LE VOYAGE DANS LA LITTERATURE FRANCOPHONE
Le thème du voyage a pris une place prépondérante dans la littérature négro-africaine à la veille de l’indépendance, époque où les élites africaines avaient un engouement pour le voyage à Paris, la « terre promise ». Ce même phénomène s’est produit aussi à Madagascar vers les années 80, une époque où écœurés par la misère et par toutes sortes d’abus politique du régime qui affecte le pays, les élites malgaches éprouvaient plus que jamais l’envie de partir ailleurs. C’est ainsi que les écrivains font apparaitre dans leur création cette aspiration pour le voyage.
En effet, pour ces écrivains, le voyage ne se réduit plus à un simple déplacement spatial mais prend d’autres dimensions.
Voyage comme un moyen de contact intra ou interculturel
Dans les romans négro-africains, les écrivains traitent le thème du voyage en mettant l’accent sur son aspect culturel. Selon eux, qui dit voyage dit contact, voire conflit entre deux ou plusieurs cultures ce qui implique un effort d’adaptation chez le sujet voyageur. Cette représentation du voyage n’est que la reprise d’une vision universelle qui dit que : « le voyage et le récit du voyage expriment un moment culturel reconnaissable, celui de l’adéquation de l’homme et du monde extérieur » . Le terme « adéquation » traduit bien cette idée d’adaptation.
C’est ainsi que dans les romans négro-africains et malgaches d’expression française, les personnages sont les plus souvent tiraillés entre deux cultures contradictoires, la culture traditionnelle et la culture moderne, d’où la présence des diptyques : brousse-ville / Afrique-Paris qui constituent l’itinéraire spatial des personnages. La brousse et l’Afrique représentent le monde traditionnel tandis que la ville et Paris symbolisent la modernité. Parmi ces romans, prenons l’exemple de l’Aventure ambigüe de Cheickh Hamidou KANE, un roman pathétique qui met en scène l’affrontement entre les tenants de la tradition et les partisans des valeurs occidentales, un affrontement dont le héros constitue l’enjeu. Il raconte le voyage du héros à Paris, les sentiments de solitude et de déracinement qu’il ressent ainsi que son inadaptation face à la réalité du quotidien parisien, le retour précipité en Afrique qui implique en lui un déséquilibre aboutissant à la mort.
Bref, dans ce roman, à travers le voyage du héros, l’auteur met la lumière sur l’effet néfaste du culturel sur le personnage.
Le voyage peut aussi avoir une dimension psychologique.
Voyage comme une construction des personnages
D’autres écrivains représentent le voyage, non pas comme un phénomène extérieur aux personnages mais plutôt comme un cheminement intérieur à travers lequel ils construisent leur être. Ainsi, pour certains personnages, le voyage se traduit comme une quête individuelle par laquelle ils se déplacent soit de leur village natal à une ville soit d’un pays à l’autre afin de construire leur personnalité. Tel est le cas de Carte d’identité de J.M.A et d’Elle au printemps de Michèle RAKOTOSON où les personnages partent à l’aventure en quête de leur identité individuelle.
Le thème du voyage dans les romans francophones du Sud prend donc, un double aspect : un passage d’un monde à l’autre ou d’une culture à l’autre et une construction de soi. Ces représentations du voyage se retrouvent aussi dans la vie de l’auteur.
VOYAGE DANS LA VIE DE MICHELE RAKOTOSON COMME UNE CONSTRUCTION DE L’ETRE
Il faut noter que le voyage occupe une place importante dans la vie de l’auteur. Si on porte un regard analytique sur sa biographie, on constate que sa vie se résume en un voyage à double sens : l’un traduit un aller qui est représenté par le voyage de Madagascar à Paris et qui s’annonce comme une construction de l’écrivain, l’autre se présente comme un retour ou plutôt un aller-retour entre Madagascar et Paris et peut être traduit comme retour à la source.
Voyage d’Antananarivo à Paris
Ce voyage se révèle pour Michèle RAKOTOSON comme une sorte de cheminement à travers lequel elle construit son individualité. Les études qu’elle a effectuées une arrivée à Paris se comme un apprentissage à sa carrière d’écrivain journaliste ou une construction de soi. Après ses études, Michèle RAKOTOSON connait des années de consécration ce qui lui permet d’affirmer son individualité.
Années de formation ou d’apprentissage
Après avoir décroché son diplôme de DEA en Sociologie, Michèle RAKOTOSON fut boursière du Centre National des lettres de Paris (1988) puis de l’Institut International du Théâtre (1989). En 1990, elle bénéficia, à l’université de Providence (U.S.A) d’une résidence d’écriture. Les années suivantes vont être consacrées à la création littéraire de différents genres.
Années de la consécration
Michèle RAKOTOSON publia son premier roman Dadabe en 1984 comportant trois nouvelles. Cet ouvrage a reçu le Grand Prix de Madagascar de l’Adelf. Vinrent ensuite Le bain de reliques (1988) ; Elle au printemps (1996) ; et Henoy suivi de Fragments en écorce (1998). Elle écrit également des pièces de théâtre, parmi lesquels Sambany (1983) ; Un jour ma mémoire (1989) ; La maison morte (1991). Puis, il faut noter qu’elle est l’auteur des nouvelles suivantes : Dolorosa (1995) ; Elle lui a dit un jour (1997) ; Bozy, andevo-vavy (1998). En dehors de l’écriture, Michèle RAKOTOSON a connu de grand succès aussi dans son métier de journaliste : elle fut nommée responsable de la rubrique culturelle sur RFI, elle collabora aussi à de nombreuses revues africaines, entre autres : Théâtre Sud ; Jeune Afrique magazine. Si le voyage d’Antananarivo à Paris se présente pour Michèle RAKOTOSON comme une construction de soi ou une ouverture au monde, le voyage de Paris à Madagascar traduit un retour aux sources vu comme échec.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1ERE PARTIE : CADRE THEORIQUE
CHAPITRE 1 : LE VOYAGE DANS LA LITTERATURE FRANCOPHONE
A. Voyage comme un moyen de contact intra ou interculturel
B. Voyage comme une construction des personnages
CHAPITRE 2 : VOYAGE DANS LA VIE DE MICHELE RAKOTOSON COMME UNE CONSTRUCTION DE L’ETRE
A. Voyage d’Antananarivo à Paris
1. Années de formation ou d’apprentissage
2. Années de la consécration
B. Voyage de Paris à Antananarivo
CHAPITRE 3 : VOYAGE COMME CHEMIN SYMBOLIQUE
A. Chemin symbolique
1. Chemin et voyage
2. Chemin symbolique
B. Présentation de l’œuvre comme représentative du thème du chemin symbolique
2EME PARTIE : REPRESENTATION DU CHEMIN SYMBOLIQUE DANS DADABE
CHAPITRE 1 : DU MONDE URBAIN VERS LE MONDE RURAL
A. Organisation spatiale dichotomique
1. Opposition d’ordre géographique
a. Bas vs Haut
b. Monde ouvert vs monde clos
2. Opposition d’ordre symbolique
a. Monde sacré versus monde profane
a1. Point de vue des personnages modernes
a2. Points de vue des personnages traditionnels
b. Vie versus Mort
B. Voyage destructeur ou reconstructeur pour le personnage ?
1. Voyage destructeur pour le personnage
a. Passage d’un état à l’autre
a1. Etat initial (El)
a2. Force perturbatrice (Fp)
a3. Dynamique de l’action (Da)
a4. Force équilibrante (Fé)
a5. Etat final (Ef)
b. Passage d’un statut à l’autre
b1. Personnage agent
b2. Personnage patient
2. Voyage reconstructeur pour le personnage
a. Rite d’entrée
b. Traversée du domaine de la mort
CHAPITRE2. DU MONDE RURAL VERS LE MONDE URBAIN
1. Espace vert vs espace noir
a. Univers collectif Versus univers individuel
B. Passage de l’enfance à l’âge adule
1. Mal être
a. Autoportrait dévalorisant
a1. Autoportrait physique
a2. Autoportrait psychologique
c. Phrases interrogatives
2. Non accomplissement individuel
a. Résurgence permanente des souvenirs d’enfance
b. Présence permanente de l’Ombre
c. Carcan du milieu social
CHAPITRE 3 : DES QUARTIERS HAUTS VERS LES QUARTIERS BAS
A. Passage traduisant une conquête sociale et une émancipation
1. Organisation spatiale reposant sur l’opposition de l’attitude des femmes
a. Enfermement des femmes dans les quartiers hauts
a1. Comportement physique
a2. Comportement gestuel
a3. Comportement verbal
b. Liberté des femmes dans les quartiers bas
b1.Comportement physique
b3. Comportement gestuel
b3. Comportement verbal
2. Récit exprimant la révolte
a. Rôle des poèmes
a1. Des cris plaintifs
a2. Cris de révolte
b. Discours subversif
b1. Valeur dénonciatrice de « on »
b2.Ton provocant du discours
b3.Langage familier
B. Reconquête de soi
1. Revalorisation de l’image de soi
a. Femme épanouie
b. Mère comblée et accomplie
2. Dénouement euphorique
a. Surpassement de l’obstacle
a1. Triomphe de l’héroïne
CONCLUSION GENERALE
TABLE DES MATIERES
BIBLIOGRAPHIE