Le XIX° siècle, l’image diffuse d’un régime à travers le Grand Théâtre ?

La polyvalence du Grand Théâtre, une scène de province caractéristique

Tous les genres sont représentés au Grand Théâtre. C’est, durant cette période, un aspect caractéristique du fonctionnement des grandes scènes de province dont Bordeaux fait partie. Cette polyvalence donne donc lieu à des comédies, des opéras-comiques et des concerts, mais aussi à des opéras, des tragédies et des ballets. Le spectacle comporte donc traditionnellement une pièce majeure, une comédie, une tragédie ou un drame et une autre pièce mineure. Il peut également arriver qu’une pièce combine tous les genres, comme c’est le cas pour Le Bourgeois Gentilhomme et soit donc la seule donnée durant la représentation.
De plus, les Bordelais veulent bénéficier au plus vite des créations parisiennes. La majorité des œuvres créées à Paris sont ensuite présentées à Bordeaux dans l’année même. Ainsi, avant 1789 le Grand Théâtre peut enchainer dix représentations successives. Outre les succès parisiens ou venant d’autres scènes, qui composent la majorité du répertoire, les auteurs bordelais fournissent des œuvres se rapportant aux événements contemporains. C’est notamment le cas pour le ballet, genre favori des Bordelais. Le Grand Théâtre a donc su se forger sa propre programmation, régulièrement enrichie, exploitée et mise à jour jusqu’à la fin du XIX° siècle. Le danseur et maître de ballet Jean Bercher reprend à Bordeaux des œuvres composées à Londres. Il enrichit également le répertoire de ses propres créations. En ce qui concerne la vie musicale bordelaise, c’est Franz Beck128 qui la dirige pendant près de 40 ans.

Le XIX° siècle, l’image diffuse d’un régime à travers le Grand Théâtre ?

De nouveaux usages qui s’instaurent

L’organisation du Grand Théâtre des trente premières années du XIX° siècle s’inscrit dans la continuité de celles qui les ont précédées. Ainsi, les spectacles sont toujours quotidiens, sans clôture annuelle du lieu. La diversité des genres est toujours à l’honneur. En ces temps troublés cependant, le théâtre n’est pas le souci majeur des autorités. Les directeurs successifs font tour à tour faillite bien que l’engouement pour l’opéra soit toujours le même. Jacques d’WELLES constatera plus tard : « Si le théâtre est brillant, ce n’est point le cas des finances. »
Si l’organisation reste sensiblement identique en ce début de siècle, de nouveaux usages s’instaurent cependant. En effet, l’avènement de la classe bourgeoise dominante au XIX° siècle modifie la structure sociale du public de l’opéra. Au XVIII° siècle, à Bordeaux, seule la loge du gouverneur a le privilège d’offrir un salon privé et un escalier dérobé permettant des arrivées et départs discrets. Par la suite, la grande bourgeoisie veut également user de ce droit. Sylvie Saint-Cyr explique ce goût nouveau ainsi : «La bourgeoisie a d’abord aimé l’art lyrique pour des raisons sociales, car il lui donne le sentiment d’appartenir à un groupe supérieur.» Les loges sont désormais également destinées aux bourgeois fortunés, aux riches commerçants, artisans et autres professions libérales.

Un opéra au service de la représentation politique

Durant la seconde moitié du XIX° siècle, les usages qui s’instaurent perdurent jusqu’à la Première Guerre Mondiale. La saison d’hiver, d’octobre à mai, est consacrée à l’opéra et au ballet. La saison d’été est consacrée aux grands spectacles populaires, féeries ou opérettes. C’est également la période des tournées parisiennes, favorisées par les progrès du transport ferroviaire. Le Grand Théâtre connait une période de clôture annuelle en août.
Le répertoire lyrique glisse quant à lui vers le grand opéra à la française aux sujets historiques ou politiques, pris dans les événements contemporains. Le grand répertoire est alors conçu pour participer à la création d’une certaine image politique. L’opéra au XIX° siècle apporte l’image diffuse d’un régime, mais suffisamment vague pour pouvoir être interprétée par chaque groupe de la société à sa manière. Il ne s’agit donc pas de propagande, mais d’outils à dispenser. C’est une partie du rôle qu’a pu tenir l’opéra à cette époque. Sous le Second Empire, l’opéra représente une institution organisée avec une intention symbolique qui est de présenter des œuvres que le régime juge utiles d’un point de vue politique. Napoléon III utilise ainsi l’opéra pour se lier au passé culturel du pays. Il s’agit alors pour le genre, d’incarner le patrimoine national et non de donner l’image d’une entreprise bourgeoise. Cependant, si l’opéra est en théorie ouvert à tous, le public réel se caractérise par une étroite élite sociale. Le Second Empire encourage le goût de la réception, spectaculaire et mondaine, en exergue à Bordeaux.

Le Grand Théâtre géré dans une optique de prestige à travers le chabanisme culturel

Dès son arrivée à la mairie de Bordeaux, la culture est une préoccupation essentielle de Jacques Chaban-Delmas. Elle le restera tout au long de ses mandats. Ainsi, le chabanisme culturel représente un fonctionnement politique particulier. La politique culturelle de la ville est en effet indissociable de la carrière du maire et de la façon dont il l’exerce. Le rôle incitateur de l’État, notamment durant les années Lang ne fait que renforcer l’engouement précoce des Bordelais pour la culture. En 1987, Bordeaux est la ville où l’investissement par habitant pour la culture est la plus élevée. Les dépenses culturelles municipales représentent en effet 15,7% du budget de la commune. Elles augmentent de telle manière qu’en 1992, elles en représentent 27%, soit la somme de 400 millions de francs.
La culture devient ainsi un vecteur de promotion de la ville. Il s’agit alors de «déprovincialiser» Bordeaux en faisant de la cité un pôle d’avant garde artistique dont la réputation doit devenir internationale. Le développement culturel et les retombées économiques qui peuvent en résulter sont ainsi liés. Jacques Chaban-Delmas apparait alors comme le premier acteur de la vie culturelle locale, ne laissant au service «Actions culturelles» de la Ville de Bordeaux qu’un rôle administratif limité. Cette politique a un impact sur la gestion du Grand Théâtre, fortement loué par le maire, qui déclare ainsi : « Si l’architecture concrétise, de la façon la plus haute, la foi et les aspirations de ceux qui l’érigent, le théâtre de Bordeaux est la manifestation la plus puissante de l’esprit bordelais; optimisme, générosité, classicisme ‟ouvert”. » L’édifice est donc dirigé dans une optique de prestige, afin d’apporter à la ville une image culturelle forte.

Une gestion plus saine de l’Opéra, vers l’obtention du label national

Dès août 1996, Thierry Fouquet et Jean-Luc Maeso, alors secrétaire général, décident de la création de l’Opéra de Bordeaux. Il s’agit de rationnaliser les activités artistiques lyriques, symphoniques, du chœur et du ballet, en les regroupant sous le nom d’une appellation unique. Le terme de Grand Théâtre ne couvrait en effet que partiellement l’ensemble de ces champs. Ce terme générique apparait ainsi comme un avantage d’ordre communicationnel, permettant de regrouper les campagnes d’informations et de publicités derrière un logo unique. C’est également une des conditions pour obtenir le label d’Opéra National, accordé par le Ministère de la Culture. Ce groupement permet d’autre part d’instaurer une gestion plus saine de l’Opéra, qui apporte à la ville un rayonnement au-delà de l’échelle locale. C’est un symbole politique fort, Alain Juppé voulant en faire un instrument au service de la communauté.
L’Opéra a donc un statut de régie municipale. Son fonctionnement est ainsi soumis aux règles du droit administratif et l’établissement n’a pas la personnalité juridique. Il a une certaine autonomie administrative et financière. L’Opéra dispose donc d’un conseil d’exploitation et d’un budget spécial annexé à celui de la commune. Par ce statut, Alain Juppé maintient ainsi l’institution sous une surveillance budgétaire stricte, ce qui permet à la Ville de Bordeaux d’en chiffrer précisément le coût de revient. Celui-ci est d’environ 95 millions par an. L’Opéra doit informer la municipalité de toutes ses dépenses. Bien que le personnel intermittent soit géré directement par la régie, la gestion du personnel contractuel relève de la Direction des Ressources Humaines de la mairie de Bordeaux, qui a donc un droit de regard sur toute décision d’embauche et de licenciement. Ces aspects amènent une lourdeur administrative certaine.

La gestion optimisée de l’Opéra national de Bordeaux

La régie personnalisée, vers l’indépendance d’une entité

Le personnel administratif compte quatre-vingt membres répartis entre la Direction administrative et financière, la Direction artistique, la Direction du Développement et de la Communication et la Direction des ressources humaines. La régie personnalisée permet à l’Opéra de Bordeaux, tout en restant dépendant de la collectivité, d’avoir une personnalité juridique propre et de faire du commerce. Il gère de manière autonome ses recrutements.
Les flux financiers continuent cependant de passer par la Ville de Bordeaux. Cet établissement public à caractère administratif est doté d’un directeur et d’un Conseil d’Administration. Celui-ci est composé de six représentants de la Ville de Bordeaux, deux représentants de l’Etat et un représentant de la région Aquitaine.
Cette régie personnalisée repose sur une convention établie avec ces différents représentants. La première est établie pour une durée de cinq ans, de 2001 à 2005. Il s’agit alors de garantir les conditions d’un budget stabilisé et d’une gestion transparente. Des contreparties, inscrites dans un cahier des charges, sont exigées par les différents partenaires. Ce cahier des charges concerne également l’engagement artistique, des éléments relatifs à la dimension des publics et le rôle des collectivités et de l’Etat dans les moyens qu’ils apportent. Un comité de suivi est également formé afin de réaliser un rapport évaluant le respect des engagements inscrits dans les conventions.
Une troisième convention a été renouvelée de 2013 à 2017. Elle fait suite au rapport favorable du Ministère de la Culture pour la convention précédente, de 2008 à 2012. Elle présente les orientations générales que doit suivre l’Opéra, ainsi que le fonctionnement et le cahier des charges artistiques, culturelles et financières, précis de l’institution. Elle doit ainsi assurer différentes missions, relevant de la production, de la création et de l’accueil d’artistes invités, mais également d’expérimentation avec ses propres forces artistiques comme avec de nouveaux partenaires.

Des financements variés

Les ressources propres de l’Opéra de Bordeaux sont insuffisantes pour faire fonctionner entièrement une telle structure. Le prix de vente des places doit en effet correspondre à la politique de l’Opéra pour garantir le remplissage des salles, sans être trop élevé. Cela peut mener à une baisse des recettes. Pour concilier ces différents impératifs, plusieurs moyens de financement sont utilisés.
L’Opéra dépend tout d’abord des financements publics, dispensés par ses tutelles. En effet, l’obtention du label apporte une certaine protection à l’établissement, qui se voit garanti d’obtenir les subventions de l’Etat et de la Région Aquitaine. La Ville de Bordeaux a la charge la plus importante de ce financement public. Ainsi, l’ONB représente 21% du budget culturel de la ville. En effet, pour un budget de presque 32 millions d’euros, la municipalité fournit une subvention de 15,5 millions. D’autre part, le bâtiment du Grand Théâtre repose sur un bail emphytéotique. Les travaux à charge du propriétaire sont financés par la ville, tandis que le fonctionnement est à la charge de l’Opéra. Le service patrimonial dédie environ 50 000€ par an à ces travaux.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I. DU GRAND THEATRE À L’OPERA NATIONAL DE BORDEAUX, LA CREATION D’UNE INSTITUTION
Chapitre 1. L’architecture du Grand Théâtre de Bordeaux, la renommée d’un monument prestigieux 
I. Le Grand Théâtre, chef-d’œuvre de Victor Louis 
A.Un monument mis en valeur par son environnement
B.L’alliance de l’esthétique, du confort et de la sécurité
C.Des changements de décors soumis au goût des différentes époques
II.La restauration constante de Charles Burguet 
A.Des aménagements pour la mise en valeur de la structure
B.Un Monument Historique à entretenir
III. La campagne de restauration menée de 1990 à 1991 
A.Un programme d’intervention aux impératifs contraignants mais nécessaires
B.La restauration entreprise, la salle de spectacle et la scène
C.Des restaurations désormais ponctuelles et ciblées
Chapitre 2. Le Grand Théâtre, reflet d’une société à travers les siècles
I. Au XVIII° siècle : l’avènement d’un monument prestigieux 
A.Un lieu de vie et d’apparat
B.La polyvalence du Grand Théâtre, une scène de province caractéristique
II.Le XIX° siècle, l’image diffuse d’un régime à travers le Grand Théâtre ? 
A.De nouveaux usages qui s’instaurent
B.Un opéra au service de la représentation politique
III. Le début du XX° siècle, entre continuité et rupture
A.Une période marquée par la fermeture du Grand Théâtre
B.Vers un élargissement de la notion de répertoire après la Libération
Chapitre 3. L’Opéra de Bordeaux, symbole des politiques culturelles de la Ville de Bordeaux (1987-2004)
I. La politique d’excellence de Jacques Chaban-Delmas et d’Alain Lombard (1987-1995) 
A.Le Grand Théâtre géré dans une optique de prestige à travers le chabanisme culturel
B.Alain Lombard, un chef d’orchestre providentiel
C.Une politique d’excellence bien trop dépensière et ses conséquences
II.Le premier mandat d’Alain Juppé, vers une gestion plus saine de l’Opéra (1955-2004) 
A.Une rupture dans la politique culturelle de prestige
B.Une gestion plus saine de l’Opéra, vers l’obtention du label national
C.Les premières mises en place d’une politique culturelle efficace
PARTIE II. L’OPERA NATIONAL DE BORDEAUX AUJOURD’HUI, FONCTIONNEMENT ET POLITIQUES CULTURELLES 
Chapitre 1. L’organisation actuelle de l’Opéra national de Bordeaux 
I. La gestion optimisée de l’Opéra national de Bordeaux 
A.La régie personnalisée, vers l’indépendance d’une entité
B.Des financements variés
C.Une politique tarifaire et une promotion efficaces
II.Une institution artistique et culturelle avant tout 
A.Les forces artistiques
B.Les aspects périphériques patrimoniaux de l’Opéra national de Bordeaux
C.La programmation, entre patrimoine et création
Chapitre 2. Une politique culturelle tournée vers les différents publics 
I. Un Opéra qui s’inscrit sur son territoire 
A.L’Opéra et la Ville de Bordeaux
B.Le rayonnement de l’Opéra national de Bordeaux
II.L’Opéra pour tous, vers une pérennité des liens avec les publics ciblés 
A.Un échange entre les différentes structures
B.Le PREAC, des actions de formation pour le développement de l’art lyrique
III. Le jeune public, un acteur essentiel : le public de demain ? 
A.Un atout primordial pour la démocratisation de l’opéra
B.Les actions de l’Opéra national de Bordeaux
C.Le public scolaire et la mission éducative de l’Opéra
PARTIE III. DES ACTIONS À RENFORCER POUR UNE VERITABLE DEMOCRATISATION DE L’OPERA NATIONAL DE BORDEAUX 
Chapitre 1. Les étudiants et l’opéra, des actions mises en place pour un public spécifique 
I. Un public particulier, plus difficile à atteindre ? 
A.Les étudiants et la culture
B. Les actions diverses de l’Opéra de Bordeaux envers les étudiants
II.Des propositions pour inscrire l’Opéra national de Bordeaux au quotidien des étudiants 
A.Aller vers les étudiants
B.Des formules et parcours divers
C.La prise en compte des étudiants de toute la région
Chapitre 2. L’Opéra de Bordeaux, un lieu ouvert à tous ?
I. Des événements et des manifestations pour tous 
A.Les actions ponctuelles initiées par l’Opéra national de Bordeaux
B.La participation à des évènements nationaux populaires
C.Une journée nationale spécifique, l’opération Tous à l’Opéra !
D.Le bilan contrasté de ces actions
II.La visite virtuelle de l’Opéra national de Bordeaux, un premier pas vers l’opéra ? 
A.L’approche différente d’un univers particulier
B. L’élaboration d’un cahier des charges pour la mise en place de la visite virtuelle
CONCLUSION

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