Le travail de groupe et l’apprentissage collaboratif
Si l’on souhaite utiliser une pédagogie active en classe, le travail de groupe peut être, s’il est bien géré, un outil efficace pour apprendre autrement (Cohen, 1994). L’apprentissage social est bénéfique et permet à l’enfant de se décentrer (Peyrat-Malaterre, 2011). Mais comment faire pour que les élèves apprennent en groupe ? Pour Pléty (1998), il doit y avoir un engagement commun des efforts pour qu’il y ait une collaboration. De plus, il faut donner la possibilité aux apprenants d’agir par eux-mêmes, afin qu’ils puissent mettre en commun leurs ressources (Pléty, 1998). En mettant en place ce type de situation, ils pourront améliorer et mieux s’approprier la connaissance (Pléty, 1998). Le travail de groupe est défini par Cohen comme étant une « situation où des élèves travaillent ensemble dans un groupe suffisamment petit pour que chacun puisse participer à la tâche qui lui a été clairement assignée » (Cohen, 1994, p. 1).
Aussi, on attend des élèves une certaine autonomie (Cohen, 1994). Une autre caractéristique du travail de groupe est de permettre aux enfants de faire des erreurs et de se débrouiller par eux-mêmes (Cohen, 1994). Les élèves ont ainsi une liberté dans leurs choix et sur la façon d’accomplir la tâche demandée (Cohen, 1994). Selon cet auteur, au sein du groupe même, les membres ont besoin des uns des autres pour faire la tâche. Ils discutent ensemble, suggèrent aux autres ce qu’ils devraient faire, s’écoutent mutuellement et décident de quelle manière ils vont travailler (Cohen, 1994). Selon Cohen (1994), il peut y avoir d’une part des actions comme poser des questions, critiquer, écouter, montrer son accord ou son désaccord et d’autre part des interactions non verbales comme montrer du doigt, froncer les sourcils, acquiescer, etc. Pour que ces interactions fonctionnent, le travail de groupe exige une réponse ou un comportement actif entre les membres (Cohen, 1994). Dès lors, dans le groupe d’apprentissage, les matériaux, les consignes et les informations nécessaires à l’élaboration du projet « doivent être distribués de manière à ce que sa réalisation requière en elle-même la participation de chacun » (Meirieu, 1996, p. 15).
Les deux termes de collaboration et de coopération semblent vouloir dire la même chose et sont utilisés dans la littérature en spécifiant les particularités de chacun ou sont parfois indifférenciés. Pour être plus au clair, une distinction a été proposée par Baudrit (2007) : l’apprentissage coopératif tout comme l’apprentissage collaboratif amènent les élèves à travailler à plusieurs, c’est une activité groupale. Toutefois, dans le cadre de l’apprentissage collaboratif, les personnes interagissent comme elles l’entendent, elles sont plus autonomes que dans l’apprentissage coopératif, qui lui est plus structuré. En effet, les rôles sont attribués aux membres du groupe tandis que pour l’apprentissage collaboratif, les élèves définissent eux-mêmes les rôles et les fonctions de chacun. Les élèves échangent, justifient les idées émises par les uns et les autres (Baudrit, 2007). Aussi, l’apprentissage collaboratif permet de découvrir de nouvelles idées et de résoudre des problèmes à plusieurs (Damon & Phelps, 1989). Pour l’apprentissage coopératif, il s’agit finalement d’un emboîtement de divers travaux individuels (Baudrit, 2007).
Pour préciser la distinction entre la collaboration et la coopération, Pléty (1998) explique que le premier terme relève davantage de l’élaboration commune du travail, tandis que le deuxième terme parle de l’organisation du travail. Pour Damon et Phelps (1989), dans l’apprentissage collaboratif tout est fait pour qu’il y ait un « choc des idées », reprenant ainsi l’idée du conflit sociocognitif. Lorsque l’on parle d’apprentissage, cela implique la construction de nouvelles connaissances. Mais qu’en est-il lorsque les élèves travaillent en groupe ? Il peut y avoir une transmission de connaissances maîtrisées par l’un des membres du groupe, mais aussi une création de nouvelles connaissances pour tous les membres sans qu’il y ait besoin d’un expert (Perret-Clermont & Giglio, 2016). Plusieurs travaux (Armes & Murray, 1982 ; Doise & Mugny, 1981 ; Perret-Clermont et al., 1996 ; Littleton & Light, 1999 ; Schwarz, Perret- Clermont, Trognon & Marro Clément, 2008 ; Howe, 2010 ; Littleton & Howe, 2010) ont démontré que « des novices interagissant entre eux sont susceptibles de produire des connaissances nouvelles qu’aucun d’eux ne détenait avant » (cité par Perret-Clermont & Giglio, 2016, p.217). Quant aux idées nouvelles, la collaboration favorise parfois la création d’idées chez les élèves, les remue-méninges avec des partenaires « font ressortir des idées novatrices qui n’auraient peut-être jamais vu le jour si les élèves avaient travaillé seuls » (Conklin, 2014, p.112). En outre, la collaboration entre pairs est un mode d’enseignement et d’apprentissage riche pour les élèves d’une part et d’autre part, ce mode de fonctionnement permet à l’enseignant de percevoir le travail de ses élèves sous un autre angle (Perret- Clermont & Giglio, 2016).
Les petits groupes d’élèves
Plus le groupe est petit et plus le temps de parole est multiplié (Barlow, 2000). Ce même auteur précise qu’un élève peu sûr de lui aura plus de facilité à s’exprimer devant peu de personnes qu’en présence d’un plus grand groupe ou de la classe entière (Barlow, 2000). Peyrat-Malaterre (2011) a testé plusieurs formes de groupes et affirme qu’avec un nombre pair, il est plus difficile de trancher et de prendre une décision. Avec un nombre impair de trois, il est plus facile de trouver une solution et au-delà de cinq, le groupe peut devenir difficile à gérer par les membres eux-mêmes (Peyrat-Malaterre, 2011). Pléty (1998) précise que l’introduction d’un tiers dans un groupe de deux permet à ses membres de se remettre en question. Quant à la constitution des groupes, soit le hasard décide, soit les élèves choisissent librement ou la constitution est imposée par l’enseignant. Lorsque le groupe est constitué selon le libre choix des élèves, le risque est grand que l’on y parle de toute autre chose que de la tâche à accomplir (Barlow, 2000). Si les échanges se font toujours entre les mêmes élèves, ceux-ci peuvent être moins riches (Peyrat-Malaterre, 2011). Un groupe constitué au hasard peut éviter ces inconvénients, mais l’antipathie entre certains de ses membres peut provoquer des « blocages » (Barlow, 2000). De plus, pour travailler efficacement ensemble, Francis Vanoye (1976) note « qu’il faut se voir, il faut s’entendre, il faut être présent l’un à l’autre » (cité par Barlow, 2000, p.46). Barlow (2000) ajoute que si le local est trop petit, cela peut étouffer la créativité. Par ailleurs, les groupes peuvent être gênés par leurs voisins en créant des interférences entre les conversations, les élèves pourraient être tentés de faire la même chose que le groupe voisin (Barlow, 2000).
La pensée ou l’imagination créatrice
De nombreux auteurs se sont intéressés au concept de pensée créatrice ou d’imagination. Quelques controverses existent. Selon Watzlawic (1988), l’imagination créatrice repose sur l’association d’images déjà connues pour produire quelque chose de nouveau. Au contraire, Bachelard (1943) conteste l’idée que « l’imagination soit la faculté de former des images » et soutient qu’elle « est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception » (cité par Archambault & Venet, 2007, p.7). Paul Harris (2007), quant à lui, situe l’imagination « au coeur de l’activité cognitive quotidienne » (cité par Yerly, 2009a, p.27). En effet, pour lui, l’imagination permet d’entrer dans un univers fictif, mais aussi de comparer des résultats réels et également de s’immerger dans ce qui est impossible, magique ou inimaginable (Yerly, 2009a). Aussi, selon Harris (2007), l’imagination produit des émotions. D’après les lectures d’Archambault et de Venet (2007), l’imagination touche plutôt le domaine de l’impossible aux yeux de Piaget (1972) et survient au stade préopératoire du développement de la pensée formelle. Pour lui, la pensée logique ou formelle est le but du développement cognitif avec la capacité d’appréhender le monde de façon abstraite (Archambault & Venet, 2007). Piaget (1972) définit l’imagination comme l’un des deux pôles de la pensée : « celui de la combinaison libre et de l’assimilation des schèmes » (p.163) et l’oppose à « l’accommodation au réel ». Ainsi, pour Piaget, l’imagination créatrice s’oppose à la pensée logique (Archambault & Venet, 2007).
D’après ses recherches, l’imagination est la plus profitable à l’arrivée du langage, du jeu symbolique et de l’imitation représentative, soit autour de deux ans jusqu’à l’âge de sept ans (Archambault & Venet, 2007). Cette période du stade préopératoire étant caractérisée par l’égocentrisme enfantin, l’imagination y est présente comme un acte spontané souvent en lien avec les émotions et aurait comme fonction de combler les lacunes cognitives du jeune enfant face à son inexpérience du monde (Archambault & Venet, 2007). Puis, lorsque l’enfant s’ouvre au monde, l’imagination va disparaître pour se réintégrer dans l’intelligence, devenant ainsi un des pôles de la pensée (Piaget, 1972). Vygostki définit l’imagination, avec sa théorie développementale d’origine sociale, comme une fonction mentale supérieure qui se développe avec l’acquisition du langage et qui augmente peu à peu au fil des expériences vécues en lien avec les émotions et grâce aux interactions sociales (Archambault & Venet, 2007). L’imagination et la créativité sont étroitement liées avec l’expérience vécue (Archambault & Venet, 2007). Plus on vit d’expérience et plus on a de matériel pour construire et pour créer (Vygotski, 1931). De ce fait, l’imagination est toujours en évolution depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte (Archambault & Venet, 2007). Par ailleurs, Vygotski (1931) s’oppose à l’idée que l’imagination diminue avec l’âge et au sens commun qui défend généralement l’idée qu’un enfant a plus d’imagination qu’un adulte. L’imagination se développerait petit à petit et atteindrait sa plénitude à l’âge adulte avec la capacité de s’éloigner des contraintes du réel (Archambault & Venet, 2007).
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Table des matières
Introduction
1.1 Définition et importance de l’objet de recherche
1.1.1 Raison d’être de l’étude
1.1.2 Présentation du problème
1.1.3 Intérêt de l’objet de recherche
1.2 État de la question
1.2.1 Apprendre, oui mais comment ?
1.2.2 Le travail de groupe et l’apprentissage collaboratif
1.2.3 Les petits groupes d’élèves
1.2.4 La pensée ou l’imagination créatrice
1.2.5 La créativité
1.2.6 La créativité artistique et l’acte de création
1.2.7 Une nouvelle situation pédagogique
1.3 Question de recherche et objectifs de recherche
1.3.1 Identification de la question de recherche
1.3.2 Objectifs de recherche
Chapitre 2. Méthodologie
2.1 Fondements méthodologiques
2.2 Nature du corpus
2.2.1 Récolte des données
2.2.2 Procédure et protocole de recherche
2.2.3 Échantillonnage
2.3 Méthodes et/ou techniques d’analyse des données
Chapitre 3. Analyses de données
3.1.1 Discuter et confronter des idées avant de créer
3.1.2 Créer directement sans discuter préalablement des idées
3.1.3 Le matériel à disposition et les contraintes de l’activité
3.1.4 Confirmer l’idée d’autrui
3.1.5 Refuser l’idée d’autrui
3.1.6 Ajouter une autre idée, un complément
3.1.7 Exprimer ses idées avec une entente
3.1.8 Exprimer ses idées avec un conflit
Conclusion
Références bibliographiques
Annexe 1 : lettre de demande d’autorisation pour enregistrement vidéo
Annexe 2 : règles de transcription utilisées
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