L’échographie de débrouillage
MÉTHODE
Etude qualitative par entretien semi-directif auprès de médecins généralistes des départements du Maine et Loire, de la Sarthe et de la Mayenne.Il s’agissait d’entretiens semi-dirigés réalisés à l’aide d’une grille d’entretien (cf. annexe1). Cette grille comprenait une première partie permettant de définir précisément le profil d’exercice du médecin répondant, puis une deuxième partie avec l’entretien en lui-même. Les premières questions permettaient de situer la thématique en parlant de l’échographie de débrouillage, puis ont été abordées les indications qui paraissaient utiles dans la pratique du médecin interrogé ; enfin la dernière partie abordait les freins ressentis à l’utilisation d’une échographie de débrouillage. Une des questions portait sur la distance à laquelle se situe le centre d’échographie le plus proche, puisque l’une des hypothèses était que cela influait sur l’intérêt pour l’échographie de premier recours. Enfin il a été exploré l’intérêt personnel à l’utilisation d’une échographie de débrouillage dans sa pratique.
L’échantillon (cf. annexe 2) a été constitué en fonction des hypothèses présupposant que la démographie et les limites d’accessibilité géographique influaient sur l’intérêt pour l’échographie de premier recours. Les critères d’exclusions ont été les Modes d’Exercices Particuliers (MEP), les médecins déjà équipés d’une échographie, et le refus de participer. Les critères de variation maximale ont été choisis en fonction de plusieurs paramètres. Le premier était la localisation géographique, l’hypothèse étant que les médecins exerçant en zone sous dotée porteraient un intérêt plus important à l’acquisition de la technique et du matériel d’échographie de débrouillage. Pour cela, quatre sous-unités géographiques par département ont été définies : urbain de grande ville, urbain de moyenne ville, semi-rural et rural. Le second paramètre était l’âge des médecins interrogés. L’hypothèse était que les plus jeunes praticiens montreraient un intérêt plus prononcé pour la technique du fait d’une plus grande sensibilisation à son utilisation au cours de leur formation hospitalière. Le choix a été fait d’avoir une variation maximale avec les critères choisis dans ces trois départements qui présentent des modalités d’exercice et une démographie très différentes les uns des autres. L’échantillon a été constitué sur les trois départements avec une répartition équitable entre plus et moins de 45 ans. Un médecin de plus de 45 ans et un de moins de 45 ans ont été interrogés par sous-unité géographique.
La répartition en fonction du genre a été faite suivant la démographie de chaque département. Vingt pour cent de maîtres de stage universitaire a été intégré par département, ce qui correspond au pourcentage de maître de stage sur ces trois départements. L’échantillon a été constitué de huit médecins par département soit vingt quatre au total.
Le guide d’entretien a été éprouvé par un panel test de 5 médecins pour éviter des incompréhensions dans les intitulés des questions ou des redondances. Il a été envoyé au comité d’éthique pour approbation (annexe 3).
Le recrutement des médecins généralises répondant a été fait par téléphone à l’aide de l’annuaire téléphonique pour trouver des médecins correspondants aux critères de choix géographique et de genre. Les médecins répondants ont été sélectionnés après un appel téléphonique pour confirmer la tranche d’âge et convenir d’un rendez-vous. Les statistiques des réponses téléphoniques sont fournies en annexe 4. Les entretiens ont été réalisés en face à face et enregistrés au moyen d’un dictaphone Digital Voice Recorder VN-711PC. La période de recueil des données s’est étalée sur un an de janvier 2014 à janvier 2015. L’entretien le plus court a duré onze minutes et le plus long quarante cinq minutes. La durée moyenne d’un échange était de vingt trois minutes.
Par la suite, les entretiens ont été retranscrits au rythme où ils étaient réalisés pour une extraction plus facile des données. Ce travail de retranscription a permis d’affiner et de modifier le guide d’entretien à mesure que les rencontres se faisaient. Chaque entretien a ensuite été relu par moi-même et par le directeur de thèse avec une confrontation de nos interprétations du discours des répondants. Une des retranscriptions est fournie en annexe 5. Les entretiens ont fait l’objet d’une analyse thématique attentive de type inductive pour en extraire les idées en rapport avec les hypothèses de départ tout en restant ouvert aux idées nouvelles. Ces idées ont ensuite été classées dans un tableur Excel avec les citations correspondantes par regroupement d’idées. Ce tableau a été implémenté et complété au fur et à mesure de l’analyse des entretiens. Il n’a pas été réalisé d’évaluation systématique de la saturation des données puisque le nombre d’entretien avait été fixé au préalable.
RÉSULTATS
Caractéristiques de l’échantillon
La période de recueil s’est échelonnée sur un an. Pour chacun des départements, un médecin de plus de 45 ans et de moins de 45 ans ont accepté de répondre pour chaque sous-unité géographique : grande ville, moyenne ville, semi-rural et rural. A part pour la Sarthe, département dans lequel il a été impossible de trouver un jeune médecin acceptant de répondre à l’entretien en secteur rural.
Constitution du panel
Pour le Maine-et-Loire, onze appels téléphoniques ont été nécessaires pour parvenir à obtenir les rendez-vous. Deux secrétariats n’ont jamais rappelé et il n’y a eu qu’une seule réponse négative, par manque de temps de la part du médecin. Il y a eu quatre femmes pour quatre hommes interrogés, trois étaient maîtres de stage. Un seul des médecins exerçait de façon isolée, les autres étaient en association.
Pour la Mayenne, douze appels ont été nécessaires pour obtenir les huit rendez-vous. Deux médecins ont refusé de répondre, l’un d’eux par manque de disponibilité et l’autre parce que le sujet ne l’intéressait pas. Deux médecins devaient rappeler mais ne l’ont jamais fait. Deux médecins qui ont accepté l’entretien l’ont fait pour « aider la jeunesse ». Il y a eu deux femmes pour six hommes interrogés, trois étaient maîtres de stage. Tous les médecins interrogés exerçaient en groupe.
Pour la Sarthe, il a fallu dix-neuf appels téléphoniques pour arriver à obtenir les huit rendez-vous. Il y a eu huit réponses négatives, six par manque de disponibilité pour répondre à l’entretien et deux parce que le sujet ne les intéressait pas. Trois secrétariats n’ont jamais rappelé. Il y avait deux femmes pour six hommes dont deux maîtres de stage. Un des médecins interrogés exerçait seul, les autres étaient associés. Il a été impossible de trouver un médecin de moins de 45 ans acceptant de répondre au questionnaire dans le secteur rural aussi le choix a été fait d’interroger deux médecins de plus de 45 ans. Un des entretiens a été fait par téléphone a cause d’une difficulté à trouver un créneau de rendez-vous.
Accessibilité aux examens échographiques des médecins du panel
En terme d’accessibilité géographique, plus de la moitié des médecins a un accès facilité aux radiologues : « On a quand même des accès faciles à l’hôpital à 5 minutes ou la clinique aussi donc bon. » (Entretien 20 : E20).
Certains avec des rendez-vous rapides : « Il y a une secrétaire qui est très efficace, quand il y a besoin d’une échographie, dans la demi-journée… » (E6).
D’autres reconnaissaient, malgré tout, une difficulté pour obtenir des rendez-vous : « Le problème actuellement c’est que pour avoir une écho en ville sans passer par les urgences, c’est compliqué. » (E17).
D’autres n’ont pas de radiologues dans leur secteur d’exercice et ont des difficultés pour obtenir des rendez-vous : « C’est 20 kilomètres de chaque côté donc à 20 minutes après les hôpitaux c’est M. Enfin non, c’est B. c’est un petit peu plus rapide c’est 30 minutes (…) bon c’est pas facile mais on y arrive » (E19).
Peu de médecins ont des rendez-vous facilement mais dans une zone géographiquement éloignée de leur cabinet : « Les échographies on les a au bout d’une semaine à 15 jours. (…) Après, moi je dis aux gens de prendre leurs bagnoles parce que s’ils vont à B., ils ont leur rendez-vous en trois semaines et s’ils vont à F. en trois semaines aussi. » (E5).
Pour l’un des entretiens, l’accessibilité aux radiologues dans son secteur n’a pas été abordée.
Le point de vue des médecins sur l’échographie de débrouillage
Les avantages à utiliser une échographie de débrouillage
Accessibilité
La disponibilité immédiate : Pour la majorité des médecins rencontrés, l’accessibilité au cabinet était l’atout majeur de l’échographie de débrouillage : « Ah ben ce serait un gain de temps phénoménal ! » (E8).
Le gain de temps dans la prise en charge était, pour la plupart d’entre eux, l’intérêt principal : « ce serait intéressant parce que j’aurais pu gagner une semaine dans le diagnostic. » (E4).
Notamment dans les situations d’incertitude diagnostique : « En fait surtout les situations où tu sais pas trop et où il faut un diagnostic rapidement quoi. » (E2).
Dans ces situations, la disponibilité de l’échographie trouvait toute sa valeur : « On n’est pas dépendant des rendez-vous, surtout que c’est un peu compliqué en ce moment. » (E21). Certains ont souligné une désaffection des jeunes radiologues pour l’échographie de ville :
« Tous les jeunes internes de radio veulent faire des IRM, des scanners voir de l’interventionnel donc ils se fichent un peu du conventionnel. Ce qui est bien dommage parce (…) ça rendait service à la population. » (E5).
L’accessibilité géographique : Quelques uns d’entre eux ont soulevé l’intérêt de l’échographie par son accessibilité géographique : « C’est l’intérêt de l’avoir sur place et de pouvoir tout de suite prendre une décision. » (E9).
Ceci éviterait au patient des déplacements inutiles : « Sur un patient pour lequel je sais que ça va être compliqué, qu’il faut forcement une ambulance pour le déplacer (…) c’est sûr que ça permettrait de faciliter les choses quoi. » (E2).
Améliorer l’efficience et optimiser la prise en charge
Améliorer l’efficience : De nombreux médecins de l’échantillon considéraient que l’échographie permettrait d’enrichir leurs capacités cliniques en élargissant leurs champs de compétences : « c’est un investissement personnel de diversification d’activité. » (E9).
Ils pensaient à son utilité pour gérer des situations de façon plus complète en améliorant la qualité diagnostique : « Ha oui, intellectuellement c’est très satisfaisant quoi, de faire la consultation de A à Z » (E21).
Un autre envisageait que cela permette de gérer la planification des soins de façon plus adaptée : « ça m’aurait peut-être aidée (…) pour organiser les choses pour elle. » (E17).
Optimiser la prise en charge : Quelques uns y voyaient un intérêt pour adresser de façon plus juste leurs patients : « ça pourrait être d’affiner une situation de façon à envoyer aux urgences quelque chose de mieux présélectionné ça pourrait être l’intérêt. » (E19).
D’autres ont soulevé l’utilité pour faciliter la prise en charge globale du patient : « Il est évident que ce serait rendre service aux gens. » (E18).
L’un d’entre eux y voyait une possibilité pour mieux communiquer avec ses patients : « Ça rentre dans le cadre d’apporter de la compréhension et de la connaissance dans quelque chose (…) Ça permet de proposer de la connaissance aux gens. » (E13).
Améliorer l’offre de soins : Certains relevaient l’intérêt de l’échographie dans la maitrise du coût de la santé : « Mais si ça peut éviter le passage aux urgences d’avoir un beau petit appareil (…) ça fait vachement d’économies. » (E13).
Elle leur permettait de limiter le recours aux transporteurs et aux services d’urgences : « C’est l’intérêt de pouvoir débrouiller des situations possiblement urgentes sur place quoi sans (…) avoir recours inutilement aux urgences (…) Et à limiter les transports oui. » (E9).
Quelques uns évoquaient l’apport d’une offre de soin de proximité plus performante : « Si c’est plus gênant, c’est forcément les urgences. Il n’y a pas d’entre deux. Tu arrives là toi et c’est intéressant. » (E13).
L’un d’eux a introduit l’idée de pouvoir bénéficier de l’échographie de façon indirecte :
« Mais pour un collègue plus jeune et bénéficier de ça indirectement ou même d’assister (…) c’était très intéressant. » (E21).
Élargir la panoplie du médecin généraliste
Outil utile en médecine de premier recours : Certains pensaient que l’échographie avait vocation à prendre toute sa place dans un cabinet de médecine générale : « Quand on a commencé nos études on commençait à parler de cette espèce de technique bizarre (…) et puis ça s’est très affiné. (…) Probablement que dans 10 ans il y aura des petits appareils d’écho dans tous les cabinets. » (E7).
Même si certains médecins ont été surpris que l’échographie puisse faire partie de leur arsenal diagnostic : « C’est pas con, parce que je ne pensais pas que ça existait. Je pensais vraiment qu’il fallait faire radiologue quoi. » (E13).
D’autres y voyaient même une source d’attractivité pour les jeunes médecins : « ça pourrait être un élément de plus, de se dire, on se modernise, on a une activité un peu diversifiée. » (E17).
Rares étaient ceux ayant montré un manque d’intérêt pour la technique : « Ça fait surtout pas partie de mes priorités, des mes centres d’intérêts quoi. » (E4).
Développer une nouvelle compétence en médecine générale : Quelques uns ont émis l’idée de créer un nouveau pôle de compétence particulier qui permettrait de répondre aux besoins de la population : « Ha oui, avoir un échographiste ici, ce serait très bien, (…) il y a plein de gens d’autres cabinets qui viendraient parce que c’est vrai qu’on a besoin d’échographistes en fait. » (E12).
D’autres ont évoqué une modalité particulière d’utilisation de l’échographie en médecine générale, la télémédecine avec la transmission possible des images : « Parce que nous on est les seuls dans notre cabinet (…) ça pourrait être quelque chose d’intéressant de pouvoir envoyer quelques images pour lesquelles on a un doute. » (E16).
Certains pensaient que l’acquisition d’un échographe au sein d’un groupement médical était plus intéressant que lors d’un exercice isolé : « C’est vrai que si on avait dans une équipe de 4-5 médecins, un qui fasse ça, ce serait super effectivement. » (E21).
Quelques médecins ont trouvé que l’échographie pourrait apporter un gain d’autonomie intéressant : « Ça m’apporte un truc, ça m’évite d’aller voir untel ou untel et on y est encore quinze jours après quoi » (E13).
Innocuité
Très peu de médecin ont relevé l’innocuité de la technique d’échographie comme un élément intéressant dans leur pratique : « Avec l’avantage d’un examen normalement rapide, peu agressif et pas très cher. » (E18).
Les freins s’opposant à l’utilisation d’une échographie de débrouillage
La formation
Quasiment aucun médecin, intéressé ou non, ne concevait la pratique de l’échographie sans une formation adaptée.
Les difficultés d’acquisition des compétences : La formation initiale à l’échographie était le frein majeur à son utilisation au cabinet : « Une échographie elle était intéressante quand elle était faite par un échographiste qualifié. Donc déjà il faut être qualifié, faut être formé. » (E8).
La majorité des médecins relevait l’acquisition des compétences nécessaires à la pratique de l’échographie comme un frein : « C’est un examen qui est dans la technicité et humaine, ce qui veut dire savoir manipuler une sonde et savoir lire ces espèces de lignes blanches sur un fond noir. » (E19). Ils regrettaient l’absence de son enseignement lors de leur cursus médical initial : « Ben la formation en ce qui me concerne. Parce que je n’ai pas eu à manier ce genre d’appareil. » (E10).
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Table des matières
INTRODUCTION
I-‐ Contexte de l’étude
II-‐ Question de thèse
MÉTHODE
RÉSULTATS
I-‐ Caractéristiques de l’échantillon
1-‐ Constitution du panel
2-‐ Accessibilité aux examens échographiques des médecins du panel
II-‐Le point de vue des médecins sur l’échographie de débrouillage
1-‐ Les avantages à utiliser une échographie de débrouillage
2-‐ Les freins s’opposant à l’utilisation d’une échographie de débrouillage
3-‐ Les indications qui leur paraissent pertinentes
4-‐ L’intérêt porté par les médecins généralistes à la pratique de l’échographie
DISCUSSION
I-‐ Force et faiblesses de l’étude
1-‐ Faiblesses de l’étude
2-‐ Originalité et force de l’étude
II-‐ Analyse des résultats
1-‐ Principaux résultats de cette étude
2-‐ L’intérêt des médecins généralistes
3-‐ Les freins vus par les médecins généralistes
4-‐ Les indications utiles
5-‐ Le profil type du médecin généraliste échographiste et sa formation
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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