L’échec scolaire, d’un point de vue théorique

L’école primaire, lieu d’éducation accueillant des enfants de trois à onze ans, permet de construire des apprentissages fondamentaux pour les élèves. Selon le Ministère de l’Éducation nationale, c’est à l’école primaire que tout se joue (acquisition d’une culture commune, de valeurs et de compétences indispensables à une poursuite d’études réussie, à la vie en société démocratique …) .

C’est pourquoi, elle est donc la priorité de la refondation de l’École de la République, selon la loi du 9 juillet 2013. L’objectif premier étant de rendre l’école plus juste et plus efficace, dans le but de réduire les inégalités. Pour autant, à l’encontre des principes de l’école d’aujourd’hui (la réussite de tous), demeure un phénomène bel et bien présent, et ce, depuis plusieurs années : l’échec scolaire. La non-réussite d’un élève se définit ainsi, comme sa sortie de l’institution sans diplôme, ni qualification suite à des résultats insuffisants.

Cependant, l’École n’est pas uniquement un lieu d’apprentissage qui consiste à transmettre des savoirs. Effectivement, c’est aussi un endroit rempli d’affects, dans lequel l’enfant apprend à devenir citoyen, à gérer ses émotions et à créer des relations (socialisation). En ce sens, de nombreuses études ont récemment mis en exergue l’éventualité d’un lien entre échec scolaire et affectivité. Autrement dit, il semblerait que la réussite scolaire soit fortement influencée par l’environnement émotionnel de l’élève.

L’ÉCHEC SCOLAIRE, D’UN POINT DE VUE THÉORIQUE

UNE DÉFINITION DE L’ÉCHEC SCOLAIRE

Définir cette notion semble être une tâche relativement difficile, de par le nombre important de facteurs entrant en jeu, que nous verrons plus tard. Néanmoins, le pédagogue Philippe Meirieu s’accorde à dire que l’échec scolaire peut être défini comme « la difficulté pour un individu de s’approprier des savoirs scolaires ». Pour autant, il est nécessaire de faire une distinction entre « échec » et « difficulté » qui ne renvoient pas aux mêmes attitudes. En effet, une différence sensible entre ces deux catégories peut être établie, selon l’auteur. L’élève en difficulté proposera des attitudes et des questionnements qui donneront la possibilité à l’adulte de le rejoindre dans son raisonnement. Tandis que l’élève en situation d’échec sera davantage dans une phase de non-coopération, incompréhensible, souhaitant parfois quitter la classe …

Dans ces circonstances, selon Plantevin-Yanni (2013, p.65), la relation entre l’élève et l’enseignant se retrouve mise à mal, l’enseignant ne peut rejoindre son élève, l’élève lui ne peut pas se faire comprendre. Ils sont ainsi tous deux dans des niveaux de sens différents qui ne communiquent pas. Face à cette situation, à ce blocage, les difficultés pour l’élève ne font que s’aggraver. 

Cependant, l’échec scolaire ne peut se limiter qu’à de simples faibles résultats dans des matières. Meirieu (2013, p.66) évoque ainsi l’idée selon laquelle, « lorsqu’un enfant est en train d’échouer, ce qui est le plus important, c’est ce qui est en jeu et non les conséquences ». En d’autres termes, l’élève ne manifeste pas seulement son échec par des lacunes considérables (conséquences) mais principalement, par des attitudes, des sensations éprouvées mises en œuvre. Ces attitudes étant d’autant plus signifiantes en soi que des résultats, car elles permettent de mettre en scène le vécu psychique de l’enfant.

Être dans une situation d’échec signifie donc réagir par des gestes démonstratifs, l’enfant ayant besoin d’extérioriser ce qu’il ressent. L’échec scolaire serait ainsi à la fois un mélange de résultats insuffisants manifestant des difficultés à acquérir des savoirs, mais aussi, principalement d’émotions vives (pleurs, énervements, cris …) exprimées dans l’action de l’élève. Ainsi, quelles seraient donc les causes véritables de cet échec, donnant lieu à ces attitudes ? Ce phénomène présentant de multiples facteurs, nous allons voir qu’il n’est pas facile d’en déterminer une véritable et unique causalité.

LES CAUSES DE L’ÉCHEC SCOLAIR

Dans ces débuts, l’échec scolaire était tout d’abord attribué au quotient intellectuel de l’élève, accordant, d’après Best (1997, p.16), l’échec d’un élève « à un don inné ou à une absence de ce don ». L’échec scolaire n’ayant pas toujours dérangé, il semblait alors « normal » que certains enfants soient plus doués que d’autres pour les études. Cependant, maintes fois critiquée, cette approche psychologique et individuelle de l’échec a été abandonnée au profit d’une approche du type sociologique.

En effet, dès 1966, le sociologue français Bourdieu met en évidence une forte corrélation entre l’origine sociale de l’élève et ses chances de réussite à l’école. L’idée étant que les enfants issus de milieux populaires auraient moins accès au patrimoine culturel que ceux venant de familles dont les parents sont diplômés. Ils connaîtraient donc par conséquent davantage de difficultés scolaires, ces derniers devant faire un travail d’apprentissage beaucoup plus important que les autres, du fait de leur origine familiale (absence de capital culturel). Ainsi, dès le plus jeune âge, le fait de vivre dans un milieu culturellement riche serait plus ou moins déterminant pour la réussite de l’élève. L’échec scolaire aurait donc un rapport avec le milieu social dans lequel l’enfant vit. Son entourage influençant son rapport à l’école selon, si les membres de cette famille sont diplômés ou non. On retrouve ainsi ici le phénomène de reproduction sociale largement évoqué par différents auteurs tels que Karl Marx, ou encore JeanClaude Passeron.

Pour autant, il convient de nuancer aujourd’hui cette théorie de la « reproduction », l’institution scolaire ayant mis en place, il y a des années de cela, des dispositifs afin de corriger ce phénomène des inégalités, que nous verrons ultérieurement.

Cette approche sociologique de l’échec scolaire, rend ainsi la famille comme l’un des facteurs responsables de cet échec. Outre, l’aspect culturel qui est plus ou moins essentiel, les parents se retrouvent aujourd’hui souvent débordés face à leurs enfants (violence, délinquance, etc. ). La plupart sont ainsi de moins en moins dans la capacité de les élever. Si l’implication des familles dans le phénomène d’échec scolaire s’avère être reconnue, le système éducatif n’en est pas pour autant exempte de toute responsabilité. D ‘après l’auteur Marcel Crahay (2007), l’une des causes de l’échec serait le redoublement et sa conséquence naturelle, le retard scolaire. Alors que ce procédé a été créé en tant que mesure d’aide proposée aux élèves pour traiter cet échec, le redoublement ne ferait que produire un système de dévalorisation renforçant celui-ci. En d’autres termes, le principe selon lequel à chaque niveau scolaire correspond une classe d’âge admise, engendre pour l’enfant redoublant le signe d’un échec, comme étant dans l’incapacité de suivre un rythme d’apprentissage donné. Malgré le fait que le maintien soit de plus en plus marginalisé, il reste tout de même pour l’ensemble des élèves qui l’ont vécu comme le signe d’une régression. L’idée de refaire deux fois de suite une année à l’identique peut susciter chez l’enfant une réticence, d’autant plus si aucun progrès n’est constaté au cours de cette deuxième année. Ainsi, le redoublement plutôt que de pallier l’échec scolaire, ne fait que davantage l’affirmer, en provoquant chez l’élève un sentiment de manque de confiance en soi, de démotivation conduisant de nouveau à cet échec.

LES DISPOSITIFS PERMETTANT DE REMÉDIER À L’ÉCHEC SCOLAIRE

Comme nous avons pu le voir auparavant, l’échec scolaire est encore présent en France. De nombreuses études et de nombreux rapports soulignent ainsi, régulièrement l’ampleur de ce phénomène : comme celui de l’OCDE, paru en 2016, affirmant la dégradation du système éducatif français. Les données démontrent notamment, la baisse des performances des élèves en Mathématiques (chute de 4 points, par rapport à l’enquête PISA de 2012). Par ailleurs, selon cette même étude, « il y aurait beaucoup plus d’élèves en difficulté […], le nombre d’élèves en échec aurait ainsi fortement augmenté ».  La France étant également critiquée dans son incapacité à s’adapter aux enfants en difficulté, le plus souvent issus de milieux défavorisés. Face à cette situation plutôt alarmante, de nombreux dispositifs ont ainsi été mis en place par le Ministère de l’Éducation nationale, afin de remédier aux difficultés rencontrées par les enfants. C’est pourquoi il semble important de faire un point sur l’ensemble de ces outils, l’idée étant de comprendre en quoi pourraient-ils améliorer la situation de l’élève en échec ?

LE RASED

Parmi les mesures proposées pour faire face au problème de l’échec scolaire, demeure celle du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Créé et mis en place en 1990, le RASED est une structure éducative en France, ayant pour mission de fournir des aides spécialisées à des élèves en difficulté, dans les classes ordinaires des écoles primaires. Cette demande fait suite à l’analyse approfondie de la difficulté, sollicitée par l’enseignant. Le personnel spécialisé est ainsi constitué de trois intervenants :
• un psychologue scolaire, en cas de besoin ;
• un enseignant spécialisé chargé des aides à dominante pédagogique, difficultés d’apprentissage (maître E) ;
• un enseignant spécialisé chargé des aides à dominante rééducative, difficultés d’adaptation à l’école (maître G).

L’action de ces membres doit reposer sur une indispensable collaboration entre les intervenants, mais aussi les enseignants de l’école, les parents de l’élève concerné etc . L’objectif étant, pour l’enfant, de lui redonner l’envie d’apprendre, la maîtrise des méthodes et des techniques de travail, de prendre conscience d’une réussite possible.

LE PPRE

Le RASED contribue également à la mise en œuvre des programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE), seconde mesure proposée pour anticiper l’échec scolaire. En effet, depuis la loi du 23 Avril 2005 (article 16) : À tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu’il apparaît qu’un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d’un cycle, le directeur d’école ou le chef d’établissement propose aux parents ou au responsable légal de l’élève de mettre en place un programme personnalisé de réussite éducative .

De fait, la mise en place d’un PPRE permet de suivre un élève dans son acquisition des compétences demandées, au cours de l’école primaire. C’est ainsi, un plan coordonné qui propose des actions diverses, conçues pour amener les élèves à maîtriser les compétences du socle. Il se concentre donc principalement sur le Français et les Mathématiques en fixant des objectifs précis, mais en nombre réduit. L’idée étant de prévenir l’aggravation des difficultés, ou bien de permettre à l’enfant de surmonter les obstacles à la poursuite de ses apprentissages.

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Table des matières

1. Introduction
2. La notion d’échec scolaire
2.1 L’échec scolaire, d’un point de vue théorique
2.1.1 Une définition de l’échec scolaire
2.1.2 Les causes de l’échec scolaire
2.2 Les dispositifs permettant de remédier à l’échec scolaire
2.2.1 Le RASED
2.2.2 Le PPRE
2.2.3 L’aide personnalisée
2.2.4 L’échec scolaire : des politiques éducatives
3. La notion des affects chez l’enfant
3.1 Les affects chez l’enfant, sur un plan théorique
3.1.1 Une définition de l’affect
3.1.2 La place des émotions dans l’apprentissage
3.1.2.1 La face cachée du triangle pédagogique
3.1.2.2 Les émotions au service de l’apprentissage
3.1.2.3 Quand les émotions débordent : un frein dans l’apprentissage
3.1.3 Les manifestations des émotions en contexte scolaire
3.2 La prise en compte des émotions dans l’apprentissage
3.2.1 Le concept d’intelligence émotionnelle
3.2.2 La compétence émotionnelle à l’école
4. Présentation du recueil de données
4.1 Déroulement
4.2 Présentation de l’outil
4.3 Présentation de la classe
4.4 Hypothèses
5. Analyse des données
5.1 Hypothèse n°1
5.2 Hypothèse n°2
6. Discussions et perspectives
7. Bibliographie
8. Annexes

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