รVOLUTION DE LA LASI DE 1980 ร NOS JOURS
Les annรฉes 1980 ร 1991 sont marquรฉes par de nombreuses crises ร travers le monde. Ces derniรจres font croรฎtre de maniรจre historique le nombre de demandes dโasile. La premiรจre rรฉvision de la LAsi est adoptรฉe en 1983 et a pour but la limitation de lโaccรจs ร la procรฉdure avec lโintroduction de ยซ cas manifestement infondรฉs ยป, la suppression de la 2รจme instance de recours et le renvoi en cas de dรฉcision nรฉgative. Une deuxiรจme rรฉvision a lieu en 1986 concernant les restrictions du droit dโasile avec la volontรฉ dโaccรฉlรฉrer les procรฉdures en rendant des dรฉcisions sur dossier et sans audition fรฉdรฉrale. La mesure visant ร une dรฉtention de 30 jours en vue dโun refoulement est รฉgalement acceptรฉe. Durant ces annรฉes, certains groupes de soutien se mobilisent en faveur de la cause des requรฉrants dโasile en se soulevant notamment contre leur renvoi et les restrictions de la procรฉdure. (Parini et Gianni, 2005 : 211-214) (Sanchez-Mazas, 2011 : 28-294) Dรจs 1988, la Suisse fait face ร un nouvel afflux de demandeurs dโasile, dont un grand nombre sont des kurdes fuyant le conflit opposant lโarmรฉe turque au parti des travailleurs du Kurdistan. Deux ans plus tard, la 3รจme rรฉvision du droit dโasile est votรฉe.
Celle-ci reprรฉsente encore un durcissement de la procรฉdure dโasile ayant pour but de rendre le pays moins attractif. Une des nouveautรฉs se trouve dans ยซ lโinnovation que reprรฉsente la clause de non-entrรฉe en matiรจre assortie du renvoi immรฉdiat pour demande abusive ou refus de collaborer (art. 32 et 45 al. 2), ainsi que le classement de certains pays comme pays sรปrs en vue de dรฉcisions de non entrรฉe en matiรจre (art. 34) ยป. Cette modification sera votรฉe avec le soutien des partis de gauche car ยซ il institue la politique dโadmission provisoire de groupes de rรฉfugiรฉs, qui sera lโun des changements majeurs de la politique dโasile en Suisse ยป. (Parini et Gianni, 2005 : 215) (Sanchez-Mazas, 2011) Par sa politique dโadmission provisoire, la Suisse entend accueillir les personnes qui sont en danger dans leur pays tout en ayant comme but final de les rapatrier dรจs que la situation dans ledit pays se sera amรฉliorรฉe. De plus, dรฉfinir une liste de ยซ pays sรปrs ยป permet ร la Suisse de refuser dโentrer en matiรจre sur les demandes de ressortissants provenant de pays inscrits sur cette liste รฉtablie par le Conseil fรฉdรฉral. (Zeugin, 2007 : 52)
Au cours des annรฉes 1990 ร 1991, les demandes dโasile sont toujours en hausse et des restrictions sont ร nouveau appliquรฉes. Les nombreuses crises qui agitent le monde (conflit opposant les minoritรฉs tamoules aux majoritรฉs cinghalaises au Sri Lanka, conflit entre lโarmรฉe turque et le parti des travailleurs du Kurdistan, guerre du Liban, conflit en ex-Yougoslavieโฆ) amรจnent la Suisse ร atteindre un record historique de demandes dโasile. Pourtant, malgrรฉ ces demandes en hausse et le conflit faisant rage en ex-Yougoslavie, les demandes dโasile diminuent de moitiรฉ lors de lโannรฉe 1992. Les diffรฉrentes rรฉvisions de la Loi citรฉes ci-dessus allant dans le sens de la restriction ainsi que lโaccรฉlรฉration du traitement des demandes dโasile et non une diminution des conflits semblent donc รชtre ร lโorigine du dรฉclin des demandes dโasile. (Piguet, 2004 : 80-81) Le dรฉbut des annรฉes 1990 est รฉgalement marquรฉ par lโintroduction du programme dโaide au retour, encourageant les personnes qui ne sont plus autorisรฉes ร sรฉjourner en Suisse ร repartir volontairement dans leur pays. (Parini et Gianni, 2005 : 215) En 1994, une votation populaire visant ร durcir les mesures de contrainte est lancรฉe. Cette modification a pour but de permettre la mise en dรฉtention dโรฉtrangers rรฉticents ร se soumettre ร une dรฉcision de renvoi.
Le rรฉfรฉrendum est acceptรฉ ร 73% par le peuple suisse et la durรฉe maximum de dรฉtention en vue du refoulement passe de 30 jours ร 3 mois . Une refonte de la Loi sur lโasile a lieu en 1998. Durant cette pรฉriode, la Suisse enregistre un nombre important de demandes dโasile suite au conflit yougoslave. Pour faire face ร cette augmentation de demandeurs dโasile, le pays va devoir mettre en place des mesures dโurgence et adapter la LAsi. Les modifications concernent la dรฉcision de non-entrรฉe en matiรจre en cas dโabsence de papiers, lโintroduction du statut de rรฉfugiรฉ de la violence et la crรฉation du statut intermรฉdiaire de personne admise provisoirement. Comme citรฉ par Mahnig (2005) : ยซ cette rรฉforme stipule dโaccorder protection aux rรฉfugiรฉs dits de la violence lorsque lโexรฉcution du renvoi ne peut รชtre raisonnablement exigรฉe en vue de la situation dans les pays de destination (et dโorigine) des requรฉrants ยป. (Parani et Giani, 2005 : 222) Rappelons que selon la dรฉfinition de la convention de Genรจve un rรฉfugiรฉ doit รชtre personnellement exposรฉ ร de sรฉrieux prรฉjudices pour pouvoir obtenir lโasile politique. En cas de situation de guerre dans le pays dโorigine, la personne nโest pas persรฉcutรฉe individuellement mais a tout de mรชme besoin dโune protection car son pays nโest pas sรปr.
Ces personnes nโont pas la possibilitรฉ de dรฉposer une demande dโasile ร titre individuel. Elles vont tout de mรชme faire lโobjet dโune procรฉdure et dโune dรฉcision individuelle afin de dรฉterminer si elles ont droit ร une admission provisoire. (Piguet, 2004 : 74) Lors de la 6รจme rรฉvision de la LAsi, en 2003, le dรฉlai de recours pour les NEM (non-entrรฉe en matiรจre) est rรฉduit de 30 ร 5 jours. Le parlement fรฉdรฉral dรฉcide รฉgalement que les cas de non-entrรฉe en matiรจre nโauront plus droit aux prestations dโaide sociale comme prรฉvu dans la Loi sur lโasile. (Sanchez-Mazas, 2011 : 294) Un an plus tard, lโaide dโurgence prรฉvue pour les non-entrรฉe en matiรจre dans le besoin entre en vigueur. Selon lโart. 82 al.4 de la LAsi, ยซ L’aide d’urgence est octroyรฉe dans la mesure du possible sous la forme de prestations en nature aux lieux dรฉsignรฉs par les cantons ou la Confรฉdรฉration. Elle est infรฉrieure ร l’aide sociale accordรฉe aux requรฉrants et aux personnes ร protรฉger qui ne bรฉnรฉficient pas d’une autorisation de sรฉjour ยป3.
LE TRAVAIL SOCIAL, ENTRE PRATIQUE PROFESSIONNELLE ET MANDAT INSTITUTIONNEL
Il existe de nombreuses dรฉfinitions du travail social, mais pour ma part, jโai choisi celle prรฉsentรฉe par Garcette et Daadouch (2006) comme point de dรฉpart de ma rรฉflexion autour du travail social et des enjeux qui en dรฉcoulent. ยซ Le travail social est un ensemble de professionnels qualifiรฉs, exerรงant de faรงon salariรฉe des missions de politiques sociales dรฉfinies par les institutions publiques et privรฉes qui les emploient. Interventions qui, tant individuelles que collectives, visent ร lโinformation, lโorientation, lโaccompagnement, lโรฉducation, le soutien psycho-social, et ont pour objectif de favoriser le lien social, lโinsertion des personnes dans le respect de leur autonomie et des principes รฉthiques et dรฉontologiques de non-discrimination et de confidentialitรฉ ยป. (Garcette et Daadouch, 2006 : 11) Cette dรฉfinition est รฉtablie par deux auteurs franรงais mais, selon moi, elle correspond en tout point ร la rรฉalitรฉ du travail social en Suisse. Ce qui est intรฉressant dans cette explication est le fait quโen plus dโassurer une fonction dโaide directement aux personnes, tout travailleur social est soumis ร des politiques sociales dรฉfinies.
Le contexte restrictif de la politique dโimmigration en Suisse peut donc crรฉer des tensions pesant sur les professionnels car dโune part, ils doivent assurer leur mission de service public en inscrivant leurs actions dans le cadre juridique et institutionnel oรน ils รฉvoluent et ร qui ils doivent rendre des comptes. Mais dโautre part, ils se doivent รฉgalement, de par leur statut de travailleurs sociaux, de soutenir les personnes en donnant des rรฉponses professionnelles personnalisรฉes ร chaque usager. (Garcette et Daadouch, 2006 : 11) Il est รฉgalement important de mentionner que ยซ suivant les institutions dont ils dรฉpendent, suivant les mandats qui sont les leurs, suivant les modรจles et les disciplines privilรฉgiรฉs par leur institution, les travailleurs sociaux jouiront dโune plus ou moins grande libertรฉ pour faire leurs choix ยป. (Bรฉday-Hauser et Bolzman, 2004 : 45) Il faut donc souligner que malgrรฉ les devoirs, missions ou mandats imposรฉs par lโemployeur, le travailleur social aura gรฉnรฉralement une marge dโinterprรฉtation mรชme si ร un certain moment il sera, dans sa pratique professionnelle, confrontรฉ aux limites de son mandat. (Amiguet, 2004 : 159)
Chaque travailleur social, dans quelque domaine que ce soit, sera confrontรฉ ร des exigences imposรฉes par le cadre institutionnel qui pourront entraรฎner des tensions. Cependant, le domaine de lโasile comporte des particularitรฉs en partie ร cause dโune politique dโasile suisse se voulant particuliรจrement restrictive, comme exposรฉ dans la premiรจre partie du travail. Pour les professionnels de lโasile, des tensions vont notamment se faire ressentir dans la mise en oeuvre des rรฉponses professionnelles puisque parfois, la lรฉgislation mise en place par le pays rend certains objectifs problรฉmatiques voire inatteignables. (Beday-Hauser et Bolzman, 2004 : 44) En thรฉorie, les missions des travailleurs sociaux de lโasile sont lโaccueil des personnes, leur prise en charge ainsi que leur insertion dans la sociรฉtรฉ. Mais ces missions sont ร questionner lorsquโon sait que certaines Lois ont รฉtรฉ mises en place pour favoriser le retour ou lโexpulsion de certaines catรฉgories de requรฉrants. Ainsi, un travailleur social peut se retrouver en mรชme temps dans une logique dโaccueil que lui impose son mandat de travailleur social, mais en mรชme temps dans une logique dโexclusion de par les directives politiques imposรฉes. Prenons par exemple la perspective dโinsertion des requรฉrants dโasile. Les professionnels ont besoin de temps pour aboutir ร des rรฉsultats dans ce domaine. Or, dans lโasile, le long terme est incertain et la projection dans lโavenir souvent impossible. Certains travailleurs sociaux se voient donc obligรฉs, de par leur mission, de travailler pour lโinsertion des personnes tout en gardant en tรชte lโidรฉe dโun dรฉpart. Parfois mรชme, ils sont justement dans lโobligation de travailler avec le requรฉrant sur son dรฉpart. (Bรฉday-Hauser et Bolzman, 2004 : 44) (Bouquet, 2012 : 71)
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Table des matiรจres
1. Introduction
Motivations
Lien avec le travail social
2. Prรฉsentation du sujet
Objectifs de recherche
3. Cadre thรฉorique
La politique dโasile en Suisse
Bases lรฉgales de la Loi sur lโasile
รvolution de la LAsi de 1980 ร nos jours
Le travail social dans le domaine de lโasile
Le travail social, entre pratique professionnelle et mandat institutionnel
Le positionnement professionnel ร lโaulne de lโรฉthique
Lโรฉthique professionnelle
Les tensions รฉthiques
Ethique de responsabilitรฉ et รฉthique de conviction
Articulation des deux รฉthiques
Le positionnement
4. Mรฉthodologie de lโenquรชte
Terrain dโenquรชte
Technique de rรฉcolte de donnรฉes
Echantillon dโenquรชte
Risques et รฉthique liรฉs ร la dรฉmarche
5. Analyse des donnรฉes
Codage des donnรฉes
Axe 1 : les difficultรฉs des professionnels face au cadre insitutionnel et juridique
Impuissance ressentie par les travailleurs sociaux
La LAsi et les procรฉdures dโasile en Suisse, un systรจme injuste aux yeux de certains professionnels
Des travailleurs sociaux face ร des missions contradictoires
Axe 2 : Positionnement professionnel dans le contexte de lโasile
Positionnement face aux normes institutionnelles
Positionnement face aux limites du mandat
Positionnement par rapport aux renvois
Axe 3 : les valeurs des professionnels
6. Vรฉrification des hypothรจses
Hypothรจse 1 :ยซ Les travailleurs sociaux du domaine de lโasile se trouvent face ร des dilemmes qui influencent leur pratique
Sous – hypothรจse 1 : ยซ Face ร leurs dilemmes, les TS se positionnent par rapport ร leurs valeurs (รฉthique de conviction) ยป
Sous – hypothรจse 2 : ยซ Face ร leurs dilemmes, les TS se positionnent par rapport au cadre juridique, aux missions ou aux directives institutionnelles (รฉthique de responsabilitรฉ)
7. Pistes dโaction
La rรฉflexion รฉthique
Militantisme
Supervision
Collaboration
8. Conclusion
Rรฉsultats de la recherche
Limites de la recherche
Bilan personnel
9. Bibliographie
Ouvrages
Articles
Texte de Loi
Sources internet
Table des illustrations
10. Abrรฉviations et annexes
Annexe 1 : types de permis de sรฉjour pour ressortissants dโetats tiers
Annexe 2 : parcours dโun requรฉrant dโasile
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