Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH)
Epidémiologie: situation actuelle, tendances
En 1995, l’OMS estimait le nombre de personnes vivant avec le VIH à 20 millions dans le monde. En 2014, ce nombre est estimé à 36.9 millions. Ce nombre continue donc de progresser, compte tenu de l’allongement de la survie et de la survenue de nouvelles infections. La transmission sexuelle, par rapports hétérosexuels, reste le principal mode de transmission. Les continents les plus touchés sont l’Afrique subsaharienne (25.8 millions) et l’Asie (5.0 millions) . Malgré ces chiffres inquiétants, l’épidémie semble se stabiliser. En effet, un meilleur accès au traitement a nettement fait reculer le nombre de décès liés au sida ces dernières années (1.2 millions en 2014 contre 1.7 millions en 2011), et le nombre de nouvelles infections a chuté de 38% depuis 2001. Depuis 2009, le nombre des nouvelles infections parmi les enfants a diminué de 43% dans les 21 pays prioritaires du Plan mondial en Afrique. En Asie, les nouvelles infections à VIH ont diminué de 6% entre 2005 et 2013 et la prévalence reste relativement faible, mais la couverture du traitement est de 33% seulement. En France, deux sous-groupes restent particulièrement touchés: les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), et les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, alors que la réduction de la transmission du VIH se poursuit chez les UD (Usagés de drogue). L’incidence du VIH est de 1% dans la population des HSH, conséquence d’une très forte augmentation des pratiques à risque.
Structure et génome
Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) appartient à la famille des Retroviridae. Le génome de ce virus, constitué de deux copies d’Acide RiboNucléique (ARN) simple brin, est rétro-transcrit en Acide DésoxyriboNucléique (ADN) bicaténaire grâce à une enzyme virale contenue dans le virion: la transcriptase inverse (TI ou en anglais, RT, « Reverse Transcriptase »). Il appartient au genre Lentivirus (sous-famille des Orthoretrovirinae).
La famille des Retroviridae, qui recouvre toute particule virale possédant un génome à ARN monocaténaire et une TI, est classée selon des critères morphologiques, phylogénétiques ou pathogéniques. Selon la pathogénie, on peut regrouper les virus oncogènes, qui sont les plus répandus: ils sont associés à des tumeurs et à des leucémies. Par exemple, dans le genre des Deltaretrovirus, les HTLV (« Human T-Cell Leukemia Virus »), identifiés à la fin des années 1970 chez des malades atteints de leucémie T ou de lymphome cutané, sont des virus capables de transformer des lymphocytes T CD4+ in vitro. Récemment, deux nouveaux virus, HTLV-3 et HTLV-4, ont été identifiés au Cameroun. Les Lentivirus, d’abord décrits chez les ongulés, sont des virus qui provoquent des maladies à évolution lente (pneumonies, désordres neurologiques). Ce genre regroupe les VIH, agents responsables du SIDA (Syndrome de l’ImmunoDéficience Acquise) et des virus animaux (virus du visna, virus des syndromes d’immunodéficience du singe, du chat, du bœuf). Deux types de VIH ont été identifiés à ce jour: le VIH-1, répandu sur l’ensemble des continents, et le VIH-2, présent surtout en Afrique de l’Ouest. Chez les singes, des virus apparentés appelés SIV (« Simian Immunodeficiency Virus ») ont été isolés à partir de diverses espèces (macaque rhésus, singe vert, mangabey, mandrill, chimpanzé). Enfin, les virus du genre Spumavirus ont été identifiés chez de nombreux mammifères, mais ils ne sont associés à aucune pathologie connue chez l’homme ou l’animal.
Le VIH se présente sous forme de particules sphériques d’un diamètre de 80 à 120 nanomètres, produites par bourgeonnement à la surface des cellules infectées. Ces particules sont constituées d’une enveloppe externe d’origine cellulaire, dans laquelle sont insérées les glycoprotéines d’enveloppe du virus. Celles-ci comportent une partie interne, la gp41, ou glycoprotéine transmembranaire (TM gp41) et une partie externe, la gp120, ou glycoprotéine d’enveloppe externe (SU gp120), qui s’assemblent en trimères. La face interne de l’enveloppe est tapissée d’une matrice protéique faite de la p17 (MAp17). La capside virale, en forme de cône tronqué, est composée majoritairement de p24 (CA). A l’intérieur, entourés de la protéine de nucléocapside p7 (NCp7), se trouvent les deux brins identiques d’ARN, liés de façon covalente en 5′. La raison de cette diploïdie reste inconnue . La capside contient également les enzymes indispensables à la réplication virale: la TI, l’intégrase et la protéase (Figure 1A). Concernant la structure du virus, seuls les poids moléculaires des protéines et enzymes diffèrent entre VIH-1 et VIH2.
Le génome des VIH a une longueur d’environ 9200 nucléotides. Il est coiffé en 5′ et polyadélylé en 3′. Ses deux extrémités sont composées de LTR (« Long Terminal Repeat « : séquences terminales redondantes), générés par la duplication des séquences U5 et U3 adjacentes lors de la rétrotranscription. Il est constitué de trois régions classiques de structure appelées gag (« group antigen specific »), pol (« polymerase gene ») et env (« envelope gene »), qui codent respectivement pour les antigènes de matrice et capside, pour les enzymes nécessaires à la réplication virale et pour les protéines de surface du virion. Par ailleurs, il comporte au moins six gènes de régulation de la multiplication virale, dénommés tat, rev, vif, vpr, vpu ou vpx et nef, et dont les fonctions exactes ne sont toujours pas bien connues (Figure 1B). Pour exploiter au maximum les possibilités d’informations du génome, trois cadres de lecture sont utilisés et certains gènes fonctionnent avec un épissage des ARN messagers, notamment tat et rev. D’autre part, certains gènes s’expriment sous forme de précurseurs polypeptidiques secondairement clivés; il en est ainsi de gag et pol d’un côté, et de gp120 et gp41 de l’autre . L’homologie globale entre VIH-1 et VIH-2 est de l’ordre de 50% (élevée au niveau des protéines internes, plus faible au niveau des glycoprotéines d’enveloppe).
Variabilité génétique du VIH
Le VIH-1 est classé en trois groupes distincts. La plupart des HIV-1 appartiennent au groupe M (‘Main’), qui est composé de 9 sous-types (A à D, F à H, J et K), variant génétiquement de 25 à 35% selon les sous-types et en fonction de la région du génome analysée . Des variations de 15 à 20% existent également au sein des sous-types . Le sous-type C est largement prédominant au niveau mondial (> 50%, sud et est de l’Afrique). Le sous-type A touche l’est de l’Europe, L’Afrique de l’ouest, de l’est et centrale. En France, comme dans le reste de l’Europe et en Amérique du Nord, c’est le sous-type B qui prédomine, mais la circulation d’autres sous-types et de virus recombinants est de plus en plus importante (43% des nouveaux cas en 2013), majoritairement représentés par un recombinant des sous-types A et G, le CRF_02AG (« Circulating Recombinant Form »; Figure 2)). Les CRF proviennent de phénomènes de recombinaison génétique chez des sujets co-infectés par des sous types distincts . Plus de 70 CRF ont été décrits à ce jour. La TI peut effectivement « sauter » d’une molécule d’ARN à l’autre lors de la rétrotranscription .
Le groupe O (‘Outlier’) et le groupe N (non-M, non-O) ont été retrouvés au Cameroun et au Gabon, et sont beaucoup plus rares. En 2009, chez une patiente camerounaise, un nouveau variant VIH-1, dérivant d’un SIV de gorille, a été identifié et classé dans un nouveau groupe: P .
Le VIH-2 est classé en huit groupes distincts (A à H). Un seul CRF (CRF_01AB) a été décrit .
Un lien étroit de parenté génétique entre les groupes N et M du VIH-1 et les SIV de chimpanzés et de gorilles indique que des événements d’anthropozoonose, par blessures ou morsures par exemple, seraient à l’origine de l’infection VIH-1. Les VIH-2 dérivent probablement d’une introduction chez l’homme d’un SIV de mangabey . Ces virus ne sont d’ailleurs pas pathogènes chez leur hôte naturel.
En plus des phénomènes de recombinaison, il existe une diversité génétique due à l’infidélité de la TI lors de la réplication virale. Ces erreurs d’appariements de nucléotides font apparaître progressivement des variants au sein du même individu infecté: c’est ce que l’on appelle une « quasi-espèce ». Notons que la TI effectue environ une erreur pour 10 000 bases, soit une mutation par nouveau virion, sachant que chez une personne non traitée, 10 milliards de virions peuvent être synthétisés par jour. En effet, cette enzyme ne possède pas d’activité exonucléase 3′ vers 5′. Même si de nombreux virions mutés seront défectifs, certaines mutations vont apporter un avantage au virus. D’autres mécanismes de variabilité génétique impliquent des protéines accessoires du VIH (intéraction Vif-APOBEC3 par exemple).
La variabilité n’est pas identique tout au long du génome: gag et pol sont relativement conservés tandis qu’env est plus variable. A l’intérieur de la gp120, on distingue des régions hypervariables, dont la boucle V3 qui intervient dans la fixation du virus à ses corécepteurs. Ces phénomènes de variabilité génétique constituent l’obstacle majeur à l’élaboration d’un vaccin efficace. Ils donnent au virus une capacité considérable d’adaptation lors de pressions de sélection, que ce soit par le système immunitaire ou par un traitement, permettant la sélection de mutants résistants aux antirétroviraux .
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH)
1.1 Epidémiologie: situation actuelle, tendances
1.2 Structure et génome
1.3 Variabilité génétique du VIH
1.4 Physiopathologie
1.5 Diagnostic et suivi immuno-virologique de l’infection
II. Traitement antirétroviral
2.1 Prévention de l’infection par le VIH
2.2 Généralités, principes actuels
2.3 Inhibiteurs nucléosidiques et nucléotidiques de la transcriptase inverse (INTIs)
2.4 Inhibiteurs non-nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTIs)
2.5 Inhibiteurs de la protéase (IPs)
2.6 Inhibiteurs d’entrée
– Inhibiteur de fusion
– Inhibiteur de CCR5
– Inhibiteur d’attachement
2.7 Inhibiteurs d’intégrase (INIs)
2.8 Traitement oral « préventif »
2.9 Traitements : autres
III. Résistance aux antirétroviraux
3.1 Les mutations de résistance
3.2 Résistance aux INTIs
3.3 Résistance aux INNTIs
3.4 Résistance aux IPs
3.5 Résistance aux inhibiteurs de fusion
3.6 Résistance aux inhibiteurs de CCR5
3.7 Résistance aux inhibiteurs d’intégrase
3.8 La résistance d’hier à aujourd’hui
3.9 Variants minoritaires et résistance aux antirétroviraux
IV. Tests biologiques détectant la résistance
4.1 Les tests phénotypiques
4.2 Les tests génotypiques conventionnels
4.3 Nouvelles techniques de séquençage
OBJECTIFS
RESULTATS
DISCUSSION ET PERSPECTIVES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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