L’écrit vu par les apprenants et les enseignants
L’écrit joue un rôle important dans la réussite et l’ascension de l’échelle sociale des individus, aussi bien dans le milieu éducatif que professionnel. Par ailleurs, il est difficile d’imaginer, dans une société où l’écrit est omniprésent, une personne réussir socialement, sans en avoir la moindre maitrise. De même qu’il est impossible, pour un apprenant, de suivre une scolarité avec des chances de réussite suffisantes, sans cette connaissance indispensable. Les travaux réalisés par certains chercheurs tel que Christine BARRE-DE MINIAC1 , dans ce domaine, ont confirmé la liaison entre la notion de représentation et celle de l’écrit, laquelle permet d’appréhender le rapport que les élèves entretiennent avec ce dernier, dans un contexte scolaire bien défini, d’autant plus qu’ils se voient toujours proposer diverses tâches d’écriture. En effet, la notion de représentation, à son tour, est de plus en plus présente dans le champ des études didactiques (et linguistiques); elle joue un rôle important dans l’enseignement-apprentissage, comme le souligne ces propos de Christine BARRE-DE MINIAC : « la notion de représentation s’avère utile pour une meilleure connaissance et une meilleure compréhension du rapport à l’écriture et de sa construction . » En ce qui nous concerne, le présent travail se propose d’identifier et d’analyser les représentations de l’écrit chez les élèves de la troisième année secondaire, en se référant, essentiellement, aux travaux de Christine BARRE-DE Miniac. On conçoit donc aisément qu’il s’inscrit dans le champ de la didactique de l’écrit. Le choix de ce sujet de recherche trouve sa justification dans des raisons scientifiques, d’abord, personnelles, ensuite. En premier lieu, l’écrit étant une pratique constante, dans le milieu scolaire, les recherches qu’on lui consacre gardent un intérêt intact, alors même que de nombreuses études existent déjà. Citons, par exemple, les travaux de Sandrine Onillon et de Christine BARRE-DE MINIAC,ainsi que le colloque organisé par Dufays et Thyrion, en 2004 .
Ensuite, l’enseignement apprentissage algérien est évolutif, dans la mesure où son histoire témoigne d’une série de changements dont l’un des plus marquants est la réforme de 2002. Cette dernière qui a été signée, on le rappelle, par l’ancien ministre de l’éducation, BENBOUZID5 a permis l’introduction de l’approche par compétence. L’approche par compétence est une méthodologie éducative centrée sur l’apprenant, plus précisément sur ses besoins en communication englobant l’oral et l’écrit, ce qui est important dans un contexte scolaire et extra scolaire. Enfin, notre expérience dans le milieu scolaire, nous a permise observer que beaucoup d’apprenants appréhendent l’épreuve de l’écrit, en outre, la troisième année secondaire est une année charnière qui est sanctionnée à la fin par l’examen du baccalauréat : « Elle est une année qui parachève le cycle scolaire, elle a pour but de finaliser les apprentissages du cycle et de préparer l’apprenant à l’examen du baccalauréat ».
la didactique de l’écrit et les représentations sociales de l’écrit
Dans ce présent chapitre, nous tenterons d’abord de définir les notions en relation avec notre sujet de recherche, notamment la notion de l’écrit, le rapport à l’écrit, les représentations et la motivation. Ensuite, nous expliquerons l’organisation et la structure des représentations sociales, ainsi, l’écriture comme objet de la représentation. Enfin, nous terminerons par les représentations et la psychologie cognitive où nous allons mettre l’accent sur l’approche par compétence.
La didactique de l’écrit
Didactique de l’écrit « constitue un domaine d’étude et d’applications dont les spécificités touchent différents composants constitutifs de tout ce qui est lié à la scripturalité : le sujet lisant/écrivant, le texte et le contexte» .
Définition de l’écrit
Depuis plusieurs décennies, l’écrit constitue l’une des préoccupations majeures de la didactique des langues. Les innombrables études qui lui sont consacrés en témoignent. Mais qu’entendons-nous par « écrit » ? Selon Cuq, l’écrit est un terme qui désigne : «l’inscription sur un support d’une trace graphique matérialisant la langue et susceptible d’être lu…» . Autrement dit, l’écrit est « la possibilité de représenter la langue orale par un système visuel» . BARRE-DE MINIAC, elle, considère l’écrit comme «un lieu de mobilisation et construction de connaissances sur elle-même et sur le monde pas seulement dans l’enseignement apprentissage» . Il faut noter que l’écrit ne se « réduit pas à un processus intégré dans l’apprentissage dont le but est la transmission des règles régissant la langue », mais il se définit aussi comme «une activité [mobilisant] l’individu dans sa dimension affective et singulière» . En conséquence, l’écrit n’a pas pour seul objectif la conservation d’un savoir ; il sert également à l’expression d’une pensée qui peut être singulière.
Cela est d’autant plus vrai, dans la mesure où l’écrit est représenté par plusieurs dimensions, il mobilise des savoirs sur la langue mais aussi des souvenirs, des connaissances acquises et construites sur le monde matériel et social » . Ce qui témoigne que la société joue un rôle très important. Yves Reuter définit l’écriture comme «…une pratique sociale, historiquement construite, impliquant la mise en œuvre, tendanciellement conflictuelle, de savoirs, de représentations, de valeurs d’investissement et d’opérations, par laquelle un ou plusieurs sujets visent à produire du sens linguistiquement structuré à l’aide d’un outil, sur un support, dans un espace socio – institutionnel donné » . L’écrit doit tenir compte des aspects sociaux et historiques qui se manifestent grâce aux savoirs, aux représentations et valeurs d’investissement et d’opérations Or, l’écrit comme nous l’avons abordé précédemment ne se résume pas à la maitrise des règles grammaticales, syntaxiques ou lexicales : elles sont certes indispensables mais l’environnement social et culturel de l’individu est aussi un point non négligeable. Ecrire c’est en premier lieu extérioriser ses pensées, c’est aussi mettre en œuvre ses acquis et ses connaissances, enfin c’est se dévoiler à soi et aux autres. L’écriture est donc une manifestation concrète reflétant l’aspect cognitif, affectif et social de l’être scripteur.
Le rapport des apprenants à l’écrit
Avant d’entamer la notion de rapport à l’écriture, nous allons d’abord commencer par définir la notion du « rapport à ». Cette dernière est considérée comme « […] une orientation ou disposition de la personne à l’égard d’un objet, en l’occurrence un objet social, historiquement construit en ce qui concerne ’écriture et à l’égard de la mise en œuvre pratique de cet objet dans la vie personnelle, culturelle, sociale et professionnelle». Donc, « le rapport à »est la disposition d’une personne vis-à-vis d’un objet social, construit individuellement et collectivement. Autrement dit, c’est « la relation entre l’environnement social et culturel d’une part, tel ou tel individu d’autre part » Pour décrire ce rapport à, nous nous sommes inspirée d’une notion, celle du rapport à l’écrit, tel que BARRE-DE Miniac l’a établie pour traiter les différentes facettes de l’écriture, en allant des dimensions les plus individuelles et singulières, jusqu’à celles collectives en relation avec l’appartenance de chacun à des groupes sociaux et culturels distincts : «L’ensemble des significations construites par le scripteur à propos de l’écriture, de son apprentissage et de ses usages. Significations singulières pour les uns, partagées par le groupe social pour d’autres, le groupe culturel pour d’autres encore. L’ensemble étant de toutes manières retravaillé, réorganisé par un sujet unique, ce que désigne le singulier de l’expression rapport à. » Le rapport à l’écriture désigne « des conceptions, des opinions, des attitudes et des représentations ». Il est sous une large dépendance des valeurs et des sentiments attachés à l’écriture. Il est à la fois lié avec la compétence scripturale et aux relations étroites avec des rapports à : au langage, au savoir, aux apprentissages, à l’école.
On peut considérer le rapport à l’écriture comme « une notion qui rassemble la somme des expériences d’écriture d’un individu à l’échelle de son existence : que celle-ci soit liée au contexte scolaire ou qu’elle comporte une dimension, moins institutionnelle, que cette expérience alimente une perspective cognitive, psychologique ou encore affective » . Cela veut dire que le rapport à l’écrit ne se développe pas seulement en relation avec les apprentissages scolaires ; il dépend, au contraire, d’une multitude d’autres facteurs (affectifs, psychologiques, sociaux et culturels). « Avec la notion de rapport à l’écriture on peut se situer du côté des processus pour observer et analyser ce que fait le sujet avec l’objet de l’écriture : la posture d’apprenti-scripteur, le traitement des savoir–faire appropriés, mais surtout l’effet des expériences scolaires et non scolaires . Notons que cette notion permet d’analyser comment les élèves perçoivent l’activité scripturale dans le cadre scolaire entre autre mesurer leur construction par rapport à leur propre conception de l’écrit .
la situation de l’écrit dans l’approche par compétence
Dans le domaine de l’enseignement de la langue, nous pouvons distinguer entre quatre sortes de compétences : La première compétence, la communication, vise à améliorer les capacités linguistiques acquises, à approfondir les connaissances liées aux sciences de la langue, à rationaliser ses rapports de la manière qui permet la communication et l’exploration des sentiments, émotions, des idées nouvelles afin de les exprimer facilement et clairement. La deuxième compétence qui est méthodologique, vise à améliorer l’usage des techniques et des habilités acquises et à les renforcer, comme les techniques de l’écriture et ses fonctions, ou à décomposer un récit et le recomposer ou à reconnaître sa forme. La troisième compétence qui est culturelle, vise à améliorer le bilan culturel de l’élève dans le domaine de langage et de la littérature d’une manière générale. La quatrième et dernière compétence liée aux valeurs affectives : Cette compétence est commune à toutes les formes d’enseignement de la langue; elle vise à : rendre l’élève capable d’accepter les activités éducatives et le sensibiliser à ses objectifs et leurs intérêts dans la vie sociale, d’exprimer son propre intérêt à la langue, ses problèmes liés à l’apprentissage de sa langue, d’acquérir des valeurs littéraire et artistiques exprimant ses sensations et ses goûts, de s’ouvrir à d’autres langues, à d’autres littératures et cultures, et de s’adapter aux valeurs humaines et spirituelles transmises par la littérature des différentes cultures de l’humanité.
Les représentations sociales
Définition de la notion représentations sociales
La notion de représentation est apparue en 1961, grâce à serge Moscovici qui l’a abordée en question dans son ouvrage intitulé la psychanalyse, son image et son public. Ainsi il la considère comme un moyen fondamental dans l’étude de la relation entre l’individu et l’environnement dans lequel il évolue. Selon lui, «En reconnaissant que les représentations sont à la fois générées et générantes, on leur enlève ce côté préétabli, statique, qu’elles avaient dans la version classique. Ce ne sont pas les substrats, mais les interactions qui comptent […]. Il s’agit de comprendre non plus la tradition mais l’innovation, non plus la vie sociale déjà faite mais une vie sociale en train de se faire ». Dans ce contexte nous comprenons que la notion de représentation sociale est l’interaction de l’individu avec le monde dans lequel il vit et qui peuvent être décrites comme des ’’univers d’opinions’’ (Moscovic, 1961), d’informations, de croyances relatives aux objets de l’environnement social. Comme le souligne Jean Abric : « Une représentation est un ensemble organisé d’informations, d’opinions, d’attitudes et de croyances à propos d’un objet donné. Socialement produite, elle est fortement marquée par des valeurs correspondant au système socio-idéologique et à l’histoire du groupe qui la véhicule pour lequel elle constitue un élément essentiel de sa vision du monde » , ou encore les représentations sociales sont «le produit ou le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel est confronté » .
Les caractéristiques d’une représentation sociale
Afin de mieux saisir ce concept des représentations sociales, nous allons suivre le même schéma de base sociale de Jodelet afin préciser leurs caractéristiques. Ce dernier a défini la représentation sociale comme « une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » « Elle est toujours représentation d’un objet D’après lui « la représentation sociale est le processus par lequel s’établit leur relation (objet-sujet) ». Donc on ne peut imaginer une représentation sans objet. Sa nature peut être très variée mais il est toujours essentiel.
-Elle a un caractère imageant et la propriété de rendre interchangeable le sensible et l’idée, le percept et le concept
Le caractère imageant renvoie à la face figurative de la représentation mais renvoie l’imaginaire social et individuel. Il permet à la représentation de fusionner percept et concept lui ajoutant le statut d’aide à la compréhension de notions abstraite.
-Elle a un caractère symbolique et signifiant
En plus de cette caractéristique, la représentation est symbolique car tout sujet symbolise l’objet qu’il interprète en lui donnant sens.
-Elle a un caractère constructif
La représentation construit la réalité sociale. Pour Abric, « toute réalité est représentée, c’est-à-dire appropriée par l’individu ou le groupe, reconstruite dans son système cognitif, intégrée dans son système de valeurs dépendant de son histoire et du contexte social et idéologique qui l’environne » (Abric, 1994, p 12), L’étude des représentations permet de mettre en évidence que la pensée sociale élabore la réalité selon différents modèles.
-Elle a un caractère autonome et créatif
Elle a une influence sur les attitudes et les comportements, elle est autonome parce qu’elle ne se limite pas à un usage individuel ».
Conclusion
Pour répondre à notre problématique de recherche qui se base sur les représentations de l’écrit chez les troisièmes années secondaires, tout en recourant à nos hypothèses de départ. Nous avons recueillie des données à partir de l’analyse des entretiens exploratoires réalisés auprès des enseignants du secondaire et l’analyse d’un questionnaire distribué aux apprenants. Nous avons partagé notre travail en deux chapitres, le premier est consacré au cadrage théorique et le deuxième à l’analyse des données.
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Table des matières
Introduction
I) La didactique de l’écrit et les représentations sociales de l’écrit
I.1. La didactique de l’écrit
I.1.1. Définition de l’écrit
I.1.2. Le rapport des apprenants à l’écrit
I.1.3. La situation de l’écrit dans l’approche par compétence
I.2. Les représentations sociales
I.2.1. Définition de la notion représentations sociales
I.2.2. Les caractéristiques d’une représentation sociale
I.2.3. Les fonctions d’une représentation
I.2.4. Les différents éléments de représentation
I.3. Les représentations de l’écrit
I.3.1. Historique de la notion
I.3.2. Définition des représentations
I.3.3. Les formes des représentations
I.3.4. Les représentations en didactique
I.3.5. Ecriture comme objet de la représentation
I.3.6. La motivation de l’élève par rapport à l’écrit
I.4. Les représentations et la psychologie cognitive
I.4.1. Définition de la psychologie cognitive
I.4.2. Blocage cognitive
II) L’écrit vu par les apprenants et les enseignants
II.1. Le corpus en situation
II.1.1. Lieu de l’enquête
II.1.2. Le contenu du programme de la troisième année secondaire
II.2. Méthodologie de recherche
II.2.1. Présentation du corpus
II.2.1.1. Les entretiens exploratoires réalisé auprès des enseignants
II.2.1.2. Le questionnaire destiné aux apprenants
II.2.1.3. La grille d’analyse
II.3. Le cœur de l’enquête
II.3.1. L’écrit vu par les enseignants
II.3.2. L’écrit vu par les apprenants
II.4. Le bilan de l’analyse
II.4.1. Suggestions didactiques
Conclusion
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