La communication chimique chez les insectes
La communication des insectes entre eux et avec leur environnement est essentielle à l’insecte pour se déplacer, se reproduire, se nourrir ou survivre. Les insectes possèdent différentes facultés sensorielles qui leur permettent d’échanger des informations intra et interspécifiques via différents modes de communication. Parmi ces différents modes de communication (visuelle, tactile, sonore etc.), la communication chimique ou médiation chimique est principalement utilisée chez les insectes (Lenoir 2011). Elle implique la transmission d’informations par le biais de composés chimiques émis par un individu émetteur et modifiant le comportement et/ou la physiologie d’un ou plusieurs individus récepteurs (Brossut 1996).
Les composés sémiochimiques
Les composés chimiques communiqués d’un individu à l’autre sont appelés composés sémiochimiques, ils peuvent être émis par des plantes ou des animaux, dans le cadre d’interactions interspécifiques (composés allélochimiques) et intraspécifiques (phéromones) (Brossut 1996). (Figure I. 1). L’écosystème dans lequel évolue l’insecte contient de nombreux composés sémiochimiques et autres molécules volatiles formant un « paysage chimique ». Au sein de ce paysage chimique, l’insecte doit sélectionner les molécules ou complexes de molécules émis par la plante hôte ou par ses congénères, appelé signature chimique, pour s’orienter, se nourrir et/ou se reproduire (Byers 2007, Deisig et al. 2014). La détection des molécules ou complexes de molécules intéressantes pour l’insecte s’effectue au niveau du système olfactif propre à chaque espèce d’insecte et à leur sexe.
Evènements péri-récepteurs chimiosensoriels
Le déclenchement d’une réponse comportementale ou physiologique de l’insecte par le biais d’une molécule ou d’un complexe de molécules odorantes s’effectue par l’activation du neurone récepteur olfactif (olfactory receptor neurons ou ORNs). Il existe une grande diversité d’ORNs. De même que pour les sensilles, les ORNs étaient catégorisés selon le type de molécules auxquelles ils répondaient (phéromones, composés organiques volatils (COVs) etc.) (Vogt et al. 1991). Or Cattaneo et al. (2017) et Rouyar et al. (2015), ont montrés que des ORNs « spécifiques aux phéromones » pouvaient répondre à des COVs. Chaque ORN possède à sa surface dendritique de nombreux récepteurs olfactifs ayant une affinité avec une molécule odorante particulière. Pour atteindre la surface dendritique de l’ORN, les molécules odorantes hydrophobes doivent traverser la lymphe sensillaire aqueuse. Les Odorant binding proteins (OBPs) sont des protéines présentes dans la lymphe sensillaire qui se lient aux molécules odorantes et jouent un rôle essentiel pour transmettre leur message à l’ORN (Pelosi 1994). Les OBPs sont des chaines polypeptidiques simples (environs 150 acides aminés) caractérisées par six cystéines reliées par trois ponts disulfures (Breer et al. 1992, Sandler et al. 2000). On distingue différents groupes d’OBPs en fonction du type de molécule auxquelles elles se lient. Au sein de ces différents groupes d’OBPs, tel que pour les ORNs, il existe une grande diversité d’OBP, chaque OBP ayant une structure propre à la molécule odorante à laquelle elle se lie. Les OBPs possèdent de multiples fonctions décrites selon deux modèles (Picimbon 2002) .
Modèle de contact : Lorsque les tubules cuticulaires sont au contact direct des neurones sensoriels à l’intérieur du sensille, les molécules odorantes débouchant du tubule activent les récepteurs moléculaires olfactifs et les OBPs jouent un rôle d’inhibiteur précoce, libérant le récepteur des molécules odorantes et présentant les molécules aux enzymes de dégradation (Vogt and Riddiford 1981).
Modèle de l’équilibre cinétique : Lorsque les molécules odorantes sont délivrées dans la lymphe sensillaire, les OBP jouent un rôle de solubilisation des molécules odorantes dans la lymphe sensillaire et transporteur jusqu’aux récepteurs olfactifs. Une fois que les molécules odorantes ont pénétré à l’intérieur de la sensille, plusieurs interactions sont possibles conduisant soit à l’activation du récepteur, soit à l’inactivation et à l’élimination de la molécule odorante par une enzyme de dégradation, l’estérase sensillaire. Dans ce modèle, l’OBP peut se lier plusieurs fois à une molécule odorante avant ou après l’interaction de celle-ci avec le récepteur et une molécule odorante peut interagir avec plusieurs récepteurs avant d’être inactivée. (Vogt and Riddiford 1986) .
Particularités des Crambidae (Lepidoptera : Pyraloidea : Crambidae)
Généralités sur les Crambidae, et plus particulièrement sur les Spilomelinae
Avant les années 1980, la classification des Pyraloidea, basée sur des critères morphologiques, a subi de nombreuses modifications. Malgré quelques modifications apportées à la classification au sein des Pyraloidea (regroupement ou dissociation de sous familles), les plus récentes études basées sur la phylogénie restent en concordance sur la subdivision des Pyraloidea en deux familles (les Pyralidae et les Crambidae) et sur la place des sous familles au sein de ces deux familles).
Les Spilomelinae, sous famille à laquelle appartient P. smaragdina appartiennent à la famille des Crambidae. Comme l’ensemble des Pyraloides, les Spilomelinae sont des lépidoptères hétérocères (nocturnes) avec un développement, comme l’ensemble des lépidoptères, holométabole en quatre stades distincts : embryonnaire, larvaire (composé en général de cinq stades), nymphal et adulte (Delvare and Aberlenc 1989). La répartition géographique des espèces de Spilomelinae est mondiale et leur gamme d’hôte est très diversifiée. C’est aux stades larvaires que les Spilomelinae se nourrissent de leur plante hôte. Au sein d’un même genre, nous allons retrouver des polyphages tels que les genres Herpetogramma, Hymenia et Spoladea dont chaque espèce possède une large gamme d’hôtes ou des oligophages tels que Neoleucinodes Leucinodes et Lineodes, dont les espèces s’attaquent aux Solanacées, Omiodes et Maruca regroupant des espèces ravageurs sur Fabacées. De même, les larves selon les genres et les espèces vont se nourrir de différents organes, par exemple, les espèces des genres Palpita et Conogethes s’attaquent aux racines des pêchers et conifères ou encore Azochis aux racines des caféiers. Des espèces se nourrissent des feuilles tel que Udea comprenant une espèce Udea rubigalis dont les larves se nourrissent des feuilles de céleri ou encore Desmia avec l’espèce Desmia funeralis appelée plus communément plieuse de la vigne. Certaines espèces causent des dommages directement sur les fruits tels que l’espèce Diaphania nitidalis dont les larves se nourrissent sur Cucurbitaceae. D’autres espèces se nourrissent de plusieurs organes de leur hôte telles que plusieurs espèces des genres Agathodes et Terastia qui se nourrissent des racines et fleurs des Erythrines (Solis 2007).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I – SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1. L’écologie chimique chez les insectes ravageurs et applications au biocontrôle
1.1. La communication chimique chez les insectes
1.2. Particularités des Crambidae
1.3. Application au biocontrôle
2. Présentation du modèle d’étude, la Pyrale du café Prophantis smaragdina
2.1. Contexte historique et taxonomie
2.2. Répartition géographique
2.3. Plantes – hôtes
2.4. Morphologie des stades de développement
2.5. Cycle de développement
2.6. Ennemis naturels
2.7. Impact économique de P. smaragdina sur café
2.8. Moyen de lutte contre P. smaragdina
3. Objectifs de la thèse
CHAPITRE II – ETUDE DE LA BIOLOGIE DE P. smaragdina A LA REUNION
Article 1: Biology and life tables of P. smaragdina, a major pest of Coffee in Réunion Island
CHAPITRE III – ETUDE DU COMPORTEMENT D’ACCOUPLEMENT
Article 2: Mating behaviour of the coffee berry moth P. smaragdina and identification of putative female sex pheromone components
Article 3: Volatile compounds produced by hair pencils in male P. smaragdina and first evidence of perillyl alcohol as an insect product
DISCUSSION
CONCLUSION GENERALE
SOMMAIRE
ANNEXE 1: Planche de P. smaragdina
ANNEXE 2: Molécules phéromonales identifiées chez des femelles Spilomelinae
ANNEXE 3: Screening électroantennographique de molécules phéromonales sur mâles P. smaragdina
ANNEXE 4: Tableau des extractions des glandes à phéromone de femelle P. smaragdina
ANNEXE 5 : Tableau des essais d’attractifs au champ
ANNEXE 6 : Données de récolte sur la collection internationale de café