L’écologie chimique chez les insectes ravageurs
Généralités sur les Crambidae, et plus particulièrement sur les Spilomelinae
Avant les années 1980, la classification des Pyraloidea, basée sur des critères morphologiques, a subi de nombreuses modifications. Malgré quelques modifications apportées à la classification au sein des Pyraloidea (regroupement ou dissociation de sous familles), les plus récentes études basées sur la phylogénie restent en concordance sur la subdivision des Pyraloidea en deux familles (les Pyralidae et les Crambidae) et sur la place des sous familles au sein de ces deux familles). (Tableau I. 1). Les Spilomelinae, sous famille à laquelle appartient P. smaragdina appartiennent à la famille des Crambidae. Comme l’ensemble des Pyraloides, les Spilomelinae sont des lépidoptères hétérocères (nocturnes) avec un développement, comme l’ensemble des lépidoptères, holométabole en quatre stades distincts : embryonnaire, larvaire (composé en général de cinq stades), nymphal et adulte (Delvare and Aberlenc 1989). La répartition géographique des espèces de Spilomelinae est mondiale et leur gamme d’hôte est très diversifiée. C’est aux stades larvaires que les Spilomelinae se nourrissent de leur plante hôte.
Au sein d’un même genre, nous allons retrouver des polyphages tels que les genres Herpetogramma, Hymenia et Spoladea dont chaque espèce possède une large gamme d’hôtes ou des oligophages tels que Neoleucinodes Leucinodes et Lineodes, dont les espèces s’attaquent aux Solanacées, Omiodes et Maruca regroupant des espèces ravageurs sur Fabacées. De même, les larves selon les genres et les espèces vont se nourrir de différents organes, par exemple, les espèces des genres Palpita et Conogethes s’attaquent aux racines des pêchers et conifères ou encore Azochis aux racines des caféiers. Des espèces se nourrissent des feuilles tel que Udea comprenant une espèce Udea rubigalis dont les larves se nourrissent des feuilles de céleri ou encore Desmia avec l’espèce Desmia funeralis appelée plus communément plieuse de la vigne. Certaines espèces causent des dommages directement sur les fruits tels que l’espèce Diaphania nitidalis dont les larves se nourrissent sur Cucurbitaceae. D’autres espèces se nourrissent de plusieurs organes de leur hôte telles que plusieurs espèces des genres Agathodes et Terastia qui se nourrissent des racines et fleurs des Erythrines (Solis 2007).
Description des comportements de la femelle et du mâle
Chez la plupart des lépidoptères hétérocères, ce sont les femelles qui attirent les mâles pour l’accouplement par l’émission d’une phéromone sexuelle (Wyatt 2003). Il existe cependant quelques exceptions telles que les espèces appartenant à la sous famille des Gallerinae (Pyraustinae) ou c’est le mâle qui attire la femelle pour l’accouplement (Zagatti 1981, Flint and Merkle 1983, Phelan et al. 1986). L’ensemble des espèces appartenant à la famille des Crambidae dont le comportement d’accouplement a été décrit présente un comportement « classique », à savoir femelle attractive et mâle attiré (Eiras 2000, Meagher et al. 2007, Ambrogi et al. 2009). Bien que les comportements pré-copulatoire et copulatoire soient spécifiques, les étapes suivantes sont communes à toutes les espèces de Crambidae, l’ensemble de ces étapes se déroule la nuit : (1) La femelle adopte un comportement d’appel en diffusant la phéromone sexuelle par le biais de la glande à phéromone située entre les 8ème et 9ème segments abdominaux.
La biosynthèse des phéromones des lépidoptères hétérocères dépend d’une variété de facteurs exogènes et endogènes tels que la température, la photopériode, la plante hôte, l’âge de l’insecte ainsi que par des facteurs endocriniens et neuroendocriniens (Altstein 2004). (2) Le mâle, après avoir détecté par le biais de son système olfactif la phéromone émise par la femelle à distance, effectue un vol orienté dit en « zigzag » pour atteindre la femelle (Cardé and Mafra-Neto 1997). (3) Afin que la femelle accepte le mâle, celui-ci effectue une parade nuptiale ou comportement de cour spécifique (Eberhard 1994). Nakano et al. (2009) et Orci and Szöcs (2009) ont montré sur des espèces du genre Ostrinia que le mâle émettait des ultrasons durant le comportement de court. (4) Le mâle se positionne à proximité de la femelle, il laisse apparaitre leurs androconies par lesquelles une phéromone est émise (Birch et al. 1990, Royer and McNeil 1992, Hillier and Vickers 2011). (5) L’accouplement a lieu en position « queue à queue » Si le rôle d’attraction de la phéromone femelle est bien défini, le rôle de la phéromone mâle varie selon les espèces et selon différentes études. En effet, de nombreuses études ont montrés que la phéromone émise par les androconies du mâle induisait un changement de comportement chez les mâles et/ou chez les femelles intraspécifiques, attractif ou répulsif (cf. chapitre III, article 3 pour plus de détails).
Les molécules composant les phéromones sexuelles chez les Crambidae
Chez les Crambidae, les molécules composant la phéromone sexuelle femelle se divisent en deux groupes : les composés de type I, retrouvés majoritairement, sont des alcools primaires et leurs dérivés (principalement acétates et aldéhydes) avec une longue chaine linéaire (C10 – C18) et les composés de type II, sont des hydrocarbures polyinsaturés et les dérivés époxy avec une plus longue chaine linéaire (C17 – C23) (Ando et al. 2004). Certaines molécules sont retrouvées spécifiquement chez des espèces appartenant à la même sous famille. Par exemple, la molécule E10E12-16ALD a été retrouvée uniquement chez des espèces appartenant à la sous famille des Spilomelinae et la molécule E11-14AC et son isomère Z11- 14AC sont retrouvées uniquement chez des espèces appartenant à la sous famille des Pyraustinae. Au contraire, certaines molécules ont été retrouvées chez plusieurs espèces appartenant à différentes sous familles. C’est le cas par exemple des molécules Z11-16OH, Z11-16ALD et Z11-16AC retrouvées chez des espèces appartenant à six ou sept sous-familles différentes (El- Sayed 2016) (Figure I. 4). Une à 10 molécules composant la phéromone femelle ont été identifiées pour chaque espèce de Spilomelinae recensée sur Pherobase (El-Sayed 2016). Les molécules identifiées sont principalement des chaines en C16, excepté pour les espèces du genre Omphisia où deux monoènes acétate en C12 et C14 ont été détectés. Ces aldéhydes, acétates et alcools en C16 recensés.
Méthodes de biocontrôle par l’utilisation de composés sémiochimiques
L’utilisation des médiateurs chimiques agissant sur le comportement des insectes ravageurs des cultures et de denrées stockées permet de manipuler leur comportement pour maintenir leurs populations sous le seuil de nuisibilité économique (McNeil and Delisle 1993). Cette méthode de contrôle, alternative à la lutte chimique, est appliquée selon trois approches principales: le piégeage de masse (mass trapping), le lure and kill et la confusion sexuelle (mating disruption) (El-Sayed et al. 2006). Le piégeage de masse consiste à placer les composés sémiochimiques attractifs de synthèse dans un piège afin de capturer et tuer les insectes ravageurs attirés. Le lure and kill (appelé également attrack and kill, attracticide où attraction annihilation) consiste à attirer l’insecte avec les composés sémiochimiques de synthèse (le leurre) puis à lui transmettre un agent néfaste pour le développement de l’insecte et de sa population. L’agent néfaste peut être un insecticide conventionnel, un régulateur de croissance, des agents de stérilisation ou des organismes pathogènes tel que les bactéries, les virus ou les champignons (Howse et al. 1998). La confusion sexuelle consiste à diffuser et saturer la parcelle (ou le local de stockage pour les denrées stockées) avec la phéromone sexuelle de synthèse afin de désorienter les insectes et les empêcher de trouver leur partenaire sexuel.
Les composés sémiochimiques de synthèse attractifs intégrés dans les systèmes de piégeage de masse et de lure and kill peuvent être des kairomones, des phéromones ou les deux mélangés, la confusion sexuelle utilise uniquement des phéromones. Les composés sémiochimiques de synthèse sont diffusés le plus souvent via des polymères imprégnés de la substance attractive. La quantité de substance attractive diffusée dans les pièges, la forme et la disposition des pièges, leur densité dans la parcelle ainsi que le type de piégeage doivent être adaptés à l’insecte piégé, à la culture, au paysage et aux conditions climatiques pour optimiser le système de piégeage afin qu’il soit à la fois efficace et économiquement viable (Cantelo et al. 1982, Dent and Pawar 1988, Herman et al. 2005, Bacca et al. 2006, Reardon et al. 2006). sont monoène, diène ou saturé. Des hydrocarbures ont été recensés comme composant la phéromone femelle d’espèces appartenant au genre Conogethes (Figure I. 5 et Annexe 2).
|
Table des matières
Abréviations et sigles
Figures et tableaux
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I – SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1.L’écologie chimique chez les insectes ravageurs et applications au biocontrôle.
1.1. La communication chimique chez les insectes
1.2. Particularités des Crambidae
1.3. Application au biocontrôle
2.Présentation du modèle d’étude, la Pyrale du café Prophantis smaragdin
2.1. Contexte historique et taxonomie
2.2. Répartition géographique
2.3. Plantes – hôtes
2.4. Morphologie des stades de développement
2.5. Cycle de développement
2.6. Ennemis naturels
2.7. Impact économique de P. smaragdina sur café
2.8. Moyen de lutte contre P. smaragdina
3.Objectifs de la thèse
CHAPITRE II – ETUDE DE LA BIOLOGIE DE P. smaragdina A LA REUNION
Article 1: Biology and life tables of P. smaragdina, a major pest of Coffee in Réunion Island
CHAPITRE III – ETUDE DU COMPORTEMENT D’ACCOUPLEMENT
Article 2: Mating behaviour of the coffee berry moth P. smaragdina and identification of putative female sex pheromone components
Article 3: Volatile compounds produced by hair pencils in male P. smaragdina and first evidence of perillyl alcohol as an insect product
DISCUSSION
Télécharger le rapport complet