Le virus de l’artérite virale équine (EAV) a été isolé pour la première fois en 1953 dans la ville de Bucyrus, en Ohio (États-Unis), à partir du poumon de fœtus, dans un élevage où il y avait eu un pic de maladies respiratoires et d’avortements [1]. Cette maladie, autrefois appelée « fièvre typhoïde du cheval » [2], a reçu le nom d’« Artérite Virale » à cause de lésions caractéristiques de la maladie constamment présentes sur les artérioles des chevaux infectés de façon létale. En effet, une nécrose hyaline de la média de l’artère peut être observée [3- 8]. Elle est caractérisée par une disparition du noyau des cellules musculaires lisses et par le remplacement du cytoplasme par du matériel hyalin, éosinophilique ou fibrinoïde. Il s’ensuit alors la formation d’un œdème et l’infiltration de leucocytes dans l’adventice des vaisseaux. Les lésions artérielles peuvent finir éventuellement par une trombose.
Lors de la phase aiguë de la maladie, l’intensité des signes cliniques observés chez l’équidé infecté dépend, non seulement, de la virulence de la souche, de la voie d’infection, et de la dose virale présente lors de l’infection, mais aussi de l’âge et de la condition physique (gestation, sevrage, dénutrition ou carences alimentaires, parasitisme) de l’animal.
Ainsi, l’équidé peut présenter les signes cliniques suivants : de la fièvre (qui peut monter jusqu’à 39-41 °C), un abattement, une anorexie, des œdèmes (au niveau des paupières, du tronc, des membres, du prépuce ou du scrotum), une conjonctivite, un écoulement nasal important, etc . La présence d’un œdème au niveau du scrotum peut être la manifestation extérieure d’une orchite et/ou d’une épididymite [13, 35, 39], conduisant parfois à une infertilité passagère de l’étalon [13]. La plupart de ces signes cliniques sont communs à ceux causés par d’autres virus tels que le virus de la grippe équine, les herpesvirus équins (EHV-1 et 4), les virus de la rhinite équine A et B, les adénovirus équins, le virus de l’anémie infectieuse des équidés (AIE), le virus de l’encéphalite équine, le virus de la peste équine africaine, le virus hendra et le virus Getah [4, 24, 40]. Certains de ces signes cliniques peuvent aussi être provoqués par des bactéries streptocoques (purpura hémorragique) ou par une intoxication à l’Alysson blanc (Berteroa incana) [40]. C’est pourquoi, le diagnostic clinique de l’AVE doit toujours être confirmé par un test de laboratoire officiellement reconnu.
L’EAV n’entraîne que très rarement la mort des adultes, sauf dans le cas de souches très virulentes telles que Bucyrus [4, 6, 29, 41], qui entrainent des dommages vasculaires sévères (3-4 jours post-infection [jpi]) pouvant conduire à une coagulation intravasculaire disséminée [27] et à la mort de l’animal (5-7 jpi) [4]. Aucun complexe immun n’est retrouvé dans ces lésions.
De façon plus grave, le virus peut être responsable d’une pneumonie interstitielle sévère fulminante chez le nouveau-né, conduisant à la mort de ce dernier [7, 8, 13, 23, 24, 30], et d’un syndrome pneumo-entérique progressif chez le poulain âgé de 1 à 6 mois.
L’EAV peut également provoquer l’avortement chez 10 à 71% des juments gestantes (entre le 3 ème et le 10ème mois de gestation) [2, 12, 13, 16, 22, 27, 42-44], même en l’absence de signes cliniques de la maladie [1, 6, 16, 31, 32, 42]. Les modèles d’infection expérimentale ont montré que ces avortements pouvaient se produire 7 à 57 jours après l’inoculation du virus [4, 31, 44]. Ces avortements interviennent plus précocement que dans le cadre d’autres infections virales telles que celle de l’herpesvirus équin (EHV-1), aussi appelé virus de la rhinopneumonie, qui provoque l’avortement des juments 14 à 76 jours après le début de l’infection.
Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer les avortements dus à l’EAV. Le premier serait lié à une myométrite (inflammation du myomètre) avec infiltration de cellules mononucléaires [3, 4, 31] et formation d’un œdème au niveau de la couche sous-muqueuse, adjacente à l’endomètre, et de la couche sous-séreuse du myomètre, adjacente au périmètre, ainsi qu’au niveau du ligament large [3-5]. Cette myométrite conduit à une nécrose du myomètre [3, 31]. L’apport sanguin au fœtus via le placenta [5] serait ainsi réduit par une compression mécanique due à l’œdème de la sous-muqueuse [3], ou par une distension des tissus provoquée par la perte de tonicité du myomètre [3], entraînant ainsi une anoxie du placenta et du fœtus. Il s’en suivrait alors un détachement du placenta [3] et l’expulsion du fœtus qu’il soit déjà mort ou non à cause de l’anoxie [1, 3, 31, 42]. Une diminution de la production de progestérone par le placenta lésé, visible dès 48 heures avant l’avortement, ainsi qu’un relargage local de prostaglandines, pourraient aussi être impliqués dans l’avortement [3]. La fièvre est un autre effet secondaire de l’infection pouvant provoquer l’avortement.
Le deuxième mécanisme serait plutôt lié à une infection létale du fœtus [1, 6]. En effet, l’avortement peut avoir lieu en phase terminale de l’infection maternelle ou en phase précoce de rémission [1, 4], ce qui, dans ce cas, réduit la probabilité de l’implication d’un effet secondaire de l’infection maternelle (fièvre, toxémie) [1], d’autant plus que certaines juments ne présentent pas de signes cliniques autres que l’avortement [1, 16]. De plus, le virus a été retrouvé dans des artères, des tissus (rate, nœuds lymphatiques mésentériques, thymus, poumons, reins, cerveau, placenta, foie) et du sang d’avortons. Cependant, la présence de virus dans les tissus fœtaux pourrait être la conséquence de l’augmentation de la perméabilité du placenta lésé ; surtout qu’après environ 100 jours de gestation, lors d’une gestation normale, la perméabilité du placenta est déjà augmentée [3]. Cependant, le fait que parfois les titres viraux (dans le sang ou le placenta) ou le nombre de cellules infectées soient plus importants chez le fœtus que chez la mère [31], suggère qu’une infection transplacentaire du fœtus peut avoir lieu [6, 31]. La possibilité d’une infection transplacentaire est également supportée par le fait que, même si, en général, aucune lésion spécifique des artères n’est retrouvée chez les fœtus morts [3, 5], des lésions des petites artères musculaires peuvent être présentes, bien que moins sévères que chez la jument. Si elles sont présentes, elles le sont uniquement ou majoritairement au niveau du placenta, qui présente alors une nécrose fribrinoïde et une infiltration de cellules mononucléées et de quelques polynucléaires neutrophiles [6, 32]. La présence ou non de ces lésions pourrait dépendre de la souche virale incriminée [32]. D’autres lésions, rarement observées [42], telles que de l’autolyse [1, 3, 16, 31], des lésions inflammatoires (cerveau, foie, rate, nœuds lymphatiques, glandes surrénales, poumon, placenta) [6, 31, 32], des hémorragies (conjonctive, rate, poumons, muqueuses respiratoires et digestives) [1, 4, 5] et des œdèmes (tissu conjonctif sous-cutané, poumons, nœuds lymphatiques, tissus mésentériques, placenta) [1, 4, 31] peuvent être retrouvés chez des fœtus avortés ou morts in utero 2-4 jours [1, 4]. Une atrophie des follicules lymphoïdes (avec des lymphocytes dégénérés) dans la rate et les nœuds lymphatiques peut également être observée [31]. Ainsi, l’infection du fœtus induirait un stress fœtal qui activerait l’axe hypothalamo-hypophysaire conduisant à l’avortement.
|
Table des matières
Introduction
I) Le virus de l’artérite virale équine
a. La maladie
i. Phase aiguë de la maladie
ii. Persistance du virus
iii. Transmission
b. Dépistage, prévention et thérapeutiques
i. Mesures sanitaires et dépistage
ii. Prophylaxie
iii. Traitements disponibles
c. Le Virus
i. Classification
ii. Structure du virus
iii. Infections in vitro
II) Infection virale et immunité
a. Déroulement de l’infection par l’EAV dans l’organisme et cellules infectées
b. L’infection par l’EAV et l’immunité innée
i. Détection des virus par les récepteurs de reconnaissance de motifs et production d’interférons
ii. Réponse inflammatoire
iii. Zone immunoprivilégiée du testicule
c. Développement d’une immunité adaptative
III) L’EAV : un virus dont la persistance dépend de la testostérone ?
a. Mise en évidence expérimentale d’un lien virus/testostérone
i. Impact de la castration
ii. Thérapeutiques anti-GnRH
iii. Autres virus et testostérone
b. Effet de la testostérone sur le système immunitaire
c. Effet possible de la testostérone sur la réplication de l’EAV
d. Testostérone ou œstrogènes ?
Conclusion
Télécharger le rapport complet