Les structures administratives
L’accès des populations aux services administratifs n’est pas aisé dans l’île à morphil. Sur les quatre arrondissements et huit communautés rurales que compte le département de Podor, l’île à morphil n’abrite que deux sièges d’arrondissement : Saldé et Cas-Cas. Les populations mettent beaucoup de temps pour arriver aux chefs lieux de services administratifs localisés pour la plupart sur la route nationale n° 2. Ainsi, l’accès aux services administratifs est difficile à cause du mauvais état des voies de communications et des conditions de transport. La liaison vers les services administratifs aux villages qu’ils polarisent n’est faite que par deux bretelles d’accès: c’est-à-dire l’axe Cas-Cas – Madina Ndiathbé sur une longueur de 18 km et l’axe Saldé – Pété sur une distance de 9 km. En considération de ces difficultés, les insulaires attendent le samedi et dimanche qui sont des jours de loumo respectivement à Madina Ndiathbé et à Dodel qui sont par ailleurs chefs lieux de communauté rurale pour chercher des documents administratifs. Les administrations locales travaillent ces deux jours de repos car les moyens de transport sont accessibles (véhicules motorisés et charrettes) et les coûts des trajets à la portée des populations rurales en majorité pauvres. Pour satisfaire les besoins des populations locales en matière de services administratifs, ils sont obligés de travailler les jours du loumo. Ce problème concerne également les populations locales qui rencontrent beaucoup de difficultés pour se déplacer. C’est pourquoi, les habitants des villages environnants fréquentent en masse les chefs lieux de communauté rurale les jours de marché hebdomadaire. En conséquence, les déplacements vers les postes, gendarmerie…constituent de sérieux problémes dans la mesure où ils sont localisés pratiquement dans le dieri. L’éloignement de ses services administratifs pose problème dans un contexte de décentralisation qui vise à rapprocher les populations des services déconcentrés de l’Etat. Cette marginalisation administrative intensifie la mobilité des populations qui éprouvent d’énormes difficultés à trouver de moyens de transport surtout en période d’hivernage ou l’île est complètement isolée du reste du territoire sénégalais.
Les produits agricoles
L’île à morphil est un espace où l’agriculture constitue la principale activité des populations et fournit l’essentiel des ressources vivrières. Ainsi, les produits de la récolte sont acheminés dans les foyers par des charrettes ou par le portage par la tête. Cet essor agricole a permis l’animation des marchés locaux et d’entretenir des échanges intérieurs entre sédentaires et nomades. Les agriculteurs qui possèdent des excédents les commercialisent au niveau des marchés locaux. À Cas-Cas, Sinthiou Dangdé, walaldé, ils apportent les mêmes produits destinés à la consommation. Certains se livrent à des mouvements pendulaires consistant à ravitailler les villages en produits forestiers qu’ils échangent contre du riz, puis à remonter vers les grands marchés. L’argent provenant de la commercialisation des produits agricoles est acheté en produits manufacturé ou servant à d’autres fins utilitaires.
Le différentiel de prix
Le différentiel des prix constitue un facteur du dynamisme des échanges entre l’île à morphil et la Mauritanie. Ainsi, du fait de la faiblesse de la monnaie ouguiya et des difficultés d’approvisionnement sur le marché sénégalais, les populations insulaires se ravitaillent sur les villages mauritaniens frontaliers avec le franc Cfa pour la plupart du temps. En effet, les mouvements d’échange s’intensifient grâce à l’attraction du franc CFA qui est une monnaie convertible. Ainsi, dans un contexte de rareté des devises convertibles les grossistes mauritaniens trouvent de l’intérêt à écouler leurs marchandises en territoire sénégalais. C’est ce qui explique l’implantation des boutiques mauritaniens le long du fleuve Sénégal et dont les produits sont orientés vers l’île à morphil. Le système de surveillance de la douane étant défaillant, les contrebandiers acheminent d’importantes quantités de marchandise qui alimentent les grands centres de consommation. Chaque jour les populations traversent la frontière pour acheter des produits destinés soit à l’autoconsommation, soit à la revente. Et ces populations utilisent l’Euro, le CFA et l’Ouguiya pour se ravitailler sur le marché mauritanien. La présence ces différentes devises a permis le développement du change de monnaie sur les différents marchés commerciaux situés le long du fleuve Sénégal.
Les migrations à caractère médical
L’île à morphil se caractérise par un manque criard d’infrastructures sanitaires et de personnes qualifiées et ses relations les villages situés sur la route nationale n° 2 dotés de centres de santé de référence comme Ndioum et Pété sont difficilement accessibles par les populations à cause du mauvais état des bretelles et des pistes. Hormis, Podor qui dispose d’un centre de santé, le reste de l’île est caractérisée par une couverture sanitaire très faible et des fréquentes ruptures de stock de médicaments. En période des hautes eaux, l’île à morphil est pratiquement coupée du reste du Sénégal et les déplacements à caractère médical en direction des villes de l’intérieur deviennent chers et pénibles à cause de nombreux obstacles engendrés par les eaux de crue. Ainsi, les populations franchissent la frontière pour se rendre vers les villes de Bababé, de Kaédi et de Boghé à la recherche de soins médicaux. En outre, l’attraction des services de santé mauritaniens s’explique aussi par les couts de consultations et de médicaments plus favorables.
La conséquence du réseau hydrographique sur le transport
L’île à morphil est parcourue par de nombreux fleuves et affluents qui présentent des hauteurs élevées surtout pendant l’hivernage. La crue des cours d’eau inonde la majeure partie de l’espace insulaire entrainant de nombreux obstacles dans la mobilité des personnes et des biens. Ce déferlement des eaux envahit les pistes et coupe les brettelles d’accès. Pendant cette période, les villages sont séparés les uns des autres par des eaux de crue et l’île est isolée du reste du territoire national pour une durée de deux, voire trois mois. Cette entrave à l’ouverture d’espaces liée aux discontinuités est à l’origine de la hausse des prix des produits importés de l’intérieur du territoire national. Les villages sont ceinturés par les eaux ; les pistes et les brettelles d’accès sont envahies par les eaux de crue et l’île apparait comme un archipel. Quand le cas se présente comme entre Dara Alybé et Sinthiou Dangdé, ou entre Thiénel Sakobé et Dodel…, la mobilité des personnes et des biens devient limitée ; les pirogues et les charrettes se relayent pour assurer le transport des personnes et des biens. A cause de ces difficultés liées à la discontinuité du réseau de transport, certains insulaires procèdent à de grands détours pour sortir de l’isolement. Les échanges entre l’île et le reste du territoire sénégalais s’affaiblissent considérablement car les routes de désenclavement qui animent les différents circuits commerciaux sont recouvertes d’eau. Les radiers installées sur les brettelles de désenclavement sont parfois détruites par la force des eaux de crue. Cette situation entrave le développement des échanges et les populations éprouvent d’énormes difficultés lors des déplacements. Elles sont obligées de patauger dans les eaux ou d’emprunter des pirogues pour vaquer à leurs occupations. Parfois, elles effectuent de grands détours engendrant des pertes de temps et d’argent énormes. Pendant cette période, seules les pirogues et les charrettes se relayent pour assurer le transport des insulaires. Même après le retrait des eaux, la mobilité reste pénible car les sols sont boueux et remplis de flaque d’eau. Les chevaux et les ânes tirent péniblement les charrettes à cause des boues et de la charge des passagers. En somme, la densité du réseau hydrographique pèse lourdement sur la mobilité des personnes et des biens. L’inondation des voies de communication de même que leur mauvaise qualité constituent un obstacle majeur au développement de l’île à morphil. Ses conséquences sur les voies de communication se traduisent par des ruptures fréquentes entre le réseau local et national et handicapent le trafic.
L’effet de l’enclavement sur l’économie
La vie des échanges dans l’île à morphil est en grande partie entravée par l’enclavement. La configuration spatiale, l’absence des voies de communication efficientes et des moyens de transport s’imbriquent pour laisser apparaître une économie qui stagne et qui n’a point d’ouverture. La production agricole est restreinte par le gâchis de temps consacré à de longs déplacements à cause de l’inexistence des pistes de production. Le paysan est obligé de parcourir une très grande distance pour écouler ses produits et doit faire face à des investissements supplémentaires. Cette situation fait que le producteur ne vit pas de son travail décemment. Ainsi, du fait de cette insularité, les populations subissent des limites certaines liées au problème de transports et de rupture de charge. Les biens sont le plus souvent transportés par différents moyens de transport : la charrette, la pirogue ou en marchant souvent sur de longues distances. Même ces moyens de transport sont complexes soit en raison du mauvais état des routes. Ainsi, des dangers se présentent, surtout lors du transport des marchandises. Les charrettes qui transportent passent sur des pistes couvertes de branches, de trous et de pentes difficiles sur lesquelles les marchandises peuvent tomber tandis que le transport par les pirogues se traduit souvent par des noyades à cause de l’abondance des eaux de crue et de la vétusté du moyen de transport. Ces difficultés de mobilité font que les paysans ne peuvent pas accéder facilement au marché afin de vendre et acheter des biens manufacturés. C’est ce qui fait qu’ils sont à priori défavorisés par rapport aux cultivateurs qui se trouvent au niveau des voies de communication accessibles. La fermeture spatiale de l’île à morphil constitue un frein au développement des échanges auquel s’ajoute le manque notoire de voies de communication. Ces différentes contraintes pèsent lourdement sur le prix du transport.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I/ PROBLEMATIQUE
1.1 Contexte et justification
1.2 Analyse conceptuelle
1.3 Objectifs de l’étude
1.4 Hypothèses
II/ METHODOLOGIE
A/ La recherche documentaire
B/ Les enquêtes sur le terrain
C/ L’échantillon
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION GENERALE DE L’ILE A MORPHIL
CHAPITRE I : SITUATION GEOGRAPHIQUE ET CARACTERISTIQUES PHYSIQUES DU MILIEU
I .La situation géographique
II. Les caractéristiques physiques
II.1 Le climat
II.2 L’hydrographie
II.2.1 Les eaux de surface
II.2.2 Les eaux souterraines
II.3Les sols
II.4 La végétation
III. La faune
CHAPITRE II : LE CADRE HUMAIN ET LES ACTIVITES SOCIO-ECONOMIQUES
I. Le cadre humain
I.1 Le profil historique
I.2 La dynamique de la population
I.3 La répartition de la population
II. Les mouvements migratoires
II.L’émigration
II. 2 La transhumance
III. Les activités socio-économiques
III.1 L’agriculture
III.2 L’élevage
III.3 La pêche
III.4 L’artisanat
DEUXIEME PARTIE : LA VIE DES ECHANGES DANS L’ILE A MORPHIL
CHAPITRE I : LES FACTEURS DES ECHANGES ET LA NATURE
I- Les infrastructures de transport
I.1 Les moyens de transport fluvial
I.1.1 Le bateau
I.1.2 La pirogue
I.2 Les ouvrages et instruments de franchissement
I.2.1 Les bacs
I.2.2 Les ponts
II. Les moyens de transport terrestre
II.1 Les voitures de transport
II.2 Les charrettes
II.3 Les portefaix
III. Les équipements et autres facteurs de déplacement
III.1 Les infrastructures sanitaires
III.2 Les infrastructures hydrauliques
III.3 Les infrastructures scolaires
III.4 Les structures administratives
CHAPITRE II : LES FLUX DE TRANSPORT ET D’ECHANGES
I. Les échanges intérieurs
I.1 Les types de produit échangés
I.1.1 Les produits agricoles
I.1.2 Les produits d’élevage
I.1.3 Les produits de la pêche
II. Les échanges extérieurs
II.1 Les échanges entre l’île à morphil et les villages situés sur la nationale 2
II.2 Les échanges régionaux (entre l’île à morphil, la Mauritanie et le Sénégal)
II.2.1 Les échanges socioculturels
II.2.2 Les échanges économiques
II.2.3 Le différentiel de prix
II.2.4 Les migrations à caractère médical
II.2.5 Les migrations pendulaires
TROISIEME PARTIE: L’ENCLAVEMENT, UNE CONTRAINTE AUX ECHANGES DANS L’ILE A MORPHIL
CHAPITRE I : LES DIFFICULTES DU TRANSPORT
I. Les contraintes physiques sur le transport
I.1 Les effets topographiques sur le transport
I.2 La conséquence du réseau hydrographique sur le transport
I.3 Les effets du sol sur le transport
II. Les problèmes du transport
II.1 L’insuffisance des infrastructures routières
II. 2 L’insuffisance des véhicules de transport
II.3 L’insuffisance et les limites des ouvrages de franchissement
III. Les conséquences de l’enclavement sur les échanges
III.1 L’effet de l’enclavement sur l’économie
III. 2 Les coûts de transport, une entrave aux échanges
III. 3 L’isochrone et le temps d’attente
CHAPITRE : II LES STRATEGIES ADOPTEES PAR LES POPULATIONS POUR SORTIR DE L’ENCLAVEMENT
I. Les techniques adoptées par les populations pour sortir de l’enclavement
I.1 La pagaie à pirogue sur de longue distance ou béfal
I.2 Le relais pirogue-charrette pour surmonter les discontinuités spatiales
I.3 La fabrication du bac artisanal de Kodith
I.4 Le pataugeage dans les eaux d’inondation
I.5 La création de nouveaux tracés pour les charrettes
I.6 Les horaires de transport pour améliorer la desserte
I.7 Le remblaiement des digues par les populations de l’île à morphil
II. Une timide intervention de l’état pour le désenclavement de l’île à morphil
II.1 Les brettelles de désenclavement
II.2 La construction des ponts
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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