Eclairage en muséographie
Jusque dans les années 1950, l’éclairage des collections muséales était à l’image d’une mise en exposition basée sur le principe d’accumulation des objets. La lumière était opulente et générale, sans mise en valeur particulière d’un objet individuel. Prenant conscience que le musée n’est pas uniquement une galerie d’exposition mais aussi un lieu d’éducation, on quitta progressivement la vision totale de la salle pour la vision particulière de l’objet unique. L’éclairage se mit alors au service de cette nouvelle orientation qui permet de tenir un discours thématique sur un nombre d’objets préalablement sélectionnés. Depuis quelques années, nous assistons à un bouleversement qui poursuit cette impulsion dans le monde du musée. Las de revêtir sa réputation d’institution monotone, le musée cherche à captiver d’avantage son auditoire et participe désormais à la grande « course à l’audimat » qui régit notre vingtième siècle. Son rôle est dorénavant plus complexe : il doit conserver, étudier et exposer ses collections sans toutefois anesthésier son public. C’est dans ce cadre que s’intègre l’éclairage muséal contemporain qui, comme le souligne Ezrati, « donne à voir et donne à ressentir ». Prenant conscience du pouvoir de la lumière sur la mise en valeur et l’interprétation de l’objet, l’éclairage devient un artifice du discours et concrétise la scénographie du lieu. Illuminer un objet consiste dès lors, à le mettre en valeur et à lui donner un sens.
Pourtant, la lumière dans le milieu muséal est un concept en soi ambigu. A la fois condition sin et qua non de la vision et instrumentation de la muséographie, elle reste un facteur de dégradation du patrimoine. Nous sommes alors tenus de faire des compromis entre visibilité de l’objet et sa perte inéluctable de valeur. Nous devons faire dialoguer art et science dans le but « d’atteindre un équilibre entre les droits de notre propre génération et ceux des générations futures ».
Recommandations en conservation préventive
C’est à l’apparition des sources d’éclairage artificielles, dans les années 1930, qu’on doit les premières études en conservation sur l’impact photochimique de la lumière. Les recherches ont montré qu’en diminuant le niveau d’éclairement, on peut également diminuer le nombre de photons par seconde qui touchent la surface du matériau photosensible. Cela permet de réduire l’impact de la lumière sans pour autant pouvoir l’empêcher complètement. Les préconisations émises en termes d’éclairement ont concilié dès le départ la visibilité de l’objet à sa sensibilité intrinsèque à la lumière. De ce fait, il y a eu un compromis initial qui ne précise guère une norme idéale mais bien un minimum acceptable en termes de contraintes visuelles. Les normes concernant les matériaux jugés comme étant les plus sensibles à la lumière se sont basées sur l’appréciation du niveau minimum d’éclairement pour discerner les contenus fixé entre 10 et 30 lux. Pour ces matériaux très sensibles à la lumière, on préconisait alors un niveau d’éclairement maximal de 50 lux. Deux autres catégories ont été ajoutées à l’étude : « objets sensibles » pour lesquels on a fixé un niveau maximal d’éclairement de 150 lux et « objets peu sensibles » pour lesquels on a accepté un niveau d’éclairement de 300 lux.
Au fil des années ces normes se sont affinées jusqu’à la création de 6 catégories regroupées sous: «insensible», «sensible», «très sensible», «fortement sensible», «très fortement sensible», «extrêmement sensible». Dès lors, les recherches ont inséré la notion de DTE aux normes. Il s’agissait de retranscrire concrètement des chiffres tangibles en tenant compte de l’action cumulative de la lumière . Une seconde norme est à considérer: la dose minimale avec effet nuisible observable, DMENO. Ce concept s’appuie sur un objectif de préservation de 10, 100, 1000 ans pour trois catégories de sensibilité à la lumière : forte sensibilité, sensibilité moyenne et faible sensibilité.
Avec plusieurs années de recul il apparaît que nous avons tendance à soustraire le mot maximum de ces normes. Au regard des visites inter-musées que nous avons effectué durant un mois, nous ré-insistons sur l’importance de replacer ce terme dans nos esprits.
Lumière et scénographie
Un objet patrimonial recèle de nombreuses informations : date, auteur, contexte social, économique, politique, culturel, technologique, savoir-faire, filiation, histoire personnelle, restaurations, etc. Afin d’éviter un surplus d’informations qui devient incohérent, le conservateur est contraint de faire des choix sur le discours qu’il veut porter sur ses collections. La scénographie met en scène ce discours dans l’exposition en jouant sur l’ensemble des moyens qui permettent de traduire en espace et en forme les contenus. L’éclairage fait partie intégrante de ces moyens car il peut donner lieu à un discours sur l’objet. Lorsque la lumière est opulente, c’est l’objectivité qui prime, nous amenant à une distance critique avec les collections. Lorsque la lumière est faible, notre imagination est sollicitée, nous projetant alors dans la subjectivité. Par la modulation de l’éclairage, le musée module également les interprétations du public. La focalisation de la lumière sur un objet permet de le mettre particulièrement en évidence. Loin d’être un simple outil de communication, l’éclairage est ainsi un moyen puissant d’interprétation très exploité dans la muséographie actuelle.
Technologies LED pour la production de lumière « blanche »
Nous allons à présent passer en revue les différentes possibilités de production de lumière dite «blanche» pour les applications d’affichage et éclairage LED. Nous insistons sur la différenciation à faire entre la lumière blanche de la lumière du jour et la lumière « blanche » réalisée à l’aide de ces différentes technologies. En effet, la lumière du jour mixe l’ensemble des ondes électromagnétiques comprises dans le spectre visible et présente par conséquent d’excellentes qualités de rendu des couleurs.
Le terme « lumière du jour » désigne alors un spectre continu équiénergétique avec une légère surabondance de courte longueur d’onde. Ce spectre lisse fait office de référence en matière de qualité pour notre œil avec un indice de rendu des couleurs (IRC) de 100.
De manière artificielle, il est possible de réaliser une lumière dite «blanche» de différentes manières et de plus ou moins bonne qualité : deux couleurs mixées, trois couleurs mixées, quatre, cinq, jusqu’à la palette de l’arc-en-ciel. Ceci est dû à la sensibilité des trois types de cônes que comprend notre œil aux trois couleurs primaires rouge, vert, bleu (RGB en anglais). Selon le principe de synthèse additive, la combinaison de ces trois couleurs est perçue par notre système visuel comme étant une lumière blanche. Plus la lumière comprend de nuances dans les couleurs RGB, plus la qualité de cette lumière augmente de manière significative. Selon le choix du semi-conducteur et la nature et quantité des dopants, les fabricants obtiennent différentes températures de couleur dans la lumière blanche.
Comparaison en matière de climat entre un éclairage à fibre optiques et un éclairage LED dans une même vitrine
La différence des valeurs enregistrées dans les écarts journaliers de température des deux vitrines du MEN et d’une vitrine du musée olympique de Lausanne est difficile à interpréter. Afin de parer à des influences extérieures sur les résultats, nous avons procédé à une comparaison entre un éclairage avec fibres optiques et un éclairage LED au sein d’une même vitrine avec contrôle passif de l’humidité relative. Le Laténium détenait des relevés thermo-hygrométriques exploitables concernant plusieurs vitrines d’exposition illuminées par un éclairage à fibres optiques, puis éclairées par des barrettes à diodes durant la même saison (avril-mai 2010/2011). Les données étant cryptées pour le programme d’exploitation, nous n’avons malheureusement pas pu les extraire sous forme de chiffres tangibles. Nous avons alors utilisé les statistiques journalières du programme Signatrol SL400 Data Logger® afin de définir la valeur maximum, minimum et la moyenne de la température journalière dans cinq vitrines d’exposition de la salle «lacustre» : «du tronc à la poutre», «bois de cerf et os», «préparation des textiles» et «vannerie» lorsqu’elles étaient illuminées avec un éclairage à fibres optiques et ensuite avec un éclairage LED.
De manière globale, les résultats ont montré que les variations journalières de températures étaient moins élevées avec un éclairage LED (moyenne entre 1.7 et 0.8) qu’avec un éclairage à fibres optiques (moyenne entre 2.2 et 2.4). Si l’écart journalier moyen de température de l’éclairage avec fibres optiques se situait globalement au-dessus de 2°C, il se situe en dessous de ce seuil avec l’utilisation d’un éclairage LED . A titre d’exemple, pour la vitrine d’exposition « Du tronc à la poutre» illuminée avec un éclairage à fibres optiques, seules 13 écarts type de température sur 61 calculés peuvent prétendre à une variation journalière de température ≤ à 2°C. Pour cette même vitrine illuminée avec un éclairage LED, 55 écarts type de température sur calculés atteignent une variation journalière de température ≤ à 2°C. Ces résultats peuvent être la conséquence de deux facteurs : la réduction d’émission infrarouge et /ou la réduction de la chaleur produite par les appareils accompagnants les éclairages. En effet, selon les informations de Christian Cevey, le transformateur de l’éclairage à fibres optiques, localisé contre la paroi d’ouverture de la vitrine, produisait une chaleur conséquente qui pouvait influencer la température dans la vitrine d’exposition. Ce problème a été résolu en utilisant les LEDs pour l’éclairage des vitrine.
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Table des matières
I. Résumé / Abstract
II. Introduction
III. Eclairage en muséographie
A. Lumière et visiteur
B. Lumière et scénographie
C. Lumière et conservation préventive
1. Nature de la lumière
2. Altérations thermochimiques
3. Altérations photochimiques
4. Recommandations en conservation préventive
IV. Qu’est-ce qu’une LED ?
A. Structure atomique et interaction entre matière et rayonnement
B. Diode électroluminescente
1. Dopage chimique
2. Jonction p-n
C. Technologies LED pour la production de lumière « blanche »
1. LED bleue couplée à un luminophore phosphore
2. LED bleue couplée à plusieurs luminophores phosphore
3. Diodes RGB ou RGBA
4. LED UV couplée avec trois luminophores RGB
D. Bénéfices de l’éclairage LED
1. Economies d’énergie
2. Durée de vie, maintenance
V. L’éclairage LED et la muséographie
A. Conservation
1. Dégradations thermochimiques
2. Dégradations photochimiques
3. Recommandations en terme d’éclairement
B. Conséquences sur la santé
C. Qualité de la lumière produite
1. Lacunes de l’éclairage LED
2. Les différentes technologies LED pour la production de lumière blanche et la qualité de la lumière émise
3. Remise en question de l’adéquation de l’IRC avec l’éclairage LED
D. Problèmes techniques recensés dans les musées suisses
VI. Bilan
VII. Conclusion
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