Au moment où ce mémoire a été rédigé, les manifestations d’opposition à l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux femmes seules et aux couples de femmes se sont multipliées. Du fait de la révision des lois de Bioéthique, les discussions sur l’homoparentalité sont à nouveau au cœur de l’actualité. Ces cinquante dernières années, les formes familiales se sont multipliées. Aujourd’hui, construire une famille n’est pas forcément associé à la procréation biologique par coït. D’autres manières de faire famille se développent mais elles sont inégalement reconnues par la société et par la loi. Il y a quelques décennies, les enfants de parents divorcés étaient considérés hors normes ; dans la société actuelle, les enfants issus de couples homosexuels entrent petit à petit dans les mœurs.
Définitions
L’homosexualité
L’homosexualité est définie selon le Larousse comme une attirance sexuelle pour les personnes de son propre sexe. [1] Mais la définition sociologique ne peut se cantonner à une simple attirance sexuelle, c’est ce qu’il nous faut définir ici. Ce terme n’apparaît qu’au XIXème siècle principalement dans des écrits de médecine et de psychologie. L’homosexualité ne constitue pas la norme des rapports sexuels et amoureux et elle a longtemps été interdite par la loi, jusqu’en 1982 en France. Elle a également été pathologisée comme maladie mentale jusqu’en 1990, lorsque l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) supprime l’homosexualité de la liste des maladies mentales.
Aujourd’hui, la sociologie s’y intéresse à différents niveaux, que ce soit celui des pratiques sexuelles mais aussi celui des styles de vie et en tant qu’expérience du monde social du fait d’être, mais de moins en moins, hors norme. D’après la sociologue Anne Revillard, l’homosexualité peut être pensée comme une condition subie, donc naturelle, ou comme un choix. Elle peut être aussi pensée comme une simple sexualité ou plus largement comme une identité de genre. Elle définit deux types de perspectives :
– La perspective essentialiste : l’orientation du désir est indépendante de la volonté.
– La perspective constructiviste : l’attirance envers des personnes du même sexe est une construction culturelle.
L’homosexualité est de plus en plus acceptée socialement dans notre société française. Il reste néanmoins des pays qui condamnent cette sexualité, pouvant aller jusqu’à la peine de mort. Quarante-huit pays pénalisent les personnes homosexuelles par la prison, la torture, la peine de mort ou les travaux forcés. Mais il existe aussi des pays plus favorables aux couples de même sexe en légalisant l’AMP pour ces couples ou la GPA.
L’homoparentalité
Le terme d’homoparentalité est apparu dans les années 1990. Selon M. Gross, l’homoparentalité se définit par toute situation familiale dans laquelle au moins l’un des deux parents s’auto-identifie comme homosexuel. La naissance de cette notion témoigne d’une revendication de ces familles à « être des familles comme les autres ». Il existe deux situations, soit les enfants sont arrivés dans un contexte homoparental dans lequel le projet parental est élaboré par une ou des personnes homosexuelles, soit ils sont nés d’une union hétérosexuelle avant que l’un des parents ne recompose un foyer avec une personne du même sexe. Avec les progrès de la médecine, la procréation et la sexualité peuvent être individualisées et donc séparées. L’infertilité d’un couple homosexuel n’est pas médicale (les individus ne sont pas stériles) mais fonctionnelle (du fait de leurs attributs génitaux respectifs, les individus ne peuvent procréer ensemble). Ces femmes ont donc besoin de l’intervention d’une tierce personne pour pouvoir procréer.
Le cadre législatif actuel
Le mariage
La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvre droit au mariage, en France, pour les couples de personnes de même sexe et à l’adoption des enfants du conjoint ou à l’adoption conjointe d’enfants en France et dans certains pays étrangers. [6] Les Pays-Bas ont été le premier pays au monde à légaliser le mariage entre deux personnes de même sexe en 2001. Il existe maintenant treize pays européens (Belgique, Espagne, Norvège, Suède, Portugal, Islande, Danemark, France, Grande-Bretagne, Luxembourg, Irlande, Finlande et le dernier l’Allemagne en 2017) et le Canada, certains États des Etats-Unis, l’Argentine, l’Uruguay, le Brésil, la Colombie, le Mexique, l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande et Taïwan.
La filiation et l’adoption
La loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 indique la possibilité du partage de l’autorité parentale avec une tierce personne de même sexe. Avant cette loi, la deuxième mère, n’avait aucune autorité sur l’enfant. En cas de séparation ou de décès de la mère légale, la deuxième mère n’avait aucun droit sur l’enfant. [8] La France fut condamnée en 2008 par la Cour Européenne des droits de l’Homme pour discrimination envers les homosexuels en ce qui concerne l’adoption. [9] Avec la loi du 17 mai 2013 sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, le droit à la filiation et à l’adoption par la deuxième mère a évolué, bien que le mariage n’entraîne pas automatiquement la filiation pour les enfants des familles homoparentales. Dans le cadre d’un couple hétéroparental, le mariage entraîne la présomption de paternité, c’est-à-dire que si une femme mariée accouche, son mari est présumé être le père automatiquement. Dans ce cas, il fera une déclaration de naissance dans les cinq jours qui suivent l’accouchement. S’il a un enfant avec une autre femme que son épouse ou pour un couple non marié, le père fera une reconnaissance anticipée et une déclaration de naissance s’il souhaite obtenir la filiation avec cet enfant. En France, la présomption de paternité et la reconnaissance anticipée ne sont pas accessibles aux couples de même sexe. Mais les homoparents peuvent désormais débuter une procédure d’adoption plénière de l’enfant du conjoint ou de la conjointe et cela pour chaque enfant du couple.
La procédure se déroule devant le Tribunal de Grande Instance et comprend plusieurs étapes :
• Le consentement à l’adoption à établir par le notaire et la rédaction de la requête.
• Une déclaration de choix de nom doit être conjointe à cette requête car l’enfant porte le nom de naissance de la mère même si celle-ci porte le nom de son épouse en nom d’usage. Ainsi, un premier enfant et le suivant peuvent porter un nom différent tant que l’adoption de l’enfant de la conjointe n’est pas jugée.
Un livret de famille est délivré aux épouses à l’occasion de leur mariage mais aucun enfant ne sera reconnu comme « commun » au moment du mariage et inscrit sur ce livret ce jour là. L’enfant ne sera rajouté sur ce livret qu’après l’adoption plénière de l’enfant de la conjointe.
La procréation et l’AMP
Selon la loi de bioéthique de 1994, modifiée par la loi du 6 Août 2004, l’AMP s’adresse aux couples hétérosexuels (mariés, pacsés ou en concubinage) en âge de procréer, vivants et qui se trouvent dans l’une des situations suivantes :
– Le couple ou l’un des membres du couple présente une infertilité pathologique médicalement constatée.
– L’un des membres du couple est porteur d’une maladie grave, susceptible d’être transmise au conjoint ou à l’enfant.
Une personne célibataire ou un couple de personnes de même sexe ne peuvent donc pas recourir à l’AMP en France. Le rapport Léonetti de 2010 estime nécessaire de maintenir la condition selon laquelle le couple doit être formé d’une femme et d’un homme. La révision de la loi bioéthique en 2011 confirme que la prise en charge des couples homosexuels hommes ou femmes est interdite de même que la GPA. Le comité d’éthique de l’American Society for Reproductive Medecine (ASRM) affirme qu’il y a une obligation à traiter également toutes les personnes, quels que soient leur statut marital et leur orientation sexuelle.
L’article 511-9 du code pénal indique que tous les praticiens qui orientent leurs patientes à l’étranger pour une AMP risquent d’être pénalisés de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende. « Le fait d’obtenir des gamètes contre un paiement, quelle qu’en soit la forme, à l’exception du paiement des prestations assurées par les établissements effectuant la préparation et la conservation de ces gamètes, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. » et « Est puni des mêmes peines le fait d’apporter son entremise pour favoriser l’obtention de gamètes contre un paiement, quelle qu’en soit la forme, ou de remettre à des tiers, à titre onéreux des gamètes provenant de dons. » [12] Cet article a été rappelé aux professionnels de santé par un courrier envoyé le 13 Janvier 2013 . Marisol Touraine a ensuite abrogé ce courrier en juillet 2016 mais dans les faits, l’article 511-9 du code pénal est toujours en vigueur. En l’absence d’une loi qui abrogerait l’ancienne, les peines encourues sont toujours en vigueur, en dépit des déclarations de la ministre Marisol Touraine.
Le 15 juin 2017, le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) émettait un avis favorable à l’ouverture de l’AMP en France pour les femmes seules et les couples de femmes. Concevoir un enfant dans un contexte homoparental, par exemple, est un projet longuement réfléchi, concerté, qui fait de la grossesse un évènement programmé et désiré. Au contraire, le maintien du cadre légal actuel – qui réserve l’insémination artificielle avec donneur (IAD) aux couples formés d’un homme et d’une femme – pourrait constituer une discrimination de la part de la société à l’égard des demandeuses.
L’ouverture de l’AMP à toutes les femmes sera proposée par le gouvernement français dans le cadre de la révision de la loi bioéthique en 2018.
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Table des matières
Introduction
1. Définitions
1.1 L’homosexualité
1.2 L’homoparentalité
2. Le cadre législatif actuel
2.1 Le mariage
2.2 La filiation et l’adoption
2.3 La procréation et l’AMP
2.4 Conséquence du cadre législatif
3. Le contexte socio-normatif
3.1 L’hétéronormativité
3.2 La lesbophobie
3.3 Le sentiment de légitimité des lesbiennes
3.4 Études françaises des mères lesbiennes
Matériel et méthode
1. Hypothèses et objectifs.
1.1 Problématique
1.2 Objectifs
1.3 Hypothèses.
2. Méthode et matériel
2.1 Le type d’étude
2.2 Lieu et durée d’étude
2.3 Échantillon
2.4 Méthode
Résultats
1. Description de l’échantillon
2. Synthèse par entretien
2.1 Entretien n°1
2.2 Entretien n°2
2.3 Entretien n°3
2.4 Entretien n°4
2.5 Entretien n°5
2.6 Entretien n°6
2.7 Entretien n°7
3. Analyse thématique des entretiens
Discussion
1. Limites et points forts de l’étude
1.1 Limites de l’étude
1.2 Points forts de l’étude
2. Discussion
2.1 Avoir le choix des modalités de procréation : une caractéristique des couples lesbiens
2.1.1 Le choix de qui porte l’enfant : une évidence ou un compromis ?
2.1.2 Le choix du donneur : un consencus social ?
2.2 Le parcours procréatif, cette expérience singulière
2.2.1 Des difficultés existent mais aussi des ressources pour y faire face
Ø Un parcours doublement difficile
Ø Mais des « bricolages » symboliques pour compenser
2.2.2 Un sentiment d’isolement médical
2.3 Quand la famille devient légitime mais toujours sous conditions
2.3.1 La condition de la reconnaissance de la famille par l’État
Ø Le mariage, une obligation pour adopter
Ø L’adoption, un sentiment d’injustice pour les couples.
2.3.2 Les relations avec la famille d’origine
3. Synthèse
Conclusion
Bibliographie
Annexes