L’école et la reproduction des stéréotypes de genre
Historique sur les études de genre
La constitution de 1848, qui est à l’origine de la Suisse moderne, proclamait l’égalité entre tous les êtres humains. Toutefois, cette égalité n’incluait pas les femmes de manière explicite. Quelques années plus tard, les premiers mouvements féministes s’organisent pendant des débats précédant la première révision constitutionnelle de 1874 (Suffrage féminin en Suisse, 2017). Les droits politiques des femmes sont au cœur de nombreuses discussions. Or, la Suisse est un pays dans lequel les femmes et les hommes disposent des mêmes droits depuis seulement 1959 pour les cantons précoces tels que Vaud et Neuchâtel. D’autres cantons, plus conservateurs font attendre les femmes jusqu’en 1989 ou 1990 comme Appenzell Rhodes-Extérieures et Appenzell Rhodes-Intérieures (Suffrage féminin en Suisse, 2017). Parallèlement au combat pour l’égalité, dont celui du droit de vote, les années 1960 et 1970 voient un type d’étude encore méconnu se développer : les études de genre, en 6 anglais gender studies (Suffrage féminin en Suisse, 2017). Ces études interrogent la signification du genre dans la science et dans la société en s’intéressant aux deux sexes et aux rapports qu’ils entretiennent. Sous le nom de recherches féministes ou d’études femmes, des études de genre ont souligné le fait que dans les sciences dites dures, mais également dans les sciences humaines et sociales, les femmes constituaient une tache aveugle. À titre d’exemple, l’histoire s’était essentiellement préoccupée des hommes et très peu des femmes (Les études genre en Suisse, 2005). Dans la mouvance des réclamations d’égalité femme-homme et des études de genre qui mettent en lumière les possibilités, droits et devoirs différents, il est important de clarifier un aspect. L’égalité réclamée autrefois, puis réclamée aujourd’hui, ne demande pas que les femmes soient identiques aux hommes, mais égales aux hommes. Le terme d’égalité est un concept qui fait référence à la sphère politique et juridique, dont l’opposé est le concept d’inégalité. A contrario, les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas à bannir, elles constituent au contraire une richesse, d’autant plus que tous les hommes ne sont pas identiques et toutes les femmes non plus (Mosconi, 2013). En Suisse, depuis 35 ans les études de genre se sont développées avec dynamisme. Il est désormais possible d’accomplir un bachelor en études de genre à Bâle depuis le semestre d’hiver 2005-2006 (Les études genre en Suisse, 2005). Certains peuvent se demander pourquoi l’on étudie le genre et ses implications. Une réponse à cette question serait que : “S’interroger sur la signification du genre est important, car il n’existe pratiquement aucun domaine de l’humain dans lequel le genre ne joue pas un rôle“ (Les études genre en Suisse, 2005, p.3). En effet, “le genre structure l’ensemble des institutions (sociopolitiques, économiques, juridiques, symboliques), la famille, l’école, le monde du travail ; mais aussi les comportements individuels et collectifs“ (Mosconi, 2013, p.3). L’école est l’élément de cette énumération qui va nous intéresser plus particulièrement dans la présente étude.
Les stéréotypes sociaux
“Les stéréotypes sont des croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, […] les traits de personnalité, […] les comportements, d’un groupe de personnes” (Morchain, 2006, p.2). 7 Cette définition relève un aspect important du terme, notamment celui du groupe qui fait référence à une catégorisation. La catégorisation est une activité mentale qui consiste à ranger et à organiser les informations de l’environnement (Catégorisation et stéréotypes en psychologie sociale, 2007). Dans le cas du stéréotype, la catégorisation s’applique sur des individus. Le terme stéréotype remonte au dix-huitième siècle. Toutefois, il n’avait pas le même sens qu’aujourd’hui, or il désignait déjà quelque chose de rigide, répété, puis constant et figé (Légal & Delouvée, 2015). Bien loin de sa définition actuelle, il était un nom commun désignant une plaque d’imprimerie moulée et de ce fait, difficile à changer qui produisait toujours la même impression, la même image (Doraï, 1988). Le stéréotype est tantôt perçu comme un concept, tantôt comme une idée, mais aussi comme un jugement, une image, une représentation (Amossy, 1989). En 1922, le journaliste américain Walter Lippmann utilise ce mot dans le champ des sciences sociales. Ce dernier dégage plusieurs caractéristiques des stéréotypes : – les stéréotypes sont des idées consensuelles, autrement dit, socialement partagées; – les stéréotypes sont rigides, ils résistent à la preuve du contraire; – les stéréotypes sont des généralisations excessives; – les stéréotypes sont faux ou mal fondés. (Walter Lippmann, 1922, cité par Légal & Delouvée, 2015, pp.13-14). D’autres auteurs comme Sillamy (1980) ajoutent à ce portrait l’aspect de non-acquisition par l’expérience. C’est-à-dire que les stéréotypes seraient transmis d’une personne à une autre, sans qu’elles aient nécessairement été au contact des individus sujets du stéréotype. Plus récemment, en 2002, les stéréotypes sont considérés comme consistant en un ensemble de représentations ou d’impressions attribuées à un individu selon son appartenance à un groupe (McGarty, Yzerbyt & Spears, 2002). Lorsque ces représentations relèvent de croyances à propos des garçons et des filles fondées sur leur appartenance à ce groupe, il s’agit de stéréotypes de genre. 8 En effet, le fait d’être considéré comme une femme, comme un homme ou comme une fille ou un garçon a une incidence sur les impressions qui nous sont attribuées. L’expression de cette incidence, réside dans les attentes différenciées auxquelles un individu fait face selon son sexe. À titre d’exemple, la féminité, plus précisément les filles seraient associées à une plus grande passivité, douceur et à des qualités esthétiques, alors que les garçons seraient en revanche associés à des rôles plus actifs, une plus grande compétitivité et agressivité (Rouyer, Croity-Belz, & Prêteur, 2010). À cet égard, les auteurs Costes, Houadec et Lizan (2008) soutiennent que ces stéréotypes sont très puissants. Ils estiment que depuis la naissance, chacun se voit inculquer à travers la sphère familiale, l’école et les médias “des signaux qui associent des traits de caractère, des compétences, des attitudes à un sexe plutôt qu’à un autre et qui forgent notre vision de la place et du rôle des hommes et des femmes dans cette société“
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1. PROBLEMATIQUE
1.1 DEFINITION ET IMPORTANCE DU PROBLEME
1.1.1 Présentation du problème et intérêt de l’objet de recherche
1.2 ETAT DE LA QUESTION
1.2.1 Historique sur les études de genre
1.2.2 Les stéréotypes sociaux
1.2.3 Définitions de sexe, genre et identité sexuée
1.2.4 La socialisation différenciée
1.2.5 Orientation scolaire et métiers sexués
1.2.6 Construction de l’identité sexuée
1.2.7 L’école et la reproduction des stéréotypes de genre
1.2.8 Avis personnel
1.3 QUESTION ET HYPOTHESES DE RECHERCHE
CHAPITRE 2. METHODOLOGIE
2.1 FONDEMENTS METHODOLOGIQUES
2.1.1 Type de recherche
2.1.2 Type de démarche
2.1.3 Type d’approche
2.1.4 Les enjeux
2.2 NATURE DU CORPUS
2.2.1 Récolte des données
2.2.2 Procédure et protocole de recherche
2.2.3 Echantillonnage
2.3 METHODES ET/OU TECHNIQUES D’ANALYSE DES DONNEES
2.3.1 Transcription
2.3.2 Traitement des données
2.3.3 Méthodes et analyse
CHAPITRE 3. ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
3.1.1 Les types d’interactions observés
3.1.2 Le français et les mathématiques face aux différents types d’interactions
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet