L’école enfantine au fil du temps
Avant tout chose, je pense qu’il est important de revenir sur l’histoire de l’école enfantine afin de comprendre l’évolution au niveau structurel ainsi qu’au niveau de ses finalités. S’agissant de la pratique de l’accueil effectuée par les enseignants de l’école enfantine, un bref rappel des objectifs des différents plans d’études spécifiques semble indispensable. En France, c’est en 1770 dans les Vosges, que sont nées les « Petites écoles à tricoter », créées par le pasteur Jean-Frédéric Oberlin. On appelait cela des salles d’asile qui servaient essentiellement à soulager les mères de famille en gardant leur enfant afin de leur permettre de travailler. Ces classes étaient tenues par des conductrices de l’enfance, qui enseignaient le tricot, les prières et des éléments d’histoire naturelle (Amigues & Zerbato-Poudou, 2009). Aucun programme type n’était en vigueur. Il s’agissait avant tout d’établissements liés à l’église.
La fonction première était donc la garde afin d’éviter que les enfants se retrouvent seuls livrés à eux-mêmes dans les industries ou à la maison. Les salles d’asile ont subi différents changements lors de la 3ème République. Tout d’abord, elles ont changé de nom en s’intitulant « école maternelle ». Elles sont ensuite devenues laïques et leurs finalités ont quelque peu changé puisqu’elles préparaient l’enfant à recevoir l’enseignement de l’école primaire. En Suisse, il est difficile de trouver des renseignements précis sur cette thématique, car les cantons sont souverains en termes d’instruction et une grande hétérogénéité existe entre les cantons. A la fin du 18e siècle, les premières classes maternelles sont apparues en Suisse, elles étaient reconnues comme de simples garderies (Forster, 2007). Le premier plan d’étude en Suisse a vu le jour en 1972 grâce à une collaboration entre les cantons du Valais, de Berne, Fribourg, Vaud, Neuchâtel et Genève (CIIP3).
Accueillir D’après le Petit Robert (2015), l’accueil est « une manière de recevoir quelqu’un, de se comporter avec lui quand on le reçoit ou quand il arrive » (p.21). Dans la vie de tous les jours, l’accueil se traduit régulièrement par un premier échange visuel, puis par une parole telle que « bonjour » et peut s’accompagner d’un contact physique avec une poignée de main. Il s’agit d’un protocole d’accueil établi dans notre société dans le but d’entrer en contact avec un individu. Cet enchaînement d’actions se fait automatiquement, sans avoir besoin d’y réfléchir. Le premier contact que l’on établit avec une personne donne une première impression qui risque d’influencer la qualité de la relation. De manière générale, l’accueil est donc important, il constitue en quelque sorte l’introduction d’un nouveau chapitre.
Après cette définition générale de l’accueil, voyons quel sens prend ce mot dans le milieu scolaire. Staquet (2002) a écrit un ouvrage intéressant à ce sujet. Son ouvrage « Accueillir les élèves pour une année réussie et positive » présente quelques aspects de l’accueil et donne des pistes d’action pour un accueil positif. « Accueillir, c’est ouvrir. Accueillir, c’est regarder. Accueillir, c’est parler. Accueillir, c’est reconnaître, c’est donner de l’importance, c’est positiver. Accueillir, c’est offrir. Accueillir, c’est prendre dans ses bras, c’est prendre le regard de l’autre, c’est prendre son écoute. Accueillir, c’est reconnaître, c’est faire un effort, c’est aller vers, c’est se faire entendre aussi, c’est dire, c’est parler de soi. Accueillir, ce n’est pas seulement donner à l’autre, c’est aussi donner de soi à l’autre, dire de soi, inviter l’autre à parler en parlant de soi. Accueillir, c’est beaucoup de choses. C’est boire et manger et rire et pleurer. Accueillir, c’est ouvrir la porte tout en veillant à respecter le territoire ou les limites de chacun. » (p.19)
Par cette définition, nous constatons donc que l’accueil devient, dans certaines situations, plus complexe. Au vu de tous les aspects mentionnés dans cette définition, l’accueil mérite donc d’être réfléchi et questionné afin qu’il soit bénéfique pour tous. Dans le milieu scolaire, cette première définition de l’accueil intervient également, mais cela ne s’arrête pas là. Dans la définition de Staquet (2002), les différents verbes mentionnés font référence à deux types d’actions principales. Une partie mentionne des actions allant de soi vers l’autre que l’on pourrait simplifier par « donner ». Dans la seconde partie, les actions vont dans l’autre sens, c’est-à-dire de l’autre vers soi, qui pourraient être simplifiées par « recevoir ». Pour un enseignant, cela peut signifier qu’il doit accueillir en donnant, que ce soit de l’attention, de l’affection, de la sécurité, … mais qu’il doit également recevoir. Recevoir les élèves, tous différents dans leur développement sociologique, psychologique et cognitif. L’accueil mérite donc une réflexion approfondie quant à la manière de le réaliser et de ses finalités. La démarche d’accueil se prépare, s’organise autour de quatre objectifs principaux que nous cite Staquet (2002).
1) Faire rapidement connaissance de tout le monde et de l’établissement Pour l’enfant, tout est nouveau, notamment les personnes et les lieux. Afin qu’il puisse s’épanouir et apprendre dans un climat favorable, l’enfant a besoin de connaître ce qui l’entoure. Il s’agit donc de découvrir ses camarades à travers des activités permettant de faire ressortir les points communs et les différences. Quant au bâtiment, la visite peut se faire de manière ludique afin de familiariser l’enfant avec les lieux.
2) Exister positivement et être reconnu par les autres condisciples Chaque enfant doit pouvoir exister avec sa propre personnalité. Les activités favorisent l’échange entre les élèves de telle sorte à ce qu’ils puissent partager et évoluer ensemble. Chacun doit avoir sa place avec une image positive de soi et des autres.
3) Remplacer le stress du changement par le plaisir d’être accueilli Les modifications sont conséquentes lors de cette période et ceci dans différents domaines. Il y a changement de lieu, de personnes, de cadre, de statut, etc. L’enfant vit ces modifications différemment en fonction de son vécu avant la rentrée scolaire,
Les rituels pour favoriser le passage
A l’extérieur du cadre scolaire, nous avons tous des rituels, petits ou grands, que nous réalisons dans la journée. Que ce soit le matin, à l’heure du déjeuner ou au moment de prendre sa douche. A midi, certains apprécient de manger dans le calme avec un fond musical, d’autres aiment la compagnie. L’heure du coucher est aussi souvent rythmée par des rituels que chacun met en place. Ce sont des actions auxquelles l’individu ne réfléchit plus, mais qui lui apportent satisfaction et sérénité. Dans le cadre de l’école, les rituels sont très présents, surtout à l’école enfantine. Ce sont donc des activités connues, pratiquées de manière régulière. « Placés en début de journée ils marquent donc un passage à travers des activités de démarrage qui lancent la journée scolaire, construisent le sas entre la famille et l’école donc la première fonction est de reformuler le groupe classe, d’installer l’enfant dans ce type d’organisation sociale qu’est l’espace scolaire. » (Marchesan, Schmitt, Alban-Arrouy, Marquié-Dubié, 2009 p.16) Ils permettent de rassurer l’élève et comme le disent Marchesan & al. (2009), le rituel a « cette fonction de réassurance ». Il offre la possibilité à l’enfant de se repérer et de trouver sa place dans un nouvel environnement. Dans ces situations, l’enfant pourra ensuite devenir le moteur de ses apprentissages, c’est-à-dire qu’il pourra percevoir l’activité non plus de l’extérieur, mais entrer véritablement dans les savoirs. Lorsque le milieu est organisé de manière identique chaque jour en ne modifiant que le contenu, les élèves vont pouvoir percevoir ce que l’enseignant attend d’eux (Amigues & Garcion-Vautor, 2002). La forme de l’activité reste donc la même mais le fond en est modifié.
Les rituels scolaires ont plusieurs fonctions décrites par Amigues & Zerbato-Poudou (2009). Ils ont tout d’abord une fonction sociale. Lorsque l’enfant passe du milieu familial au milieu scolaire, il se doit de modifier son comportement. Les rituels scolaires « semblent avoir pour fonction de signifier, à travers une pratique collective, ce qui est licite et ce qui ne l’est pas » (Caffieaux, 2001, p.64). Ils donnent un repère à l’enfant pour savoir comment se comporter à un moment précis, pour une tâche et dans un lieu. De plus, lors de ces rituels, l’enfant se retrouve généralement avec les autres camarades. Il n’est pas seul, ce qui engendre une confrontation avec l’expérience des autres. Comme cette situation n’est vraisemblablement pas aisée pour l’élève, ce cadre permet de le rassurer. Les rituels ont également une fonction chronogénétique. Dans ce terme, on trouve la notion de progression pédagogique. C’est-à-dire que l’enseignant va évaluer à quel moment l’enfant maîtrise les nouveaux objets pour en introduire de nouveaux.
Le savoir évolue dans le temps et les élèves se rendent compte qu’ils avancent dans le temps en apprenant de nouvelles choses. Une autre fonction attribuée aux rituels est la fonction contractuelle. Il s’agit du rapport existant entre l’intention de l’enseignant et celle des élèves à un savoir. Cette fonction a pour but de stabiliser et légitimer des façons de faire, qui offriront des techniques de travail aux élèves et des habitudes collectives à la classe. La fonction intégrative est la dernière. Elle permet de montrer qu’au sein de la classe naît un savoir commun et que cette communauté partage des savoirs ainsi que des moyens de les produire. Chacun apporte sa touche de couleur au savoir commun, ce qui permet de l’enrichir. « Le travail des rituels consiste à transformer des activités collectives en routines de classe et ces routines en schèmes d’action incorporés et exprimables de façon singulière ou individuelle » (Amigues & Zerbato-Poudou, 2009, p.133).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1. PROBLEMATIQUE
1.1 DEFINITION ET IMPORTANCE DE L’OBJET DE RECHERCHE
1.1.1 Raison d’être de l’étude
1.1.2 Présentation du problème
1.1.3 Intérêt de l’objet de recherche
1.2 ETAT DE LA QUESTION
1.2.1 L’école enfantine au fil du temps
1.2.2 Les milieux éducatifs
1.2.3 Accueillir
1.2.4 Les rituels pour favoriser le passage
1.2.5 Socialisation
1.2.6 Rupture ou continuité
1.2.7 Point de vue personnel à l’égard de la théorie
1.3 QUESTION DE RECHERCHE ET OBJECTIFS DE RECHERCHE
CHAPITRE 2. METHODOLOGIE
2.1 FONDEMENTS METHODOLOGIQUES
2.1.1 Recherche qualitative
2.1.2 Type de démarche
2.2 NATURE DU CORPUS
2.2.1 Récolte des données
2.2.2 Procédure et protocole de recherche
2.2.3 Echantillonnage
2.3 METHODES ET TECHNIQUES D’ANALYSE DES DONNEES
2.3.1 Transcription des entretiens
2.3.2 Traitement des données
2.3.3 Méthodes et analyse
CHAPITRE 3. ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
3.1 APERÇU DES RESULTATS
3.2 UNE RENTREE AVANT L’HEURE
3.2.1 Du côté de l’enseignant
3.2.2 Du côté de l’élève
3.3 L’ECOLE, UN MONDE NOUVEAU POUR L’ENFANT
3.4 LA DEMARCHE D’ACCUEIL
3.5 LA SOCIALISATION AU PREMIER PLAN
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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