Le tutoiement collectif et les normes

Les compétences à développer chez l’élève

Dans un même ordre d’idées, la langue parlée est objet d’enseignement / apprentissage (Dumais, 2014). De ce fait, l’élève doit non seulement développer des compétences propres aux domaines des langues, dans le cas présent le français langue d’ enseignement, mais aussi des compétences générales liées à la communication (MEQ, 2006a ; 2006b ; 2006c). Selon le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ), tout au long de son cheminement scolaire, l’ élève doit développer des compétences disciplinaires liées au domaine des langues en plus de développer à travers son parcours des compétences générales à communiquer (compétences transversales) selon les situations rencontrées (MEQ, 2006a ; 2006b ; 2006c). L’oral n’est donc pas qu’un bloc monolithique, il se décompose en plusieurs objets d’enseignements/apprentissages tels que la pragmatique, qui réfère à la capacité du locuteur à adapter efficacement son acte de parole au contexte social, ou encore le paraverbal, qui réfère notamment aux composantes de la prosodie et aux pauses (Dumais, 2014). L’élève doit donc apprendre une langue appartenant certes à un registre plus soutenu, mais il doit aussi apprendre certains savoirs liés à un usage plus familier (Ostiguy et Tousignant, 2008) en plus d’ apprendre à moduler son discours selon les situations de communication (MEQ, 2006a ; 2006b ; 2006c).

La langue parlée en formation initiale

De ce fait, l’enseignant se doit d’ être en mesure non seulement d’enseigner ces savoirs liés à la langue orale, mais aussi d’en démontrer la maitrise (MEQ, 2001 ; Dumais, 2015). Actuellement, il existe peu de travaux de recherche sur les compétences à J’oral des enseignants (Viola et coll., 2015). Toutefois, certains chercheurs, dont Gervais (2000), Gervais et coll. (2001), Ostiguy et coll. (2005) ainsi que Viola et coll. (2015) ont abordé la question sous l’ angle des enseignants en formation initiale. Ainsi, l’enseignant en formation initiale se voit présenter un référentiel de compétences professionnelles auquel il doit adhérer et dans lequel la maitrise de la langue occupe une place prépondérante (MEQ, 2001). Or, la formation initiale portant autant sur la langue parlée en elle-même que sur la didactique de l’oral est déficiente (Ostiguy, Gervais et Lebrun, 2006 ; Dumais, 2015). La faible offre de cours et de formation continue portant sur la langue orale rend la maitrise de celle-ci plus difficile (Ostiguy et coll., 2005). De ce fait, selon Ostiguy et coll. (2005), les étudiants dans les programmes de formation initiale en enseignement présentent un usage de la langue orale soutenue, celle dont on s’ attend qu’ ils maitrisent, à peu près équivalente à celle des présentateurs d’émissions de variétés qui emploient bien souvent un registre plus populaire.

Selon ces chercheurs, ces résultats seraient attribuables dans un premier temps au fait que les étudiants ont une faible conscience des variantes de la langue orale et dans un second temps qu’ ils ont plus ou moins conscience de leur propre usage de la langue parlée (Ostiguy, Gervais et Lebrun, 2006). De plus, les enseignants en formation initiale ne semblent pas nécessairement voir les variantes soutenues de la langue française d’un bon oeil puisqu’ ils les jugent comme un obstacle à la communication avec l’élève (Ostiguy, Gervais et Lebrun, 2006).

Les modèles d’action: représentations, intentions et stratégies

Pour le présent travail, il nous semblait important de situer plus largement le recours au tutoiement collectif en lien avec la pratique enseignante. Le concept de modèle d’ action, de Bourassa, Serre et Ross (J 999), nous est apparu éclairant dans cette perspective parce qu’ il nous permet de comprendre le lien entre les choix de stratégies de l’ enseignant, ses intentions et les représentations qu’ il a construites au fil de ses expériences.

À cet effet, pour le présent travail, nous considèrerons le tutoiement collectif comme une stratégie employée par les enseignants pour atteindre les buts qu’ ils se sont fixés selon leurs représentations de la situation d’enseignement en utilisant la définition de modèle d’ action de Bourassa, Serre et Ross (1999). Ce que nous savons du tutoiement collectif est plutôt élémentaire. Il faut donc amorcer la réflexion à partir de l’ expérience des enseignants puisque ce sont eux qui emploient le tutoiement collectif au quotidien. Bourassa, Serre et Ross (1999) définissent les modèles d’action comme « des habitudes conditionnées par des représentations de la réalité, des intentions et des stratégies récurrentes, élaborées à travers les années pour assurer le mieux possible l’ adaptation et l’apprentissage » (p.60). Un modèle d’ action est donc une façon de faire opérante ayant la possibilité d’ être reproduite selon les situations rencontrées, qui est née de l’ expérience du praticien et qui contient les théories de l’ action de ce dernier et ses savoirs expérientiels (Bourassa, Serre et rosse, 1999). Constitué de trois composantes soit la représentation, l’ intention et la stratégie, le modèle d’ action est, lorsqu ‘ il est activé, une dynamique interactive entre ces différents éléments du modèle et la situation. Bourassa, Serre et Ross (1999) présentent le modèle comme suit (p.61) :

La représentation est la façon dont le praticien perçoit le monde à travers 1) ses interprétations, 2) ses émotions, 3) ses croyances et valeurs et 4) ses attitudes (Bourassa, Serre et Ross, 1999). Or, ces quatre composantes revêtent chacune une fonction importante dans l’ identification des représentations. Premièrement, le praticien décode l’ information extérieure qu’ il reçoit à l’ aide de l’ information qu ‘ il a à l’ intérieur de lui, par exemple les connaissances qu ‘ il possède sur un objet donné. Il interprète la situationqu ‘ il rencontre selon ses besoins ou son expérience par exemple (Bourassa, Serre et Ross, 1999). Deuxièmement, selon Bourassa, Serre et Ross (1999), les émotions du praticien, qui surviennent lors de la situation, ont une influence sur ces interprétations. Il est donc essentiel de tenir compte de ces émotions lorsque l’on cherche à identifier les représentations du modèle d’action d’une situation donnée. Troisièmement, toujours selon ces mêmes auteurs, les croyances et les valeurs du praticien dirigent l’action puisque celleci s’appuie sur ce que nous acceptons comme vrai en rapport à ce que nous rencontrons.

Compte tenu de l’aspect très personnel des croyances et des valeurs, ces dernières n’ont pas la même valeur d’un individu à l’ autre (Bourassa, Serre et Ross, 1999). Pour finir, les attitudes du praticien, influencées par ses valeurs, croyances, émotions et interprétations, le prédisposent à une certaine réaction en rapport à la situation (Bourassa, Serre et Rosse, 1999). En effet, la plupart du temps, nous tentons de revalider la façon dont nous percevons le monde, de ce fait, l’ attitude face aux situations est donc une disposition cognitive assez statique (Bourassa, Serre et Ross, 1999).

L’ intention est déterminante dans la dynamique du modèle d’ action puisque c’est le lieu de rencontre entre la représentation et la stratégie, c’ est là où le praticien décide de ce qu ‘ il veut faire (Bourassa, Serre et Ross, 1999). Pour Bourassa, Serre et Ross (1999), l’ intention implique d’abord pour le praticien de choisir une stratégie en fonction de la situation précise qu ‘ il rencontre, elle cherche ensuite à produire un effet chez l’ autre et, pour finir, elle vise à produire un effet sur le praticien lui-même. Selon les auteurs, il est à noter qu ‘une stratégie peut avoir plusieurs intentions et que ces intentions peuvent être contradictoires. De plus, il est essentiel lorsque la réflexion sur le modèle d’ action est enclenchée de faire la distinction entre l’ intention professée qui est celle que pense l’ enseignant et l’intention pratiquée qui est celle qui agit réellement sur l’ action (Bourassa, Serre et Ross, 1999).

La stratégie, comme le montre la figure 1, fait à la fois partie de la dimension intime et de la dimension publique du modèle d’ action (Bourassa, Serre et Ross, 1999). En effet, la stratégie est l’ aboutissement de choix, fait à partir des représentations et des intentions et appartient donc au praticien, mais est aussi l’actualisation de ce choix dans la situation en elle-même et, de ce fait, appartient au domaine public. La stratégie est alors pour Bourassa, Serre et Ross (1999), le meilleur moyen, pour le praticien, d’ atteindre ses buts. Dans un même ordre d’ idées, Legendre (2005) définit la stratégie comme une « manière de procéder pour atteindre un but spécifique » (p. 1260).

Soulignons en terminant que ce modèle met en lumière le fait qu ‘en plus de s’appuyer sur la recherche et la théorie, l’enseignant puise aussi dans son expérience pour construire sa pratique (Perrenoud, 2012). Ainsi, la pratique professionnelle ne peut se concevoir que comme une science appliquée dans laquelle il n’ y a que le savoir théorique qui garantit l’ efficacité de la pratique (Cosnefroy, 2004). Le savoir acquis sur le terrain par le praticien, qui prend son autonomie face au savoir théorique, a lui aussi sa place (Cosnefroy, 2004).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION 
CHAPITRE 1 
LA PROBLÉMATIQUE
1.1 Le tutoiement collectif et les normes
1.2 Le tutoiement collectif et l’enseignant comme modèle linguistique
1.3 Un vide scientifique
1.4 La question de recherche
CHAPITRE II
LE CADRE CONCEPTUEL 
2.1 Le tutoiement collectif et les normes linguistiques
2.1.1 Le tutoiement, le vouvoiement et le tutoiement collectif
2.1.2 Les normes prescriptives, descriptives et réelles
2.2 Le rôle de modèle linguistique de l’ enseignant
2.2.1 La communication orale en enseignement
2.2.2 Les compétences à développer chez l’ élève
2.2.3 La langue parlée en formation initiale
2.3 Les modèles’ d’ action: représentations, intentions et stratégies
2.4 Les objectifs de la recherche
CHAPITRE III 
LA MÉTHODOLOGIE 
3.1 Les participants et le recrutement
3.1.1 Le recrutement
3.2 Les méthodes et outils de collecte de données
3.3 L’ analyse des données
3.3 Les critères de rigueur de la recherche
3.3.3 La certification éthique
CHAPITRE IV 
LES RÉSULTATS 
4.1 Les représentations générales du tutoiement collectif selon les enseignants
4.1.1 Définition du tutoiement collectif
4.1.2 Provenance du tutoiement collectif
4.1.3 Conscience du recours au tutoiement collectif
4.2 Les buts et effets du tutoiement collectif perçus par les enseignants
4.2.1 Buts des enseignants du recours au tutoiement collectif
4.2.2 Effets perçus par les enseignants
4.3 Les modalités d’ utilisation du tutoiement collectif
4.3.1 Contextes d’ utilisation du tutoiement collectif
4.3.2 Caractéristiques des élèves
4.4 Les réactions dans l’ entourage scolaire des enseignants
4.4.1 Réactions des élèves
4.4.2 Réactions de l’ entourage professionnel
4.5 Les représentations quant à la langue
4.5.1 Opinion quant à l’erreur grammaticale
4.5.2 Conscience du rôle de modèle linguistique de l’enseignant
4.6 Synthèse des résultats
CHAPITRE V 
LA DISCUSSION
5.1 Une stratégie plus ou moins consciente et définie
5.2 Une stratégie au service de la relation entre l’enseignant et l’élève
5.3 Une stratégie en soutien à la gestion de classe et des comportements inadéquats
5.4 Une stratégie allant à l’ encontre des normes et jugée positivement
CONCLUSION
RÉFÉRENCES

Le tutoiement collectif et les normesTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *