Le visuel a-t-il un impact positif ou négatif sur les compétences de bas niveau ?

La diversité des approches et recommandations en compréhension orale

On peut en effet considérer que ce sont les compétences de bas niveau qui conditionnent le « minimum syndical » d’accès au sens possible, et sur lequel viennent fleurir ensuite les stratégies interprétatives de l’élève : faut-il donc commencer par le commencement, et insister sur les processus cognitifs de bas-niveau pour libérer la mémoire de travail et permettre aux processus de haut niveau de fonctionner harmonieusement, ou faut-il favoriser l’inverse ? Les approches et recommandations sur ce point sont mixes.

Favoriser les compétences de haut niveau et « annexer » le travail des compétences de bas niveau

Comme nous l’avons dit plus haut, si on focalise l’apprenant sur des opérations de bas niveau au moment de l’écoute, on risque de favoriser chez lui le recours « à des stratégies comme la traduction ou l’écriture mentale au fil de l’écoute, très coûteuses cognitivement et neutralisant de ce fait l’activation de stratégies plus efficaces » (VincentDurroux, Poussard, 2008). Sans compter, évidemment, le risque de rigidifier à long terme ces stratégies chez l’apprenant, qui a souvent déjà une tendance naturelle à vouloir comprendre mot à mot, bien souvent au détriment du sens.
Or, comme l’a démontré Vandergrift dans Orchestrating strategy use: Toward a model of the skilled second language listener (2003, 467), les auditeurs les plus habiles sont ceux qui ont une approche globale de la tâche d’écoute, et qui sollicitent davantage les processus de haut niveau pour inférer le sens à partir du contexte. Les auditeurs habiles tendent ainsi à utiliser davantage leur connaissance du monde (world knowledge) et à interagir davantage avec la chaîne parlée pour pallier à leurs lacunes en compétences de bas niveau. Ils sont de surcroît plus enclin à ne pas « décrocher » de la compréhension et à faire des hypothèses lorsque le sens de certains mots leur échappe. De l’autre côté, la recherche a montré que les auditeurs moins habiles ont tendance soit à se focaliser trop sur la chaîne parlé, soit sur leur connaissance du monde général, sans faire interagir ces deux pôles et élaborer le sens en confrontant l’un à l’autre.
Il semble bien qu’il faille, selon les termes de Gremmo et Holec, apprendre à l’auditeur à « se contenter d’une compréhension où les hypothèses de sens ne pourront être vérifiées systématiquement par les indices formels, ce qui lui laissera l’impression d’une compréhension ‘floue’, d’une compréhension par ‘devinette’, moins ancrée dans le discours du locuteur » (Gremmo & Holec, 1990). Cette attitude d’écoute gagne de surcroît à être abordée de façon explicite avec les apprenants (Vandergrift, 2003).
Le constat ne s’arrête pas là, évidemment : Stéphanie Roussel parle ainsi de différents « leviers » à solliciter : il faut tout autant travailler à automatiser les processus de bas niveau afin de libérer la mémoire de travail et aider la construction du sens à pouvoir se faire qu’ « entraîner les élèves à adopter des stratégies métacognitives, c’est-à-dire à élaborer des hypothèses, à déduire, à inférer du sens à partir de ce qu’ils ont compris » (Roussel, 2014). Il ne s’agit donc pas de dire que le travail sur les compétences de bas niveau doit être relégué aux calendes grecques. Simplement, les compétences de bas niveau devront peut-être être travaillées en dehors des moments d’écoute globale, soit sur des temps réservés pour ce travail précis, soit dans un travail complémentaire à l’écoute – et toujours après un temps d’écoute « global » sollicitant prioritairement les compétences de haut niveau (Vandergrift and Goh, 2012) si la compréhension globale est le but de l’écoute. On peut également imaginer, avec Richard (2008, 9), de distinguer entre l’écoute orientée vers la compréhension globale de l’écoute-acquisition (« listening-as- acquisition »), orientée vers la production (orale ou écrite). Dans le cas de l’écoute- acquisition, des activités favorisant les compétences de bas-niveau peuvent, selon lui, être envisagées, dans la mesure où le but de l’écoute n’est pas le même.
Nous serions donc plutôt partisan de dire qu’en situation d’écoute, quel quelle soit, il ne faut pas habituer l’apprenant à vouloir une forme de compréhension « maximaliste » de ce qui est dit : la chaîne parlée doit être vue et perçue par l’apprenant comme des indices formels du sens, et non comme le sens lui-même. On peut toutefois imaginer des activités de post-écoute où la focalisation sur les compétences de bas-niveau pourra être bénéfique, mais, comme souligné par Vandergrift et Goh (2012, 157), ces activités sont préférentiellement secondes par rapport à une tâche d’écoute globale sollicitant les compétences de haut niveau : « Perception activities are best carried out at the postlistening stage ». Le temps d’écoute peut être – et doit probablement privilégier les stratégies métacognitives, et ce, même pour les auditeurs peu habiles en compétences de bas niveau. Beaucoup de chercheurs insistent en effet sur l’importance de faire prendre conscience aux apprenants des stratégies efficaces en compréhension orale, que ce soit par exemple en terme de technique d’écoute (Vandergrift) ou de stratégies à utiliser dans des contextes spécifiques. Comme le remarque Wenden, « Research has shown that giving students information about the value of a strategy, i. e about where and how it may be used, greatly enhances the positive outcomes of training studies » (Wenden, 105). L’importance de stratégies « méta » efficaces et transférables d’un contexte à un autre, ou d’une situation d’écoute à une autre, est un élément crucial que l’éducateur ne doit pas négliger.
Cependant, cela n’empêche pas qu’un travail phonologique important doit être réalisé à long terme avec les apprenants, et spécifiquement ceux qui expérimentent des difficultés en compétence de bas niveau. La littérature scientifique insiste en effet sur l’importance, notamment du fait de la spécificité de l’anglais, de ne pas négliger l’aspect phonologique. Comme le souligne Laurence Vincent-Durroux et Cécile Poussard, « les rapports entre l’écriture et la prononciation de l’anglais sont des rapports complexes, souvent peu explicités en tant que tels, alors que leur méconnaissance par les apprenants d’anglais langue étrangère peut être source de perturbations en situation de compréhension de l’oral » (2008) : la diversité de formes sonores que peut prendre une même lettre en anglais doit impérativement être exposée aux élèves, afin de leur faire désapprendre la tendance à associer un son à une écriture unique, et inversement. A cela s’ajoute, en anglais, les phénomènes d’accentuation (accent de mot, accent de phrase), presque inexistants en français, et les phénomènes de contraction qui, s’ils existent en français, ne demeurent pas moins source de confusion pour les apprenant anglais : on peut penser, par exemple, à l’homophonie de la contraction /‘s/ dans « Pierre’s trousers » et « Pierre’s been to the doctor », entre autres.

Supports d’écoute et activités de pré-écoute

Enfin, l’importance d’une sollicitation des compétences de haut niveau lors de l’écoute implique que les supports écrits qui renvoient trop à la chaîne parlée doivent être évités. Les feuilles de mots-clefs, par exemple, risquent de nuire aux compétences d’interprétation globales si données pendant l’écoute. Les transcriptions ne doivent intervenir que dans des activités de post-écoute pour faire des repérages pertinents dans la chaîne parlée, jamais lors de l’écoute globale. On pourrait objecter que les apprenants ont souvent besoin d’un apport lexical pour accéder au sens, et cela est en effet le cas. Cependant, cet apport doit alors intervenir de façon privilégiée en amont lors des activités de pré-écoute. Il est en effet démontré que les activités de préparation à l’écoute sont cruciales dans le développement des compétences des apprenants. Les activités de pré-écoute permettent d’abord d’éviter l’écueil du support écrit lors de la phase d’écoute proprement dite, que ce soit sous la forme d’une liste de vocabulaire que les élèves vont découvrir en même temps que l’audio, ou d’autres formes de repérage formels de mots. Nous l’avons déjà évoqué : un tel repérage est probablement plus bénéfique une fois que le sens global du document audio(visuel) a été interprété, éclairci et « élucidé » à partir des indices que les apprenants ont pu saisir par eux-mêmes.
Il s’agit ensuite de « soulager » la mémoire de travail en faisant « descendre » de la mémoire à long terme vers la mémoire de travail le lexique et les éléments grammaticaux nécessaires à une bonne compréhension du document sonore. En faisant intervenir cette « passation » de la mémoire à long terme vers la mémoire de travail en amont de l’écoute, on évite ainsi les phénomènes de surcharge cognitive (trop de processus de récupération d’informations intervenant en même temps conduit à un ralentissement de la mémoire de travail, exactement comme ce qu’il peut se passer sur un ordinateur).
Les activités de pré-écoute permettent en effet d’améliorer le fonctionnement de la mémoire de travail lors de l’écoute proprement dite, dans la mesure où un cadrage préalable a permis de poser des bornes interprétatives à l’écoute et anticipe ainsi sur la construction du sens. Suivant le type d’activités qui sont engagées, le matériel phonique est en effet relié plus facilement à des informations pertinentes qui ont déjà été sélectionnées par l’auditeur avant même de commencer la tâche d’écoute. Comme l’explique Stéphanie Roussel (2014), commentant le travail de Vandergrift.

La question du visuel

La vidéo est un très bon outil d’exposition à la langue et recèle des avantages indéniables pour améliorer la compréhension orale. Comme le souligne Thierry Lancien, « Sur le plan de l’apprentissage, le document audiovisuel est pour les élèves l’un des plus sûrs moyens d’approcher une langue actuelle, variée et en situation » (Lancien, 1986). L’audiovisuel est de surcroît un support motivant pour les élèves, et une véritable porte d’accès, non seulement à la sonorité, mais aussi à la culture réelle du monde anglo-saxon et de son actualité.

L’utilisation de la vidéo : ressenti des élèves et des enseignants

De l’expérience que les éducateurs peuvent avoir dans leurs classes, il ressort que l’utilisation de document de compréhension orale avec support visuel, comparé à la « compréhension orale pure » d’un document sonore sans support visuel, engage non seulement des stratégies d’écoute et des méthodes de didactisation différentes, mais aussi des réactions différentes des élèves. D’abord, la plupart des élèves considèrent que la compréhension orale sans support visuel est plus stressante, et plus difficile (Gremmo et Holec, 1990). Ensuite, on n’aborde pas ces deux types de documents de la même façon : généralement, les activités de pré-écoute sont souvent beaucoup plus denses dans le cas des bandes son sans support visuel, alors que le travail de pré-écoute est souvent allégé car considéré (à tort ou à raison) comme superflu dans le cas de la compréhension audio-visuelle. Soulignons d’abord qu’étrangement, la littérature scientifique et les institutions n’apportent que peu d’importance à cette distinction – au point que les épreuves du baccalauréat peuvent être indistinctement l’un ou l’autre. Cela soulève cependant un certain nombre de questions. Nous partageons ici le constat de Paul Gruba (2006) : To date, no single definition of video-mediated listening comprehension has become established; more importantly, no widely accepted model of listening comprehension has been developed (Lynch, 1998; Vandergrift, 2004). One key conceptual issue in defining the skill revolves around the role of visual elements. Riley (1981) suggested that « listening with the eye » best described learner use of video. Willis (1983) argued that « viewing comprehension » was the most accurate term. Tudor and Tuffs (1991) regard video comprehension as a « skill in its own right » (p. 80). Many prominent listening theorists, however, minimize the role of visual elements in comprehension (Kellerman, 1992). In an important departure, Rubin (1995) embeds an awareness of video to define the skill as « an active process in which listeners select and interpret information which comes from auditory and visual cues in order to define what is going on and what the speakers are trying to express » (p. 7). Other researchers offer views that include « listening and viewing comprehension » (Hoven, 1999), « video comprehension » (Coniam, 2000), or « DVD video comprehension » (Markham, Peter, & McCarthy, 2003). If nothing else, researchers recognize there is a broad range of skills required to make sense of video.
Si la distinction entre compréhension orale et compréhension audiovisuelle n’est pas encore institutionnellement reconnue, c’est en partie parce que cette distinction fait encore débat dans son concept même. Compréhension audio et audiovisuelle sont-ils fondamentalement différents ? La littérature scientifique ne parvient pas à un consensus sur ce point, mais beaucoup soulignent néanmoins que la présence de l’image est un élément facilitant dans l’accès au sens, ou du moins, un élément qui engage un ensemble de compétences complexe. Dans les cas extrêmes, d’ailleurs, des documents audiovisuels sont d’ailleurs complètement compréhensibles du point de vue du sens global sans même avoir à avoir recours à la langue.

La plus-value du visuel sur les compétences de haut niveau

Si les apprenants préjugent souvent de la difficulté de la compréhension orale « pure », ils ont en revanche bien conscience de l’aide que leur apporte le visuel dans l’interprétation et l’élucidation du sens global. Dans l’ensemble, les apprenants expérimentent moins la peur de l’erreur ou de l’incompréhension totale, puisque le visuel balise souvent l’interprétation de la même façon que la formulation d’hypothèses préalables. Des études ont démontrées que les auditeurs ayant un support visuel activent plus facilement des stratégies de haut niveau que ceux qui écoutent seulement (Seo, 2002). La compréhension est globalement meilleure avec support visuel (Ginther, 2002) même s’il existe des contre-exemples (Coniam, 2001).
Cela dépend néanmoins du type de vidéo dont il est question, et l’on doit distinguer les vidéos dans lesquelles le visuel est intimement connecté à la chaîne parlée des vidéos dans lesquelles l’image apporte peu. De façon générale, il nous semble néanmoins que l’image n’apporte jamais rien. Si un extrait de journal télévisé est certainement moins aidant qu’un tutoriel où l’image est au service du sens, le premier balise néanmoins l’interprétation du matériel phonique, même si ce balisage est en effet moins « serré » que ne le serait un tutoriel.
Ainsi, si la compréhension orale pure ne doit pas être négligée, le décryptage des vidéos demeure un atout précieux dans la démarche formative de la compréhension orale : l’œil peut être au service de l’oreille, et les informations visuelles peuvent constituer un levier d’accès au sens qui facilitera, à long terme, la compréhension orale sans visuel. Last but not least, le décryptage de l’implicite – et l’accès à l’implicite, de façon générale – est l’un des enjeux forts des années post-collège ; or, le document audiovisuel permet souvent, grâce au visuel, de percevoir des aspects communicationnels implicites que les apprenants ne percevraient probablement pas sans visuel.
Pourtant, les élèves ne sont encore une fois pas tous égaux face au décryptage de vidéos. Si la vidéo est souvent facilitante et rassurante dans la mesure où elle balise les possibilité de sens, les apprenants n’ont pas tous également confiance dans leur stratégies interprétatives, et on constate souvent des stratégies d’écoute/visionnage différentes. Les plus efficaces, conformément aux constats fait en compréhension orale pure, demeurent les stratégies qui s’appuient maximalement sur les compétences de haut niveau (Vandergrift, 2012). Or, on peut considérer que la vidéo est un médium parfait pour développer ces compétences et désamorcer une approche trop « collée-serrée » à la chaîne parlée, dans la mesure où visuel s’introduit comme un aspect qui « capte » l’attention des élèves et les empêchent, presque immédiatement, de se concentrer uniquement sur le matériel phonique.
Littéralement, l’image les fascine. Si la vidéo est bien choisie, le sens peut émerger des images et « dédramatiser » complétement le rapport à la chaîne parlé, favorisant ainsi indéniablement les processus cognitifs de haut niveau et une élaboration efficace du sens global.

Problématique

Le visuel a-t-il un impact positif ou négatif sur les compétences de bas niveau ?

S’il est ainsi démontré que l’audiovisuel, par rapport à l’audio « pur », favorise les processus cognitifs de haut niveau, on peut néanmoins également se demander si, par ricochet, les compétences de bas niveau n’en profitent pas également. Paradoxalement, en favorisant une approche distanciée à la chaine phonique, n’est-il pas possible que l’on travaille également, de façon réellement efficace, les compétences de bas niveau ? Si la plus value du visuel en terme de compétences de haut niveau est avérée, qu’en est-il, au fond, sur les compétences de bas niveau ?
Il se pourrait, en effet, que la vidéo ait un effet doublement positif : d’une part, développer les compétences de haut niveau en insistant sur la globalité du sens du message et, par ricochet, faciliter le contact avec la chaîne parlée du fait de l’allégement de la mémoire de travail. Mais il se pourrait également que l’aspect visuel et la facilitation des compétences de haut niveau inhibent en fait les compétences de bas niveau, et ainsi ne facilite pas la reconnaissance et la segmentation de la chaîne parlée. Les auditeurs les moins habiles peuvent en effet être tenté de s’en remettre complétement au visuel et à leur « savoir général » du sujet sans chercher à confronter et à élaborer le sens à partir des deux. Selon que l’on se situe dans l’une ou dans l’autre branche de l’alternative, les conséquences sur la didactisation des supports audiovisuel peuvent être nombreuses. Avec des documents audiovisuels, est-il toujours préférable de travailler à partir des compétences de haut niveau pour descendre vers les compétences de bas niveau ? Faut-il, au contraire, séparer le travail de ces deux types de compétences pour que l’une n’entrave pas l’autre – car elles ne peuvent pas, au fond, ne pas se parasiter l’une et l’autre ?
Dans la première branche de l’alternative, le mécanisme par lequel les images pourraient constituer un adjuvant aux compétences de bas niveau pourrait ressembler à celui par lequel la formulation d’hypothèses interprétatives facilite l’accès au sens dans l’étude de Roussel et Picot : en reliant le matériel phonique à des informations visuelles, il est probable que le fonctionnement de la mémoire de travail s’en trouve allégé. Dans cette hypothèse, la vidéo bien choisie peut donc optimiser le fonctionnement de la mémoire de travail et empêcher que les compétences de bas niveau et de haut niveau ne se court-circuitent – surtout pour les élèves ayant des difficultés en compétences de bas niveau et qui s’attardent trop sur la chaîne phonique, négligeant des stratégies plus efficaces d’accès globale au sens. La vidéo, en facilitant l’accès au sens global et le travail d’interprétation, ne permettrait-elle pas que le matériel phonique ne soit, potentiellement, traité avec plus d’efficacité par les apprenants?
Si tel est le cas, cela viendrait corroborer le fait que la marche à suivre doit donc bien se faire dans ce sens lors de l’écoute : mobiliser les compétences de haut-niveau pour favoriser les compétences de bas niveau, et non l’inverse ; et que l’audiovisuel, bien choisi, peut être un outil puissant dans la formation à la compréhension orale chez des élèves ayant des difficultés à faire des repérages dans la chaîne parlée, car il permet de développer les compétences de bas niveau tout en évitant les écueils d’une trop grande focalisation sur le matériel phonique. C’est cette hypothèse que nous nous proposons de tester dans cet écrit scientifique réflexif.

Participants

Notre terrain d’expérimentation se trouve dans un lycée de ville moyenne de campagne, à Voiron, en Isère (38). C’est un lycée agréable de grande taille, avec plus de 1200 élèves dans diverses filières (enseignement général et technologique, section d’enseignement professionnel, BTS). Durant cette année de stage, je suis en charge de trois classes de Seconde générale et technologique. Ces classes ont des profils très différents, mais une structure relativement similaire du point de vue de leur niveau en compréhension orale, avec une majorité de niveau A2, A2+, quelques apprenants déjà à un niveau B1, voire B2/C1, et quelques apprenants, à l’inverse, qui sont en grande difficulté (le niveau A2 n’est pas atteint).
Nous avons beaucoup travaillé la compréhension orale depuis le début d’année, en intégrant petit-à-petit les conseils et recommandations issus de nos lectures. Dans l’ensemble, les apprenants ont gagné en confiance en compréhension orale, avec quelques élèves, notamment, qui ont fait de gros progrès en relativement peu de temps, que nous attribuons beaucoup à certaines recommandations de la littérature scientifique (l’insistance auprès des élèves, notamment, sur le fait que les apprenants ne peuvent pas toujours comprendre tous les mots et doivent apprendre à se contenter d’une « écoute devinette » nous a semble-t-il porté ses fruits).
Depuis le début de l’année, nous avons travaillé principalement sur des vidéos, et avons peu fait de compréhension « pure », sans visuel. L’usage de vidéo est facilité par l’équipement technologique et numérique du lycée Edouard Herriot, où toutes les salles de langue sont équipées de vidéoprojecteurs et d’un accès Internet. Cette familiarité des élèves avec la compréhension audiovisuelle, par rapport à la compréhension orale « pure », peu induire un biais dans notre étude, dont nous parlerons plus en détail par la suite.
Afin de tester l’hypothèse d’une plus-value du visuel sur les compétences de bas niveau, nous avons mis en place une expérimentation sur trois groupes homogènes de 10 élèves de niveau B1 que nous avons sélectionné dans nos classes. Néanmoins, tous les élèves des classes concernées ont visionné/écouté le document que nous avons choisi pour cette étude, même si seul un échantillon présélectionné a été pris en compte dans les analyses sur les compétences de bas niveau. Néanmoins, l’analyse des résultats tiendra également compte des tâches d’écoute des autres élèves, notamment en ce qui concerne les compétences de haut niveau. L’expérimentation s’est donc déroulée dans un cadre de cours classique. Les élèves ont été prévenu avant le visionnage que l’exercice n’étaient pas noté, et visait à estimer leur progression en ce milieu d’année.

Résultats

Sur l’ensemble des 66 participants à l’expérimentation, une nette différence apparaît entre les trois groupes d’élèves sélectionnés sur la question 1, qui consistait à « restituer en français tout ce que l’apprenant avait compris, comme pour le raconter à quelqu’un qui ne l’aurait pas entendu ». Il est clair que le visuel apporte beaucoup en terme de sens global. Sur l’échantillon d’élèves n’ayant pas eu accès au visuel, la thématique est bien identifiée (argent, société, vie), mais l’opposition structurale entre « More » et « Better » n’a pas été perçue par la majorité des auditeurs.
Mais nous avons constaté une autre faille sur ce point, puisque un certain nombre de nos élèves nous ont avoué avoir choisi au hasard lorsqu’ils ne savaient pas (ce qui faisait, tout de même, une chance de réussite sur deux). Il faudrait ainsi, peut être, imaginer une question à choix multiples où la possibilité de répondre correctement n’est pas de 50%.
Même si nous avions bien précisé à nos élèves que cette tâche d’écoute n’étaient pas notée et qu’ils ne devaient répondre qu’à ce qu’ils avaient réellement entendu (peut être parce que nous réalisions inconsciemment la faiblesse et les biais de notre questionnaire), les élèves n’ont pas vraiment respecté cette consigne. En ce sens, des élèves ne sont probablement pas des sujets d’expérimentation évidents : ils sont habitués à vouloir répondre juste, peut importe les moyens (pourquoi s’empêcheraient-ils de répondre à une question lorsqu’ils savent qu’ils peuvent répondre justement, même s’ils n’ont pas véritablement entendus les items dans le document audiovisuel ?). Il aurait fallu, peut-être, indiquer plus clairement aux élèves qu’ils participaient à une expérimentation, et que le respect de cette consigne était essentiel, mais il nous semble que la tentation de répondre correctement aurait probablement été trop forte à surmonter, même dans ce contexte.
Notre expérimentation a donc largement montré la difficulté de monter un protocole solide pour tester les compétences de bas niveau, à isoler cette variable sans inclure de biais, mais aussi, plus généralement, la difficulté de monter une expérience dans le cadre scolaire sur des questions de ce type, en vertu même de ce que ce cadre scolaire infuse comme attitude face à la réussite et à l’échec. Nous avons pensé recommencer notre expérimentation avec un nouveau document audiovisuel et en améliorant notre questionnaire de manière à éliminer les biais présents dans notre expérimentation, mais plusieurs éléments nous ont incité à rester sur nos résultats présents : d’abord, le manque de temps et le fait qu’il est difficile de trouver une vidéo adaptée à ce type d’expérimentation et à l’insérer dans une séquence pédagogique pour ne pas entraver la progression du cours. C’est une question qui nous semble importante, dans la mesure où nos élèves sont d’abord des élèves avant d’être des sujets d’expérimentation, et que nous devons réfléchir à leur intérêt avant tout.
Ensuite, certains élèves ont été déstabilisés par la tâche demandée : parce qu’elle visait des sujets de niveau B1, certains élèves encore au niveau A1/A2 se sont sentis en situation d’échec. Ceci demeurent des questions de forme et d’éthique, plutôt déconnectées des enjeux de notre expérimentation, mais importent néanmoins à nos yeux.
Sur le fond, un certain nombre de questions demeurent, et d’autres ont été soulevées au cours de notre expérimentation. Indépendamment des faiblesses de notre protocole, certains éléments nous incitent à penser que le visuel inhibe en fait les compétences de bas niveau (peut-être parce que les sujets n’en ont pas besoin pour déterminer le sens global), d’autres éléments semblent montrer, sans être complètement significatifs, que certains aspects des compétences de bas niveau peuvent être facilités par le support visuel (si tant est qu’il n’y est pas un ou plusieurs biais interférant avec la variable du support visuel) : c’est notamment le cas de la réorganisation syntaxique. Peut-être qu’il faut insister davantage sur le fait que les compétences de bas niveau ne constituent pas un groupe homogène de compétences, et que certaines sont facilitées par le visuel et la facilitation de l’accès au sens global, et d’autres non. Cela peut également venir de la faiblesse de notre questionnaire, simplement, et dans ce cas une expérimentation mieux menée pourrait nous permettre de répondre à cette question de façon concluante.
Il serait peut-être également utile de déterminer le niveau des sujets de l’expérimentation de façon plus serrée en amont : si nous voulons tester les compétences de bas niveau sur une variable donnée, il faudrait peut-être évaluer ces mêmes compétences avant d’introduire la variable du support visuel. D’un point de vue empirique, ils nous semble que déterminer le niveau des élèves seulement à l’aune de l’échelle du cadre européen de référence n’était pas suffisant dans le cadre de cette expérimentation : les élèves sont en effet très hétérogènes en compréhension orale du point de vue des compétences de bas et de haut niveau. Certains sont peu habiles en compétences de haut niveau mais très habiles en compétences de bas niveau, et inversement, d’autres élèves faisant montre d’une certaine fragilité en compétences de bas niveau compensent par des compétences de haut niveau très développées. La constitution de groupes plus homogènes à cet égard permettrait peut-être une plus grande fiabilité dans les résultats.
Dans tous les cas, notre expérimentation semble montrer l’importance d’insister à la fois sur les compétences de bas niveau et de haut niveau dans un cadre d’apprentissage, car les stratégies d’écoute semblent différer si l’on facilite l’accès au sens global ou non,notamment par le biais du visuel. Selon que la construction du sens se fait uniquement à partir de la chaîne parlée, ou est facilité par un visuel significatif, les repérages ne semblent pas se faire de la même façon. Notre hypothèse d’une facilitation des compétences de bas niveau par le support visuel n’a cependant pas véritablement pu être confirmée ou infirmée par notre expérimentation, qui nécessiterait un protocole plus solide.
Néanmoins, les quelques différences légèrement significatives semblent indiquer l’importance de diversifier les supports pour être sûr de ne rien manquer dans l’entraînement des élèves en compréhension orale.
De surcroît, on pourrait même considérer qu’en facilitant l’accès au sens global, la vidéo ne fait finalement pas beaucoup travailler les compétences de haut niveau (il n’y a rien, ou pas grand chose à anticiper ou à inférer en terme d’écoute puisque le sens est déjà, finalement, dans les images). Notre expérimentation ne permet évidemment pas de répondre à cette question, mais mérite néanmoins d’être posée. La variété des situations possibles d’exposition authentiques à la langue, que cela soit avec un contexte visuel facilitant (film, discussion, émission télévisuelle) ou sans contexte visuel facilitant (émissions radio, message dans les gares, conversation téléphonique), nous incite à entraîner les élèves à différents types et différentes stratégies de repérages, qui sollicitent probablement différemment les compétences de bas et de haut niveau en termes de proportion.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1 – ETAT DE L’ART 
1.1 LES SCIENCES COGNITIVES FACE A LA COMPREHENSION ORALE
1.1.1 LES COMPETENCES DE HAUT NIVEAU ET DE BAS NIVEAU
1.1.2 CHARGE ET SURCHARGE COGNITIVES
1.2 LA DIVERSITE DES APPROCHES ET RECOMMANDATIONS EN COMPREHENSION ORALE
1.2.1 FAVORISER LES COMPETENCES DE HAUT NIVEAU ET « ANNEXER » LE TRAVAIL DES COMPETENCES DE BAS NIVEAU
1.2.2 SUPPORTS D’ECOUTE ET ACTIVITES DE PRE-ECOUTE
1.3 – LA QUESTION DU VISUEL
1.3.1 L’UTILISATION DE LA VIDEO : RESSENTI DES ELEVES ET DES ENSEIGNANTS
1.3.2 LA PLUS-VALUE DU VISUEL SUR LES COMPETENCES DE HAUT NIVEAU
2 PROBLEMATIQUE 
LE VISUEL A-T-IL UN IMPACT POSITIF OU NEGATIF SUR LES COMPETENCES DE BAS NIVEAU ?
3 METHODOLOGIE 
3.1 PARTICIPANTS
3.2 MATERIEL
3.3 PROCEDURE
4 RESULTATS 
5 DISCUSSION

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *