L’éducation à l’image animée et par l’image animée
Film d’animation et éducation : un parodoxe ?
« Il y a toujours une sorte de paradoxe à vouloir éduquer au cinéma alors que le cinéma apparaît très volontiers comme quelque chose à quoi on a affaire à côté de l’éducation, hors de l’école. Beaucoup de scènes de films le montrent, à commencer par celles où l’on voit le jeune Antoine Doinel dans Les 400 coups sécher les cours pour aller au cinéma. » Emmanuel Burdeau, journaliste et critique de cinéma.
Si le cinéma est pourtant bien le 7eme art, il est souvent considéré comme un divertissement et le cinéma d’animation certainement encore davantage. Pour beaucoup, le film d’animation souvent catégorisé en « dessin animé » est principalement perçu comme un divertissement peu digne d’entrer dans la sphère éducative. Pourtant ce média porte l’intérêt de mêler l’affectif, le culturel, le communicatif et l’intellectuel. Ce qui peuvent être des sources très riches à exploiter à l’école. De plus c’est un média bien connu des enfants, il fait partie de leur culture, de leur quotidien. Tous les enfants de ma classe regardent des dessins animés en dehors de l’école (sur des chaînes de télévision, via dvd, internet, au cinéma…) Pourquoi ne pas se saisir de « cet outil » de leur quotidien pour l’introduire dans la classe afin de proposer des apprentissages ? D’autant plus, qu’il n’est pas à prouver que la réussite scolaire d’un enfant dépend beaucoup de la compréhension du sens donné à l’enseignement par l’enseignant. Pour certains enfants la culture de l’école est très opaque et les apprentissages mis en place ne prennent, hélas, pas sens dans leur vie quotidienne. De fait, ouvrir l’école à la culture de l’élève permet de raccorder les apprentissages scolaires à la vie hors de l’école et donc d’y mettre du sens . Les élèves se mobilisent bien mieux lorsque le sens des apprentissages est clair pour eux. C’est un fait que j’ai pu apprécier au sein de ma classe lorsque nous avons travaillé sur l’élaboration d’un film d’animation à partir du conte Le bonhomme de pain d’épice. D’autre part, le cinéma d’animation revêt des formes variées (suite de prises de vues dans un décor stop motion, dessins animés via celluloid, animation en 3D sur ordinateur, peinture ou autre sur pellicule, intégration de différents éléments plastiques, collage, couleur, noir et blanc, éléments en 2D, en 3D réels ou virtuel, avec des sons, de la musique, des paroles …) qui peuvent être très riches et permettre notamment une réflexion sur leur formes artistiques en lien avec les arts visuels et sonores. De plus, au même titre qu’un album jeunesse, le film d’animation permet de travailler sur la narration. Il fait parler : raconter, imaginer. Il peut être support de langage et ainsi participer pleinement à la priorité de l’école maternelle, l’acquisition du langage. Ce décryptage de l’outil « film d’animation » pour aider l’enfant à y trouver des sources de connaissances, d’apprentissages est tout à fait possible à l’école en accordant de l’importance au temps qu’il faut pour comprendre et apprendre en allant au delà de l’immédiateté d’un visionnage, en prenant le temps de revoir les films, en verbalisant, en créant autour du film. Enfin l’exploitation du film d’animation en classe contribue aussi à la formation de spectateurs actifs, critiques ; et ce dès la maternelle où l’enfant va pouvoir commencer à argumenter pour justifier son point de vue. Or l’éducation à l’image (fixe ou animée) est un enjeu réel du système éducatif puisque que nous évoluons dans un univers envahi d’images.
Sensibiliser à l’image animée : former l’esprit critique
« L’enjeu fondamental de ce que peut enseigner l’univers des images : donner des repères simples pour s’y retrouver dans le déversement iconographique sans limites et savoir, basiquement, analyser. » Laurent Gervereau, historien, spécialiste de l’analyse d’images. L’éducation à l’image pourrait être cela, « donner des repères simples pour s’y retrouver ». Et cette éducation devrait commencer des le plus jeune âge. Françoise Soury-Ligier, conseillère pédagogique, écrit dans Parle petit, la télé t’écoute ! « Si l’image fait parler les adultes, elle fait aussi parler les enfants. » L’utilisation de film d’animation peut permettre de travailler dès la maternelle sur la lecture d’image, commencer à comprendre qu’une image, un film c’est un regard particulier, construit, qui exprime quelque chose, qui ne représente pas fidèlement la réalité. De plus les enfants peuvent rapidement se rendre compte lors de discussions que l’on peut avoir des avis différents sur un film, qu’il y a autant d’interprétations possibles qu’il y a de spectateurs. Il est nécessaire de dépasser le simple « j’aime », « je n’aime pas » en proposant d’argumenter ses choix. C’est une aptitude qui prend du temps à se mettre en place. Au sein de ma classe, par exemple, nous assistons régulièrement à des projections de courts métrages diffusés par la cinémathèque de Paris ; à la suite de ces séances, nous faisons systématiquement un retour oral en discussion et en dictée à l’adulte sur ce qu’ils ont vu (pour transmettre aux parents). Les élèves au début de l’année disaient simplement s’ils avaient aimé tel ou tel film. Maintenant ils expriment davantage ce qu’ils ont aimé ou pas aimé dans le film et parfois pourquoi (« parce qu’il me fait peur » « parce qu’il est beau »…), « . Pour aller audelà de l’appréciation j’aime /je n’aime pas, il faut prendre le temps de travailler sur ce qu’ils retiennent de l’histoire, la compréhension, les images du film, sur ce qu’ils ont ressenti… On s’aperçoit ici que le film d’animation peut être un média susceptible de favoriser le débat, la discussion, la construction et l’échange de points de vue mais il faut pour cela aborder le contenu et la forme du film afin de relativiser les premières émotions de chacun. Pour le conseil supérieur d’éducation aux médias de Belgique, le cinéma est un outil d’éducation à la démocratie et au « vivre ensemble». Il différencie l’éducation par le cinéma lorsqu’un film est utilisé pour illustrer un propos et l’éducation au cinéma qui permet de comprendre qu’un film est une construction d’images et de sons réalisée par quelqu’un qui a un point de vue spécifique dans un contexte particulier qui donne du sens au film. Ainsi l’éducation au cinéma favorise une approche active et critique de l’image animée de la part du spectateur. Pour ce conseil supérieur, l’éducation au cinéma vise deux objectifs : rendre le spectateur capable d’affiner son jugement, de cultiver son plaisir mais aussi acquérir les compétences nécessaires à l’expression et la communication par l’image animée. Cette année, avec les élèves de moyenne section, nous avons visionné des films permettant d’introduire un propos ou de prolonger un travail, nous avons aussi fabriqué un court film d’animation ce qui a permis aux élèves d’aborder concrètement et techniquement cet outil et nous avons étudié plus profondément un court métrage d’animation. Ces différentes utilisations du film animé ont concouru à une sensibilisation à l’image animée.
L’image animée et les instructions officielles
Quels sont les positionnements et recommandations officielles concernant le film d’animation à l’école et plus précisément en cycle1 ?
Politique d’éducation artistique et culturelle
Depuis plusieurs décennies, la place de l’éducation artistique et culturelle dans la scolarité a une importance certaine aux yeux du gouvernement. Selon des propos rapportés par le journal Libération le 14 décembre 2000, Jack Lang alors ministre de l’éducation nationale dit : « Il y a une ardente obligation à mettre l’éducation artistique et culturelle au coeur de l’école: «elle permet l’ouverture et le renouvellement des cadres de pensée […], met en jeu des compétences particulièrement riches: sens du projet, démarche de recherche, pensée conceptuelle intuitive et non seulement déductive, registre de l’émotion comme mode de perception, importance accordée au temps « long » […], qui inclut l’étude, la réflexion, la méditation.»
Dans ce même article le journaliste ajoutait : « Même mobilisation à la Culture, qui a dégagé cinq priorités: ouverture vers des domaines largement ignorés par l’école, comme l’histoire de l’art, le cinéma, le patrimoine ou l’architecture » Dans les année 2000, on commence alors à accorder davantage d’importance à la place du cinéma à l’ecole, même si des dispositifs avaient déjà commencé à voir le jour comme « Ecole et cinéma ».
Les ministères de l’éducation nationale et de la culture et de la communication œuvrent en commun pour un plan d’ampleur en matière d’éducation artistique et culturelle à l’école.
Depuis la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013, l’éducation artistique et culturelle devient une priorité pour la jeunesse. Et notamment suite aux attentats de 2015, le gouvernement a décidé de renforcer l’EAC, en donnant la priorité aux pratiques artistiques collectives dès le plus jeune âge, ainsi que l’éducation aux médias et à l’information. L’éducation à l’image animée y participe donc pleinement. Depuis la rentrée 2015 le parcours d’éducation artistique et culturel est mis en place du CP à la Terminale (peut débuter en maternelle). Ce parcours conjugue des connaissances, des pratiques et des rencontres organisées dans le domaine des arts et de la culture. Il permet à tous les élèves de se constituer une culture personnelle riche et cohérente tout au long de leur scolarité, de développer et renforcer leur pratiques artistiques, de permettre la rencontre avec les artistes et les œuvres. La sensibilisation au film d’animation dès la maternelle entre dans l’élaboration de ce parcours pour les élèves.
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Table des matières
Introduction
I. L’image animée et l’école
1. L’éducation à l’image animée et par l’image animée
1.1. Film d’animation et éducation : un paradoxe ?
1.2. Sensibiliser à l’image animée : former l’esprit critique
2. L’image animée et les instructions officielles
2.1. Politique d’éducation artistique et culturelle
2.2. Les images animées dans les programmes de maternelle
3. Etat des lieux des actions en maternelle
3.1. Le dispositif Ecole et cinéma
3.2. Des initiatives ponctuelles
II. Les enjeux pédagogiques et didactiques du film d’animation en maternelle
1. Sensibiliser à la technique de l’image animée en maternelle
1.1. Introduction : image fixe / image animée
1.2. Le contenu du film : fabrication des personnages et du décor de l’histoire :
1.3. La réalisation technique du film : prises de vues, enregistrement sonore, montage
1.4. Conclusion sur la sensibilisation à la technique du film d’animation
2. L’éducation à l’image animée et par l’image animée
2.1. Quel film ? Quel objectif ?
2.2. La progression progression proposée
2.3. Conclusion sur le travail de compréhension d’un film d’animation
3. Le film d’animation, inducteur d’activités ciblées, décrochées
3.1. « Bottle et la dissolution » Explorer le monde de la matière
3.2. « Bottle et atelier philo sur l’amitié » Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions : l’oral
3.3. « Bottle et la correspondance » Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions: l’écrit
3.4. Conclusion sur le film d’animation support d’activités décrochées
III. le rôle essentiel de l’enseignant Dans L’exploitation des films d’animation
1. S’appuyer sur ses compétences d’enseignant
1.1. polyvalence et créativité
1.2. Orienter le choix et l’exploitation d’un film
1.3. Développer des compétences transversales
2. Envisager des prolongements possibles
2.1. Un outil adapté aux différents niveaux scolaires
2.2. Une expérience à intégrer dans le parcours d’education artistique et culturel
2.3. Développer le partenariat
Conclusion
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