L’école inclusive : discours institutionnel et pratiques de classe

Problématisation de l’analyse réflexive et présentation des hypothèses

Vers une problématique Notre première préoccupation a été de nous demander quels enseignements mettre en place afin de réussir à faire entrer ces élèves dans les apprentissages. En voulant éclaircir ce questionnement, nous nous sommes documentées quant aux moyens pouvant être mis en œuvre afin d’adopter un mode d’enseignement générant des apprentissages pour ces enfants à profil particulier. Ces recherches nous ont très vite recentrées sur la notion de différenciation pédagogique. Un nouveau questionnement a alors émergé : « la différenciation pédagogique ne serait-elle pas une manière d’enseigner à part entière compte tenu du fait que cette dernière s’adresse de manière générale à tous ? » En effet, l’école étant une micro-société, elle est par conséquent marquée par une forte hétérogénéité des sujets (élèves), à l’image de nos classes. En se référant au sens étymologique du mot « hétérogène » (« hétéro » signifiant « différent », et « generos » signifiant « famille, peuple ») il est intéressant de regarder chaque élève comme étant unique et ce à bien des égards : personnalité propre, milieu familial et social, centres d’intérêt, points d’appuis et faiblesses. Ainsi toute classe se compose d’élèves tous uniques et donc différents les uns des autres avec leurs difficultés propres et leurs points d’appuis. La prise en compte de l’hétérogénéité est donc une problématique centrale à laquelle les professeurs des écoles sont quotidiennement confrontés. Pour cela, le professeur des écoles est incité à accorder une part plus importante à la différenciation pédagogique en tenant compte des rythmes et manières d’apprendre diversifiés des élèves. Tout ceci renvoie à la notion d’école inclusive. Si la définition de l’école inclusive semble faire consensus, la mise en pratique au sein des classes des principes définis par l’école inclusive semble plus difficile. En effet, comme le souligne Magdalena Kohout-Diaz, il existe une relation paradoxale entre la définition de l’école inclusive qui prône la prise en compte des singularités de chacun au sein du collectif et les outils mis à disposition des enseignants par l’institution. C’est une relation paradoxale dans le sens où ces mêmes outils parlent de handicap, de trouble et donc de compensation ce qui suppose un « défaut », une imperfection à corriger pour un enfant de manière individuelle après l’avoir rattaché à une catégorie d’élèves ayant des troubles de l’apprentissage ou du comportement. Ceci nous amène à nous questionner sur la posture à adopter en tant qu’enseignantes pour permettre à ces élèves, mais aussi à tous les autres, d’évoluer sereinement et de progresser dans les apprentissages en fonction de leurs capacités. En effet, on peut se demander quel rapport entretenir, en tant qu’enseignant, avec le discours performatif émanant de l’institution et quelles sont les bonnes pratiques recommandées, et, plus précisément, comment ne pas effectuer, consciemment ou non, de ségrégation entre élèves en les classant dans des catégories pour tenter de les aider. En partant de ces questionnements que soulève la notion d’école inclusive et sa mise en pratique au sein des classes, le présent mémoire s’attachera à répondre à la problématique suivante : En quoi le discours institutionnel sur l’école inclusive peut-il paradoxalement conduire les enseignants de maternelle à catégoriser les élèves pour répondre au mieux à leurs besoins éducatifs ?
Présentation des hypothèses de recherche Afin d’amener des éléments de réponses, plusieurs hypothèses serviront de colonne vertébrale à notre recherche. Ces dernières émanent de diverses lectures réalisées autour du sujet de l’école inclusive. Nous nous sommes rendu compte, au fil de ces lectures, que l’École Inclusive (que nous désignerons parfois par les lettres « EI » au fil de ce mémoire) était une notion à la fois connue des enseignants, car répandue dans le discours émis par l’institution scolaire, mais peut-être parfois encore assez floue car elle comporte certaines zones d’ombre. Cette réflexion nous a alors amenées à poser la première hypothèse :
 Hypothèse 1 : Les enseignants auraient une connaissance intuitive de l’EI qui reposerait plus sur leur vision personnelle, leur intuition, que sur des éléments de formation concrets. Comme le soulignent J.M Perez, T.Assude et J.Tambone dans l’ouvrage « Réinventer l’école ; Politiques, conceptions et pratiques dites inclusives », il existerait des limites à la mise en place réelle de l’école inclusive dans le sens où les enseignants ne se sentiraient pas munis de moyens d’action suffisants. Les enseignants interrogés par ces auteurs évoquent une insuffisance de formation mais également des conditions de travail peu propices à la mise en place des principes évoqués par l’école inclusive. Dans ce sens, ils remettent en cause entre autres des classes surchargées et peu de moyens humains supplémentaires pour faire face aux contraintes liées au handicap, etc. Ceci nous a alors amenées à poser l’hypothèse suivante :
 Hypothèse 2 : Les enseignants se trouveraient dans une situation paradoxale entre la nécessité et/ou la volonté d’accueillir tous les élèves et le sentiment de ne pas être munis de moyens d’actions suffisants. Les outils institutionnels proposés par le ministère de l’éducation nationale ont tendance à conduire les enseignants à effectuer une catégorisation de leurs élèves. Par ailleurs, dans l’ouvrage « Réinventer l’école ; Politiques, conceptions et pratiques dites inclusives », S.Feuilladieu et C.Dunand mettent en avant le fait que les enseignants, en accueillant dans les classes ordinaires les élèves à besoins éducatifs particuliers, mettent en place davantage d’aides spécifiques que d’aides génériques. On entend, par aides génériques, des aides faisant partie de l’outillage habituel de l’enseignant et, par aides spécifiques, des aides spécialement conçues pour un élève à besoins éducatifs particuliers. Ceci illustre la nécessaire catégorisation des élèves. Or, agir de cette manière est contraire aux principes dictés par l’école inclusive selon lesquels les enseignants ne doivent pas effectuer de catégorisation de leurs élèves. Ces mêmes auteurs mettent également en lumière le fait qu’il y a diffusion des pratiques pédagogiques destinées au départ aux élèves à besoins éducatifs particuliers auprès des autres élèves. Ces constats nous ont conduites à formuler notre dernière hypothèse :
 Hypothèse 3 : Les enseignants utiliseraient des outils institutionnels qui amènent eux mêmes à catégoriser les élèves, ce qui amène les enseignants à mettre en place dans leurs classes plus d’aides spécifiques que d’aides génériques.

Le choix des entretiens semi-directifs

                 Afin de tester ces hypothèses, en vue d’obtenir des éléments de réponse à notre problématique, nous avons choisi de questionner nos collègues enseignantes de maternelle lors d’entretiens semi-directifs en face à face, pour obtenir des réponses de type qualitatif. Nous pensions en effet que, pour éclairer notre vision sur les actions mises en place sur le terrain par les professeurs des écoles en maternelle dans le but de favoriser l’école inclusive, et surtout pour comprendre ce qui motive leurs choix de méthodes et d’outils, le plus judicieux était de questionner de manière ouverte des enseignantes avec qui nous avons déjà noué une relation de confiance, afin d’échanger plus librement et de recueillir des réponses spontanées sur leurs opinions, leur ressenti. Nous avons donc chacune interviewé des enseignantes de nos propres écoles, chacune leur tour, lors d’échanges duels à des dates fixées en fonction de nos disponibilités respectives (en février et mars 2020). Les personnes interviewées sont cinq enseignantes de maternelle. Des questionnaires quantitatifs et entretiens directifs n’auraient pas permis, quant à eux, l’obtention de réponses développées, argumentées et nuancées, dont nous avions ici besoin pour comprendre le raisonnement de nos collègues. Le choix d’une modalité semi-dirigée et non d’un entretien non directif a permis de suivre une trame et de guider les échanges avec les personnes interviewées, de manière à ne pas nous éloigner du sujet qui nous intéresse dans le cadre de ce mémoire. Le laps de temps qui nous semblait nécessaire et raisonnable pour recueillir les informations étant d’environ 30 minutes, c’est la durée que nous avons choisie pour permettre aux personnes interviewées de développer leurs réponses, sans pour autant trop entrer dans le détail (cas très particuliers de certains élèves par exemple). Nous avons utilisé un enregistreur audio pour recueillir leurs verbatims, afin d’éviter tout risque lié au manque de capacité de stockage de nos outils personnels (mémoire disponible insuffisante dans nos smartphones par exemple).

L’importance du travail en équipe

             L’analyse croisée des entretiens permet de mettre en avant l’importance du travail en équipe pour l’ensemble des enseignantes interviewées. En effet, on ressent que c’est pour elles un réel appui ; les échanges entre collègues semblent être un véritable pilier. Lorsqu’un enfant les « questionne », la majorité d’entre elles se tournent vers des personnes de leur entourage professionnel direct pour obtenir des éléments de réponse. Ces enseignantes font également appel à des aides internes à l’école, notamment le RASED, et la psychologue scolaire semble prodiguer de précieux conseils à l’ensemble des personnes interviewées. D’autres aides extérieures ont été mentionnées, comme le recours à d’autres professionnels (orthophonistes, psychomotriciens) ainsi que d’autres structures (CMP, CAMSP, ITEP, IME). Néanmoins, ces aides ne sont sollicitées qu’une fois que l’enseignante a échangé avec les professionnels internes à l’école. Ce sont donc des aides de « second plan ».Quant à la nature de ces aides, elles sont souvent de l’ordre du conseil, et ont pour vocation d’apporter aux enseignantes un regard extérieur sur la situation qu’elles peuvent vivre en classe. D’où l’importance relevée de bénéficier d’une observation par une tierce personne (un autre professeur des écoles qui vient dans la classe, un conseiller pédagogique, un ATSEM).

Les conséquences du manque de formation et de ressources

                Le manque de ressources et de formations exprimé par les enseignantes interviewées pousse les PE à se baser sur leur intuition et leurs expériences pour mettre en place l’EI au sein de leur classe. Toutes les enseignantes ont mis en avant l’importance de l’intuition, des ressentis. Ceci dévoile une pratique professionnelle qui se développe et s’adapte en continu selon ces ressentis, les PE faisant preuve d’une grande flexibilité sur le terrain. On note donc un ressenti personnel et une intuition qui jouent beaucoup sur la manière de vivre l’école inclusive. Dans les discours analysés, on peut observer l’importance de l’avancée par tâtonnements, par essais-erreurs, l’observation, tout ceci étant dicté par l’intuition. Afin de pallier ce manque de formation, les enseignants font ressentir la nécessité de trouver des ressources par d’autres moyens. On note ainsi une recherche personnelle d’informations et de ressources grâce notamment à l’activation du réseau pour une des PE interviewées « je suis en contact pour des raisons des fois personnelles avec des associations euh, je me rends à des conférences aussi qui m’intéressent », « une recherche par moi-même pour aller voir euh, pour avoir des informations complémentaires ». D’autres ont plutôt recours à leur expérience passée pour trouver des réponses à leurs questionnements, comme nous l’apprennent ces extraits de verbatims : « La seule chose qui a pu m’aider c’est d’avoir euh pendant 4, 5 euh… 5 ans des enfants sourds dans ma classe. Voilà donc là c’est vrai effectivement mais c’est juste par expérience », « Moi je l’ai connu parce que quand je travaillais au foyer de l’enfance il y avait des enfants qui souffraient de troubles dys. […] c’est comme ça qu’on l’a découverte et du coup on l’avait mise en pratique nous à l’école ». Là encore, le recours à des ressources extérieures auprès de professionnels tournant autour du bien-être de l’enfant se fait ressentir essentiel : « Essayer de travailler le plus possible avec les spécialistes quand ils veulent bien te répondre. Les orthophonistes pour ça sont vraiment des spécialistes extraordinaires. […] J’aime bien leur demander « où en êtes-vous ? que travaillez-vous ? » et en fonction de mon travail, de mes compétences, « qu’est-ce que je peux travailler là actuellement ». Pour finir, une des PE interviewées nous fait part de sa curiosité envers les pays étrangers. En effet, c’est un regardant ce qu’il s’y passe en matière d’EI qu’elle trouve des réponses et des solutions pour mettre en place l’EI dans sa classe : « Et puis je cherche des ressources pour moi sur des sites de d’autres pays parce qu’en Belgique, en Suisse ou au Canada il y a pas mal de choses intéressantes au niveau des propositions de prise en charge, d’outils, tout ça. C’est vrai que je m’inspire aussi des outils qui viennent d’ailleurs. » Elle y porte une grande importance car selon elle « les autres pays [ils] sont plus en avance que nous. »

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Table des matières

Introduction
1. Contexte de l’étude 
1.1. Le contexte institutionnel
1.2. Nos contextes locaux
2. Problématisation de l’analyse réflexive et présentation des hypothèses
2.1. Vers une problématique
2.2. Présentation des hypothèses de recherche
3. Méthodologie 
3.1. Le choix des entretiens semi-directifs
3.2. Le guide d’entretien
3.3. Analyse des données recueillies
4. Résultats 
4.1. Les ressources à disposition des enseignants sur l’école inclusive (EI) et la formation des professeurs des écoles (PE) à l’EI
4.2. Les moyens d’action donnés par l’Institution
4.3. Vision de l’école inclusive par les PE interviewées
4.4. Les aides mises en place par les PE pour le quotidien dans la classe
5. Discussion
6. Conclusion 
7. Bibliographie
8. Annexes

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