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La traduction au Moyen-Âge : l’importance du monde musulman
Les « maisons de la sagesse » (bayt al-ḥikma) apparaissent dans le monde arabe au IXe siècle après J.-C. On y rassemble le savoir dans de grandes bibliothèques, mais on y traduit également la littérature grecque, perse, indienne et même chinoise. Une multitude de documents y est traduite ; traités philosophiques, textes médicaux, logiques, mathématiques, astronomiques et même musicaux de diverses provenances sont ainsi collectés, traduits et conservés. Toutes ces traductions sont accompagnées de commentaires et de réflexions. La plus célèbre de ces maisons est la bibliothèque personnelle du calife abbasside, Hâroun ar-Rashîd (fin du VIIIe siècle).
Le savoir se diffuse également dans l’Europe médiévale, particulièrement au XIIe siècle, grâce notamment à l’école de Tolède, située en Espagne musulmane. Le royaume normand de Sicile (dont la bureaucratie est trilingue), représente un autre lieu de traduction des textes anciens. On y traduit, vers le latin, des oeuvres classiques grecques, mais également des documents scientifiques provenant du monde arabe, notamment les traités médicaux d’Avicenne et d’Averroès. Sans ces traductions, elles-mêmes établies grâce aux contacts entre personnes d’origines et de cultures diverses dans un même contexte, un grand nombre de textes grecs et arabes serait demeuré longtemps inconnu en Europe.
La traduction en Europe pendant la Renaissance
À la Renaissance, la traduction est toujours pratiquée, mais elle devient une source de difficultés pour certains de ses praticiens. Etienne Dolet, poète, imprimeur, humaniste mais également traducteur d’oeuvres philosophiques grecques et latines, et notamment des dialogues de Platon, est d’abord emprisonné à maintes reprises, avant d’être brûlé pour athéisme, en 1546. On l’accusait d’avoir traduit Platon d’une manière faisant apparaître la non existence de Dieu. Il en va de même pour William Tyndale, condamné dix ans plus tôt pour hérésie en raison de ses traductions de l’Ancien et du Nouveau Testament ; son principal crime avait été de chercher à rendre accessible à tous le texte biblique9. Ces deux cas illustrent l’importance, et même le pouvoir, de l’écrit, surtout que tous deux traduisaient les oeuvres des anciens philosophes et savants grecs et latin vers les langues vernaculaires, et avaient donc des gens ordinaires pour destinataires.
C’est aussi l’époque à laquelle Martin Luther s’exprime sur l’importance des traductions pour la propagation de la Réforme. Avec lui, la traduction devient un « acte générateur d’identité »10. La pratique traductrice s’accompagne chez lui d’une réflexion, parfois purement empirique ou méthodologique, parfois culturelle et sociale, parfois résolument spéculative, sur le sens de l’acte de traduire, sur ses implications linguistiques, littéraires, métaphysiques, religieuses et historiques, sur le rapport entre les langues, entre le même et l’autre, le propre et l’étranger. Il écrit au sujet du rapport entre style et sens : “La grammaire est nécessaire pour la déclinaison, la conjugaison et la construction de phrases, mais dans le discours le sens et l’objet doivent être considérés, et non la grammaire, car la grammaire ne règne pas sur le sens”11.
A. Berman écrit de la Bible luthérienne qu’elle « suggère (…) que la formation et le développement d’une culture propre et nationale peuvent et doivent passer par la traduction, c’est-à-dire par un rapport intensif et délibéré à l’étranger »12. Cette vision est fondamentale pour toute réflexion sur la pratique de la traduction.
Une réflexion systématique sur la traduction : l’Europe du XIXe siècle
L’Allemagne du XIXe siècle est le berceau d’une réflexion systématique sur la traduction au service d’une idéologie nationale. Les grands poètes allemands de cette époque traduisent ; Goethe traduit les poèmes persans de Hafez de Chiraz. Hölderlin traduit Pindare et Sophocle. Schiller traduit Shakespeare, Euripide et Racine. Non seulement ces poètes traduisent mais ils écrivent sur la traduction et réfléchissent à sa pratique. C’est l’époque où des philosophes, tels que F. Schleiermacher ou W. von Humboldt, commencent à réfléchir à des notions telles que les universaux de langage, ou les liens entre traduction et herméneutique. La traduction sert à forger une identité nationale, tout en intégrant les éléments « étrangers » des textes d’origine. La pratique de la traduction s’accompagne en Allemagne d’une réflexion, parfois simplement empirique ou méthodologique, parfois culturelle et sociale, et parfois franchement spéculative, sur le sens de l’acte de traduire, sur ses implications linguistiques, littéraires, métaphysiques, religieuses et historiques, sur le rapport entre les langues, le rapport à l’autre, sur ce qui est propre et ce qui est étranger. Une telle réflexion n’avait jamais été menée auparavant, et elle pose les bases de toutes les réflexions sur la traduction ultérieures ; c’est là qu’on trouve les bases de la discipline appelée traductologie.
Dans l’Angleterre victorienne, le débat fait rage entre M. Arnold et F. W. Newman au sujet de la meilleure manière de traduire Homère en anglais. F. W. Newman connaît les réflexions menées en Allemagne sur la traduction et cherche à les appliquer dans ses propres traductions ; il souhaite retransmettre les éléments étrangers de l’oeuvre d’Homère et s’oppose aux traductions fluides et trop axées sur le texte anglais. Son idée est de rendre l’auteur grec accessible à des lecteurs non-avertis, ne connaissant ni la langue ni la culture grecque ; il prône une démocratisation de la littérature et souhaite faire découvrir la littérature ancienne aux simples gens, mais dans le même temps, sa volonté de transmettre les aspects étrangers du texte grec lui font adopter un style archaïsant et alambiqué qui échoue à rendre sa traduction accessible au plus grand nombre19. M. Arnold s’oppose à cette approche de la traduction, estimant que seuls des lecteurs avertis sont à même de comprendre les traductions des textes anciens ; sa vision est à la fois nationaliste et élitiste20, puisqu’il s’agit, à travers la traduction, de doter les élites d’une autorité culturelle nationale et résolument anglophile.
Le XIXe siècle témoigne donc du développement de différentes réflexions et méthodes de traduction, qui sont souvent élaborées en fonction d’idéologies politiques, nationales, et culturelles spécifiques. Une fois de plus, le contexte historique dans lequel la traduction s’inscrit ne peut être ignoré.
La traduction au XXe siècle : une réflexion systématique et pluridisciplinaire
Au XXe siècle, la réflexion sur la traduction est menée de manière encore plus systématique. Ce ne sont plus seulement les poètes et philosophes qui s’y intéressent, ce sont aussi les linguistes, les sociolinguistes, les anthropologues, ethnologues, philosophes, etc. qui se penchent sur les problèmes posés par la traduction. Il est impossible de condenser, dans ce chapitre introductif, tout ce qui a été dit de la traduction ces dernières décennies, aussi je me contenterai ici de donner les grandes lignes du développement de la linguistique et de la traductologie.
Dans les années 1950 se développe une véritable réflexion sur les moyens d’enseigner la traduction et les différentes méthodes de traduction non seulement littéraire, mais également technique. Dans le contexte de la guerre froide, parler et traduire les langues étrangères devient crucial ; c’est à partir de cette époque que commence à se développer une réflexion sur la possibilité de créer une traduction automatisée fiable21. Les universités se dotent d’écoles de traduction. L’interprétariat simultané et la traduction technique et littéraire deviennent des disciplines enseignées distinctement. Le statut de la traduction change ; elle n’est plus uniquement considérée comme un outil, elle devient elle-même un objet d’étude, une discipline à part entière : la traductologie (Translation Studies)22.
L’étude de la traduction évolue considérablement au cours des deux derniers siècles, avec la prise de conscience de la nécessité d’inclure, dans l’étude des processus de traduction, les avancées dans les domaines de la linguistique, de la littérature comparée, de la sémiotique, de l’esthétique, mais également de la sociolinguistique, de l’étude du multilinguisme, du bilinguisme, et même du langage des enfants. On garde également à l’esprit l’aspect purement utilitaire de la traduction, et le fait que les problèmes posés par la traduction apparaissent durant la pratique de l’activité de traduction, et ne peuvent être résolus que par les traducteurs eux-mêmes.
Le cercle linguistique de Prague, et notamment les recherches en matière de traduction menées par le linguiste russe R. Jakobson23, joue un rôle important dans l’évolution des études consacrées à la traduction. Ce dernier établit de nouveaux critères d’étude de la traduction, montrant que loin d’être une activité pouvant être pratiquée par n’importe quel bilingue, elle représente une tâche complexe sur laquelle il faut mener un véritable travail de réflexion et d’analyse24.
Le XXe siècle témoigne également d’une réhabilitation des rôles du traducteur (en tant que lecteur et interprète du texte original) et du lecteur/destinataire de la traduction25. Les recherches menées en sociolinguistique et en sémiotique montrent en effet que les lecteurs jouent un rôle dans l’évolution des traductions, et qu’on ne peut les exclure du processus de réflexion sur la traduction26, surtout lorsqu’on a affaire à une traduction littéraire (la question est tout à fait différente lorsqu’on observe la traduction de textes scientifiques).
La traduction a par ailleurs été divisée en différentes catégories, approchées sous différents angles restrictifs. Certains s’intéressent aux processus de traduction, d’autres se concentrent sur le résultat de la traduction. Les spécialistes admettent pourtant dans l’ensemble la nécessité d’étudier ces deux aspects ensemble et simultanément, surtout dans le cas de la traduction littéraire, où le style comme le message du texte original sont à transmettre, ensemble, dans la traduction. Il est impossible de dissocier la fonction du texte de la fonction des expressions utilisées par l’auteur dans son texte.
La traduction en Mésopotamie : une approche peu développée
Ayant montré l’importance de la traduction dans toutes les cultures et à toutes les époques historiques, il apparaît que la traduction en Mésopotamie a longtemps été négligée. L’étude des langues de la Mésopotamie ancienne et la complexité des textes sont des facteurs qui ferment automatiquement les portes aux spécialistes de la traduction non-initiés à ces langues, et les assyriologues eux-mêmes, bien que s’intéressant généralement au bilinguisme et à ses diverses manifestations, ont rarement étudié les processus de traduction, préférant se pencher sur ses résultats. Quelques exceptions existent toutefois.
Le multilinguisme en Mésopotamie : études antérieures
Le multilinguisme mésopotamien est depuis longtemps une source d’intérêt pour les assyriologues, soucieux de comprendre quel rôle il a joué dans le développement des langues et des écritures, mais également dans la vie politique, économique et culturelle des populations mésopotamiennes depuis le IVe millénaire avant J.-C. En effet, dès l’apparition des premiers textes aux alentours de 3200 avant J.-C., plusieurs langues et dialectes sont attestés dans la région, parfois dans un seul et même texte. Par exemple, l’étude des noms géographiques a permis de constater qu’il existait des populations non sumériennes dans le Sud de la Mésopotamie ; ces populations n’ont laissé d’autres traces que ces noms, mais ceux-ci ont été adoptés par les Sumériens, transcrits et transmis dans les textes.
Les deux langues les mieux attestées dans les textes mésopotamiens du IIIe à la fin du Ier millénaire avant J.-C. ont été le sumérien et l’akkadien27. C’est pourquoi le bilinguisme suméro-akkadien a été le centre d’intérêt de nombreux assyriologues, notamment J. S. Cooper ou P. Michalowski, pour ne citer que deux exemples particulièrement représentatifs28. Ce bilinguisme se manifeste dans les textes à travers de nombreux aspects : emprunts, dans les deux directions, de vocabulaire, d’éléments grammaticaux et syntaxiques, de particularités culturelles (idéologiques, littéraires), religieuses, politiques, etc.
La traduction en Mésopotamie : études antérieures
C’est même l’existence de textes bilingues et donc de traductions qui a permis le déchiffrement de l’écriture cunéiforme et des langues qui l’employaient. Les versions akkadiennes de textes sumériens ont permis, dans un premier temps, de déchiffrer et de mieux comprendre cette langue, qui n’a pourtant aucun lien de parenté avec l’akkadien. Dans ce contexte, il est surprenant que la traduction n’ait pas fait l’objet d’études plus nombreuses, et que les processus de passage d’une langue à une autre n’aient pas été plus souvent observés.
Quelques rares auteurs se sont toutefois intéressés à la traduction et aux traducteurs. En 1996, W. W. Hallo a publié un article intitulé “Bilingualism and the Beginnings of Translation”29, dans lequel il décrit, de façon à la fois chronologique et géographique, les différentes manifestations de bilinguisme et comment les différentes populations mésopotamiennes ont fait face à la nécessité de se comprendre en traduisant. Il revient brièvement sur les définitions de traducteur et d’interprète, décrit leurs rôles respectifs dans différentes régions du Proche-Orient, expose leurs rapports à la langue étrangère, et survole rapidement les différents textes concernés par la traduction. Il se réfère d’ailleurs fréquemment à l’ouvrage de G. Steiner, Après Babel, qui élabore une théorie élargie de la traduction30, en y englobant tout acte de communication, et non uniquement le passage d’un texte d’une langue à une autre.
Les assyriologues H. Limet, S. Maul et S. Seminara se sont intéressés de plus près aux procédés de traduction. Ils se sont toutefois penchés sur deux types de textes différents, pour aboutir à des conclusions différentes. Les deux premiers s’intéressent principalement aux textes religieux en dialecte emesal, les eršemma, eršahunga et balaĝ, hymnes et lamentations attestés en versions bilingues interlinéaires au Ier millénaire avant J.-C.31, tandis que le dernier se penche principalement sur des textes proprement littéraires, mythes et épopées, également attestés en versions bilingues interlinéaires, et plus particulièrement sur une longue épopée, connue de manuscrits paléo-babyloniens et transmise jusqu’à l’époque néo-babylonienne, le Lugal-e32.
Parallèlement à ces études des textes bilingues, il faut également mentionner quelques études consacrées à l’herméneutique babylonienne, les plus importantes demeurant la célèbre analyse des cinquante noms de Marduk de J. Bottéro33, ou, plus récemment l’étude des commentaires assyro-babyloniens menée par E. Frahm34, qui revient de façon détaillée sur les précédentes études consacrée au sujet. Tous deux montrent à quel point la notion de traduction et d’herméneutique sont liées dans les textes mésopotamiens, où chaque signe, mot et phrase ne revêt pas un, mais souvent une multiplicité de sens possibles. Leurs analyses sont précieuses quand on se penche sur les processus de traduction mésopotamiens.
Ces différentes approches mettent en évidence le fait que les traducteurs (scribes et prêtres) suivent des règles lorsqu’ils établissent leurs versions interlinéaires. Même les passages qui semblent être des erreurs ont en fait le plus souvent une explication et une raison d’être. Toutefois, ces traductions n’ont jamais été abordées suivant l’angle d’approche de la traductologie moderne, de sa terminologie, ni de ses aspects pluridisciplinaires. Sans prétendre résoudre les problèmes de la traduction mésopotamienne au moyen de la traductologie, il n’en demeure pas moins important de montrer en quoi celle-ci précède toutes les activités de traduction ultérieures, pose les bases de la transmission du savoir, et repose sur des aspects invariants que l’on retrouve à toutes les époques et en tout lieu.
Dimensions orale et écrite du multilinguisme mésopotamien
La diversité ethnique et les contacts entre la Mésopotamie propre et les régions avoisinantes caractérisent durant plus de trois millénaires la culture de l’espace mésopotamien au sens large35. Chaque fois que de nouveaux groupes de population y entrent en contact les uns avec les autres, que ce soit à travers des relations politiques ou commerciales, ou à travers l’immigration ou la conquête, ils dépassent par divers aspects leurs frontières ou leurs limites, géographiques, linguistiques et culturelles. Mais alors que les frontières géographiques sont relativement faciles à dépasser, les barrières ethniques et linguistiques semblent être à première vue des obstacles plus difficiles à franchir. Par ailleurs, les chercheurs contemporains doivent faire face à une difficulté de taille ; l’absence d’accès à toute la dimension orale de la culture et des langues parlées dans le Proche-Orient ancien. Cet obstacle se manifeste de trois manières : (1) notre reconstitution de la phonologie, notamment du sumérien pour lequel nous n’avons aucun élément de comparaison, repose en grande partie sur des spéculations et des conventions ; (2) sumérien comme akkadien étant des langues mortes depuis plusieurs millénaires, l’absence de tout témoin vivant empêche l’accès à la langue telle qu’elle a été pratiquée à l’oral ; et (3) la différence fondamentale qui existe entre l’oral et l’écrit, et qu’il nous est impossible de mesurer, puisque la totalité de nos connaissances est basée sur la documentation textuelle36.
Les manifestations du multilinguisme mésopotamien
Le texte de la Genèse (Gn 11, 1-9) décrit une situation où les langues sont divisées par Dieu afin que les hommes ne puissent plus se comprendre les uns les autres. Il y est écrit : « Aussi la nomma-t-on Babel, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c’est de là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre »37. Cette phrase reflète en réalité assez bien la situation mésopotamienne. En effet, la diversité linguistique du Proche-Orient ancien est attestée par une grande variété de langues, telles que le sumérien, l’akkadien, le hittite, l’ougaritique, l’araméen, l’élamite, le hourrite, et de nombreuses autres langues, attestées ou non dans la documentation écrite, la plupart étant elles-mêmes divisées en dialectes38. Compte tenu de cette diversité, l’activité de traduction pour surmonter les barrières linguistiques devait être essentielle, tant pour la traduction écrite que pour l’interprétation orale lors des échanges (politiques, commerciaux, etc.). Des phénomènes de traduction écrite et orale s’observent d’ailleurs à toutes les périodes de l’histoire du Proche-Orient ancien39, et même si les professions de traducteur et d’interprète sont assez rarement mentionnées dans les textes, elles devaient néanmoins être d’une importance fondamentale pour le fonctionnement politique, économique et culturel de la région. Ces deux professions doivent d’ailleurs être clairement distinguées, car traducteurs et interprètes n’ont pas le même rôle dans la société mésopotamienne, et elles ne sont pas pratiquées par les mêmes personnes. On peut donc dire que la traduction au Proche-Orient ancien, bien qu’elle ait laissé relativement peu de mentions dans la documentation écrite et picturale40, a de toute évidence joué un rôle important à de multiples niveaux de l’histoire et de la culture mésopotamienne.
La traduction mésopotamienne et la transmission du savoir
Une étude de la traduction mésopotamienne, comme premier témoin de la traduction dans l’histoire, comme base de la transmission du savoir et comme activité de réflexion générale sur le langage, la culture et la littérature est donc à faire. La traduction mésopotamienne doit s’inscrire dans une réflexion plus large sur le statut de la traduction dans la transmission du savoir et comme base de celle-ci.
La transmission du savoir joue un rôle fondamental, non seulement en Mésopotamie même, mais bien au-delà de ses frontières. C’est parce qu’elle a eu lieu, très certainement au qu’akkadiens et autres, qui sont très difficiles à discerner dans les textes, mais qui semblent néanmoins avoir bel et bien existé. moyen de traductions dont il ne reste aucune trace, qu’un nombre important de textes a été mis par écrit dans d’autres cultures. On pense naturellement au célèbre épisode de l’épopée de Gilgameš évoquant le Déluge, épisode lui-même emprunté à une autre épopée babylonienne, celle de l’Atra-hasis, qui est très proche du récit du Déluge biblique. Ce parallèle est célèbre, mais il n’est pas le seul. De nombreux aspects de la littérature hittite, grecque, puis romaine, mais également les traditions juive, biblique, et même syriaque, qu’il s’agisse de motifs littéraires et poétiques, d’images, de textes, ou même de savoirs (astronomiques, mathématiques, etc.), ont clairement été transmis, au moyen de traductions ou de contacts entre populations, depuis la Mésopotamie. La traduction n’est pas toujours visible, mais elle a dû être nécessaire à un moment donné ; son rôle dans la transmission du savoir est indéniable et omniprésent.
La traductologie comme angle d’approche pour l’étude des textes mésopotamiens
On pourrait taxer de hardie une entreprise de comparaison entre les théories de la traduction récentes et la réalité du bilinguisme et de la traduction en Mésopotamie, mais il me semble au contraire qu’une telle démarche permet de montrer une persistance de problèmes similaires, à toute époque et en tout lieu. Ces théories modernes fournissent non pas des réponses précises, mais plutôt une base pour formuler des questions, et un angle d’approche nouveau pour l’étude des textes mésopotamiens.
Les questions qui se posent au moment de traduire, et notamment lorsqu’il s’agit de justifier l’exercice de traduction, sont particulièrement bien résumées par le linguiste et théoricien de la littérature allemand, Hugo Friedrich. Celui-ci écrit : Ce texte tiré d’un discours prononcé en 1965 à l’Université de Heidelberg et intitulé “Zur Frage des Übersetzungskunst” résume toutes les questions qu’il est possible de se poser, en tant qu’assyriologue, au sujet des textes bilingues et des traductions en général en Mésopotamie. Il est également possible d’imaginer que les scribes du Ier millénaire avant J.-C. ayant recopié les textes qui nous sont parvenus se sont posé des questions similaires. Les savants de la Mésopotamie ancienne n’ont pas livré à la postérité de traités ayant pour objet la description d’une méthodologie de traduction ou reflétant une théorisation de celle-ci, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a jamais eu de leur part de réflexion sur ce sujet. Ce sont donc les textes traduits eux-mêmes qui contribuent à mieux comprendre la traduction, et témoignent de l’existence d’une éventuelle théorie dans la Mésopotamie du Ier millénaire avant J.-C.
La langue au service de l’idéologie politique et de l’identité culturelle
Au sujet des langues employées dans les inscriptions royales, il convient de mentionner que l’empire assyrien constituait un milieu polyglotte, dans lequel différents peuples parlant des langues vernaculaires diverses ont été mis en contact lors des conquêtes assyriennes, mais également dans le cadre de la politique de déportation pratiquée par les rois assyriens55. On trouve mentionnés dans les textes les populations arabe, mède, égyptienne, urartéenne, araméenne, etc.56. La présence de populations hourrito-mitanniennes et anatoliennes est également perceptible à travers une multitude de sources archéologiques et textuelles dans toute la Mésopotamie du Nord57.
En effet, la présence de ces déportés et étrangers en Assyrie est visible dans les documents de l’époque, notamment à travers l’onomastique58, la toponymie59, ou sur les reliefs décrivant les différentes compagnes militaires assyriennes. La conséquence paradoxale de l’expansion de l’empire néo-assyrien a été qu’une large proportion de la population de l’empire n’était ni de langue ni de culture assyrienne60. Dans un tel contexte, l’emploi de telle ou telle langue ne servait pas uniquement à véhiculer un message, c’était également un moyen de s’identifier ; le choix de l’emploi d’une langue et même d’une écriture avait donc aussi une valeur idéologique61. Certaines parties de l’empire, notamment la Babylonie, ont également été autorisées à conserver une certaine autonomie au niveau de leur structure administrative et de leurs pratiques culturelles, ce qui a contribué à conserver les identités ethniques62 au détriment de l’assyrianisation que l’on constate par ailleurs dans l’empire.
Un exemple particulièrement frappant d’inscription bilingue est celui de la statue de Tell Fekherye, datée du IXe siècle avant J.-C., portant l’inscription de Hadad-yis’i, roi/gouverneur de Guzana, lui-même représenté sur cette statue63. En effet, le texte bilingue inscrit sur cette statue présente une traduction depuis l’akkadien vers l’araméen. La version araméenne ne contient pas d’erreurs grossières, mais il est nécessaire de mentionner une différence majeure entre les deux versions du texte : dans la version akkadienne, le texte présente Hadad-yis’i comme un gouverneur, šākin māti, tandis que la version araméenne le présente comme un roi, mlk64. Il est possible de tirer plusieurs conclusions du témoignage de ce texte. D’une part, le royaume de Guzana était à cette époque un état vassal de l’Assyrie intégré à l’empire. La chancellerie royale était dans l’obligation de rédiger des inscriptions royales en langue akkadienne afin de véhiculer, à la fois dans le texte et visuellement, l’idéologie assyrienne ; le message de l’inscription pouvait s’adresser à la fois aux populations araméennes dominées de Guzana, mais également à d’autres populations, déportées depuis des régions plus éloignées, et enfin, aux administrateurs assyriens y détenant des postes (l’akkadien étant encore à cette époque la langue officielle de la cour, c’est vraisemblablement un scribe assyrien qui a rédigé la version akkadienne du texte65 ; de plus la chancellerie assyrienne était certainement composée d’un certain nombre de personnes d’origine araméenne, qui auraient alors été bilingues). D’autre part, la version araméenne s’adresse plutôt à la population locale ; Hadad-yis’i y affirme ainsi son pouvoir et une certaine attitude d’indépendance à l’égard du pouvoir assyrien en s’y proclamant non plus gouverneur, mais roi. Le contexte de rédaction de ce document reflète donc un certain degré de biculturalisme, différentes populations étant en contact dans la région de Guzana, où langue et écriture y jouent un rôle de véhicule d’un message idéologique et politique. Enfin, le texte atteste l’existence d’interférences de l’akkadien en araméen, tant sur le plan lexical que morphologique et syntaxique66 ; les deux langues subissent donc les conséquences du contact entre les populations et du bilinguisme d’une partie de celles-ci.
Le degré d’aramaïsation de l’empire
Les avis divergent quant au degré d’aramaïsation de l’empire néo-assyrien ; certains estiment qu’il était encore limité au sein de l’administration royale, mais quelques arguments de poids permettent d’envisager une situation différente, notamment les représentations picturales des scribes : en effet, les bas-reliefs néo-assyriens représentent deux types de scribes, l’un écrivant sur tablette et l’autre sur parchemin, ce qui permet de penser que l’araméen était employé à la cour royale67. D’autre part, les listes de rations reflètent la présence, parmi les employés du palais royal, de personnes portant des noms araméens68 ; ainsi des non Assyriens pouvaient accéder à des postes de responsabilité au service du roi. Bon nombre d’officiels travaillant à la cour et étant de langue araméenne connaissaient toutefois la littérature mésopotamienne et sa culture, s’habillaient à l’assyrienne et utilisaient l’écriture cunéiforme ; il s’agit là, selon S. Parpola, de marqueurs sociaux de référence. L’auteur inclut même la famille royale dans cette catégorie de la population, puisque tous les rois depuis Tiglath-Phalasar III à Asarhaddon étaient mariés à des femmes araméennes ou avaient des mères araméennes, ce qui signifie qu’ils étaient vraisemblablement de langue maternelle araméenne plutôt qu’akkadienne69, mais élevés dans la tradition mésopotamienne. De plus, l’accroissement de la population araméenne au sein de l’empire a certainement nécessité la formation de scribes bilingues, aptes à écrire à la fois en cunéiforme et dans l’alphabet araméen70, ce qui a probablement contribué à l’adoption, dans le dialecte néo-assyrien, de termes spécifiquement araméens, ayant trait par exemple à l’administration ou à l’organisation des campagnes militaires71, mais également au niveau du lexique en général72 ; c’est probablement dans un tel contexte que l’on a vu s’établir une différenciation entre le scribe, ṭupšarru, et le sepīru, un terme d’origine araméenne à la signification complexe, mais dont on estime qu’il désignait principalement le scribe sur parchemin73 ayant oeuvré dans les hautes sphères de la société assyrienne et babylonienne74.
Comme nous venons de le voir, le rôle de l’araméen à la cour royale néo-assyrienne ne doit pas être négligé. D’après K. Radner, la politique de conquêtes assyrienne a permis d’intégrer, à la cour royale, des administrateurs provenant des diverses régions soumises, ce qui a résulté en un emploi de l’araméen jusqu’au coeur de l’Assyrie à partir du règne du roi Salmanasar III (858 avant J.-C.). Les briques glaçurées de Kalhu représentent le témoignage le plus parlant de l’emploi de l’araméen au coeur de l’empire assyrien75. Toutefois, d’après les lettres de l’époque de Sargon II (721-705 avant J.-C.), l’araméen n’était pas considéré comme une langue de l’administration assyrienne ; il n’avait donc pas encore atteint le statut de langue véhiculaire. En témoigne la lettre76, citée par K. Radner, dans laquelle le souverain assyrien refuse qu’on lui écrive en araméen. Elle estime qu’il s’agit là non pas d’un rejet de l’araméen comme langue de la communication mais plutôt d’une volonté de renforcer le statut de l’écriture cunéiforme traditionnelle77, mais elle n’exclut pas la possibilité qu’un certain nombre de lettres ait néanmoins circulé dans cette langue, attribuant leur rareté aux méthodes de traitement de la céramique lors des fouilles78. Ainsi, l’idéologie royale assyrienne, ainsi que la tradition religieuse et culturelle continuait de circuler à travers l’art, le culte de la personne royale, les festivals religieux, les cultes des divinités assyriennes, contribuant à la formation d’un empire homogène socialement et culturellement, alors que se développait parallèlement l’usage de l’araméen comme lingua franca.
Les supports de l’écriture
Concernant les supports de l’écriture à cette époque, les textes qui nous sont parvenus sont presque exclusivement ceux qui ont été rédigés sur argile ; or nous savons qu’il existait également d’autres supports, notamment le parchemin, la céramique et le bois enduit de cire, qui eux ne se sont pas ou rarement conservés, et qui étaient le support privilégié des sepīrū79 ; une partie de la documentation ne nous est donc pas parvenue, et l’image que nous avons de l’organisation de la société mésopotamienne au Ier millénaire avant J.-C., notamment la distinction hiérarchique entre le scribe sur argile et le scribe sur parchemin, est donc partielle.
L’empire achéménide et la Babylonie hellénistique
L’époque babylonienne tardive, allant de la seconde moitié du Ier millénaire avant J.-C. aux premiers siècles de notre ère, peut être divisée en trois phases : la période de domination perse (avec l’empire achéménide), la période de domination hellénistique (avec l’empire séleucide) et enfin, la période de domination parthe (avec l’empire arsacide), sous laquelle la transmission de la culture babylonienne connaît un net ralentissement, avec une disparition progressive des derniers temples babyloniens et des derniers textes cunéiformes.
La Babylonie sous domination perse
En 539 avant J.-C., le roi perse Cyrus entreprend une campagne militaire en Babylonie, et réduit la région à l’état de province de l’empire, un statut qu’elle conservera jusqu’en 331 avant J.-C. Au début de son règne, Cyrus ne modifie pas la structure politique de la province adoptant même certains aspects de la royauté babylonienne102, et les archives babyloniennes de l’époque ne reflètent aucun changement important au niveau de l’organisation administrative, religieuse ou économique de la région103. Ainsi, P. Briant décrit le contexte babylonien sous la domination perse comme une « adaptation graduelle » des institutions au « cadre nouveau tracé par les conquérants »104. Par la suite, le royaume de Babylonie est réorganisé et devient une satrapie en 535, et la tutelle directe du roi perse sur la Babylonie est par-là renforcée, ce qui n’entrave en fait aucunement le développement économique de la région.
Ce n’est qu’à partir du règne de Darius Ier en 521 avant J.-C. et encore plus sous les règnes de ses successeurs que l’activité intellectuelle des sites babyloniens commence à ralentir105. Les archives privées de Babylone, Sippar et Uruk disparaissent brutalement sous le règne de Xerxès (486-465), peut-être en raison d’une aramaïsation toujours plus importante de la région106 et de l’installation de nombreuses communautés étrangères au service de l’empire, mais également en raison de l’expansion de la langue grecque dans la région. Ces différentes dominations se ressentent dans le dialecte babylonien tardif, la langue véhiculaire de l’époque, où l’on peut observer des termes empruntés à l’araméen107, au perse et au grec, ou encore dans l’adoption par un nombre croissant de Babyloniens de noms grecs108.
Les rois achéménides adoptent une attitude ouverte à l’égard des très nombreuses langues en usage dans l’empire109, et ne cherchent pas à imposer le perse – langue vernaculaire et dans une certaine mesure véhiculaire de l’empire – comme langue officielle unique110. Ainsi, presque toutes les inscriptions royales de l’époque de Darius sont multilingues111, rédigées en vieux perse, élamite et akkadien. Le plus ancien témoignage d’une inscription trilingue est celui de l’inscription de Béhistoun, qui évoque la première année du règne de Darius (522-521) ; elle est rédigée en vieux perse, en élamite et en akkadien. Le texte lui-même contient une phrase mentionnant qu’il était destiné à être diffusé et copié dans tout l’empire, et l’on en a d’ailleurs retrouvé des copies en akkadien à Babylone, et en araméen, sur papyrus, en Égypte112. Parallèlement, l’araméen est la langue la plus communément pratiquée et diffusée dans le cadre administratif ; elle est donc la langue véhiculaire la plus communément utilisée à l’époque récente113, même si dans la capitale de l’empire, Persépolis, la majorité des textes administratifs est rédigée en cunéiforme élamite114. L’empire perse avait recours à des scribes locaux (babyloniens, égyptiens, grecs), pour traduire depuis le perse, souvent par l’intermédiaire de l’araméen, vers les langues locales115.
Le recours à des interprètes était particulièrement important dans le cadre de l’administration, de la diplomatie et de l’armée, mais l’obstacle linguistique ne semble pas avoir entravé la diffusion de l’idéologie perse, quelle qu’ait été la langue choisie pour la véhiculer116.
Quant à la Babylonie propre, celle-ci n’avait à cette époque plus aucune expression politique autonome ; les guerres entre Perses et Grecs se déroulant sur son territoire n’ont suscité aucune réaction de la part des populations locales, bien que la tradition cunéiforme ait continué de se transmettre sous la domination perse117. En revanche, la région est de moins en moins bien documentée dans les textes cunéiformes, l’activité étant de plus en plus cantonnée aux temples et aux bibliothèques de ceux-ci ; il existe encore quelques archives privées à Nippur et à Uruk (aux alentours du IIIe siècle avant J.-C.), mais à cette époque, c’est surtout la documentation de type savant qui continue d’être perpétuée dans les temples118.
Un milieu isolé mais encore actif
La période parthe témoigne d’un déclin accru de la culture cunéiforme, désormais cantonnée exclusivement aux temples de Babylone et d’Uruk, les deux principales cités qui demeurent florissantes à cette époque. Les temples de Nabû à Borsippa, et de Nergal à Kutha témoignent encore d’une certaine vivacité. Bien que la région soit marquée par une grande instabilité politique, cela n’empêche pas les temples de ces cités de poursuivre leurs activités tant économiques que savantes de manière régulière ; l’apprentissage du sumérien s’y fait encore au moyen des listes bilingues suméro-akkadiennes et la connaissance du sumérien y est encore assez bonne pour que des traductions akkadiennes de qualité soient établies126. D’ailleurs, certains hymnes étaient certainement encore récités ou chantés dans les temples à l’époque127. En revanche, quasiment aucun nouveau texte n’a été composé128, mais de nouvelles copies de textes anciens, notamment de l’épopée de Gilgameš, et des traités d’astronomie sont établies129. Les bibliothèques des temples étaient au coeur de la vie intellectuelle, c’est là qu’étaient réunis tous les documents de référence, et les lettrés travaillant dans le temple étaient à l’origine de la totalité des documents cunéiformes attestés pour cette période, qu’il s’agisse de documents savants ou de la vie pratique130. La bibliothèque d’un prêtre kalû, Ea-balāssu-iqbi, datée du Ier siècle avant J.-C., est probablement une des dernières collections de textes sumériens et témoigne du prestige qu’a conservé le sumérien sur l’akkadien aux époques les plus récentes. En effet, la majorité des textes contenus dans cette bibliothèque est rédigée en dialecte emesal, certains textes portant également des traductions interlinéaires akkadiennes131.
C’est dans le cadre de l’activité intellectuelle babylonienne que l’on trouve les tablettes gréco-babyloniennes, dites Graeco-Babyloniaca. Il s’agit de textes cunéiformes sumériens et/ou akkadiens (en babylonien standard) inscrits sur le recto d’une tablette et accompagnés d’une transcription en caractères alphabétiques grecs sur son verso132 ; ils témoignent d’une volonté de transmission de la culture mésopotamienne à des personnes conscientes que l’alphabet grec est plus aisé à maîtriser que le système cunéiforme ; le savoir suméro-akkadien semble donc encore avoir une grande valeur aux yeux de ceux qui le maîtrisent et le transmettent133. Ces textes font partie du cursus scolaire des apprentis scribes134 et les transcriptions reflètent la prononciation du dialecte babylonien tardif plutôt qu’une prononciation archaïsante135, et sont la preuve que l’enseignement était encore dispensé en langue akkadienne, alors même que ce n’était probablement plus une langue parlée dans la rue136. Les apprentis-scribes auraient donc été des Babyloniens auxquels on enseignait la tradition ancienne suméro-akkadienne et non des Grecs137. Il convient d’insister une fois de plus sur le fait que grec et araméen étaient notés sur un support périssable ; en effet, il est fort possible que des transcriptions de textes suméro-akkadiens aient existé sur d’autres supports que les rares tablettes que nous connaissons qui ne donnent qu’une image partielle de l’enseignement de la culture suméro-akkadienne du dernier siècle avant J.-C et des premiers siècles de notre ère138. Il ressort du témoignage des Graeco-Babyloniaca que la culture cunéiforme avait encore une grande valeur aux yeux des intellectuels babyloniens, qui tentaient de la transmettre par tous les moyens, même le moyen moderne que représentait le recours à l’alphabet grec.
En conclusion, il est nécessaire de rappeler que la documentation cunéiforme, quel que soit le type de texte considéré, ne reflète pas fidèlement le contexte multiculturel de la Babylonie à cette époque, et ne renseigne que sur la vie d’un groupe bien spécifique de la société babylonienne, celui des lettrés139. À l’inverse des époques néo-assyrienne et néo-babylonienne, où l’activité intellectuelle dépendait en grande partie du palais royal (avec des bibliothèques associées aux palais et créées sous l’impulsion directe des rois), la production de textes cunéiformes se concentre à l’époque tardive autour des temples et de leurs prêtres140 ; le pouvoir politique n’est plus aux mains de Babyloniens et la production de textes cunéiformes n’est donc plus le fait des rois. Cette période reflète la volonté de la part des lettrés de perpétuer la tradition suméro-akkadienne ancienne, en poursuivant l’enseignement et la copie des textes, alors qu’ils étaient eux-mêmes de plus en plus hellénisés.
Les liens entre la Mésopotamie et le monde anatolien
Durant le IIe millénaire avant J.-C., les Hourrites et les Hittites adoptent non seulement le système d’écriture cunéiforme, mais également un certain nombre de textes et de traditions mésopotamiennes et hourrites. Comme l’écrit G. Beckman, Ainsi, on retrouve de nombreux textes mésopotamiens dans les cités hittites, tels que textes lexicaux et grammaticaux, hymnes, textes divinatoires, incantations, textes médicaux, textes sapientiels et littéraires (notamment l’épopée de Gilgameš – dans sa version hourrite –, la ballade des héros du temps jadis, etc.)146. Ces textes sont la plupart du temps rédigés en sumérien et/ou en akkadien, témoignant non seulement de l’adoption de la culture suméro-akkadienne par les Hittites, mais également des contacts avec l’Assyrie et la Babylonie, contacts qui se manifestent également par la présence de nombreux Mésopotamiens dans les textes ; ambassadeurs, scribes, etc. On trouve également un bon nombre de textes hourrites dans les cités hittites, ainsi que des textes bilingues en hourrite et hittite, montrant l’influence que l’empire mitannien voisin a eue sur l’Anatolie et sa culture.
C’est également par l’intermédiaire de l’Anatolie qu’un certain nombre de textes, notamment des textes mythologiques hourrites, est transmis au monde grec147.
Les liens avec le monde grec
Le monde grec archaïque a été très influencé par ses contacts avec les populations orientales, notamment pour ce qui est du développement des techniques (y compris de l’écriture), des idées et des tendances culturelles148. Dans son ouvrage pionnier consacré à l’homme grec, l’helléniste allemand W. Jaeger a déjà conscience de l’importance des contacts entre la Ionie et le monde mésopotamien au sens large. Il écrit en effet : Le récit grec le plus fréquemment cité comme présentant des parallèles avec les textes littéraires mésopotamiens est celui de la Théogonie d’Hésiode. Celui-ci décrit la création des dieux à partir de l’union du ciel et de la terre qui n’est pas sans rappeler les récits de création mésopotamiens. On compare aussi souvent les textes d’Homère avec l’épopée de Gilgameš, car de nombreuses thématiques semblent être communes aux deux textes. A George estime que les Grecs ont peut-être eu accès à ce texte dans une traduction phénicienne ou araméenne, et non de manière directe, mais en l’absence de documents, il est difficile de dire si tel est le cas ou non150, et dans tous les cas, il est probable qu’à un moment donné, la transmission a du se faire au moyen d’une traduction.
Par ailleurs, un certain nombre de textes mathématiques, géographiques, ou religieux semblent avoir été transmis, peut-être par l’intermédiaire d’une traduction, depuis la Mésopotamie à la Grèce. S. Dalley écrit qu’un certain nombre de genres littéraires, tels que la satire, les poèmes pastoraux, les débats, ou encore l’emploi d’acrostiches, connus dans la littérature grecque, ont peut-être des origines mésopotamiennes151.
Par ailleurs, la présence grecque en Mésopotamie durant les derniers siècles de l’ère cunéiforme est certainement une des raisons de ces nombreuses influences.
La transmission du sumérien et sa place dans la culture mésopotamienne du Ier millénaire avant J.-C
Après avoir évoqué le contexte politique et le cadre linguistique dans lequel les textes cunéiformes du Ier millénaire avant J.-C. ont été copiés, la question de l’éducation des scribes se pose naturellement. En effet, c’est grâce à celle-ci que la culture babylonienne a pu continuer à se transmettre, et c’est également dans le cadre scolaire que l’emploi du sumérien, langue morte depuis un millénaire déjà, s’est perpétué jusqu’aux derniers instants de la culture cunéiforme. Le système éducatif est bien connu pour l’époque paléo-babylonienne158, et nous pourrons constater dans le chapitre suivant que les documents scolaires datés de l’époque médio-babylonienne étaient rares et de déchiffrement difficile, mais il convient à présent d’évoquer la situation, telle que nous la connaissons, pour le Ier millénaire avant J.-C. Dans un second temps, j’aborderai la question des lieux de conservation des textes, notamment les bibliothèques royales et de temples, en mettant en évidence la place qu’y occupent les textes sumériens, bilingues, et plus généralement littéraires.
L’éducation des scribes
Une éducation héritée de l’époque paléo-babylonienne
Les études consacrées à l’éducation scribale au Ier millénaire avant J.-C. sont rares159 et se consacrent aux époques néo-babylonienne et babylonienne tardive, mieux documentées que l’époque néo-assyrienne160. Il est toutefois possible de faire quelques observations au sujet du curriculum scolaire et de la place occupée par le sumérien et le bilinguisme dans l’éducation du Ier millénaire avant J.-C. de manière générale. Environ un millier de tablettes scolaires, la plupart très fragmentaires, permet de reconstituer le cursus scolaire des apprentis scribes. De plus, le cas du temple de Nabû ša harê de Babylone reflète la continuité du système éducatif tardif par rapport aux périodes précédentes, puisque l’on peut y observer toutes les étapes de l’éducation scribale, depuis l’initiation à l’écriture et jusqu’à la copie de textes complexes161.
En effet, les textes peuvent être classés en différentes catégories et permettent de montrer qu’il existait une évolution dans la formation des scribes, puisqu’elles vont de simples exercices de maniement du stylet et de dessin des signes à des textes plus complexes, en passant par la copie de listes lexicales de difficulté variable162. Les textes scolaires peuvent être identifiés grâce à certaines caractéristiques qui leur sont spécifiques, notamment la qualité généralement pauvre d’une argile qui était destinée à être réutilisée, la présence de lignes de séparation, l’écriture parfois hésitante, la présence d’erreurs, l’absence de datation163 ou la copie de listes lexicales non canoniques164. De plus, chaque tablette scolaire porte généralement plusieurs extraits de textes différents, ce qui permet de différencier les copies de textes littéraires ou religieux (tels que prières, incantations, listes lexicales, extraits de l’Enûma eliš, de la série Tintir = Bābilim, etc.) des exercices scolaires165, les premiers étant conçus pour être ajoutés aux collections de bibliothèques, et les seconds n’ayant a priori pas vocation à être conservés.
De plus, il est important d’avoir à l’esprit le fait que l’enseignement était dispensé dans un cadre privé, et que seul un nombre réduit de personnes avait connaissance du système cunéiforme.
Les bibliothèques de temples
Outre les bibliothèques liées aux palais et les bibliothèques privées appartenant à des lettrés, il existait également des bibliothèques associées aux temples186. Celles-ci avaient un contenu comparable à celui des bibliothèques royales : la majeure partie des textes était consacrée à différentes formes de divination, mais on y trouvait également des textes religieux (hymnes, prières) et dans une moindre mesure, des textes littéraires. La bibliothèque la mieux conservée à l’heure actuelle est celle du temple de Sippar, l’Ebabbar ; elle était dédiée au dieu Šamaš et son contenu était comparable à celui des autres bibliothèques du Ier millénaire avant J.-C187.
Par ailleurs, la situation change quelque peu à l’époque babylonienne tardive, car le pouvoir politique n’est plus aux mains des Babyloniens, même si ceux-ci bénéficient encore d’une certaine autonomie, notamment en matière religieuse. Les bibliothèques babyloniennes ne dépendent donc plus des palais royaux, comme c’était le cas à l’époque néo-assyrienne, mais uniquement des temples, qui deviennent les centres de référence de l’activité savante babylonienne. Ce sont alors les employés des temples qui sont à l’origine des documents qui y ont été trouvés188. Il s’agit notamment des prêtres lamentateurs (kalû), des astronomes, des exorcistes (āšipu), des chanteurs (nāru) et des devins (bāru). Déjà formés en vue de devenir des prêtres à la solde du temple189, ils sont également les détenteurs exclusifs du savoir mésopotamien et les seuls à même de le transmettre. Les temples deviennent alors des lieux qui centralisent la transmission du savoir suméro-akkadien ancien190.
Les textes bilingues dans l’apprentissage et la formation des scribes
Dans le cadre de l’éducation, le sumérien jouait un rôle à différents stades. Au niveau de l’éducation de base, où l’élève apprenait à lire et à écrire des signes basiques, le sumérien était à la base de l’apprentissage des idéogrammes, dont un certain nombre était encore couramment utilisé au sein des textes akkadiens. Mais le sumérien était aussi enseigné comme langue à part entière, comme en témoignent notamment les textes grammaticaux néo-babyloniens219. Les listes lexicales devaient être utiles, à la fois pour l’apprentissage de la langue sumérienne et pour l’apprentissage des métiers auxquels les apprentis scribes se destinaient par la suite220. En revanche, la composante orale, encore présente dans l’enseignement du sumérien à l’époque paléo-babylonienne, était certainement très restreinte, au Ier millénaire avant J.-C.221 ; la connaissance était acquise majoritairement par la copie de textes, même si on ne peut exclure qu’une pratique orale du sumérien existait encore.
En effet, il a déjà été mentionné que le sumérien faisait encore partie de la liturgie, et le futur prêtre devait donc en maîtriser la lecture de même que la prononciation correcte. En plus des listes bilingues, un certain nombre d’hymnes et de prières bilingues devait ainsi être copié dans le cadre de l’apprentissage des prières. P. Gesche estime que les prêtres lamentateurs (kalû) et les chanteurs (nārū) devaient avoir des connaissances de l’écriture et de la lecture, de l’akkadien comme du sumérien, pour pouvoir pratiquer leur métier de manière adéquate. Elle cite pour étayer son propos un groupe de tablettes de l’époque séleucide, où des scribes d’une même famille de lamentateurs kalû se désignent comme des kalû ṣehru, « jeunes prêtres-kalû ». Ce groupe de textes montre d’une part que la transmission du savoir se faisait encore dans le cadre familial, et d’autre part qu’il comprenait l’apprentissage à la fois du métier et de la lecture et de l’écriture222 ; l’un ne pouvait se passer de l’autre. Les kalû ṣehrū n’étaient pas seulement de futurs prêtres, ils étaient aussi apprentis-scribes.
Il est moins aisé de déterminer la place occupée par les textes littéraires bilingues dans le cursus scolaire des futurs lettrés. Comme il a été mentionné précédemment, les textes et extraits littéraires attestés dans l’enseignement élémentaire avaient surtout pour but de véhiculer une certaine idéologie centrée autour de la personne du roi. Ainsi, il s’agit souvent de lettres et de textes littéraires tirés des légendes de Sargon d’Akkad et de Naram-Sîn223, ainsi que d’extraits de l’épopée de Gilgameš, dont le personnage principal est également un roi. Ces textes sont en akkadien et non en sumérien à cette époque. De même, dans le cursus scolaire des scribes plus avancés et spécialisés, les mythes et épopées bilingues sont absents, mais on trouve en revanche des textes religieux ou des extraits de textes littéraires akkadiens (notamment de l’Enûma eliš, un texte qui véhicule lui aussi un message idéologique centré sur Babylone et son dieu poliade Marduk)224. Ainsi, les textes littéraires suméro-akkadiens encore attestés au Ier millénaire avant J.-C. ne font pas partie du cursus scolaire, et ne sont pas rédigés dans un but pédagogique. Il conviendra d’expliquer leur raison d’être par la suite225.
Les textes religieux en dialecte emesal
Il existe de nombreux types de textes religieux en Mésopotamie. Sous cette dénomination, il faut considérer les textes suivants : hymnes, lamentations, prières pénitentielles, incantations, conjurations, ayant tous pour destinataires et sujets les différentes divinités mésopotamiennes. La plupart de ces documents est rédigée en emesal, un dialecte sumérien réservé principalement au domaine religieux226 (par opposition au sumérien « courant », appelé emeĝir, et qui est attesté dans tous les genres de textes à l’exception des hymnes). Le dialecte emesal est caractérisé principalement par des divergences phonétiques par rapport à l’emeĝir, et également par un certain nombre de mots qui lui sont spécifiques ; en revanche, sa grammaire est la même que celle du dialecte courant. Lorsque le sumérien est abandonné comme langue des textes de la vie pratique, le dialecte emesal survit, car les textes religieux sumériens survivent en tant que garants de la perpétuation de la tradition ancienne227.
L’utilisation des textes en dialecte emesal
De natures très diverses à l’époque paléo-babylonienne, trois types de textes religieux sont attestés au Ier millénaire avant J.-C. (et même jusqu’au premier siècle de notre ère228), très souvent sous forme bilingue interlinéaire : les hymnes, les incantations et les prières229. Ces textes étaient généralement accompagnés d’un instrument et récités ou chantés par un prêtre kalû lors de cérémonies cultuelles230, comme en témoignent notamment certaines copies de textes de l’époque babylonienne tardive, où l’on trouve parfois des gloses correspondant à des annotations musicales231. Au Ier millénaire avant J.-C. ces documents sont, au même titre qu’un grand nombre de textes divinatoires, classés en séries, puis intégrés aux bibliothèques des palais232, des temples, ou à des archives privées de lettrés. M. Cohen affirme que les textes trouvés dans les bibliothèques néo-assyriennes n’étaient que des compilations de référence, et n’étaient pas copiés par les prêtres chargés de leur récitation, comme c’est en revanche le cas à l’époque tardive233 ; les scribes néo-assyriens avaient donc, dans ce contexte, uniquement un rôle d’archivistes, là où les scribes de l’époque séleucide en étaient aussi les utilisateurs. Enfin, l’auteur mentionne l’existence d’un certain nombre de copies de piètre qualité, contenant souvent des extraits de balaĝ et non des textes extensifs, qui pouvaient faire partie du cursus scolaire des apprentis234 ; cela est également visible dans certains colophons, où il est indiqué que la tablette a été copiée par le fils d’un prêtre kalû235, probablement au cours de son apprentissage.
Par ailleurs, il est intéressant de constater que les textes en dialecte emesal ont perduré à travers les siècles alors que la plus grande partie des textes mythologiques en dialecte emeĝir a cessé d’être copiée au cours du IIe millénaire avant J.-C236, probablement après l’invasion hittite de Babylone en 1595. En effet, le contexte religieux est le domaine où l’on observe la plus grande constance ainsi qu’une tendance marquée pour le conservatisme ; c’est un domaine où le changement et l’évolution ne sont pas aisément admis. Dans ce cadre, le sumérien emesal pouvait être considéré comme un garant d’authenticité et de tradition, et en toute logique, la langue en est demeurée plus figée que celle du dialecte courant237. C’est même dans le cadre religieux que le sumérien des hymnes du Ier millénaire avant J.-C. avait la plus grande importance ; en effet, ces hymnes en dialecte emesal étaient les seuls textes sumériens, à cette époque, à être employés dans un cadre autre que le cadre scolaire ou comme textes de bibliothèque (auxquels très peu de personnes avaient accès dans tous les cas). Les textes mythologiques bilingues n’avaient, quant à eux, aucune application pratique dans la vie intellectuelle ou religieuse de la Mésopotamie tardive.
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Table des matières
Introduction
A. La traduction, une pratique universelle
A.1 Une pratique plus ou moins acceptée
A.2 La traduction dans l’histoire, un bref survol
A.2.i La traduction à l’époque romaine
A.2.ii La traduction au Moyen-Âge : l’importance du monde musulman
A.2.iii La traduction en Europe pendant la Renaissance
A.2.iv L’époque moderne
A.2.v Une réflexion systématique sur la traduction : l’Europe du XIXe siècle
A.2.vi La traduction au XXe siècle : une réflexion systématique et pluridisciplinaire
A.3 La traduction en Mésopotamie : une approche peu développée
A.3.i Le multilinguisme en Mésopotamie : études antérieures
A.3.ii La traduction en Mésopotamie : études antérieures
B. Le multilinguisme mésopotamien
B.1 Dimensions orale et écrite du multilinguisme mésopotamien
B.2 Les manifestations du multilinguisme mésopotamien
C. La traduction mésopotamienne et la transmission du savoir
C.1 La traductologie comme angle d’approche pour l’étude des textes mésopotamiens
C.2 L’objectif du présent travail
Chapitre 1 – La traduction au premier millénaire avant J.-C.
1.1 Le contexte historique
1.1.1 L’empire néo-assyrien
1.1.1.1 Un contexte multiculturel
1.1.1.1.i La graphie néo-assyrienne
1.1.1.1.ii La langue au service de l’idéologie politique et de l’identité culturelle
1.1.1.1.iii Le degré d’aramaïsation de l’empire
1.1.1.1.iv Les supports de l’écriture
1.1.1.2 Archives et bibliothèques néo-assyriennes
1.1.1.2.i Les bibliothèques néo-assyriennes
1.1.1.2.ii Les archives néo-assyriennes
1.1.2 L’empire néo-babylonien
1.1.2.1 Le contexte linguistique
1.1.2.2 Les textes
1.1.3 L’empire achéménide et la Babylonie hellénistique
1.1.3.1 La Babylonie sous domination perse
1.1.3.2 Bérose, un témoin de l’hellénisation de la Babylonie
1.1.3.3 Un milieu isolé mais encore actif
1.1.4 La fin de l’ère cunéiforme et la postérité de la culture mésopotamienne
1.1.4.1 Dater la fin de l’ère cunéiforme
1.1.4.2 L’héritage mésopotamien
1.1.4.2.i Les liens entre la Mésopotamie et le monde anatolien
1.1.4.2.ii Les liens avec le monde grec
1.1.4.2.iii L’influence mésopotamienne sur les textes bibliques
1.1.4.2.iv L’influence mésopotamienne sur la mystique juive
1.2 La transmission du sumérien et sa place dans la culture mésopotamienne du Ier millénaire avant J.-C.
1.2.1 L’éducation des scribes
1.2.1.1 Une éducation héritée de l’époque paléo-babylonienne
1.2.1.2 La spécialisation des scribes
1.2.1.3 La langue des scribes du Ier millénaire avant J.-C.
1.2.2 Les bibliothèques
1.2.2.1 Les bibliothèques royales
1.2.2.2 Les bibliothèques de temples
1.3 Les textes bilingues suméro-akkadiens
1.3.1 Généralités
1.3.1.1 Le prestige du sumérien
1.3.1.2 Les langues de la littérature au Ier millénaire avant J.-C
1.3.2 Les listes lexicales
1.3.2.1 A-t-on créé de nouvelles listes au Ier millénaire avant J.-C. ?
1.3.2.2 Les listes bilingues copiées au Ier millénaire avant J.-C.
1.3.3 Les textes bilingues dans l’apprentissage et la formation des scribes
1.3.4 Les textes religieux en dialecte emesal
1.3.4.1 L’utilisation des textes en dialecte emesal
1.3.4.2 La traduction des hymnes
1.3.4.3 Les caractéristiques des traductions d’hymnes
1.3.4.4 Les caractéristiques linguistiques
1.3.4.4.i L’utilisation des logogrammes
1.3.4.4.ii Les archaïsmes
1.3.4.4.iii Les variantes dans la traduction d’un même mot
1.3.4.4.iv La traduction des formes verbales
1.3.4.4.v Conclusion
1.3.4.5 Les caractéristiques idéologiques des hymnes
1.3.4.5.i D’où proviennent les erreurs ?
1.3.4.5.ii La traduction comme adaptation idéologique du texte
1.3.4.5.iii L’homophonie et la polysémie
1.3.4.5.iv L’imagerie divine
1.3.4.5.v Traduire les noms propres
1.3.4.5.vi L’ajout et l’omission peuvent être significatifs
1.3.4.5.vii Conclusion
1.3.4.6 Conclusion
1.3.5 Les textes littéraires bilingues
1.3.5.1 Les textes attestés
1.3.5.1.i La finalité des traductions littéraires du Ier millénaire avant J.-C
1.3.5.1.ii Un corpus limité
1.3.5.1.iii Un cas particulier : le Lugal-e
1.3.5.1.iv La traductologie appliquée aux traductions mésopotamiennes
1.3.5.1.v Pourquoi distinguer les textes littéraires des textes religieux ?
1.3.5.2 Les caractéristiques des traductions
1.3.5.2.i Aspects de la traduction mésopotamienne
1.3.5.2.ii L’emploi des signes
1.3.5.2.iii La conjugaison
1.3.5.2.iv Les graphies explicatives
1.3.5.2.v La traduction analytique (ou paraphrase)
1.3.5.2.vi La traduction multiple
1.3.5.2.vii Les ajouts et les omissions
1.3.5.2.viii Les assyrianismes
1.3.5.2.ix Les hapax
1.3.5.2.x Les erreurs
1.3.5.2.xi Conclusion
1.3.5.3 Les outils et le vocabulaire de la traduction
1.3.5.3.i La perception du texte par le traducteur lui-même
1.3.5.3.ii Le texte de départ comme outil de travail
1.3.5.3.iii Les manuscrits de l’époque moyenne
1.3.5.3.iv Les textes littéraires : un genre indépendant ?
1.3.5.3.v Existait-il un texte akkadien autonome ?
1.3.5.3.vi Conclusion
1.3.5.4 La portée idéologique de la traduction
1.3.5.4.i Le caractère sacré de l’écrit
1.3.5.4.ii La nature polysémique de la langue
1.3.5.4.iii L’adaptation idéologique du texte
1.3.5.4.iv L’inversion de sens
1.3.5.4.v La traduction comme reflet de la pensée mésopotamienne
1.4 La tablette XII de l’épopée de Gilgameš : une traduction d’un autre genre
1.5 Conclusion
Chapitre 2 Bilinguisme et textes bilingues (de l’apparition de l’écriture à la fin du IIe millénaire avant J.-C.) 200
2.1 Introduction
2.2 Les premiers textes bilingues
2.2.1 Le IVe millénaire avant J.-C.
2.2.1.1 Les témoignages des premiers textes
2.2.1.2 La langue des textes du IVe millénaire avant J.-C.
2.2.2 Le IIIe millénaire avant J.-C.
2.2.2.1 Fara et Abū Ṣalābīh
2.2.2.1.i Le contexte linguistique : des éléments sémitiques dans les textes sumériens
2.2.2.1.ii La mise en place d’une tradition littéraire sumérienne
2.2.2.2 Ebla
2.2.2.3 L’empire d’Akkad
2.2.2.3.i Le problème des inscriptions royales bilingues
2.2.2.3.ii Les traducteurs et interprètes professionnels
2.2.2.4 Conclusion
2.3 La fin du IIIe millénaire – Le cas particulier de la période d’Ur III (XXIe siècle avant J.-C.)
2.3.1 Le contexte historique
2.3.1.1 Les langues parlées dans l’empire
2.3.1.2 La mise en place d’une éducation centralisée : l’edubba
2.3.1.3 Conclusion
2.3.2 L’extinction du sumérien
2.3.2.1 Les textes reflètent-t-ils la réalité linguistique mésopotamienne ?
2.3.2.2 Comment déterminer la date de l’extinction du sumérien ?
2.3.2.3 L’hypothèse d’un sumérien vivant à l’époque d’Ur III
2.3.2.4 Le cas particulier des archives de Garšana
2.3.3 Comment une langue s’éteint-elle ?
2.3.3.1 La conversion linguistique (Language shift)
2.3.3.2 Le cadre linguistique : un bilinguisme inégal
2.3.3.3 Les signes du déclin de la langue
2.4 La période paléo-babylonienne
2.4.1 L’emploi du sumérien dans le cadre scolaire et l’apparition de nouveaux textes.
2.4.2 La place du sumérien dans l’enseignement
2.4.3 L’intérêt mésopotamien pour le langage à travers les textes scolaires paléo-babyloniens
2.4.3.1 Les proverbes
2.4.3.1.i Datation et description des proverbes
2.4.3.1.ii Le scribe et la place du sumérien dans les proverbes paléo-babyloniens
2.4.3.2 Les dialogues littéraires
2.4.3.3 Un dialogue bilingue, rare témoin de l’enseignement de l’akkadien
2.4.4 La mise en place d’une littérature en langue akkadienne
2.4.4.1 Le babylonien standard comme langue référentiaire
2.4.4.2 Les textes akkadiens
2.4.5 La traduction à l’époque paléo-babylonienne
2.4.6 Conclusion
2.5 La période médio-babylonienne (à partir du XVIe siècle avant J.-C.)
2.5.1 Le contexte historique et linguistique
2.5.2 L’éducation scribale à l’époque médio-babylonienne
2.5.2.1 De nouveaux textes scolaires
2.5.2.2 Les textes littéraires sumériens transmis à cette époque
2.5.2.3 Un début d’intérêt pour la « philologie »
2.5.3 Le contexte linguistique
2.5.3.1 Les textes multilingues de la « périphérie »
2.5.3.2 Les listes lexicales
2.5.3.3 Les textes religieux et littéraires
2.5.4 L’émergence d’une littérature proprement akkadienne
2.6 L’empire médio-assyrien
2.6.1 Le cadre historique
2.6.2 L’héritage intellectuel babylonien et la spécificité assyrienne
2.6.3 Les textes bilingues médio-assyriens
2.7 Conclusion : la diversité des manifestations du multilinguisme en Mésopotamie
Chapitre 3 L’intérêt mésopotamien pour le langage et l’écrit
3.1 La réflexion sur le langage dans la pensée mésopotamienne
3.2 Les types de textes manifestant un intérêt pour le langage
3.2.1 Les listes lexicales
3.2.2 Les gloses
3.2.3 Les commentaires
3.2.4 Les textes divinatoires
3.2.5 La morsure de chien de Ninurta-Pāqidāt : la littérature comme témoin de l’intérêt pour le langage
3.2.5.1 La langue des noms propres
3.2.5.2 La circulation du texte
3.2.5.3 Le rapport entre sumérien et akkadien dans ce texte
3.2.6 Les traductions
3.3 Le plurilinguisme mésopotamien vu à travers l’incantation de Nudimmud
3.3.1 Résumé de l’épopée d’Enmerkar
3.3.2 Problèmes d’interprétation de l’incantation de Nudimmud
3.3.3 Transcription
3.3.4 Traduction
3.3.5 Commentaire
3.3.6 Conclusion
3.4 Le vocabulaire désignant la traduction dans les textes mésopotamiens
3.5 Les liens entre traduction, commentaires et divination
3.5.1 Traduire les mots et interpréter les signes
3.5.2 L’écriture, objet de réflexion linguistique
3.6 Les acteurs
3.6.1 Les scribes dans le Proche-Orient ancien
3.6.1.1 Savoir lire et écrire en Mésopotamie
3.6.1.1.i Utiliser l’écriture dans la vie quotidienne
3.6.1.1.ii Utiliser l’écriture dans des domaines spécifiques
3.6.1.2 La connaissance de l’écriture : une source de pouvoir
3.6.2 La terminologie désignant les scribes, traducteurs et interprètes
3.6.2.1 Le scribe mésopotamien
3.6.2.1.i La terminologie désignant le scribe et son activité
3.6.2.1.ii Le scribe dans la représentation picturale
3.6.2.2 Le traducteur et l’interprète, deux personnages distincts
3.6.2.2.i Distinguer le traducteur de l’interprète et leurs rôles respectifs
3.6.2.2.ii Le rôle de l’interprète du IIIe au Ier millénaire avant J.-C.
3.6.2.2.iv La perception du multilinguisme au Proche-Orient ancien
3.7 Conclusion
Chapitre 4 La traductologie et la traduction mésopotamienne
4.1 Introduction
4.2 Qu’est-ce que la traduction ?
4.2.1 La traduction : généralités
4.2.1.1 La difficulté de définir la traduction
4.2.1.2 La traduction littéraire, une activité littéraire
4.2.1.3 La place du traducteur et de la traduction dans le monde actuel
4.2.1.4 Conclusion
4.2.2 La traduction en linguistique
4.2.2.1 La linguistique générative
4.2.2.2 Les aspects linguistiques de la traduction
4.2.3 La théorie tétraglossique d’Henri Gobard
4.2.3.1 Diglossie et tétraglossie
4.2.3.2 L’analyse tétraglossique appliquée à la Mésopotamie
4.2.3.3 La traduction dans le cadre de l’analyse tétraglossique
4.2.4 Les théoriciens de la traduction : E. Nida
4.2.4.1 La théorie de l’équivalence dynamique
4.2.4.2 Les différentes oppositions en traduction
4.2.5 G. Mounin et sa théorie de référence
4.2.6 La traduction comme acte social
4.2.6.1 L’importance du contexte et du destinataire de la traduction
4.2.6.2 La traduction comme transfert de culture, non seulement de mots
4.2.6.3 Le texte à traduire, un choix politique
4.2.7 La traduction et la sémiotique
4.2.8 Conclusion
4.3 La traduction vue par ses praticiens
4.3.1 La notion de communication : généralités
4.3.2 À qui s’adresse la traduction ?
4.3.3 La théorie de la traduction de W. Benjamin
4.3.3.1 Le destinataire de la traduction
4.3.3.2 La finalité de la traduction
4.3.3.3 Réconcilier l’original et la traduction
4.3.4 La théorie de M. Arnold
4.3.4.1 Traduire Homère au XIXe siècle : pour quel public ?
4.3.4.2 Traduire un auteur de l’Antiquité : la théorie de M. Arnold et l’étude des traductions mésopotamiennes
4.3.5 Conclusion : différencier la traduction et sa théorie
4.4 Qu’est-ce que la traductologie ?
4.4.1 La traductologie : généralités
4.4.2 Traduire autre chose que des mots
4.4.2.1 La traduction intra-linguistique
4.4.2.2 La paraphrase et l’imitation
4.4.2.3 Les liens entre linguistique, traduction et sémiotique
4.4.2.4 L’herméneutique en traduction
4.4.2.5 Les liens entre traduction et herméneutique
4.5 Peut-on aborder la traduction en Mésopotamie par le biais de la traductologie ?
4.5.1 La La transmission du savoir en Mésopotamie et audu savoir en Mésopotamie et au–delàdelà
4.5.2 L’histoire de la Mésopotamie dans un contexte plus large
4.5.3 La traductologie comme base pour l’étude du Lugal-e
4.5.4 Approcher la traduction en Mésopotamie par le biais de la traductologie
4.5.4.1 Des universaux culturels, des universaux de langage
4.5.4.2 La « convergence » des langues et cultures en Mésopotamie ancienne
4.5.5 La philologie est une traduction
4.5.6 Lire les textes anciens : aller au-delà de la philologie
Conclusion
Annexes
Annexe 1 Tableau des textes littéraires bilingues du Ier millénaire avant J.-C.
Annexe 2 Quelques exemples de textes : transcription, traduction et commentaire
1. Le retour de Ninurta à Nippur (Angim dimma)
1.1 Liste des manuscrits étudiés
1.1.1. Manuscrits néo-assyriens de Ninive, Sultantepe et Nimrud (la numérotation suit celle proposée par J. S. Cooper, avec l’ajout du manuscrit o provenan
1.1.2. Manuscrits néo-babyloniens de Nippur
1.2 Transcription
1.3 Commentaire
2. L’épopée de Lugalbanda
2.1 Liste des manuscrits étudiés
2.2 Transcription
2.3 Commentaire
Bibliographie
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