L’écriture aragonienne et Pintertextualité

L’écriture aragonienne et Pintertextualité

/soleil noir/ : intertexte obligatoire de Blanche ou l’oubli

Cette « constante formelle », les analyses de Riffaterre l’identifient dans des textes brefs, souvent des sonnets. Ces derniers composent avec des règles strictes, tout en s’écrivant contre ou avec des clichés poétiques, fut-ce dans l’horizon d’attente du lecteur. Ma thèse est qu’une telle constante, le signe /soleil noir/, est également à l’œuvre dans Blanche ou l’oubli, garantissant la lecture littéraire et se rendant nécessaire, de ce fait, à la production du texte. Il m’apparaît sensé de poser, d’entrée de jeu, que pour générer la production d’un roman, un intertexte obligatoire doit être suffisamment fort «pour en autoriser le décodage selon la double référence », c’est-à-dire qu’il doit agir à la fois sur le sens intertextuel et le sens contextuel. Cela suppose donc : 1) que le cliché, l’intertexte obligatoire, soit un signe largement motivé dans la culture; 2) qu’il soit déjà présent de manière significative dans le texte aragonien; 3) que les sens contextuels des intertextes et du texte dans lesquels ils s’intègrent présentent suffisamment de relations de similarité au
delà des extraits cités. Pour répondre, dans l’ordre, à ces conditions de départ, j’entends montrer que l’intertexte obligatoire de Blanche ou l’oubli est un signe fondamental dans la culture occidentale. Nous verrons que sa présence est évidente dans l’œuvre d’Aragon et que les intertextes dont il conditionne l’intégration au texte, « gouvern[ant] le déchiffrement du message dans ce qu’il a de littéraire» (Riffaterre, 1980 : 5) ont tous pour visée la représentation de la désillusion. Par la suite, nous montrerons comment l’intertexte obligatoire conditionne l’intégration des greffes intertextuelles importantes de Blanche ou l’oubli. Celles-ci sont issues de trois sources : Salammbô et L’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert, Hyperion d’Hôîderlin et Luna Park d’Eisa Triolet. Je n’ai pas retenu Luna Park pour deux raisons : explicites, ses greffes rne paraissent circonscrites à un niveau actantiel; ensuite, intertextes aléatoires, elles n’ajoutent à la production du texte qu’un appui biographique.
Le troisième chapitre sera consacré à la lecture de l’intertexte flaubertien. À partir d’une non-grammaticaîité précise, par laquelle se révèle le rôle de /soleil noir/ entre Blanche ou l’oubli et Salammbô, je tenterai de montrer que le texte de Flaubert signifie ici, avant toute chose, la compromission de l’idéal politique. Le quatrième chapitre, enfin, s’attachera à prouver que l’intertexte hôlderlinien marque un pas de plus dans la représentation de la désillusion qui travaille l’écriture aragonienne à partir de 1956. Toujours structurée par î’intertexte obligatoire, c’est alors les
mots d’un écrivain allemand, publiés aux lendemains de la bataille de Valmy, qui font du roman d’Aragon une synthèse critique de cette désespérance (Musset).

Le soleil de la mélancolie

Ce chapitre sera consacré à commenter, d’abord, îa première trace explicite de /soleil noir/ en français, pour ensuite montrer son importance dans le texte d’Aragon. Mentionnons d’entrée de jeu que cet intertexte obligatoire s’associe à la figure poétique de l’oxymore. L’oxymore, on le sait, est un trope dont la particularité est de concilier des opposés : Y « obscure clarté qui tombe des étoiles » de Corneille, le parti canadien Progressiste-Conservateur en sont des exemples. Figure, comme nous le verrons, qui s’inscrit à la croisée des axes du langage comme au seuil des discours, î’oxymore paraît de fait extrêmement fécond. N’y a-t-il pas au cœur même du projet de la modernité politique un oxymore, celui qui nous commande d’être libres et égaux*? L’espace du trope schizoïde s’ouvre ainsi paradoxalement sur la conjonction, peut-être parce qu’il s’inscrit comme le
symbole universel de l’irrémédiable divorce entre l’individu et la cité, entre l’idée et l’écrire. En ce sens, /soleil noir/ rejoint l’un des principaux conflits à l’oeuvre tant chez les romantiques que chez Aragon. Rassemblement décisif où la littérature française naît, en quelque sorte, d’elle même, le romantisme, par la plume de son observateur le plus aiguisé, reprend l’image solaire pour décrire ce fameux mal qui permettra à d’aucuns de lui opposer un art prétenduement sain. Je veux parler de La Confession d’un enfant du siècle (1836) d’Alfred de Musset, dont le deuxième chapitre s’ouvre en assimilant Napoléon, présenté comme un surhomme avant la lettre, et ses soldats eux-mêmes à la métaphore solaire. Pendant les guerres de i’Empire, tandis que les maris et les frères étaient en Allemagne, les mères inquiètes avaient mis au monde une génération ardente, pâle, nerveuse. Conçus entré deux batailles, élevés dans les collèges aux roulements de tambours, des milliers d’enfants se regardaient entre eux d’un œil sombre, en essayant leurs muscles chétifs. De temps en temps leurs pères ensanglantés apparaissaient, les soulevaient sur leurs poitrines chamarrées d’or [c’est moi qui souligne], puis les posaient à terre et remontaient à cheval. […]
Et pourtant jamais il n’y eut tant de joie, tant de vie, tant de fanfares guerrières dans tous les cœurs; jamais il n’y eut de soleils si purs que ceux qui séchèrent tout ce sang. On disait que Dieu les faisait pour cet homme, et on les appelait ses soleils d’Austerlitz. Mais il les faisait bien lui-même avec ses canons toujours tonnants, et qui ne laissaient de nuages qu’aux lendemains de ses batailles. (Musset, 1973 : 2021) Les poitrines chamarrées d’or, les pères, figures solaires, stoppent à peine leur course, leur révolution, pour porter leur descendance sur leurs épaules, puis s’en retournent combattre. Les fils sont assimilés à une « génération ardente, pâle, nerveuse ». L’accumulation des adjectifs, ici, me semble procéder d’un ordre inverse à celui de la description des pères héroïques, puisque « ardent », mis sur le même plan que la carnation (« pâle ») et la
complexion (« nerveuse »), ne saurait renvoyer uniquement à un trait de personnalité actif, mais à une caractérisation de l’intériorité. Comme dans le cas d’une fièvre ou, mieux, d’une chapelle ardente, l’épithète, ici, caractérise moins l’objet qu’il ne souligne ce qui l’entoure, et l’« œil sombre » de cette « génération ardente », siège de la cérébralité, s’oppose à la poitrine éclatante des pères « ensanglantés », siège du cœur.

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Table des matières

Résumé
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : L’écriture aragonienne et Pintertextualité
1. La réception de Blanche ou l’oubli ‘
2. Du diaîogisme à Pintertextualité
3. Michael Riffaterre : vers une grammaire du Texte
4. /soleil noir/ : intertexte obligatoire de Blanche ou l’oubli
Chapitre 2 : /soleil noir/ dans le texte d’Aragon
1. Le soleil de la mélancolie
2. L’écriture ou l’oubli
3. /soleil noir/ ou Marie-Noire
Chapitre 3 : Le nom MataHarietl’intertexteflaubertien
1. Marie-Noire ou ma mémoire
2. Mata Hari ou un incipit à Salammbô
3. L’émergence du biographique
4. Le nom Schahabarim
Chapitre 4 : La grandeur du temps ou l’intertexte holderlinien
î. Hyperion ou l’idéal politique
2. Œdipe ou le prix de la conscience
Conclusion
Bibliographie

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