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LES ORIGINES IMMEDIATES
Aprรจs des recherches intenses en philosophie, Marx a รฉtabli dรจs 1846, avec le concours dโEngels que le rรฉgime รฉconomique constitue la base sur laquelle sโรฉrige la superstructure politique.
Lโinteraction des forces productives et des rapports de production, au cours de la production sociale, forme le fondement dissimulรฉ du dรฉveloppement historique de toute sociรฉtรฉ.
Ainsi est nรฉe la conception dialectique et matรฉrialiste du processus historique dont Ludwig Feuerbach et Karl Marx vont sโabriter sous lโaile hรฉgรฉlienne de gauche.
Le matรฉrialisme feuerbachien
Feuerbach
Ludwig Feuerbach est un philosophe allemand. Il est nรฉ le 28 juillet 1804 ร Landshut. Son pรจre, juriste renommรฉ venait alors dโรชtre nommรฉ professeur ร lโuniversitรฉ de cette ville.
Feuerbach suit des รฉtudes secondaires au lycรฉe de Landshut et dรฉcide de se consacrer ร la thรฉologie protestante. En 1823, il รฉcoute Hegel ร lโuniversitรฉ de Heidelberg. En 1824, il se rend ร Berlin oรน enseigne Hegel dont il suit les cours jusquโen 1826.
Il dรฉcide alors de renoncer ร la thรฉologie au profit de la philosophie. Il termine ses รฉtudes ร Berlin par une dissertation intitulรฉe : De ratione una, universali, infinita quโil envoie ร Hegel accompagnรฉe dโune lettre oรน il se dรฉclare son disciple.
Feuerbach a proposรฉ une interprรฉtation psychologique de la religion et de la foi et a dรฉveloppรฉ lโune des premiรจres doctrines matรฉrialistes apparues en Allemagne.
Aprรจs des รฉtudes de thรฉologie ร Heidelberg et ร Berlin, Feuerbach devient lโรฉlรจve de Hegel dont il critiquera la philosophie idรฉaliste. Pour lui, la pensรฉe spรฉculative ne peut rendre compte de la รฉalitรฉr.
Or, la philosophie est la science de la rรฉalitรฉ ell-mรชme, constituรฉe par la nature. La pensรฉe de Feuerbach part dโabord dโune rรฉflexion sur la philosophie de Hegel dont il fut lโauditeur attentif ร lโuniversitรฉ de Berlin de 1824 ร 1826.
La thรฉologie chrรฉtienne et le sentiment religieux raversent lโensemble de sa pensรฉe. Enfin, Feuerbach rรฉflรฉchitsur la nature et les sciences naturelles.
Cette nature, Hegel la dรฉdaigne en fondant la rรฉalitรฉ sur lโidรฉe et Feuerbach va jusquโร prรฉsenter Hegel comme un thรฉologien dont la doctrine serait : ยซ lโexpression rationnelle de la doctrine thรฉologique selon laquelle la nature est crรฉรฉe par Dieu ยป .
Feuerbach, au contraire, soutient que la religion correspond ร un besoin psychologique. La prรฉoccupation essentielle de lโindividu รฉtant le moi, le culte de Dieu est, en rรฉalitรฉ, un culte dumoi idรฉalisรฉ.
Ainsi, lโessence de Dieu nโest que lโessence du moi , et toute religion est rรฉduite ร une dimension humaine. Cโest ร partir dโici que Feuerbach va constituer sa rรฉflexion philosophique que nous allons dรฉvelopper plus bas.
La rรฉflexion philosophique de Feuerbach
Feuerbach est lโun des philosophes du XIX รจme siรจcle qui a osรฉ dรฉfier lโordre รฉtabli de la sociรฉtรฉ. En 1830, Feuerbach publia un essai intitulรฉ :
Pensรฉe sur la mort et sur lโimmortalitรฉ.
Il conclut ici quโil faut nier lโimmortalitรฉ personnelle, et il affirme que seule la raison est immortelle. Nous comprenons ainsi sa revendication de lโathรฉisme23.
Feuerbach mรจne une vie de gentilhomme campagnard au bonheur simple auprรจs de sa femme Bertha Loรถw quโil a รฉpousรฉe en 1836.
Dโici, Feuerbach rallie le groupe des hรฉgรฉliens degauche, ennemis du passรฉ et de lโEtat. Dans leur revue, les Annales de Halle, Feuerbach publie, en 1839 ; sa Contribution ร la critique de la philosophie hรฉgรฉlienne oรน il dรฉnonce le caractรจre factice et erronรฉ de lโunitรฉ de la pensรฉe et de lโรชtre dans lโoptique idรฉaliste de Hegel.
Dans lโune de ses ลuvres intitulรฉe Lโessence du christianisme , Feuerbach rรฉvรจle les mystรจres de la religion, afinque lโhomme puisse se connaรฎtre lui-mรชme. Ici, il sโoriente vers un naturalisme de plus en plus appauvri.
Cette orientation est prรฉcipitรฉe par la polรฉmique,que Dieu nโest plus le reflet des perfections humaines mais de la nature tout entiรจre.
Feuerbach part du fait que la religion rend lโhomme รฉtranger ร lui-mรชme et dรฉdouble le monde en monde religieux, objetde reprรฉsentation et en monde temporel.
Son travail consiste ร rรฉsoudre le monde religieux en sa base temporelle. Il ne voit pas que ce travail une fois accompli, le principal reste encore ร faire : ยซ Le fait notamment, que la base temporelle se dรฉtache dโelle-mรชme, et se fixe dans les nuages, constituan ainsi un royaume, ne peut sโexpliquer prรฉcisรฉment que par le dรฉchirement et la contradiction internes de cette base temporelle [โฆ] Il faut donc dโabord comprendre cell e-ci dans sa contradiction pour la rรฉvolutionner ensuite pratiquement en supprimant la contradiction ยป24.
Donc, une fois quโon a dรฉcouvert, par exemple, que la famille terrestre est le secret de la famille cรฉleste, cโest la premiรจre dรฉsormais dont il faut faire la critique thรฉorique et quโil faut rรฉvolutionner dans la pratique.
Feuerbach rรฉsout lโessence humaine, mais lโessence de lโhomme nโest pas une abstraction inhรฉrente ร lโindividu isolรฉ. Dans sa rรฉalitรฉ, elle est lโensemble des rapports sociaux.
ยซ La conscience de Dieu est la connaissance de soi de lโhomme. A partir de son Dieu, tu connais lโhomme, et inversement, ร partir de lโhomme, son Dieu : les de ux ne font quโun ยป 25.
Telle est lโessence de la religion en gรฉnรฉral : conaissance, volontรฉ et amour constituent les prรฉdicats de lโhomme qui, incapable de les rรฉaliser par lui-mรชme, il va les projeter hors de lui, dans un treรช supรฉrieur quโil appelle
Dieu.
Dieu est la rรฉplique exacte de lโhomme vรฉritable. Lโhomme est donc essentiellement passรฉ de son รฉtat dโaliรฉnation ร une pleine rรฉconciliation de lui-mรชme avec lui-mรชme.
Plus important encore que la thรฉorie de la religionFeuerbach est son matรฉrialisme sensualiste, exposรฉ dans lesPrincipes de la philosophie de lโavenir en 1843.
Feuerbach place les individus et leurs besoins matรฉriels au fondement de la pensรฉe sociale et politique. Lโindividu, tout comme son esprit, sont les produits de leur environnement. La conscience de lโindividu est en totalitรฉ, le rรฉsultat de lโinteraction des organes sensoriels et du monde extรฉrieur.
Le principal dรฉfaut, jusquโici, du matรฉrialisme de tous les philosophes, y compris celui de Feuerbach est que lโobjet, la rรฉalitรฉ, le monde sensible nโy sont saisis que sous la forme dโ objet ou dโintuition, mais non en tant quโactivitรฉ humaine concrรจte, en tant que pratique, de faรงon non subjective.
Cโest ce qui explique pourquoi lโaspect actif fut d รฉveloppรฉ par lโidรฉalisme, en opposition au matรฉrialisme, mais seulement abstraitement.
Karl Marx qui, dans ses Thรจses sur Feuerbach, reprend ร son compte le concept de lโessence de lโhomme auquel se rรฉfรจre sa thรฉorie de lโaliรฉnation, voient dans la philosophie de Feuerbach, en particulier dans son analyse des besoins, un mouvement vers une interprรฉtation matรฉrialiste de la sociรฉtรฉ dont ils livrent plus tard une formulationdans leur ยซ matรฉrialisme historique ยป.
Le matรฉrialisme historique est, en effet, un concept dialectique, cโest-ร -dire, une conception selon laquelle la sociรฉtรฉ est une rรฉalitรฉ en transformation constante.
Dans cette condition, le travail, en tant que moyen et mรฉthode pour transformer la nature, fait donc partie de la praxis26.
Feuerbach nโavait pas pu exposer cette conception dans sa prophรฉtie de lโavenir. Il omettait le raisonnement selon lequel la connaissance a besoin de la thรฉorie que lโon dรฉduit dโelle, afin de mieuxagir dans le monde.
Le matรฉrialisme historique ne se contente pas dโexpliquer lโaspect technique qui prรฉside ร la production des biens matรฉriels. Mais il arrive surtout ร dรฉceler la place dรฉtenue par lโhomme dans le processus de la production.
Contrairement aux auteurs classiques, Marx et Engels estiment que dans lโรฉtude de lโรฉconomie politique, lโaccent doitรชtre avant tout, mis sur la praxis de la production. Car cโest la production qui dรฉtermine en derniรจre instance la rรฉpartition des biens et ses manifestations sociales.
La nรฉcessitรฉ constante de la pratique sociale permet lโaccumulation des sensations et le dรฉveloppement de la connaissance sensible.
Mais cette connaissance sensible en elle-mรชme, bienquโelle soit issue de la pratique sociale, nโest pas encore suffisante. Il faut lโintervention de lโesprit humain par le biais de la rรฉflexion et de lโabstraction pour que cette connaissance sensible soit transformรฉe en idรฉe gรฉnรฉrale entraรฎnant ainsi la transformation qualitative de la connaissance.
Lorsque la connaissance sera transformรฉe, lโhomme va chercher ร rรฉcupรฉrer les valeurs quโil a donnรฉes ร Dieu. Lโhomme se rรฉapproprie son essence en comprenant que le rapport entre lโhomme et Dieu nโest rien dโautre quโune projection du rapport qui existe ent re lโindividu et lโespรจce humaine. Chacun comprend quโil doit rรฉaliser ร son niveau les buts communs de lโespรจce tout entiรจre.
Il ne sโagit pas, pour Feuerbach, contrairement, par exemple, ร Nietzsche, de dรฉtruire les valeurs religieuses. Lโathรฉisme conserve les valeurs traditionnelles. Mais il leur enlรจve toute caution divine. Enlever Dieu nโest donc pas enlever ร lโhomme les obligations qu i sont les siennes, mais, au contraire, donner ร lโhomme la pleine responsabi litรฉ de son destin.
Les valeurs traditionnelles sont simplement pour รฉliminer tout principe de caractรจre religieux. Elles en deviennent mรชme plus fortes car elles ne sont plus imposรฉes de lโextรฉrieur mais sont liรฉes nรฉcessairement ร lโhomme.
Il faut bien voir que pour Feuerbach, la religion a une nรฉcessitรฉ historique. Elle est la premiรจre รฉtape nรฉcessaire ourp quโensuite lโhomme prenne conscience de son existence.
Lโidรฉologie hรฉgรฉlienne
La thรฉorie de la dialectique
Georg Wilhelm Friedrich Hegel est un philosophe allemand. Il est nรฉ ร Stuttgart en 1770 et mort ร Berlin en 1831. A Hei delberg et ร Berlin, il sโimposa par lโampleur et le caractรจre dรฉfinitif dโun projet qui rend compte de tous les devenirs et vise, ร travers lโoppositio n entre le rรฉel et la pensรฉe, ร lโaccomplissement humain.
Dans le dรฉveloppement de la dialectique, Hegel procรฉda par contradictions surmontรฉes ร travers la logique, ร l a philosophie de lโesprit tout en passant par la philosophie de la nature. Ceci nโimplique quโun seul principe ยซ lโidรฉe ยป qui, au terme du parcours atteint ยซ lโabsolu ยป.
Certes, Hegel est un idรฉaliste incontestable durantle dรฉbut du XIX siรจcle. Il est lโauteur de trois grands ouvrages : La phรฉnomรฉnologie de lโesprit en 1807, La science de la logique en 1812 et Principes de la philosophie du droit en 1821 dont lโinfluence sera assurรฉe pleinement par ses disciples.
Hegel รฉtait reconnu comme le philosophe majeur de lโรฉpoque en Allemagne. Ses conceptions dominaient lโenseignement. Lโidรฉalisme philosophique de Hegel est concentrรฉ dans lโexplication du mouvement dialectique.
ยซ Et le terme dialectique dรฉrive du mot composรฉ grec โ dialโegein โ qui indique, dรจs le dรฉpart, que son sens nโest passimple ยป.
La signification la plus courante de lโ ยซ รฉgeinยป, cโest ยซ parler ยป et le prรฉfixe ยซdia ยป indique ยซ lโidรฉe ยป dโun rapport ou dโun รฉchange . La dialectique est donc, dโaprรจs son รฉtymologie, un รฉchange de paroles ou de discours.
Comme forme de savoir, la dialectique est alors la technique du dialogue, ou lโart de la dispute, tel quโil a รฉtรฉ dรฉveloppรฉ et fixรฉ dans le cadre de la pratique politique propre ร la citรฉ grecque.
La thรฉorie de la dialectique chez Hegel est une catรฉgorie technique de la philosophie. Elle ne peut pas รชtre strictemen formelle. La dialectique est dรฉjร dรฉterminรฉe, pensรฉe au niveau de son contenu. Le dรฉveloppement des catรฉgories est donc une dรฉtermination, une positionde lโAbsolu comme Etre.
Si lโAbsolu est lโidรฉe ou le savoir, il est dโabord le rรฉel. La dialectique est, par contre, du cรดtรฉ du rรฉel, de la ยซ chose mรชme ยป, avant dโรชtre du cรดtรฉ des reprรฉsentations particuliรจres que nous pouvons en avoir subjectivement. La dialectique nโest pas alors ce qui nous permet dโรฉchapper au changement et dโaccรฉder au rรฉel, mais ce qui, ร lโintรฉrieur mรชme du changement, exprime la prรฉsence contrastรฉe du rรฉetl du rationnel.
ยซ Le surgissement dโun terme nouveau, qui sera lui – mรชme impliquรฉ dans une contradiction nouvelle, rรฉalise lโidentitรฉ de lโAbsolu ยป27.
Hegel nourrissait lโambition dโรฉlaborer un systรจme philosophique dโune telle envergure quโil embrasserait les idรฉes de ses prรฉdรฉcesseurs (Platon, โฆ,) tout en livrant le cadre conceptuel nรฉ cessaire ร une comprรฉhension philosophique du passรฉ et de lโavenir.
Une telle visรฉe nโimpliquait rien de moins quโune explication complรจte de la rรฉalitรฉ elle-mรชme. Cโest pourquoi,ourp Hegel, lโobjet de la philosophie est la totalitรฉ de la rรฉalitรฉ.
Ce que Hegel appelle lโAbsolu, ou Esprit absolu, cโ est prรฉcisรฉment cette rรฉalitรฉ en tant que totalitรฉ du processus dedรฉveloppement de toute chose.
Pour Hegel, lโactivitรฉ philosophique consiste ร saisir le dรฉploiement de lโEsprit absolu. Ce qui implique tout dโabord de mettre ร jour la structure rationnelle interne de lโAbsolu, puis de montrer comment il se manifeste dans la nature et dans lโhistoire humaine, et enfin, dโexpliquer la nature tรฉlรฉologique de lโAbsolu, en dโautres termes, de montrer la fin ou le but auquel tend lโAbsolu.
La dialectique hรฉgรฉlienne se caractรฉrise toujours arp la prise en compte de lโhistoire, du processus de formation, et ses renversements qualitatifs. Prise comme contradiction du sujet pratique, de lโimpossible objectivation de sa libertรฉ (thรจse), rรฉduite ร la รฉcessitรฉn de sa cause (antithรจse) et de sa rรฉsolution dans la prise en compte et le dรฉpassement de cette nรฉcessitรฉ par une libertรฉ avertie (synthรจse),la dialectique est devenue une technique ou une mรฉthode.
Le sujet libre nโest pensable quโร la soumission au x dรฉterminations de lโobjet qui lui fait obstacle. Le sujet ne reste pas toujours le mรชme mais il est toujours, dโabord, absorbรฉ par la situation avant de pouvoir en prendre conscience et sโy orienter.
On ne peut donc plus porter attention quโร un รฉnoncรฉ qui contient sa propre critique, son projet abstrait et les mรฉdiations de sa rรฉalisation concrรจte.
Hegel ajoute ร ces conditions en affirmant ainsi : ยซ Notre libertรฉ se limite ร notre nรฉgativitรฉ en acte qui, mรชme dans la nรฉgation de la nรฉgation ne saurait รชtre entiรจrement positive ni abolir le temps ยป. La dialectique hรฉgรฉlienne a nourri les idรฉes des andsgr penseurs de son รฉpoque, en particulier Karl Marx, Friedrich Engels, etc.
A sa mort en 1831, ses disciples se divisรจrent rapidement en hรฉgรฉliens de gauche et hรฉgรฉliens de droite. Sur leplan thรฉologique et politique, les hรฉgรฉliens de droite livraient une interprรฉtation conservatrice de son ลuvre. Ils mettaient en avant la compatibilitรฉ de la philosophie hรฉgรฉlienne et du christianisme.
Quant aux hรฉgรฉliens de gauche, ils finirent par adopter une position athรฉiste. En politique, nombre dโentre eux devinrent des rรฉvolutionnaires. Ce groupe de lโaile gauche hรฉgรฉlienne, historiquement trรจs important, comprenait Ludwig Feuerbach, Bruno Bauer, Friedrich Engels et Karl Marx.
Engels et Marx furent particuliรจrement influencรฉs par lโidรฉe hรฉgรฉlienne du mouvement dialectique de lโhistoire.Mais ils remplacรจrent lโidรฉalisme philosophique de Hegel par le matรฉrialisme.
Son aspect idรฉaliste
Karl Marx, en tant que matรฉrialiste, a une vision out ร fait contradictoire ร la vision de lโidรฉaliste sur le rapport de la matiรจre ร lโidรฉe. A cet effet, il attaque particuliรจrement la pensรฉe deHegel. Marx รฉcrit : ยซ Le mouvement de la pensรฉe quโil personnifie sous le nom de lโidรฉe est le dรฉmiurge de la rรฉalitรฉโฆยป29. Dans ce sens, pour Hegel, cโest lโidรฉe qui existe bien avant toutes choses. Ainsi, elle est le crรฉateur de toutes les formes dโexistence comme celle du monde et celle de la nature de lโhomme.
En dโautres termes, la philosophie hรฉgรฉlienne apprend que cโest de lโidรฉe que toutes formes dโexistence trouvent leur origine. A dรฉfaut, tout restera vide. Bref, lโidรฉe est la premiรจre source de lโexistence du monde et de la matiรจre, selon la vision hรฉgรฉlienne.
Cependant, Hegel considรฉrait les objets et leur dรฉveloppement comme de simples copies rรฉalisรฉes de lโidรฉe. Ce quiveut dire, en derniรจre analyse, que la formation des objets matรฉriels nโest rien dโautre que le produit de la manifestation extรฉrieure du mouvementde la pensรฉe dรฉsignรฉe sous le nom dโidรฉe.
En face de cette circonstance, Marx nโhรฉsite pas ร apporter son attaque contre la pensรฉe hรฉgรฉlienne. Il dit :
ยซ Pour moi, au contraire, le mouvement de la pensรฉe nโest que le reflet du mouvement rรฉel transportรฉ dans le cerveau de lโhomme ยป 30.
Ainsi, il nโest donc pas รฉtonnant si Karl Marx a critiquรฉ la philosophie hรฉgรฉlienne, puisque dโaprรจs la vision matรฉrialiste, celle de Marx y comprise, la nature avait dรฉjร son existence bien avant lโexistence de lโidรฉe et que cette derniรจre nโest rien dโautre que le produit, la copie du mouvement extรฉrieur de la nature. Ce qui indique ainsi que lโidรฉe est une crรฉature de laย nature, en ce sens que le dรฉveloppement de lโidรฉe รฉpend nรฉcessairement du dรฉveloppement du mouvement rรฉel de la nature.
En parfait accord avec la philosophie matรฉrialiste de Marx, Engels, en lโexposant dans lโ Anti-Dรผhring , รฉcrivait : ยซ Lโunitรฉ du monde ne consiste pas en son รชtreโฆ Lโunitรฉ rรฉelle du monde consiste en sa matรฉrialitรฉ,et celle-ci se prouveโฆ par un long et laborieux dรฉveloppement d e la philosophie et de la science de la matiรจre. Jamais, et nulle part, il nโy a eu de matiรจre sans mouvement et il ne peut y avoirโฆ Mais si lโon demande ensuite ce que sont la pensรฉe et la conscience et dโoรน elles viennent, on trouve quโell es sont des produits du cerveau humain et que lโhomme est lui-mรชme un produit de la nature, qui sโest dรฉveloppรฉ dans et veca son milieu ; dโoรน il rรฉsulte naturellement que les productions du cerveau humain, quโen derniรจre analyse, sont aussi des produits de la nature, ne sont pas en contradiction, mais en conformitรฉ avec lโensemble de la nature ยป .
Dans ce passage, il est clair quโEngels a confirmรฉ le caractรจre indรฉpendant et primordial de la matiรจre en ce sensque lโintรฉgritรฉ du monde ne signifie nullement lโachรจvement de lโลuvre de lโ essence du monde.
Au contraire, lโintรฉgritรฉ du monde consiste surtoutdans le caractรจre matรฉriel du monde lui-mรชme. Cette vision est donc rouvรฉe,p partagรฉe par une longue investigation de la philosophie moderne, comme celle du matรฉrialisme, plus particuliรจrement, et de la science de la nature.
La philosophie matรฉrialiste affirme donc lโimportance majeure de lโexistence de la nature avant tout. Malgrรฉ tout cela, bien que lโidรฉe soit une crรฉature de la nature, cela ne veut pas dire que prendre en considรฉration la fonction du cerveau humain signifie une contradiction avec le matรฉrialisme. Au contraire, parce que dโaprรจs le naturaliste Thomas Henry Huxley : ยซ Tant que nous observons et pensons rรฉellement, nous ne pouvons jamais sortir du matรฉrialisme ยป .
Le principal dรฉfaut de tout matรฉrialisme jusquโici,y compris celui de Feuerbach, est que lโobjet extรฉrieur, la rรฉalitรฉ etle sensible ne sont saisis que sous la forme dโobjet ou dโintuition, mais non en t ant quโactivitรฉ humaine sensible33.
Ces thรจses sont essentielles et constituent le renversement effectif de la dialectique de Hegel. Elles refusent le point de vue contemplatif de lโAbsolu pour tenir compte de la finitude de lโรฉnonciation. Elles sโorientent enfin sur la rรฉalitรฉ pratique du travail constituan rรฉellement le monde humain.
En effet, au-delร de lโidรฉologie, cโest lโintention nalitรฉ qui constitue lโobjet et, en derniรจre instance, le rapport social. Marx est parti de lร .
LA NOTION DE TRAVAIL
LES ORIGINES DU TRAVAIL
La signification du mot travail est unique : servitude, assujettissement, etc. Par contre son interprรฉtation est trรจs diverse. Cโest pour cette raison que nous examinerons dans ce prรฉsent chapitre les diffรฉrentes origines du mot travail, pour aboutir, en dernier lieu, ร lโavรจnement de la propriรฉtรฉ privรฉe.
La propriรฉtรฉ privรฉe mutile, en effet, le sens propre du travail et martรจle ร coups de marteau lโexistence humaine. Nou s apprรฉhendons au mieux lโassertion susmentionnรฉe par lโabsence, dans la propriรฉtรฉ privรฉe, du principe selon lequel ยซ ร chacun selon son travail ยป.
Dรฉfinition et analyse du travail
Le sens du mot travail est trรจs large. Pour mieux apprรฉhender la signification, il nous semble utile de savoir son sens รฉtymologique.
Lโorigine du mot suggรจre lโidรฉe dโassujettissement, de torture. Lโรฉtymologie du mot franรงais ยซ travail ยป nous renvoie au latin tripalium qui dรฉsignait un instrument ร trois pieux destinรฉs ร maintenir les bลufs ou les chevaux difficiles pour les ferrer.
Le substantif travaillor qui en sort directement et qui prend rapidement la forme ยซ travailleur ยป signifie bourreau, tourmenteur. On dit communรฉment quโune femme qui accouche est ยซ en travail ยป.
Le mot latin labor dรฉsigne donc ร la fois le travail et la souffrance, comme aussi le mot franรงais ยซ peine ยป. Le travail, en effet, exprime ร lโorigine, la servitude de lโhomme qui ne parvient ร survivre dans la nature que par un effort douloureux.
Le travail est ยซ le signe de lโaliรฉnation ยป de lโhomme perdu dans une nature diffรฉrente ou hostile ร laquelle il faut coรปte que coรปte sโadapter pour subsister. Ainsi, pour les Grecs, le travail exprime la misรจre de lโhomme et non sa noblesse.
De mรชme, dans la tradition chrรฉtienne, le travail ste une punition.
Aprรจs le pรฉchรฉ originel, Dieu dit ร Eve :
ยซ Tu enfanteras tes enfants en travail ยป, et ร Ada m :
ยซ Tu mangeras ton pain ร la sueur de ton front ยป 34.
Le travail est donc, loin dโรชtre une simple activitรฉ volontaire au mรชme titre que le jeu, il sโimpose ร lโhomme comme une obligation, une contrainte. Il conditionne par consรฉquent la surviede lโhomme.
Mais le travail va lui-mรชme renverser le sens de la situation mรฉtaphysique dont il est issu. Car le travail est รฉgalement le fondement de lโexistence humaine. Le monde du travail diffรจre pratiquement du mythe de lโรขge dโor, de lโรฉpoque heureuse oรน lโhomme nโavait pas besoin de travailler.
Travailler dรฉsigne toute activitรฉ, dรจs lโinstant quโelle est socialement rentable. Ainsi, travaillent, non seulement lโouvrier, lโemployรฉ ou le cadre, mais aussi lโenfant qui apprend ร lโรฉcole, lโartist e qui peint son ลuvre, le sportif professionnel qui ยซ joue ยป au footballโฆ
En outre, le travail apparaรฎt comme quelque chose dโessentiel pour lโhomme car le travail conditionne sa vie. Le travail est lโactivitรฉ rationnelle de lโhomme grรขce ร laquelle, il transforme les obje ts de la nature et les adapte ร ses besoins.
Lโhomme a donc besoin de travailler quelles que soient les conditions de la vie. Le travail est le propre de lโhomme.
Au temps de Karl Marx, le travail occupe une place immense dans la sociรฉtรฉ. Le travail est dans lโoptique de Marx et li disait : ยซ Le travail dรฉtermine la nature de lโhomme ยป35.
Le travail est, dans ce sens, le moteur du dรฉveloppement culturel et socio-รฉconomique des sociรฉtรฉs. Le travail est doncla base et le fondement de toute la structure fondamentale de la race humaine.
Selon Marx, le travail dรฉtermine les conditions matรฉrielles de lโexistence, assurera รฉgalement le dรฉveloppement culturel, idรฉologique et intellectuel de lโhomme.
Mais avant dโรชtre vรฉcu comme une activitรฉ libรฉratrice, le travail apparaรฎt ordinairement et essentiellement comme une contrainte, sans doute, parce que lโhomme ne sโy soumet pas volontiers, mai s par nรฉcessitรฉ.
La notion de travail nโacquiert un statut philosophique que trรจs tardivement avec Rousseau, Hegel et surtout Marx. Le travail existait pourtant, mais les philosophes ne sโapprochent pas assez de la question.
Cโest le cas de Platon quand il รฉcrit de faรงon dรฉtaillรฉe lโรฉducation souhaitable pour les soldats et les dirigeants ; ainsi que lโorganisation de leur vie quotidienne, alors quโil demeure plus ou moins muet en ce qui concerne les artisans producteurs qui sont prรฉcisรฉment, leseuls citoyens travaillant au sens propre du terme.
On admet frรฉquemment que cette absence de la notionde travail sur le plan philosophique sโexplique par des conditions philosophiques. Comme toutes les conditions nโรฉtaient pas remplies, il fallait dโabord quโelle se manifeste pratiquement comme รฉtant une notion universelle, cโest-ร -dire quand fut socialement instaurรฉe lโidรฉe de salariatface ร une รฉconomie de marchรฉ ou plus exactement, ร partir de la deuxiรจme moitiรฉ du XIX siรจcle.
On pourra se demander, en outre, sโil ne convient pas de considรฉrer รฉgalement ces conditions historiques dโun point de vue particulier, en comprenant que le mutisme de la philosophie รฉtait favorisรฉ par le fait que son activitรฉ de type intellectuel ne pouvait รชtre ocialements perรงue comme un travail.
Toujours est-il que cโest dโabord lโรฉconomie politique qui va tout modifier. En effet, au XVIIIรจme siรจcle, Adam Smith, philosophe et รฉconomiste รฉcossais, fait du travail le concept central de son systรจme, alors que ses prรฉdรฉcesseurs admettaient la richesse commeprovenant seulement des quantitรฉs dโor et dโargent disponibles.
La philosophie sโapercevra ensuite que le travail, malgrรฉ que la double tradition grecque et chrรฉtienne qui faisait du travail une punition et une souffrance, est dโabord ce qui dรฉfinit lโhomme. Cโest une idรฉe exprimรฉe fortement par Hegel et surtout par Marx en ajoutant ceci : ยซ Le travail constitue un refus de la pure et simple animalitรฉ naturelle ยป .
Dโun autre cรดtรฉ, le dรฉveloppement de lโรฉconomie detype capitaliste fait naรฎtre une analyse qui ne tarde pas ร montrer que le salaire perรงu par le travailleur est toujours infรฉrieur ร la valeur quโil produit.
Ainsi, peut-on constater que lโhomme se dรฉtermine par le travail, mais il perd tout de mรชme sa libertรฉ et sa personnalitรฉ dans et par le travail : dโoรน lโambiguรฏtรฉ et la complexitรฉ de ce terme.
Dans les paragraphes suivants, la notion de travail sera traitรฉe dโune maniรจre plus ยซ superstitieuse ยป. Cโest pour cette raison que nous avons pensรฉ mieux dโaborder cette notion par une interprรฉtation biblique.
Interprรฉtation biblique du travail
Lโhistoire religieuse nous enseigne, ร travers la Bible que lโhomme est la derniรจre crรฉation de Dieu. Et celui-ci crรฉales รชtres humains, cโest-ร - dire lโhomme et la femme ร sa propre image.
Pour leur faire plaisir, ร savoir, ร Adam et ร Eve, il mit ร leur disposition un joli et grand jardin au pays dโEden. Il mit รฉgalement au centre de ce jardin, lโarbre de vie, un arbre qui donne la connaissance du bien et du mal.
Par mesure de prudence et de discrรฉtion, Dieu interdit aux deux รชtres humains de cueillir les fruits de cet arbre, encore moins de les manger.
Mais un jour, la femme tint une conversation avec le serpent qui lui dit : ยซ Dรจs que vous en aurez mangรฉ, vous serez comme lui, capables de savoir ce qui est bien ou mal ยป37.
Persuadรฉe de tout ce que le serpent lui dit, ne pouvant pas rรฉsister aux fruits de lโarbre qui รฉtaient bien jolis ร regarder, quโils devraient รชtre bons, quโils donnaient envie dโen manger pour acquรฉrir un savoir plus รฉtendu, la femme en prit un et le mangea avec son รฉpoux afin dโacquรฉrir la connaissance du bien et du mal.
A peine avaient-ils mangรฉ ces fruits que la colรจre de Dieu se manifesta. Lโhomme fut saisi de peur ! En effet, sa connaissance sโest รฉlargie et il sโest immรฉdiatement rendu compte quโil รฉtaittout nu.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LES ORIGINES DE LA PHILOSOPHIE
MARXISTE
CHAPITRE I : LES ORIGINES LOINTAINES
I.- Le matรฉrialisme de Dรฉmocrite
1.- Qui est Dรฉmocrite ?
2.- Le matรฉrialisme de Dรฉmocrite
II.- Le matรฉrialisme รฉpicurien
1.- La vie dโEpicure
2.- La philosophie matรฉrialiste dโEpicure
CHAPITRE II : LES ORIGINES IMMEDIATES
I.- Le matรฉrialisme feuerbachien
1.- Feuerbach
2.- La rรฉflexion philosophique de Feuerbach
II.- Lโidรฉologie hรฉgรฉlienne
1.- La thรฉorie de la dialectique
2.- Son aspect idรฉaliste
DEUXIEME PARTIE : LA NOTION DE TRAVAIL
CHAPITRE I : LES ORIGINES DU TRAVAIL
I.- Dรฉfinition et analyse du travail
II.- Interprรฉtation biblique du travail
III.- Lโavรจnement des propriรฉtรฉs privรฉes
CHAPITRE II : LE ROLE DU TRAVAIL DANS LA SOCIETE
I.- Le travail, apanage de lโhomme
II.- Dรฉfinition de lโhomme par le travail
III.- Le travail et la nature
IV.- Travail et dรฉveloppement social
TROISIEME PARTIE : LE TRAVAIL DANS LA CIVILISATION CAPITALISTE
CHAPITRE I : LE TRAVAIL COMME SOURCE DE DIVISION SOCIALE
I.- Le problรจme dโaliรฉnation
1.- Lโaliรฉnation รฉconomique
2.- Lโaliรฉnation religieuse biblique du travail
II.- La lutte des classes
CHAPITRE II : MARX ET LA BOURGEOISIE
I.- Une idรฉologie dans lโimpasse
II.- La dictature prolรฉtarienne
III.- Lโavรจnement du communisme
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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