L’éclairage urbain : Débuts d’un outil fonctionnel devenu élément-clé de l’urbanisme
Aperçu historique
L’éclairage public est né bien longtemps après la création des premières villes. De l’Antiquité jusqu’au milieu du XVIIe siècle, on s’éclairait la nuit avec de simples torches tenues en main. La ville à cette époque avait donc une très forte insécurité la nuit tombée et les meurtres nocturnes en pleine rue étaient monnaie courante. Au XIVème siècle, des progrès minimes ont été réalisés du fait de la présence de cierges allumés dans les madones aux intersections des rues et de lanternes destinées à éclairer les enseignes mais l’insécurité régnait toujours, notamment dans les petites rues. C’est en 1662 que Louis XIV décida « d’établir en la Ville et faubourgs de Paris […] des portelanternes et porte-flambeaux pour conduire et éclairer ceux qui voudraient aller et venir par les rues » selon le Guide pour la conception de l’éclairage public en milieu urbain (1981). Plus de 5000 lanternes à chandelles sont donc suspendues à des cordes dans les rues de la capitale. On considère souvent ces installations comme le premier véritable éclairage public en France du fait que toutes les rues furent éclairées par des moyens mis en place par l’État. En 1744, la lampe à réverbère est inventée. Ce dispositif est composé d’une lampe à huile et d’un réflecteur en métal argenté qui permet une meilleure luminosité. La découverte du gaz d’éclairage en 1798 par Philippe Lebon permet de perfectionner le système en 1829 avec le service de gaz dont les premiers appareils sont installés sur la place du Carrousel. L’éclairage électrique fît ses premiers pas en 1878 sur la place et l’avenue de l’Opéra avec des candélabres équipées de globes Jabblotchkov. Un succès qui inspira d’autres villes comme Rome qui éclaira le Colisée par cette méthode. Très vite, l’électricité s’imposa. Les lampes à incandescence apparaissent en 1879 mais ne prennent véritablement le relais qu’en 1910, le remplacement est progressif et finit par avoir le monopole dans l’éclairage public jusque dans les années 1950.
Aujourd’hui, avec les enjeux du développement durable, l’éclairage urbain est reconnu comme la principale source de nuisance lumineuse , ce qui perturbe le cycle de vie des végétaux et des animaux et rend le ciel nocturne impossible à observer. L’ampleur du phénomène est tel que, selon l’astrophysicien Yvan Dutil dans son rapport Qui a volé les étoiles ? publié en 2002, lorsque Los Angeles s’est retrouvé privé d’électricité en 1994 après un tremblement de terre et que des « lumières dans le ciel » sont apparues, l’observatoire local s’est retrouvé avec de nombreux appels téléphoniques des habitants inquiets. L’observatoire les rassura alors en disant que c’était des étoiles. La tendance observée est aux lampes plus économes, notamment les LED, les tubes fluorescents ou encore les lampes à iodure métallique afin de réduire l’impact énergétique de l’éclairage urbain. Des techniques sont également développées pour améliorer l’efficacité de l’éclairement comme des lampadaires orientés totalement vers le sol ou la mise en place de capteurs pour adapter l’éclairage en fonction du trafic. À l’inverse, certains modèles de luminaires comme les lampadaires « boules » sont souvent rejetés du fait qu’ils envoient une grande quantité de lumière vers le ciel et peu vers le sol.
Par ailleurs, l’éditeur d’études Xerfi a relevé que, toujours dans le but de consommer moins d’énergie électrique, l’éclairage urbain tend maintenant à s’intégrer dans les systèmes des smart cities, ce qui se traduit souvent par la mise en place de détecteurs de mouvements qui permettent d’adapter l’éclairage en fonction du trafic routier. Cette technique trouve généralement son utilité dans les rues peu fréquentées.
Le non-jour, la période primordiale pour l’éclairage public
Durant la nuit, la ville poursuit son activité dans la continuité du jour. On distingue généralement trois grandes périodes de la journée : le jour, la nuit profonde et entre les deux, une période de transition. Cette période de transition, que le Ministère des Transports appelait « Nonjour » dans son Guide pour la conception de l’éclairage public en milieu urbain, est une période où les activités diurnes se poursuivent et où parfois des activités spécifiques se mettent en place. On peut citer par exemples les services de restauration qui continuent de fonctionner tardivement en soirée, les discothèques qui fonctionnent quasi-exclusivement durant la nuit, les spectacles de plein air qui profitent de l’obscurité naturelle et des éclairages artificiels pour créer une ambiance particulière, etc. Cette période de non-jour a une durée variable tout le long de l’année et en fonction de la latitude. En France au mois de juin, la nuit profonde dure de 0h à 5h, elle est suivie d’une période de non-jour où les habitants commencent à partir au travail, surtout à partir de 6h30, et le jour complet ne s’impose que vers 8h. Le non-jour reprend vers 20h où il dure jusqu’à 22h avant que la nuit profonde ne prenne le relais. Le non-jour dure ainsi 5h en été. Au mois de décembre, toujours en France, la période nocturne dure bien plus longtemps. La nuit profonde dure de 0h jusqu’à 8h suivie d’une courte période de non-jour jusqu’à 9h. Elle reprend vers 16h30 et dure jusqu’à 22h avant de céder sa place à la nuit profonde. Le non-jour dure 6h30 en hiver et est surtout présent en soirée. L’éclairage public trouve principalement son intérêt durant cette période de non-jour pour assurer la poursuite des activités. Cet intérêt est moindre dans la nuit profonde sauf au moment des départs au travail vers 5h. On peut déjà déceler de possibles économies d’énergie en éteignant l’éclairage public durant la nuit profonde, ou du moins en réduisant l’intensité lumineuse pour diminuer la consommation électrique.
L’éclairage public : un parent pauvre dans l’aménagement des villes pourtant élément de valorisation
L’éclairage public est souvent un parent pauvre de l’aménagement, il est souvent intégré à la fin des projets en se basant sur un seul critère : la mauvaise visibilité nocturne. Cela est partiellement justifié du fait que pendant longtemps, le rôle de l’éclairage public était uniquement cantonné à la sécurité de la circulation. Pourtant, ce rôle a été élargi ces dernières années, l’éclairage public peut mettre en valeur des bâtiments et servir à créer des atmosphères uniques qui ne peuvent avoir lieu que durant la nuit. Les éléments existants la nuit sont ceux qui sont éclairés, les autres qui sont plongés dans le noir passent inaperçus pour les passants et sont même évités. La ville de Tours par exemple utilise l’éclairage pour promouvoir son patrimoine historique. La nuit tombée, on peut voir la cathédrale illuminée par des projecteurs situés au sol et sur les façades du bâtiment. L’orientation des projecteurs vers le haut et l’uniformité de la couleur de la lumière permet de mettre en valeur la hauteur de la cathédrale et par découlement son volume imposant. Sur la place Plumereau, des éclairages jaunes et blancs valorisent le sol et les commerces situés de part et d’autre de la place, la lumière dégagée s’ajoute à celles émises par les vitrines des commerces tandis que les lieux en hauteur restent dans l’ombre. Dans l’avenue Nationale, les chemins piétons sont légèrement moins éclairés pour mettre en avant l’allée centrale traversée par le tramway et surtout les boutiques de part et d’autre de la rue qui sont une source lumineuse importante. Ces différents exemples démontrent que l’éclairage urbain peut créer de véritables ambiances spécifiques et influent souvent sur les ressentis des éléments urbains.
Pourtant, encore aujourd’hui, l’image de l’éclairage public est associée à la sécurité comme l’a montré un sondage d’Ipsos pour une commande du Syndicat de l’éclairage dans le cadre du développement durable. Selon ce sondage, 91% des 1001 personnes interrogées pensent que l’éclairage public joue un rôle important pour leur sécurité, notamment le soir et la nuit. Il dénote également l’importance pour les interrogés de moderniser le réseau d’éclairage public et d’utiliser des lampes économes en énergie. Même s’il faut nuancer ce sondage du fait qu’il a peut-être été biaisé en servant l’intérêt du syndicat, la sécurité reste l’aspect primordial de l’éclairage public aux yeux des habitants. On notera tout de même une certaine importance accordée à la mise en place d’une vie de quartier et à la mise en valeur du patrimoine.
Lyon, la Ville-Lumière
Les moyens mis en œuvre
La ville de Lyon est considérée comme une ville précurseur en éclairage public. Elle a établi son premier Plan Lumière à la fin des années 1980, ce qui en fait une des premières villes à avoir adopté ce nouveau document. Cela a participé à l’établissement d’un paysage nocturne et par découlement d’une vie nocturne. En effet, ce plan a permis de déterminer les éléments à valoriser dans les rues durant la nuit, la ville réputée triste et cachée avant cette période vit à présent durant la phase nocturne. Selon Jean-Pierre Charbonneau, urbaniste et consultant en politiques urbaines, on visite même la ville durant la nuit du fait de l’ambiance propre crée durant la phase nocturne.
« La lumière a contribué à changer Lyon. C’est à présent une ville moderne, rajeunie, vive, attractive. » Jean-Pierre Charbonneau, in revue Topo, 2005.
Toujours selon Charbonneau, Lyon possède de nombreux éléments patrimoniaux et architecturaux à valoriser mais aussi des quartiers avec des histoires et des identités propres. Dans un cas comme dans l’autre, la lumière urbaine peut aider à voir ces personnalités, voire à les raconter. La municipalité a même poussé le concept plus loin puisqu’elle a mis en place des fêtes avec la lumière en rôle central, la plus célèbre étant le Festival des Lumières. Cependant, Charbonneau nuance ses propos en écrivant que l’agglomération prend des précautions pour ne pas tomber dans l’excès. La lumière peut participer à un brouhaha nocturne laissant de côté le premier rôle de la nuit, à savoir le silence et l’obscurité. L’éclairage urbain est par ailleurs sujet à de nombreuses innovations, les communes doivent donc tenter d’intégrer ces nouveaux concepts surtout s’ils permettent de mieux respecter l’environnement et/ou de faire des économies d’énergie conséquentes. Le Plan Lumière de la ville de Lyon donne des orientations et des priorités qui donnent ensuite lieu à des actions. Il est aussi porteur d’une philosophie et d’une idée globale pour permettre d’instaurer un « esprit » à la ville, cela ne peut être réussi qu’à condition de tenir compte de tous les acteurs vivant la nuit, que ce soit les activités économiques, culturelles, les collectivités, les industriels, les commerçants… L’objectif défini est aussi d’améliorer et de poursuivre ce qui a été fait jusqu’à présent tout en tenant compte des autres projets urbains.
Pour enrichir ce plan, des professionnels de domaines divers et variés (artistes, techniciens, sociologues, urbanistes, industriels, écoles…) ont apporté leur point de vue lors d’ateliers de rencontre. Lyon souhaite mettre en valeur son patrimoine et raconter l’histoire de la ville tout en restant cohérent avec les programmes urbains. De nouvelles pistes sont aussi explorées. Par exemple, une fois les équipements installés, les éclairages sont la plupart du temps continus avec la même teinte de couleur et la même intensité lumineuse. Le Plan Lumière de Lyon incite donc à ce que la dimension temporelle soit intégrée aux projets pour donner lieu à de nouvelles mises en scène. Quant au respect environnemental, des mesures sont prises pour diminuer la consommation électrique, recycler le matériel ou protéger le ciel nocturne. Des lampes sans mercure et sans plomb consommant moins d’électricité sont installées, le juste éclairement est recherché tout en modulant le temps d’éclairage et des programmes de dépollution lumineuse sont même mis en place. Le parc de la Tête d’Or est ainsi plongé dans l’obscurité pour ne pas perturber le rythme de la faune.
Une illumination mais qui ne se répercute pas sur la consommation électrique
À ce stade, on comprend que Lyon consomme beaucoup d’électricité pour le seul poste de l’éclairage public. Selon les rapports du maire sur les budgets primitifs de la ville de Lyon (voir figures 8 et 9), le nombre de lampes installées n’a cessé d’augmenter, que ce soit pour l’éclairage fonctionnel, la mise en valeur pour le Plan Lumière ou l’éclairage de stade. On notera que la consommation électrique totale diminue au fur et à mesure des années mais que le coût de revient par habitant reste stable. Le coût de fonctionnement par lampe d’éclairage fonctionnel a augmenté en parallèle du coût de l’électricité. Nous pouvons expliquer cela par la mise en place de lampes économes en énergie mais qui nécessiteraient davantage d’entretien. Quant aux lampes du Plan Lumière, le coût de fonctionnement a diminué malgré que le coût pour l’électricité consommé soit resté stable. Nous pouvons en déduire que ces lampes ont été progressivement moins entretenues tout en gardant la même puissance électrique. La part du budget alloué à l’éclairage public est devenue de plus en plus importante. En recoupant avec la consommation électrique, la cause est liée en partie au coût de l’énergie qui a augmenté ces dernières années mais on peut inculper également les dépenses de fonctionnement qui ont augmenté.
|
Table des matières
Introduction
I) L’éclairage urbain : Débuts d’un outil fonctionnel devenu élément-clé de l’urbanisme
1) Aperçu historique
2) Le non-jour, la période primordiale pour l’éclairage public
3) L’éclairage public : un parent pauvre dans l’aménagement des villes pourtant élément de valorisation
4) Lyon, la Ville-Lumière
II) La simplification du calcul de la consommation électrique
1) L’intérêt de simplifier le calcul de la consommation électrique de l’éclairage public
2) Une consommation électrique dépendante de la voirie, de la surface des terrains de sport et des sites illuminés dans le cadre du Plan Lumière
III) Les variables prises en compte
1) La puissance électrique
2) Le temps d’allumage de l’éclairage urbain
3) Récapitulatif des variables et des formules mathématiques
IV) Résultats et explications
1) Résultats
2) Étude de la sensibilité
Conclusion
Bibliographie/Webographie
Pour aller plus loin
Annexes
Télécharger le rapport complet