Depuis sa découverte à la fin du XIXe siècle par les frères Curie, la piézoélectricité s’est introduite dans de nombreux domaines de l’ingénierie. Le développement des matériaux piézoélectriques au début des années 1950 et notamment du Titano-Zirconate de Plomb (PZT) a permis une croissance accrue de leur utilisation tout particulièrement dans le domaine des capteurs et des actionneurs à haute précision. Récemment, les récupérateurs d’énergie mécanique à base de matériaux piézoélectriques ont vu le jour pour l’alimentation de nœuds de capteur autonomes. Ces matériaux ont également été employés dans le domaine de la conversion d’énergie électrique pour réaliser la fonction de transformateur électromécanique avec une isolation galvanique par médium mécanique qui présente de nombreux intérêts vis-à-vis des transformateurs magnétiques. Les premiers travaux sur les transformateurs piézoélectriques furent menés par Charles Rosen durant les années 1950, qui développa le transformateur qui porte son nom, mais ce n’est que dans les années 1990 que leur essor fut démultiplié. Les gains en tension très élevés de certaines structures de transformateur et leur compacité en ont fait de parfaits candidats pour l’alimentation de tubes à cathode froide pour les écrans LCD (Liquid Crystal Display). A ces avantages, on peut aussi ajouter leurs forts facteurs de qualité mécanique et leurs rayonnements électromagnétiques nuls. C’est ainsi que durant cette décennie de nombreuses nouvelles structures furent misent au point et brevetées. L’apparition des écrans LED durant les années 2000 a ensuite freiné le développement industriel des transformateurs piézoélectriques.
Dans les années 2000, la recherche s’est orientée sur l’investigation de nouveaux domaines d’application à ces transformateurs. Dorénavant, ils sont ainsi utilisés dans les convertisseurs de puissance ou pour d’autres applications telles que la génération de plasmas où leurs forts gains en tension (élévateurs ou abaisseurs) sont particulièrement attrayants. Malgré tout, ils souffrent encore d’un manque d’intérêt industriel et, comparés aux transformateurs magnétiques, ils restent limités à des applications de niche.
Récemment, une démarcation vis-à-vis des transformateurs magnétiques s’est faite par l’intégration monolithique des transformateurs piézoélectriques sur silicium. Dans une volonté d’intégration et de miniaturisation des systèmes, la recherche s’est orientée vers le dépôt de matériaux piézoélectriques sur silicium pour la fabrication de microsystèmes électromécaniques (MEMS). Ces progrès profitent maintenant aux transformateurs où leur intégration pour des applications à basse puissance constitue un vif intérêt vis-à-vis de leurs homologues magnétiques.
Une autre façon de se démarquer passe par la proposition qui est faite dans cette thèse d’une nouvelle structure de transformateur piézoélectrique utilisant une propriété absente des transformateurs magnétiques. Depuis une vingtaine d’années, la plupart des transformateurs utilisés se base sur des architectures proches de celle de Rosen et, globalement, toutes les structures, même intégrées, reposent sur le même principe : l’utilisation d’une onde stationnaire. Les performances sont différentes selon les topologies mais un point reste identique : une tension à la fréquence de résonance avec un déphasage fixe par rapport l’entrée est disponible en sortie du transformateur. Dans cette thèse, nous proposons ainsi une nouvelle structure de transformateur piézoélectrique qui utilise une onde progressive au lieu d’une onde stationnaire. Avec cette nouvelle structure, il est alors théoriquement possible d’avoir un système polyphasé en sortie du transformateur piézoélectrique avec un nombre de tensions disponibles et déphasées entre elles théoriquement illimité.
Les avantages d’une telle structure sont nombreux. On retrouve les mêmes intérêts que ceux des transformateurs piézoélectriques à onde stationnaire mais le système polyphasé en sortie du transformateur rend possible de nouvelles applications notamment pour la conversion d’énergie : redressement polyphasé, conversion directe AC-AC pour obtenir des signaux en sortie à fréquence variable. Avec cette nouvelle structure, les possibilités offertes par les transformateurs piézoélectriques sont agrandies.
Piézoélectricité et transformateurs piézoélectriques
Piézoélectricité
L’effet piézoélectrique
Le phénomène piézoélectrique est une propriété de certains matériaux de se polariser électriquement sous l’effet d’une contrainte mécanique et capables de se déformer mécaniquement sous l’action d’un champ électrique. Ces deux effets sont respectivement appelés effet direct et effet inverse (Figure I.1). L’effet piézoélectrique direct fut découvert en premier par Jacques et Pierre Curie en 1880 en travaillant sur les propriétés électriques des cristaux tels que le quartz [1]. L’année suivante, Gabriel Lippman prédit l’existence de l’effet inverse qui fut validé expérimentalement par les frères Curie. L’effet piézoélectrique fut utilisé pour la première fois dans des applications durant la première Guerre mondiale avec l’invention du sonar par Paul Langevin [2]. Un quartz situé entre deux plaques de métal générait l’onde sonore et réalisait la détection de l’onde réfléchie ; les deux effets étaient donc mis en œuvre simultanément. Les travaux se sont ensuite orientés sur les oscillateurs à quartz encore massivement utilisés en électronique pour fournir une référence de fréquence avec une grande précision. Après la seconde guerre mondiale, avec l’apparition de nouveaux matériaux, l’effet piézoélectrique fut plus généralement utilisé dans des applications grand public et industrielles. L’effet direct a notamment été utilisé pour des allume-gaz ou des briquets ou bien comme capteur de vibration comme par exemple dans certaines têtes de lecture pour les platines vinyle. L’effet inverse est lui employé pour des actionneurs à haute précision ou des générateurs d’ultrason.
Considérations cristallographiques
Les premiers travaux des frères Curie ont montré que le phénomène piézoélectrique est principalement dû à la structure cristalline et apparaît dans les matériaux dont la maille cristalline ne présente pas de centre de symétrie. Les barycentres des charges positives et négatives sont dissociés, créant ainsi une polarisation à l’intérieur de la maille. Lorsqu’une pression est appliquée sur cette maille, les barycentres vont se déplacer et se dissocier permettant alors de créer un champ électrique menant à une polarisation électrique dans le matériau. Ainsi pour obtenir cet effet piézoélectrique, il est nécessaire d’avoir une asymétrie dans la maille cristalline, limitant le nombre de classes cristallines permettant d’obtenir un matériau piézoélectrique au nombre de 20 [3]. Parmi ces classes cristallines, certaines présentent alors aussi des propriétés pyroélectriques et ferroélectriques alors qu’elles sont absentes chez d’autres classes notamment celle du quartz.
Bien que le quartz ait constitué le point de départ de la découverte de la piézoélectricité, le développement de ces matériaux s’est ensuite orienté sur des céramiques à base d’oxydes ayant une structure cristalline de type pérovskite. Le matériau dans cette structure a une formule générale de type A2+B 4+O3- . Notamment, le matériau piézoélectrique le plus courant est le PZT (Plomb-Zirconate-Titanium) où les ions A occupent les sommets d’un cube et les ions O le centre de chaque face. L’ion B est alors au centre de l’octaèdre formé par ces derniers. A haute température, la structure est cubique et ne présente pas d’asymétrie (Figure I.2 a)) et est ainsi paraélectrique. Cependant à basse température, la structure devient quadratique et l’ion B s’écarte du centre du prisme créant ainsi la dissociation des barycentres des charges positives et négatives, permettant la polarisation électrique (Figure I.2 b)). Le matériau est alors dit ferroélectrique. La limite de température entre les deux domaines est appelée température de Curie (??).
Ces matériaux, bien que présentant une polarisation à l’échelle d’une maille, ne sont pas piézoélectriques à l’échelle macroscopique de la céramique. En effet, il existe différents domaines cristallins où les polarisations globales ont des directions différentes. Il est nécessaire alors d’orienter toutes les polarisations dans le même sens. Cela se fait en appliquant un fort champ électrique dans la direction voulue. Les moments vont ainsi s’aligner et il existera une polarisation rémanente à champ nul (Figure I.3). Si le champ électrique atteint une valeur négative trop élevée, la structure reprend une polarisation nulle. La valeur du champ dans ce cas-là est appelé champ coercitif ?? . De plus, du fait de cette polarisation, on peut considérer un comportement linéaire pour des champs peu élevés mais lorsque le champ augmente, des comportements non-linéaires peuvent apparaitre.
|
Table des matières
Introduction Générale
Piézoélectricité et transformateurs piézoélectriques
I.1 Piézoélectricité
I.1.1. L’effet piézoélectrique
I.1.2. Considérations cristallographiques
I.1.3. Equations de la piézoélectricité
I.1.4. Modes de vibration et coefficient de couplage électromécanique
I.2 Les transformateurs piézoélectriques
I.2.1. Histoire des transformateurs piézoélectriques
I.2.2. Intérêt des transformateurs piézoélectriques pour la conversion d’énergie
I.2.3. Principe de fonctionnement et structures classiques de transformateurs piézoélectriques
I.2.4. Onde de flexion et onde de volume
I.2.5. Domaines d’applications des transformateurs piézoélectriques
I.3 Conclusion
Bibliographie
Le transformateur piézoélectrique à onde progressive
II.1 Introduction
II.2 Onde progressive et onde stationnaire
II.2.1. Définitions
II.2.2. Intérêt de l’onde progressive pour les transformateurs piézoélectriques
II.3 Géométrie du transformateur piézoélectrique à onde progressive
II.3.1. Géométrie générale du transformateur
II.3.2. Géométries particulières pour l’onde de flexion et l’onde de volume
II.4 Génération de l’onde progressive dans le transformateur
II.4.1. Stratégie de commande de l’onde progressive
II.4.2. Schémas d’électrodes
II.5 Représentation électrique du transformateur piézoélectrique à onde progressive
II.6 Conclusion
Bibliographie
Modélisation analytique et performances du transformateur piézoélectrique à onde progressive de flexion
III.1 Introduction
III.2 État de l’art des modèles de transformateurs piézoélectriques
III.3 Modèle analytique du transformateur à onde progressive de flexion
III.3.1. Modélisation d’un élément simple soumis à la flexion
III.3.2. Chainage des matrices de transfert
III.3.3. Domaine de validité du modèle
III.4 Exploitation du modèle
III.4.1. Extraction des grandeurs électriques
III.4.2. Extraction des grandeurs mécaniques
III.5 Modélisation des limites de fonctionnement du transformateur
III.6 Description du dispositif expérimental pour la validation du modèle
III.6.1. Le transformateur piézoélectrique à onde de flexion
III.6.2. Considération des pertes dans le transformateur piézoélectrique
III.6.3. Schéma d’électrodes et circuit de commande
III.6.4. Description des mesures opérées sur le transformateur
III.6.5. Modèle à éléments finis
III.7 Comportement du transformateur piézoélectrique et comparaison avec les modèles
III.7.1. Etude harmonique : validation du modèle analytique
III.7.2. Coefficient effectif de couplage électromécanique
III.7.3. Puissances et rendement
III.7.4. Contraintes et déplacements
III.7.5. Conclusion sur les performances du transformateur
III.8 Utilisation du modèle analytique pour la conception du transformateur piézoélectrique optimisé
III.8.1. Influence des pertes
III.8.2. Influence de la géométrie
III.8.3. Prise en compte des contraintes physiques dans les résultats de modélisation
III.9 Conclusion
Bibliographie
Modélisation du transformateur piézoélectrique à onde de volume par extraction des paramètres électriques
IV.1 Introduction
IV.2 Protocole d’extraction des paramètres d’admittance de la matrice ????
IV.3 Le transformateur piézoélectrique à onde de volume servant à valider la modélisation
IV.4 Allures des paramètres d’admittance extraits
IV.5 Représentation sous forme de circuit équivalent de la matrice ????
IV.5.1. Circuit équivalent d’une matrice d’admittance
IV.5.2. Choix de la représentation de la matrice sous Spice
IV.5.3. Détermination des circuits RLC équivalents
IV.5.4. Implémentation du circuit complet
IV.6 Résultats expérimentaux et validation de l’approche
IV.6.1. Banc de test
IV.6.2. Analyse harmonique sur charge résistive
IV.7 Performances du transformateur piézoélectrique à onde de volume
IV.7.1. Niveaux de puissance et rendement
IV.7.2. Etude des phénomènes non-linéaires
IV.8 Conclusion
Bibliographie
Conclusion Générale