L’économie sociale, le défi d’articuler l’économique et le social

L’économie sociale, le défi d’articuler l’économique et le social

Le mouvement de l’économie sociale (ES) se caractérise par les discours tenus par ses membres à propos de la cohérence recherchée entre des valeurs auxquelles ses militants ont historiquement adhéré et les pratiques socio économiques qu’elles accompagnent. Le jeu entre les valeurs affichées et les pratiques économiques a lieu dans des structures dont les statuts juridiques traditionnels sont ceux des associations, mutuelles et coopératives , appelées souvent « familles » au sein du mouvement. Leur fonctionnement est régi par des principes considérés par le mouvement comme contraires à ceux des entreprises capitalistiques : la libre adhésion ; la participation à la prise des décisions qui se veut démocratique (une personne une voix) ; la cotisation et la part sociale (respectivement droit d’accès aux services et titre de propriété sur une part du patrimoine de l’entreprise) ; la non-lucrativité (les réserves de l’entreprise associative sont impartageables) ; des bénéfices réinvestis dans l’entreprise afin de maintenir et développer son activité ; des statuts non immuables (Demoustier, 2001; Jeantet, 2004).

Selon Robert (2007, p. 15), le trait commun des entreprises réunies sous l’appellation ES serait leur « adhésion commune à la démocratie et à la primauté de l’objectif social sur la recherche du profit ». Pour Draperi (2009), dans ces structures, l’objectif social rejoindrait « la finalité de l’économie : l’émancipation des hommes et des femmes » (p. 198).

Pour Demoustier (2001), les missions des organisations de l’ES aujourd’hui seraient de « concilier l’autonomie individuelle et l’engagement collectif ; construire des identités sociales particulières et faire converger des intérêts dans une approche globale ; prendre en charge les coûts de la crise et assurer la promotion socio-économique ; accroître la richesse et démocratiser l’économie ; intégrer verticalement les activités et animer les hommes sur leurs territoires ; inscrire les entreprises dans une perspective locale, nationale et européenne » (p. 143).

Si les valeurs, finalités et missions du mouvement, telles qu’elles sont énoncées, invitent à y adhérer, il n’en reste pas moins vrai que des questions se posent au sujet de la difficulté évidente de leur mise en œuvre. Or, il semblerait que c’est sur les dirigeants de ces structures que repose en grande partie la responsabilité de trouver des voies concrètes à la réalisation de ces vœux. Et des études montrent que le défi est accepté non sans une certaine souffrance. (Betton, Cros, Rodriguez, & Thiévenaz, 2007; Brodiez, 2007; Lazuech & Darbus, 2010; Lazuech & Darbus, 2011) .

L’économie sociale : un mouvement économique, politique et idéologique

Economie sociale, le terme avant le mouvement

Le terme « économie sociale » apparaît pour la première fois en 1830 dans le « Nouveau traité d’économie sociale » de C. Dunoyer (Gueslin, 1987 ; Demoustier, 2001 ; Robert, 2007). Dans son ouvrage, Dunoyer s’interroge sur la manière dont l’industrie (savoir-faire) et la morale (savoir-vivre) contribuent à rendre l’homme libre. Il s’étonne du fait que « nous faisons aux arts de merveilleuses applications de la mécanique, de la chimie et des autres sciences naturelles, et nous ne songeons point à y appliquer la science des mœurs, qui pourrait tant ajouter à leur puissance » (p. 6). L’auteur considère qu’il y aurait un bénéfice social à rendre plus morale la production des richesses. Le terme « économie sociale » exprime ainsi l’opposition à l’idée dominante que « morale » et « production de richesses » peuvent fonctionner de manière disjointe .

Au contraire, Dunoyer (1830) affirme que « nous pouvons créer de la richesse en donnant de la valeur aux hommes, comme en en donnant aux choses » (p. 410).

Le terme a été employé ensuite lors des expositions universelles de Paris de 1867, 1889 et 1900, pour emphatiser l’idée de la nécessité des liens entre l’économie et la morale. Si, en 1867, F. Le Play, penseur de tradition chrétienne sociale, considère l’ES comme « la science de la vie heureuse », en se référant aux organisations patronales qui prennent en charge certains besoins de la classe ouvrière, le rapport présenté par A. Picard à la suite de l’exposition de 1889 identifie l’ES non seulement aux institutions créées par les patrons mais aussi à celles créées par les ouvriers, l’Etat, les villes et les particuliers. Dans ces derniers cas, les institutions considérées contribuent à l’amélioration de la condition matérielle, intellectuelle et morale des classes ouvrières.

Dans l’introduction à son rapport au sujet de l’exposition de 1900, C. Gide (1905, p. 4) déclare que « elle [l’ES] ne se fie point au libre jeu des lois naturelles pour assurer le bonheur des hommes, ni d’ailleurs aux inspirations du dévouement ou d’une vague philanthropie, mais elle croit à la nécessité et à l’efficacité de l’organisation voulue, réfléchie, rationnelle ». Dans ce même rapport, il donne aux patronages, aux associations (coopératives, mutualistes, syndicales) et à la règlementation publique (droit social) le statut « d’institutions de progrès social ». Cela se justifiait par le fait que ces institutions concourent à la satisfaction de besoins sociaux comme le confort, de bonnes conditions dans le régime du travail, la prévoyance et l’indépendance économique. Sont comprises donc, dans la dénomination ES, des modalités de prise en charge par l’Etat de certaines activités non marchandes (aides publiques) autant que des interventions des patronages (bienfaiteurs).

Il est intéressant de souligner que loin de les opposer, Gide (1905) considérait l’économie politique (marchande) et l’économie sociale comme deux « disciplines distinctes par leur domaine et par leur objet » (p. 4). En 1896, Léon Walras, économiste, décrivait l’économie sociale comme le domaine dans lequel l’Etat intervient pour répartir les richesses sociales et corriger les injustices propres au système concurrentiel de l’économie marchande (Vienney, 1994). Dans ce sens, la définition de Gide (1905) s’inscrit dans la continuité de celle de Walras et contribue à légitimer l’idée de complémentarité entre une économie dite « pure », dont l’objectif est la production des richesses où les hommes sont en rapport avec les choses, et l’économie sociale dont l’objectif est la justice sociale par le rapport des hommes entre eux (Demoustier, 2001). L’idée de la complémentarité entre les deux perspectives sera retenue par le mouvement au XXe siècle, car bien qu’il structure son identité autour d’un discours emphatisant l’opposition entre les entreprises capitalistiques et les entreprises de l’ES, le mouvement acceptera les prémisses du système capitaliste. Cette acceptation du système capitaliste lui sera d’ailleurs reprochée par le marxisme (Draperi, 2005).

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Table des matières

Introduction
1. L’économie sociale, le défi d’articuler l’économique et le social
1.1. Introduction
1.2. L’économie sociale : un mouvement économique, politique et idéologique
1.2.1. Economie sociale, le terme avant le mouvement
1.2.2. L’associationnisme, une origine commune
1.3. Les institutions de l’ES : trois « familles », trois histoires
1.3.1. Les coopératives
1.3.2. Les mutuelles
1.3.3. Les associations
1.4. Quand l’économie sociale devient économie sociale. Des années 1970 à nos jours
1.4.1. Les nouveaux acteurs de l’ES
1.4.2. Les enjeux actuels de l’ES
1.5. L’économie sociale, une culture ?
1.6. Conclusion
2. Les dirigeants de l’économie sociale : militants ou décideurs
2.1 Introduction
2.2 Les dirigeants aux origines du mouvement
2.3 Le XXe siècle, l’apparition du groupe social des « cadres »
2.3.1 L’absence de références sur les dirigeants de l’économie sociale
2.3.2 Evoquer les caractéristiques des cadres pour comprendre celles des dirigeants
2.4 Diriger, aspects généraux et spécificités de l’économie sociale
2.4.1 Que font vraiment les dirigeants ?
2.4.2 Quelle activité pour les dirigeants de l’économie sociale ?
2.5 Conclusion
3. Penser les constructions de sens et les événements marquants
3.1 Les constructions de sens : cadre épistémologique de la recherche
3.1.1 L’objet comme complexe
3.1.2 L’objet comme une activité portant sur d’autres activités
3.1.3 L’objet dans sa singularité
3.1.4 L’objet dans sa causalité historique
3.2 Les constructions de sens dans l’histoire professionnelle
3.2.1 Caractéristiques des constructions de sens
3.2.2 Les constructions de sens du point de vue diachronique
3.2.3 Construction de sens et la narration
3.3 Les événements marquants
3.3.1 Se souvenir des événements
3.3.2 Les caractéristiques des événements marquants
3.3.3 Evoquer les événements marquants
3.4 Les constructions de sens des dirigeants de l’économie sociale
3.4.1 La problématique et l’objet de recherche
4. Accéder aux constructions de sens et aux événements marquants
4.1 Contexte de réalisation de l’étude
4.2 Les outils de recueil des données
4.2.1 La compréhension de la culture par l’intérieur, l’approche ethnographique
4.2.2 Les entretiens sur les événements marquants
4.3 L’analyse des entretiens
4.3.1 Préparation des données brutes
4.3.2 Analyse narrative des récits
4.4 L’analyse de l’implication
4.5 Les critères de validation de la recherche
5. Singularité, rupture et réorganisations
5.1 Introduction : l’analyse des récits sur les événements marquants
5.2 Un discours sur soi en lien avec l’exercice du métier de dirigeant
5.3 Des expressions de la singularité du narrateur
5.3.1 L’utilisation de la première personne
5.3.2 L’inscription explicite dans sa biographie familiale
5.4 Des événements vécus comme faisant rupture dans l’histoire du narrateur
5.4.1 L’événement, un éprouvé de défi
5.4.2 L’enjeu de la transformation de soi
5.4.3 L’enjeu de la transformation de l’environnement
5.5 Des événements introduisant une réorganisation des modes de penser du sujet
5.5.1 L’énonciation de principes de comportement
5.6 Conclusion
6. Evénements marquants et culture
6.1 Introduction
6.2.1 S’inscrire dans l’histoire de l’organisation et inscrire l’organisation dans son histoire
6.2.2 S’inscrire dans un modèle d’action
6.2.3. S’appuyer et composer avec les instances collectives de décision
6.3.1. L’absence du « nous », la force du « je »
6.3.2. La violence des rapports de pouvoir
6.3.3. Les « vrais ennemis » du dirigeant
6.3.4. Devenir dirigeant, une trahison ?
Conclusion générale

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