École et de la mise en oeuvre des nouveaux programmes de maternelle, des cycles 2 et 3, il est rappelé que les compétences à construire chez les élèves s’inscrivent dans une démarche “curriculaire” de prise en compte du développement global de l’enfant. Dans le même sens, le SCCC, dans le domaine 2 “Méthodes et outils pour apprendre”, précise que “pour acquérir des connaissances et des compétences, il [l’élève] met en oeuvre les capacités essentielles que sont l’attention, la mémorisation, la mobilisation de ressources, la concertation, l’aptitude à l’échange et au questionnement[…] (MEN, 2015).
En permettant de visualiser le fonctionnement du cerveau, la neuro-imagerie née dans les années 2000 est une révolution. Cette nouvelle technique a permis d’identifier les régions spécialisées du cerveau dans le traitement de la musique en suivant le parcours du son de l’oreille jusqu’au cerveau. Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l’Université de Caen, disait lors d’un entretien pour le journal Le Monde que lorsque nous écoutons de la musique, l’ensemble du cerveau est mobilisé (Pommiers, 2019). Emmanuel Bigand, directeur du Laboratoire d’étude de l’apprentissage et du développement à l’université de Bourgogne, écrit à ce propos dans l’ouvrage intitulé Les Bienfaits de la musique sur le cerveau qu’il a coordonné: “on est passé d’une pensée magique à un vrai savoir scientifique sur ses bienfaits [la musique], et cela, à chaque extrémité de la vie” (Bigand, 2018, p.1 1).
Laura Ferreri est enseignante-chercheuse en psychologie cognitive, et étudie les bénéfices de la musique sur la mémoire humaine. Ses recherches visent notamment à étudier les réponses émotionnelles et de plaisir liées à la musique et leur capacité à récupérer l’information. Dans son article “Musique et plasticité cérébrale” publié dans la Revue internationale d’éducation de Sèvres en 2017, elle s’intéresse à la nature plastique de la réaction du cerveau à la stimulation musicale: pratiquer et écouter de la musique provoque des effets de plasticité. C’est un article relativement récent et qui prouve par diverses expériences que les pratiques musicales touchent au plus profond de notre cerveau, ayant de très fortes implications notamment pour la mémoire. La musique induit également des émotions universelles, tout au long de la vie. Cet article nous permet d’entrevoir comment la musique se trouve être bien plus qu’un divertissement, mais bel et bien un stimulant cognitif et cérébral.
Dans l’ouvrage Découvrir le cerveau à l’école. Les sciences cognitives au service des apprentissages, les trois auteures nous confirment que la qualité des apprentissages scolaires repose sur la capacité de l’élève à mobiliser un système mnésique: la mémoire de travail (Lanoe, Lubin, Rossi, 2017, p.15). Cette dernière permet de “maintenir l’information active dans le présent, mais aussi d’exercer des traitements de l’information en vue de l’exécution d’une tâche demandée” (ibid). Des séances et projets autour de la musique et du son pourraient donc permettre aux élèves de prendre conscience de l’existence de leur cerveau, de son rôle dans les apprentissages scolaires et aussi d’exercer un contrôle cognitif sur leurs stratégies de pensée et donc, leur mémoire. De telles séances, projets, ou activités peuvent s’insérer dans les programmations de classe et les pratiques quotidiennes.
La musique comme apport original au développement de compétences transversales
Dès l’Antiquité, le philosophe Grec Platon affirmait: “La musique donne une âme à nos cœurs, des ailes à la pensée, un essor à l’imagination.”
Et cela est sans doute vrai dans un sens. En effet, les enjeux du développement de l’écoute musicale à l’école ne se limitent pas à l’éducation musicale, puisque l’éducation musicale “contribue aussi de façon pertinente à l’acquisition de compétences transversales”, pense la professeure de musique Jacquotte Ribière-Raverlat (Ribière-Raverlat, 1997, p.123).
E.Bigand lors d’un entretien pour Le Monde nous dit que “la musique met en place des schémas mentaux (macro-stimulus) qui permettent une meilleure appréhension du langage, de la lecture, et plus tard des facilités au cours préparatoire, on parle d’effets socio-cognitifs” . En effet, d’après l’article de L.Ferreri mentionné précédemment, le cerveau humain associe expériences sensorielles, motrices et émotionnelles, et ainsi, l’utilisation d’activités musicales chez des enfants souffrant de troubles spécifiques d’apprentissage du langage et de la lecture peut contribuer à améliorer toute une gamme de compétences non musicales. L ’auteure précise que la capacité de la musique à stimuler et à modifier les fonctions du cerveau peut être employée pour améliorer d’autres capacités non musicales telles que le mouvement, le langage ou la mémoire. Elle explore les preuves fournies par les neurosciences concernant l’impact de l’apprentissage de la musique sur le développement du langage, le développement intellectuel, la créativité, la confiance en soi, la sensibilité émotionnelle, la concentration, le travail en équipe, et le bien-être: “non seulement la formation musicale mais aussi la simple exposition à la musique pourraient moduler les réactions cérébrales et influencer positivement les fonctions non musicales aux niveaux à la fois comportemental et fonctionnel.” (Ferreri, 2017, pp.58-59). Ainsi, nous pouvons ici faire le lien avec le souhait d’intégrer la musique dans les pratiques du professeur documentaliste, qui rentre dans les compétences communes des enseignants présentées dans la circulaire de 2013:
Connaître les élèves et les processus d’apprentissage. Connaître les concepts fondamentaux de la psychologie de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte. Connaître les processus et les mécanismes d’apprentissage, en prenant en compte les apports de la recherche. T enir compte des dimensions cognitive, affective et relationnelle de l’enseignement et de l’action éducative (MEN, 2013).
B. Hourst, en parlant de ce qu’il appelle “l’intelligence musicale/rythmique” nous dit que “si cette capacité n’est pas suffisamment développée, l’on perd une partie des richesse transmises par les sons, à travers les sons organisés comme dans la musique ou les infinies variations de langage”. Il ajoute que les individus sensibles au pouvoir émotionnel de la musique, au son des voix et à leur rythme sont aussi ceux qui saisissent plus facilement les accents d’une langue étrangère (Hourst, 2002, p.85), d’où l’importance d’exposer les élèves à l’écoute musicale. Chaque langue comporte son système phonologique marqué par son rythme, ses intonations et ses accents. Ainsi lorsqu’on parle de mélodie, d’accent, de rythme, on peut associer ces thèmes aussi bien à la musique qu’à la langue comme nous le dit la professeure de Philologie Française et Romaine Anna Corral Fulla dans sa Méthodologie musicale et enseignement-apprentissage du FLE (Corral Fulla, 2008).
Le neurologue Oliver Sacks partage cette idée dans Musicophilia dans lequel il écrit : “parler ne consiste pas uniquement à prononcer une suite de mots dans l’ordre idoine : des inflexions, des intonations, un tempo, un rythme et une mélodie sont également nécessaires” (Sacks, 2009, p.266).
Diffuser et transmettre la musique dans un CDI
Une politique d’acquisition spécifique: vers une politique musicale
Il ressort de mes différentes lectures que la musique peut favoriser la réussite scolaire des élèves, tout en leur offrant une ouverture sur le monde et en pouvant jouer un rôle dans leur capacités d’apprentissage et dans leur épanouissement. Pour cela, veiller à la diversité des ressources disponibles au CDI à travers une politique documentaire spécifique est primordial; j’emprunte ici le terme de “politique musicale” que Pierre Carvalho utilise dans la conclusion de son mémoire intitulé Le professeur documentaliste, un médiateur culturel qui accompagne le développement des pratiques et des médiations musicales en milieu scolaire (Carvalho, 2020).
Dans ses missions, le professeur documentaliste constitue et fait évoluer le fonds documentaire de l’établissement scolaire dans lequel il est en poste. Il organise les ressources papier et numériques qu’il met à la disposition des élèves, mais aussi de l’ensemble de la communauté éducative en suivant leurs besoins, leurs demandes et les programmes scolaires (MEN, 2017). Définir une politique documentaire, c’est considérer le document comme un outil au service des apprentissages scolaires, et donc au service de la réussite de tous (Marchese, 2012, p.2). La politique documentaire définit des objectifs en lien avec les caractéristiques de l’établissement et elle recouvre la politique d’acquisition, la politique de conservation, et la politique d’accès. Dans ce contexte, il est utile de se poser la question de la place à accorder aux ressources musicales dans un CDI. Par ressources musicales, j’entends d’une part les ressources audio, telles que les livres audio et les CD, et les ouvrages qui traitent du thème de la musique d’autre part.
Il convient de préciser que l’acquisition de documents est soumise au budget qui est accordé au CDI, et que le chef d’établissement est l’ordonnateur des dépenses. Les budgets des CDI sont disparates d’un établissement à l’autre (F ABDEN, 2015).
J’ai moi-même sélectionné une liste d’ouvrages qu’il serait possible d’intégrer au fonds documentaire d’un CDI dans la démarche d’avoir plus de documents traitant du sujet de la musique . La voix tient un rôle central dans les pratiques musicales de la classe, et aussi dans des prestations orales de tous les jours et c’est pourquoi j’ai notamment intégré dans cette sélection des documentaires sur la technique vocale.
J’ai aussi sélectionné quelques livres audio musicaux car ils permettent de varier les pratiques et de mobiliser l’attention des élèves de façon différente et l’écoute peut être davantage profitable aux élèves à besoins éducatifs particuliers. Les ouvrages que j’ai sélectionné sont variés: documentaires, BD, livres audios, afin de correspondre à tous les profils d’élèves et d’éveiller leur curiosité par différentes manières.
Dans une démarche d’intégration de CD au CDI, il est certain que le choix des titres doit dans un premier temps correspondre au programme d’éducation musicale et donc être décidé avec les enseignants d’éducation musicale. L’éducation musicale est une discipline de formation générale obligatoire pour tous les élèves du cycle 2 à la fin du cycle 4. Les enseignements artistiques proposés au lycée s’inscrivent dans la continuité de ceux suivis dans le cadre de la formation générale obligatoire, et s’enrichissent des expériences proposées par des dispositifs d’EAC. L ’enseignement optionnel de musique en seconde est destiné aux élèves qui souhaitent poursuivre et approfondir la formation suivie précédemment au collège, quel que soit leur parcours musical personnel. A partir de la classe de première, les élèves peuvent choisir de faire de la musique au lycée en suivant l’enseignement optionnel et/ou de spécialité.
Les enjeux et objectifs de ces enseignements sont regroupés dans une présentation synthétique publiée sur Eduscol.
Parmi les compétences travaillées dans ces enseignements, les élèves doivent être capables de problématiser et de mener une recherche documentaire, d’argumenter et de débattre, de construire un commentaire d’écoute argumenté. La recherche documentaire fait partie à part entière des champs à travailler dans ces enseignements, et le CDI s’avère donc être un lieu clé pour mener à bien ces recherches. Le rôle du professeur documentaliste consiste ici à enrichir la réflexion et les intentions des élèves à travers des documents appropriés. Il peut également imaginer des solutions pour répondre aux enjeux de la médiation d’un projet et aider les élèves à évaluer le contexte culturel local. En plus de l’enseignant de musique, le professeur documentaliste est une personne à solliciter dans le cadre de réalisation de projets musicaux puisqu’il a les compétences pour apprendre aux élèves à s’informer , sélectionner , hiérarchiser le contenu des éléments ressources. Proposer des ressources variées les engage vers l’ouverture culturelle, et peut les guider dans leur choix d’études supérieures.
Je suis persuadée que proposer des ressources audio et musicales, ainsi que des ouvrages documentaires sur le thème de la musique au CDI peut être très enrichissant pour les élèves, mais il est néanmoins nécessaire d’assurer une médiation des ressources mises à disposition pour permettre leur exploitation en autonomie ou en classe, et donc, cette médiation devra s’adresser aux élèves mais aussi aux différents enseignants. Les ressources musicales devront être mises en avant au CDI, grâce à une présentation adéquate, qui invitera les élèves et les enseignants à les découvrir et les emprunter . Il serait donc judicieux de créer une “mise en scène” autour des ressources musicales, en choisissant un meuble présentoir dédié pour les valoriser et en investissant dans un bac à CD, qui pourra être customisé par des élèves soit dans le cadre d’un club pendant la pause méridienne, soit en collaboration avec l’enseignant d’art plastiques par exemple. Si le budget accordé au CDI ne permet pas d’acquérir certains CD, le professeur documentaliste peut proposer une liste de sites web donnant accès à ces ressources légalement et la diffuser sur le portail documentaire pour que tous les élèves y aient accès. Par exemple, la plateforme en ligne Padlet permet de créer et de partager un mur de ressources et de le partager en ligne. Cette liste peut également être complétée de divers sites proposant par exemple l’écoute de concerts en ligne.
Conclusion
“La pratique musicale développe des capacités cognitives et perceptives non spécifiquement musicales. T ous ces résultats devraient inciter le monde de l’éducation à accorder un rôle beaucoup plus important à l’enseignement de la musique. La musique devrait cesser d’être une discipline négligée dans le cursus scolaire. Sans bouleverser les emplois du temps des élèves et à peu de frais, on pourrait favoriser cette activité sociale et ludique qui, en même temps qu’elle crée des millions de nouvelles connexions dans le cerveau renforce les liens (et des liens de qualité) entre les hommes” (Schon, 2018, pp.122-123).
On pourrait avoir l’impression que la musique est une activité secondaire, mais en réalité, elle met en jeu les compétences nécessaires à la réussite scolaire que sont l’écoute, la concentration et la prise en compte des autres. La musique est l’une des rares disciplines scolaires où les domaines cognitifs, affectifs et psychomoteurs sont imbriqués. Mes recherches ont validé mon postulat selon lequel il serait intéressant d’utiliser la musique comme stimulant et accompagnement dans les apprentissages, en la mobilisant dans d’autres cours que l’éducation musicale. La musique pourrait avoir un rôle important sur la gestion de classe en créant un climat favorable aux apprentissages. De plus, la musique peut être une source de sociabilité et créer des liens entre les élèves grâce au partage. Elle trouve sa place au CDI et dans les pratiques du professeur documentaliste puisqu’elle contribue à l’ouverture culturelle et à l’enrichissement du fonds documentaire. Elle permet aussi de coopérer , sur la base du projet d’établissement, et dans le cadre du PEAC, avec des structures culturelles, une autre mission commune des enseignants et des personnels de l’éducation. Le référentiel métier précise également que “les professeurs et les personnels d’éducation font partie d’une équipe éducative mobilisée au service de la réussite de tous les élèves dans une action cohérente et coordonnée”, et c’est pourquoi qu’en tant que professeure documentaliste, il faut que j’inscrive mes actions autour de la musique comme accompagnement dans les apprentissages, et même comme un véritable outil d’apprentissage, dans un cadre collectif, au service de la complémentarité et de la continuité des enseignements.
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Table des matières
Introduction
1. Le CDI comme lieu de l’ouverture culturelle: quelles perspectives pour la musique ?
1.1. L’éducation artistique et culturelle, un outil essentiel dans la construction des individualités et du vivre ensemble
1.2. Des défis pour donner place à la culture musicale dans l’éducation
1.3. Renouveler les pratiques grâce à la modification des espaces: la co-existence d’un espace silencieux et d’un espace sonore au CDI
2. Les bénéfices de la musique sur les capacités cognitives et ses effets sur les capacités d’apprentissage des élèves
2.1. Les pouvoirs de la musique sur le cerveau
2.2. La musique comme apport original au développement de compétences transversales
2.3. La musique pour permettre la réussite scolaire de tous
3. Diffuser et transmettre la musique dans un CDI
3.1. Une politique d’acquisition spécifique: vers une politique musicale
3.2. Les différents moyens de diffusion et d’écoute de la musique et leurs réglementations dans l’espace public
3.3 Promouvoir la musique en milieu scolaire grâce à des partenariats
Conclusion
Bibliographie
Index des tableaux et des figures
Annexes
Résumé
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